Monsieur Ledoux, s'agissant de l'attractivité de la France pour les étudiants internationaux, la situation actuelle est liée à l'impact de la crise sanitaire et à l'entrée en vigueur progressive du plan Bienvenue en France, présenté en 2018 par le Premier ministre d'alors.
En temps normal, la France accueille 350 000 étudiants de nationalité étrangère, soit 10 % des effectifs de nos formations d'enseignement supérieur. La croissance de la compétition internationale est une réalité, et le rythme d'augmentation du nombre d'étudiants internationaux en France est inférieur à la moyenne mondiale. Entre 2015 et 2018, la France est passée du troisième au sixième rang mondial ; l'Allemagne accueille 400 000 étudiants internationaux et nous sommes au coude-à-coude avec l'Australie et la Russie.
Il faut prendre le taureau par les cornes et nous attaquer aux causes profondes. L'un des talons d'Achille du dispositif français est la qualité de l'accueil. L'excellence de notre offre académique ne fait pas de doute, mais les conditions d'accueil ne sont pas comparables à certains campus britanniques ou américains. Le plan Bienvenue en France doit encourager une amélioration par une démarche de labellisation, et nous comptons aussi sur l'émulation entre établissements. Il faut également simplifier quelques démarches administratives, comme l'a évoqué le rapporteur spécial.
L'objectif d'accueillir 500 000 étudiants étrangers en 2027 vous semble hors d'atteinte, mais il ne faut pas y renoncer : nous devons rester tendus vers la croissance des effectifs, mais aussi, car c'est l'autre branche de notre dispositif, vers la projection de nos établissements à l'étranger, conformément au discours du Président de la République Emmanuel Macron à Ouagadougou en 2017. De ce point de vue, nous n'avons pas à rougir : le campus franco-sénégalais a ouvert à Dakar, et le Premier ministre pourra évoquer l'université franco-tunisienne demain, lors de son déplacement en Tunisie pour un haut conseil de la coopération. Ces établissements sont autant de plateformes régionales permettant d'attirer de nombreux étudiants des sous-régions concernées pour réaliser les premières années de leur cursus, en partenariat avec des établissements en France.
Il ne faut pas non plus oublier les partenariats entre établissements d'enseignement supérieur français et africains, auxquels l'Agence française de développement (AFD) consacre 20 millions d'euros par an. Dans quelques jours, nous dévoilerons les dossiers présélectionnés pour créer des formations dans des domaines aussi variés que l'environnement, la transition écologique, l'information cartographique numérique ou l'ingénierie mathématique. Chacun de ces projets recevra entre 2 et 3 millions d'euros.
Par ailleurs, nous pouvons nous enorgueillir d'être la puissance éducative qui compte le plus grand nombre de campus hors de ses frontières, cent vingt-deux, devant les États-Unis et le Royaume Uni. Si l'on compte beaucoup d'écoles de commerce parmi eux, ce n'est pas un monopole et les ouvertures sont nombreuses ces dernières années.
Notre ambition concernant les bourses est maintenue Nous souhaitons y consacrer 6 millions d'euros supplémentaires dans le prochain budget. Nous attribuons actuellement 11 000 bourses, dont 9 000 bourses d'études. Elles peuvent atteindre 700 euros par mois en licence et maîtrise et 1 400 euros pour un doctorant, ou permettre de prendre en charge les frais de couverture sociale. C'est indubitablement un outil d'influence. Nous avons engagé une hausse des moyens qui leur sont consacrés, avec 10 % supplémentaires pour les bourses d'études en 2020, et nous poursuivrons ce mouvement.
Le nouveau contrat d'objectifs qui sera signé avec Campus France permettra d'évaluer l'efficacité des bourses pour notre politique. Cette mesure, chère au rapporteur spécial, figurera dans le projet de loi de finances pour 2022. Le contrat d'objectifs de Campus France sera très prochainement soumis au Parlement.
En raison de la crise sanitaire, le nombre de visas délivrés pour les séjours d'études a diminué de 25 %, mais nous souhaitons rapidement en revenir au niveau antérieur.
Pour répondre plus précisément au rapporteur spécial, le rapprochement opérationnel entre Campus France et Erasmus+ fait l'objet d'un travail approfondi, et nous partageons le souhait de rapprocher ces deux structures. France Alumni a trouvé son public. D'ailleurs l'objectif assigné à Campus France, qui était de 73 000 inscrits en 2020, a été largement dépassé : nous en sommes à 300 000. C'est dire si la plateforme fonctionne bien. Quant au personnel amené à traiter de ces sujets, notamment les coopérants des services de coopération et d'action culturelle, nous sommes d'accord : pour atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés, il nous faut des personnes très engagées.
