Intervention de Olivier Dussopt

Réunion du mardi 1er juin 2021 à 17h15
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Olivier Dussopt, ministre délégué :

Je vous remercie pour vos trois rapports spéciaux, dont le Gouvernement partage l'essentiel, même si, ici ou là, nous pouvons avoir quelques désaccords, notamment sur les ciblages ou sur l'utilité du crédit d'impôt service à la personne.

S'agissant de la gestion du patrimoine immobilier de l'État, l'exécution budgétaire du compte d'affectation spéciale est marquée par la crise sanitaire. En 2020, la ressource totale du programme 723 s'élevait à un peu plus de 613 millions d'euros en autorisations d'engagement et à 1,13 milliard d'euros en crédits de paiement. La consommation des crédits s'est établie à 392,5 millions d'euros en autorisations d'engagement et à 522 millions en crédits de paiement, laissant un solde par rapport à la ressource disponible d'un peu plus de 220 millions d'euros en autorisations de paiement et 607 millions d'euros en crédits de paiement, soit une consommation des crédits de 64 % en AE et de 46 % en CP. Je ne reviens pas sur les raisons de ce décalage, dont je partage le diagnostic avec le rapporteur.

Consécutivement, le programme Dépenses immobilières a fait l'objet en 2020 d'une annulation de crédits de paiement de 32 millions d'euros, lors de la quatrième loi de finances rectificative, dans le cadre du schéma de fin de gestion. La crise sanitaire a pesé sur l'exécution 2020 des projets immobiliers. Si nos services administratifs sont restés mobilisés pour les faire avancer, les opérations immobilières et les chantiers de travaux engagés ont été massivement interrompus au début de l'année 2020, lors du premier confinement, et l'ensemble des acteurs ont dû s'adapter aux nouveaux modes de travail. Il s'agit pour l'essentiel d'un décalage dans les calendriers de mise en œuvre des projets et des travaux, et non pas d'une réduction de la dépense pluriannuelle en année glissante.

Outre l'effet de la crise, l'activité immobilière est naturellement marquée par la mise en œuvre du Plan de relance. M. Mattei m'a interrogé sur les critères retenus dans le cadre de l'appel à projets pour la rénovation énergétique des bâtiments d'État et de l'enseignement supérieur, soit 4 214 projets sur un peu plus de 6 000 déposés. Comme vous l'avez dit, monsieur le rapporteur, les projets ont été analysés à partir de deux critères principaux de poids équivalent figurant dans les deux avis d'appel à projets publiés le 7 septembre 2020. Le premier concernait la capacité des porteurs de projets à les mettre en œuvre dans un délai compatible avec celui du Plan de relance. L'analyse a porté sur la pertinence et la maturité du projet, son calendrier, la capacité à engager l'opération, en particulier à notifier les marchés publics en 2021 et à livrer les opérations avant 2023, tout en appréciant la robustesse de l'équipe constituée pour conduire l'opération.

Le deuxième critère concernait la performance environnementale. Il a permis d'évaluer la performance globale du projet grâce à l'analyse de son gain en consommation énergétique par rapport à une situation de référence, ainsi que son gain environnemental. La pertinence de l'investissement a été examinée en particulier par le biais des indicateurs d'efficience énergétique. Les délais alloués pour l'instruction des projets ne nous ont pas permis de demander des modélisations économiques sur cinquante ans. L'analyse des dossiers de candidature permet néanmoins d'estimer la réduction de la consommation énergétique, à la fin des travaux, à plus de 400 millions de kilowattheures.

Vous avez également souligné la nécessité de maîtriser les risques liés à l'exécution des projets, impératif que nous partageons. Le principal risque identifié au début de cette année est un risque calendaire lié à des retards pris sur les phases d'études, de diagnostics et de programmation ou à un manque d'anticipation des assistances nécessaires à la passation des marchés. Ce constat a conduit à des demandes d'assistance technique parfois tardives, pour finaliser des programmes ou réorienter des projets en maîtrise d'ouvrage publique classique, dont les délais ne tiendraient plus sur 2021, vers des marchés globaux de conception-réalisation et de performance. Cela nous permettra d'envisager une signature des marchés de travaux avant la fin 2021. Je surveille tous les quinze jours l'état des projets, y compris pour lister ceux qui pourraient faire l'objet d'un risque majeur.

Concernant les coûts, dès le lancement des appels à projets, il a été demandé à tous les porteurs de projets de prévoir une enveloppe d'aléas et de révision de prix dans leur budget. Les délais très contraints ont conduit à établir des chiffrages d'opérations sur la base de ratios de coûts assez larges, y compris en matière d'aléas. La définition plus poussée des opérations au début de cette année impose aux porteurs de projets de les préciser au sein d'une enveloppe maximale octroyée sur le Plan de relance. A contrario, ne sont pas exclues des évolutions à la baisse pour certains projets.

