Intervention de Jean-Paul Mattei

Réunion du mardi 1er juin 2021 à 17h15
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Mattei, rapporteur spécial (Compte d'affectation spéciale Gestion du patrimoine immobilier de l'État) :

En 2020, la crise sanitaire a eu un impact important sur les recettes et les dépenses du CAS, compte d'affectation spéciale, Gestion du patrimoine immobilier de l'État – d'autant plus important que cette crise est survenue après une année 2019 particulièrement exceptionnelle pour ce CAS.

Les recettes se sont élevées à 261,5 millions d'euros, soit presque un tiers de moins que ce qui était prévu en loi de finances initiale. Les produits de cession représentent la majorité de ces recettes, à hauteur de 60 %, et le reste est constitué des redevances et des loyers pour l'essentiel. Cette différence entre le réalisé et le prévisionnel résulte principalement des faveurs accordées aux débiteurs en période de crise sanitaire. Je pense notamment aux reports et aux annulations de loyers.

La différence majeure dans l'exécution de 2020 par rapport à celle de 2019 se trouve dans la chute des recettes enregistrées par les ventes des biens immobiliers. Si elles sont considérablement inférieures, de l'ordre de 470 millions d'euros de moins, c'est surtout en raison du caractère exceptionnel de la vente de trois biens en 2019 : l'îlot du boulevard Saint-Germain, l'hôtel de Seignelay et du site de l'ENS Paris-Saclay. Si l'on fait abstraction de ce niveau de ventes exceptionnel en 2019, les recettes du CAS sont finalement assez stables. Toutefois, je ne peux que renouveler mes inquiétudes quant à la raréfaction des biens attractifs pour les années à venir. Ce phénomène risque de compromettre la pérennité du CAS si aucun effort n'est fait pour diversifier ses recettes et mieux valoriser ses biens comme je le préconise depuis plusieurs années.

La crise a également eu un effet sur les dépenses du CAS, lesquelles correspondent aux opérations structurantes – acquisitions, constructions, restructurations – et aux charges d'entretien dites du propriétaire – maintenance, réhabilitation, mise en conformité, remise en état, contrôle réglementaire, audit et diagnostic. Les opérations structurantes représentent les deux tiers des dépenses en ordre de grandeur, les dépenses du propriétaire en constituant le tiers restant. En 2020, le CAS a connu un fort ralentissement de la consommation des AE pour les opérations structurantes, de 11 % par rapport à la prévision de la loi de finances initiale et de près de 50 % par rapport à l'exécution 2019.Deux causes en sont à l'origine. D'une part, l'impact de la crise sanitaire a interrompu ou ralenti les projets et donc les investissements, comme dans le secteur privé. D'autre part, le caractère exceptionnel de l'année 2019 rend ce contraste saisissant par comparaison. En effet, le nouveau site de la Direction générale de la sécurité intérieure, la DGSI, à Saint-Ouen, a été acquis cette année-là. Logiquement, on observe le phénomène inverse pour la consommation des CP, qui sont en augmentation en 2020. Cela résulte du décalage entre l'engagement de la dépense, sa liquidation et son paiement dans des délais naturellement longs dans le secteur de l'immobilier. J'en veux pour preuve le solde combiné des restes à payer et des engagements affectés mais non consommés, qui atteint près de 70 % de la trésorerie disponible du CAS.

L'année 2020 a vu la poursuite des projets déjà engagés, comme le nouveau site de la DGSI, le CHU du Grand Paris-Nord ou encore l'Office national d'études et de recherches aérospatiales.

Pour ce qui est du tiers des dépenses restantes, celles d'entretien à la charge du propriétaire, on observe une stabilité des actions de maintenance et de contrôle technique. Ce n'est pas le cas, en revanche, des dépenses de gros entretien, de réhabilitation et de remise en état qui accusent une certaine baisse par rapport à la prévision et à l'exécution 2019. Là encore, la crise sanitaire a engendré un certain nombre de retards dans la réalisation des travaux, ce qui, je l'espère, ne sera que passager compte tenu de l'importance de maintenir le parc en bon état.