À propos de l'enseignement français à l'étranger, nous maintenons l'ambition annoncée par le Président de la République de doubler les effectifs d'ici 2030. Je vous assure à ce propos que le directeur de l'AEFE endosse les objectifs à dix ans, et que la tutelle veille à ce qu'ils soient poursuivis.
Quelques chiffres encourageants : malgré la crise sanitaire, le réseau de l'enseignement français à l'étranger poursuit sa croissance. À la rentrée de septembre 2020, nous avons intégré 18 nouveaux établissements, soit 9 000 élèves supplémentaires. La campagne d'homologation 2020-2021 confirme cette dynamique, puisque quarante-deux premières demandes d'homologation et cinquante-deux demandes d'extension ont été déposées. Le réseau comprend 540 établissements, répartis dans 138 pays et scolarisant 368 000 élèves.
La crise a fait craindre une contraction des effectifs, mais les aides mobilisées ont permis de franchir le cap. Ces aides étaient destinées aux établissements et aux familles, françaises comme étrangères. En effet, les deux tiers des élèves scolarisés sont étrangers – c'est un élément de la politique d'influence – et leurs familles sont touchées par les conséquences économiques et sociales de la crise. Nous avons concentré nos efforts sur les bourses et les avances de trésorerie, qui ont bénéficié à 42 établissements, essentiellement des établissements partenaires. Les aides aux familles ont bénéficié à plus de 18 000 élèves de familles étrangères, dans 250 établissements du réseau, pour un montant total de 13 millions d'euros.
Ces mesures ont permis de stabiliser les effectifs pendant la crise, et les nouvelles homologations préparent le développement du réseau. Pour ce faire, nous faisons une grande confiance au terrain et au réseau des ambassadeurs, chargés de proposer des plans d'extension et de coordonner l'ensemble. Il ne doit pas s'agir en effet d'un jeu à somme nulle : l'ouverture d'un nouvel établissement ne doit pas priver un autre de ses élèves ou de ses enseignants.
Enfin, nous étudierons les propositions structurelles de votre rapporteur pour avis portant sur la gestion de l'AEFE. Il est essentiel de pouvoir distinguer ce qui est affecté aux établissements en gestion directe ou aux autres établissements, il ne peut y avoir de boîte noire et tout doit être transparent.
J'en viens au tourisme.
Ce secteur apporte 150 milliards d'euros de recettes à la France, 90 milliards issus du tourisme national et 60 milliards du tourisme international. Depuis quatorze mois, l'État a prouvé son engagement. Ce n'est pas un slogan : avec 31 milliards d'euros d'aides, chacun mesure l'importance de l'effort. J'invite les esprits grincheux à comparer avec les pays voisins : de nombreux prestataires touristiques étrangers aimeraient bien être français ! Mais nous n'en tirons aucune gloire, c'était un dû : dès lors que le Gouvernement imposait des contraintes, il devait aider ce secteur qui constitue un fleuron de l'économie française.
Les aides ne vont pas s'arrêter à la fin du mois de juin, elles vont s'adapter. La reprise sera progressive, au rythme de l'extension des jauges d'occupation pour les restaurateurs par exemple : seulement en terrasse pour l'instant, puis 50 % de la capacité en salle à partir du 9 juin. Les chiffres d'affaires vont donc revenir de façon progressive, et nous devons aider les restaurateurs à trouver leur point d'équilibre. C'est pourquoi nous poursuivons la prise en charge par l'État de l'activité partielle dans le secteur touristique jusqu'à la fin du mois de juin et maintenons le fonds de solidarité. Ce dernier sera ouvert aux entreprises dont le chiffre d'affaires a diminué de 10 %, au lieu de 50 % auparavant, le but étant d'inciter les entreprises à rouvrir au public. La sortie des dispositifs d'aide sera donc très progressive.
Nous avons toujours été pragmatiques. Un rendez-vous est prévu à la fin de l'été pour évaluer les besoins et faire la liste des problèmes qui se posent encore. Nous n'avons pas consenti tous ces efforts pendant quatorze mois pour brutalement livrer ces professionnels à eux-mêmes. Depuis le début de la crise, le Président de la République a choisi de préserver les emplois, les talents et les entreprises en installant ces filets de sécurité très protecteurs.