Enfin, vous nous interrogez sur la répartition entre les actions dites à gain rapide, présentant un fort retour sur investissement, et les opérations de plus grande envergure. Cent douze projets concernent une rénovation globale ou une réhabilitation lourde pour environ 600 millions d'euros. Les autres projets comportent pour la plupart des actions à gain rapide, avec des chantiers de relamping, de changements de chaudière ou d'isolation rapide, et des travaux de gros entretien et de réparations. Ainsi, 1 450 projets mentionnent des travaux de rénovation ou de remplacement des équipements de chauffage, de ventilation et de climatisation, pour 844 millions d'euros. Par ailleurs, 945 projets mentionnent des travaux de relamping pour un montant de 424 millions d'euros.

Comme vous l'avez souligné, parmi les lauréats, il y a 2 800 projets de moins de 100 000 euros. Vous avez relevé un écart entre les montants de projets attribués et la moyenne des dossiers initialement déposés. Il résulte directement de l'objectif premier du Plan de relance, qui est de relancer l'économie, de soutenir les artisans, les TPE et les PME, et de favoriser la création d'emplois. Nous avons privilégié la rapidité de mise en œuvre : les 2 800 projets inférieurs à 100 000 euros ont été favorisés dans le classement des projets lauréats, d'autant plus qu'ils s'inscrivent sous le seuil des marchés publics, en application de la loi d'accélération et de simplification de l'action publique (ASAP). Pour ce qui concerne l'avenir du compte d'affectation spéciale, c'est un sujet sur lequel nous travaillons. Nous devons explorer deux pistes : les nouveaux modes de valorisation, y compris le recours à des baux emphytéotiques ou à des valorisations particulières, ce qui nous permettra de compenser la baisse du potentiel de vente, que je ne sais chiffrer, monsieur le président.

Concernant la mission Régimes sociaux et de retraite et les programmes 195, 741, 742 et 743, l'exécution budgétaire 2020 n'appelle pas de point d'attention particulier. Le programme 195 finance quatre régimes spéciaux de retraite – mines, SEITA, caisse de retraite des régies ferroviaires d'outre-mer et de l'ORTF. Il porte les subventions qui équilibrent financièrement cet ensemble de régimes spéciaux, dont la caractéristique est d'être fermés. Les dépenses de ce programme se sont élevées à 1,2 milliard d'euros. La capacité de financement résiduelle du programme en fin de gestion de 3,8 milliards d'euros n'a pas été mobilisée pour combler d'autres besoins éventuels de financement de la mission. Les crédits ont été annulés par la LFR du 30 novembre 2020 et l'exécution 2020 est proche de la LFI.

La dépense du CAS Pensions s'élève à 59,549 milliards d'euros, soit 64 millions d'euros de moins que la prévision de la LFI, avec un écart de 0,1 %. Cette sous-exécution relative de la dépense provient du programme 741 pour 92 millions d'euros et du programme 742 pour 9 millions d'euros. En revanche, les dépenses du programme 743 ont été supérieures de 37 millions d'euros, soit 2,3 %, et couvertes en grande partie par des ouvertures de crédits en LFR dans les programmes supports du programme 743. Les recettes du CAS Pensions se sont élevées à 60,8 milliards d'euros, soit un montant inférieur à la LFI de 216 millions. Cet écart résulte pour 247 millions d'euros du programme 741, du fait d'assiettes de cotisations moins élevées que prévu. Les recettes du programme 742 sont inférieures aux prévisions de 6,5 millions d'euros, quand celles du programme 743 sont supérieures de 37 millions d'euros.

Vous avez étudié plus particulièrement les pensions de réversion dans les régimes spéciaux et les régimes de la fonction publique d'État. Elles représentent 50 % de la pension du fonctionnaire, du magistrat ou du militaire décédé, sans condition de ressources ni d'âge, dans l'objectif de garantir le maintien du niveau de vie antérieur. Elles représentent 9,3 % des pensions civiles et militaires de retraite et 25,1 % des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Au 31 décembre 2020, les femmes représentent plus de 80 % des bénéficiaires des pensions de réversion civiles pour un montant mensuel moyen de 993 euros. Le montant moyen perçu par les hommes s'élève, quant à lui, à 879 euros. Pour les pensions de réversion militaires, elles sont versées à 99,3 % à des femmes pour un montant moyen de 794 euros et de 673 euros pour les hommes. Concernant le niveau de pauvreté des bénéficiaires des pensions de réversion, les organismes versant des pensions de retraite et le service de retraites de l'État ne disposent pas de l'accès aux informations, notamment la composition du ménage, les revenus du patrimoine, les transferts ou les autres prestations sociales et impôts directs, ce qui nous permettrait pourtant de calculer le revenu disponible des ménages auxquels appartiennent les pensionnés et d'établir leur niveau de vie.

Deux types de dispositifs contribuent toutefois à réduire les inégalités, l'allocation de solidarité aux personnes âgées et les minima de pension. Nous devons travailler pour améliorer la connaissance statistique, mesurer la précarité, mais aussi le niveau de vie décent.