Je souhaite aussi dire un mot de l'avenir du CAS. Celui-ci ne joue malheureusement qu'un rôle mineur dans l'ensemble de la politique immobilière de l'État. En 2020, il représentait à peine 9 % de la totalité des AE dédiées aux dépenses de propriétaire pour les bâtiments de l'État. La politique immobilière de ce dernier s'appuie, en effet, principalement sur les programmes budgétaires des différents ministères – un éclatement que l'on peut regretter pour l'efficacité de son pilotage. Comme le lancement de toute nouvelle opération est conditionné par l'encaissement de recettes équivalentes, il est nécessaire de diversifier davantage les ressources du CAS, donc de mieux valoriser les biens immobiliers inutilisés en sortant de l'impasse du « tout cession » comme je le recommande depuis plusieurs années. Quelle place comptez-vous conférer au CAS dans les années à venir ?

J'en viens au thème d'évaluation auquel j'ai consacré mes travaux de rapporteur cette année : la sélection des projets pour la rénovation énergétique des bâtiments publics, financés par le Plan de relance. Pour les raisons évoquées à l'instant, ce vaste plan d'amélioration des performances thermiques concerne en premier chef le CAS, du fait de ses effets pour la valorisation future du patrimoine immobilier de l'État. J'ai voulu savoir quels avaient été les critères de sélection des dossiers, pour étudier la pertinence de ces investissements dans un horizon d'une cinquantaine d'années. Il importe de s'abstraire du stress de la crise pour véritablement penser la portée à long terme des investissements ainsi financés. Il ressort de mes travaux que ce plan de rénovation constitue un effort bienvenu, mais reste insuffisant au regard des enjeux de long terme. En effet, les projets ont été sélectionnés en fonction de la rapidité et de la facilité de réalisation, afin de soutenir l'économie – notamment le tissu local des TPE-PME et de l'artisanat.

Deux appels à projets ont été lancés en septembre 2020 dans le cadre du Plan de relance, l'un pour les bâtiments de l'État et l'autre pour ceux des universités. Trois mois plus tard, 4 214 projets ont été retenus pour un montant d'environ 2,7 milliards d'euros. Je ne peux que noter le temps très court retenu pour le calendrier d'un plan aussi ambitieux : de septembre à décembre 2020, plus de 6 000 candidatures ont été examinées pour aboutir à ces 4 214 projets. Les dossiers portés par l'enseignement supérieur et la recherche représentent le quart du total en volume et près de la moitié en valeur. Hors universités, le ministère de l'intérieur et celui des armées regroupent la moitié des projets, ce qui est logique compte tenu de leur emprise immobilière. Plus de la moitié des projets ont un coût estimé à moins de 100 000 euros. Seule une centaine concerne des opérations de rénovation globale ou de réhabilitation lourde. Il apparaît donc que l'essentiel des projets relève d'actions à gain rapide : renouvellement des éclairages, amélioration de l'isolation, changement d'équipement de chauffage, de climatisation et de ventilation. Le « relampage », par exemple, représente à lui seul 945 projets et 425 millions d'euros. Je ne peux que saluer cet effort sans précédent de l'amélioration globale des performances énergétiques des bâtiments de l'État, qui devenait urgent. Je constate, néanmoins, que la priorité a clairement été donnée à une multitude de projets rapidement réalisables plutôt qu'à des opérations d'ampleur et de long terme. Cette priorisation apparaît clairement dans les critères de sélection. Si les dossiers ont été bien notés en fonction de la performance environnementale attendue, ils l'ont aussi été en fonction de la capacité des projets à la rendre rapidement effective, entre 2021 et 2023. L'objectif a aussi et surtout visé à relancer l'économie, notamment le tissu entrepreneurial local. On peut considérer que le Plan de relance est venu financer des opérations en réserve ou, si vous me permettez l'expression, « sorties du carton » – opérations qui auraient pu être prises en charge par les programmes ministériels dont ils relevaient, sous réserve de créer les financements nécessaires.

Je m'interroge aussi concernant la capacité des entreprises à répondre rapidement à la demande adressée après des mois de crise sanitaire et de dépendance aux aides publiques. Chacun sait qu'une demande trop élevée par rapport à l'offre disponible peut conduire soit à alourdir la facture, soit à des retards de livraison. Je recommande une vigilance quant au risque de dérapage budgétaire ou aux problèmes de délais. Quelle est l'ambition du Gouvernement en matière de performance énergétique des bâtiments publics pour les cinquante prochaines années ? Comment en pensez-vous l'articulation avec les nouvelles normes introduites par la loi Climat et résilience ?

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