Certains secteurs sont encore plus entravés. Ainsi, les professionnels de la nuit n'ont, eux, pas rouvert une seule fois depuis mars 2020. Au-delà des conséquences matérielles, ils expriment une forme de détresse morale tout à fait compréhensible : imaginez que depuis quatorze mois, nous n'ayons pas pu réaliser la mission qui nous est confiée ! Nous devons être au rendez-vous pour ces secteurs les plus affectés, dont aussi les agences de voyages. Je tire mon chapeau à celles qui ont su s'adapter : l'offre française a été développée par certaines agences dont ce n'était pas le modèle au départ. Mais globalement, le tourisme international, qui représente l'essentiel de leur chiffre d'affaires, subit encore des contraintes. Nous travaillons avec les entreprises du secteur bientôt confrontées à l'échéance du système des avoirs, décidé en mars 2020 pour apporter une réponse d'urgence à la situation. Nous étudions les propositions qu'elles nous ont transmises et continuerons à les accompagner par la suite, d'autant que je suis conscient qu'en faisant la promotion d'un été bleu blanc rouge, je les prive de perspectives en matière de voyage international.
Pour dépasser le mur de la dette, selon l'expression de la rapporteure spéciale, nous travaillons à la transformation en quasi-fonds propres. D'autres outils particulièrement intéressants peuvent encore être mobilisés, notamment le prêt Tourisme, d'une maturité de dix ans avec des remboursements allégés les deux premières années. Il est plus intéressant que le dispositif de prêt garanti par l'État, d'une durée de cinq ans et dont le remboursement est différé d'un an.
Les lacunes, nous avons tenté de les combler au fur et à mesure. Nous avons trouvé une solution pour les commerces qui avaient fait l'objet d'une reprise. Le cas des créations est plus complexe, car annoncer une aide en 2020 aurait entraîné des effets d'aubaine. Il me semble intéressant de laisser aux préfets les moyens de traiter les cas résiduels, au lieu de publier chaque mois un décret contenant des dispositions générales qui concernent en fait un public de plus en plus restreint. Je vous annonce aussi que le cas des moniteurs de ski malades ou en congé maternité a été réglé : dans le cadre du dispositif prévu pour les écoles de ski, ils pourront bénéficier d'une aide spécifique pour les acteurs locaux proposant l'encadrement d'activités sportives et qui n'ont pas accès au fonds de solidarité.
Je rappelle que le monde de la montagne a reçu 5,4 milliards d'euros en aides d'urgence, par le jeu de dispositifs ad hoc territorialisés et de l'extension du fonds de solidarité aux EPCI (établissements publics de coopération intercommunale) de montagne. Beaucoup de territoires leur envient ce dispositif ; nous nous en sommes d'ailleurs inspirés pour certains territoires d'outre-mer. Les remontées mécaniques bénéficient aussi d'un dispositif spécifique. Je ne sais pas si les compagnies de remontées mécaniques de la Suisse ou de l'Espagne par exemple, qui sont restées ouvertes pour réaliser un très faible chiffre d'affaires, n'auraient pas préféré un système d'indemnisation tel que nous l'avons proposé. Quoi qu'il en soit, nous veillons à ce que les fonds arrivent : près de 500 millions d'euros ont été décaissés.
La relance passera par les investissements et la promotion. On a reproché au plan de relance d'insuffisamment considérer le tourisme – sauf que ce secteur a bénéficié de son propre plan de relance, dès le 14 mai 2020, alors que le plan de relance national était annoncé en septembre ! Le plan du 14 mai comprenait un volet consacré aux investissements : 1,3 milliard d'euros ont été consacrés au renforcement des fonds propres, permettant de générer 6 milliards d'euros d'investissements dans le secteur grâce à l'intervention de Bpifrance, de la Banque des territoires et de la Caisse des dépôts.
Nous continuons à décliner le plan d'investissement, comme nous l'avons fait avec le fonds Avenir montagnes, qui sera doté de 180 millions d'euros venant de l'État, qui a doublé les sommes prévues dans les contrats de plan interrégionaux État-région, et de 150 millions de la part des régions. Ces annonces ont été bien accueillies. Ce plan est pensé pour accompagner la diversification de l'offre touristique et la transition, mais le Premier ministre a clairement rappelé que le ski restera une activité essentielle. Nous accompagnons les acteurs, qui n'attendent pas pour lancer les transformations, comme en témoignent les seize éco-engagements adoptés par Domaines skiables de France lors de son congrès de Grenoble.