Concernant l'avenir des pensions de réversion, il m'est difficile de donner une réponse dans cette enceinte. Vous avez précisé qu'il n'était pas lié au débat sur la réforme des retraites ; cependant, nous avons tous en tête qu'il a été proposé de modifier les nouvelles pensions de réversion. Nous verrons cela lors du débat, en lien avec les éléments de votre rapport.

Je termine avec la mission Remboursements et dégrèvements. Ainsi que l'a souligné Christine Pires Beaune, l'exécution budgétaire montre une hausse des dépenses de 5,7 %. Elle est marquée par une augmentation sensible des restitutions d'impôt sur le revenu, à hauteur de 11,5 milliards d'euros – 0,6 milliard en 2019 –, qui s'explique par la mise en place du prélèvement à la source. Les remboursements et restitutions liés à la mécanique de l'impôt ont ainsi augmenté d'environ 10,4 milliards entre 2019 et 2020.

Les remboursements et restitutions liés à la gestion des produits de l'État ont augmenté de 5,7 milliards du fait, notamment, de la très forte dépense liée aux contentieux de série. Vous avez rappelé que ces contentieux constituent un risque budgétaire. Avant tout, nous devons améliorer la qualité des provisions, qui sont soumises à un processus de certification par la Cour des comptes depuis 2007 – celle-ci n'a émis aucune réserve. Il est difficile et incertain de prévenir les contentieux fiscaux, conditionnés par nature à une décision de justice et dépendant du calendrier des procédures juridictionnelles. Vous avez cité plusieurs contentieux, je n'y reviens pas. Lors de chaque PLF, et chaque fois que l'opportunité se présente, nous essayons de « déminer » les contentieux potentiels – cela fut le cas avec la retenue à la source, à la suite de la jurisprudence Sofina.

L'exécution du programme 201 Remboursements et dégrèvements d'impôts locaux est en hausse de 21,4 %, du fait de la suppression de la taxe d'habitation sur la résidence principale, pour 80 % des foyers. Je vous remercie d'avoir souligné que ce programme a permis de soutenir la trésorerie des entreprises pendant la crise ; c'est dans ce but que nous avons accéléré les remboursements.

Nous essaierons d'apporter plus de réponses à vos questions concernant la nature des activités concernées par le crédit d'impôt service à la personne (CISAP). Je rappelle qu'il facilite la vie quotidienne de 4 millions de familles et qu'il constitue un soutien économique à un secteur qui enregistre 20 milliards d'euros de chiffre d'affaires et compte 1,3 million de salariés. L'État consent un investissement public de près de 5 milliards, en forte croissance ces dernières années – le coût du dispositif s'établissait à 2 milliards en 2016. Cette augmentation s'explique par la transformation, en 2018, de la réduction d'impôt en crédit d'impôt, laquelle a permis d'étendre le dispositif aux foyers non imposables.

Nous cherchons à sanctuariser et à clarifier les règles applicables, notamment lorsque certaines activités ont dû être exercées à distance durant les périodes de confinement. Nous tirons aussi les conséquences de la jurisprudence du Conseil d'État en nous assurant que le champ d'application du CISAP n'est pas modifié – nous avons pu en discuter à différentes occasions.

Nous nous attaquons à un chantier d'ampleur, la contemporanéisation du CISAP. Au 1er janvier 2022, nous proposerons aux particuliers employeurs qui ont recours au CESU et au CESU+, ainsi qu'aux parents employeurs ayant un compte Pajemploi de bénéficier d'un crédit d'impôt contemporanéisé et mensualisé. Cela permettra de réduire la facture nette acquittée par ces ménages. En avril 2022, nous étendrons ce dispositif aux particuliers employeurs qui passent par des mandataires ou des opérateurs. En 2023, ce sera le tour des particuliers employeurs bénéficiaires de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) et de la prestation de compensation du handicap (PCH) : nous travaillons avec l'ADF et l'ensemble des départements pour articuler notre dispositif avec leurs systèmes d'instruction des dossiers et de paiement.

En 2022, une partie des particuliers employeurs bénéficieront simultanément du bénéfice du crédit d'impôt au titre de l'exercice passée et du crédit d'impôt contemporanéisé. Cela représente un effort important pour l'État mais nous considérons que la contemporanéisation est de nature à faciliter le recours aux services à la personne et à lutter contre le travail clandestin. Le ticket d'entrée sera moindre puisque les particuliers employeurs n'auront pas à faire d'avance de trésorerie. Aujourd'hui, l'acompte est versé un an plus tard et la régularisation n'intervient qu'au bout de dix-huit mois. Les départements du Nord et de Paris expérimentent le dispositif, les panels s'élargissent. Dans la loi de finances pour 2021, nous avons prévu d'introduire des dispositions spécifiques dans la déclaration de revenus, destinées aux foyers concernés par l'expérimentation.

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