Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mardi 1er juin 2021 à 21h00

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La réunion

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La commission, réunie en commission d'évaluation des politiques publiques, entend M. Clément Beaune, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes.

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Nous poursuivons ce soir nos commissions d'évaluation des politiques publiques (CEPP) avec les politiques relevant du ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Nous commençons par la mission Affaires européennes, en présence du secrétaire d'État Clément Beaune.

Tandis que les négociations relatives à la politique agricole commune (PAC) pour la période 2023-2027 battent leur plein et que M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation a esquissé les grandes lignes de sa déclinaison française dans le plan stratégique national (PSN), le rapporteur spécial Xavier Paluszkiewicz s'est intéressé avec à propos au bilan de la PAC dans le cadre financier pluriannuel 2014-2020.

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Le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne (PSR-UE) est prévu par l'article 6 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Il finance la majeure partie de la contribution annuelle de la France au budget de l'Union européenne (UE). Il est composé d'une contribution de la France assise sur son revenu national brut, appelée contribution RNB, d'un prélèvement sur la TVA de 0,3 % et de la correction britannique. Il est complété par les ressources propres traditionnelles que sont les droits de douane, qui ne sont pas adoptés dans le cadre d'une loi de finances mais prélevés directement par l'État pour le compte de l'Union.

En 2020, le PSR-UE a atteint 23,7 milliards d'euros, dont 21,48 milliards prévus par la loi de finances initiale. Son montant est supérieur de 2,7 milliards à celui de 2019. Ces progressions reflètent le caractère extraordinaire de l'année passée, bouleversée à l'échelle nationale, européenne et mondiale par la crise sanitaire. En effet, l'année 2020 fut celle des superlatifs : pas moins de neuf budgets rectificatifs européens ont été adoptés pour compenser les effets mécaniques de la contraction des économies européennes et pour assurer, en urgence, le financement des mesures de réponse à la pandémie.

La forte progression du PSR-UE découle de celle de la contribution RNB, qui joue le rôle de recette d'équilibre : elle s'ajuste à la hausse ou à la baisse en fonction du montant de la contribution à verser à l'UE et de l'évolution des autres ressources que sont les prélèvements sur la TVA et sur les droits de douane. Cette année, le besoin à la hausse a été double, en raison d'une part de dépenses qui n'étaient pas prévues dans le budget initial et d'autre part de la diminution mécanique des autres composantes du PSR-UE, notamment la ressource propre TVA, à hauteur de 126 millions d'euros.

Au cours de la crise, l'Union européenne a joué un rôle décisif en matière économique et financière. Qu'il s'agisse des mesures prudentielles prises en amont pour assurer la solidité du système bancaire, des financements déployés pour soutenir l'activité ou de l'activation de la clause dérogatoire aux critères de Maastricht, l'UE a été l'acteur principal de la gestion de la crise économique et financière. C'est grâce à son action qu'un potentiel de croissance durable, soutenu et redistributif se dessine pour les années à venir.

L'actualité européenne a aussi été marquée par le règlement fixant le cadre financier pluriannuel (CFP) de l'UE pour la période 2021-2027 et par l'adoption en décembre dernier par le Conseil de l'Union européenne d'une décision relative aux ressources propres (DRP) de l'UE. D'un montant de 1 074 millions d'euros, le CFP 2021-2027 a la particularité d'être accompagné du plan de relance « Next Generation EU », pour le financement duquel la Commission européenne lèvera 700 millions d'euros sur les marchés financiers au nom de l'Union.

Je félicite le gouvernement français, qui a porté cette initiative avec l'Allemagne. Ce projet historique soutiendra les investissements jugés prioritaires par les États européens. Pour la première fois, l'Europe s'est montrée unie pour assurer une solidité financière entre États membres. Les administrations françaises ont déployé tout ce qui était en leur pouvoir en ce domaine. Quelle fierté, pour la France, d'avoir su défendre ce mécanisme d'endettement commun en Europe !

Par ailleurs, la France fait partie des premiers États membres ayant ratifié la DRP précitée. L'Autriche et la Pologne, qui faisaient partie des derniers États dont on attendait le feu vert, l'ont approuvée jeudi dernier. Monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous faire le point sur l'état d'avancement de sa ratification et sur les prochaines étapes du plan de relance européen ?

Avant d'en venir à la partie thématique de mon rapport, j'aimerais formuler deux observations.

D'abord, la plupart des facteurs expliquant la forte croissance du montant du PSR-UE en 2020 auront des effets sur les prochains exercices. Tel est notamment le cas de la sortie du Royaume-Uni de l'Union, qui fait mécaniquement progresser la quote-part française du financement du budget européen, qui passe de 16 % à 19 %. De surcroît, l'évolution des montants prévisionnels inscrits au CFP 2021-2027 affiche une progression des dépenses européennes.

Ensuite, je considère l'adoption de nouvelles ressources propres comme un impératif absolu. Le remboursement du plan de relance européen, intégralement financé par un emprunt souscrit par la Commission européenne, repose sur le présupposé de l'adoption par l'UE, au plus tard en 2028, de nouvelles ressources propres. À défaut, l'équation est simple : l'impact à la hausse du PSR-UE français sera de 2,5 milliards d'euros, d'après des chiffres de la direction du budget du ministère de l'économie, des finances et de la relance. Je souscris pleinement aux projets concernant la taxe sur les emballages plastiques, l'ajustement carbone aux frontières de l'UE, la taxe sur les services numériques et enfin la généralisation de la taxe sur les transactions financières, déjà en vigueur en France.

Monsieur le secrétaire d'État, à quelques mois de la présidence française de l'Union européenne (PFUE), quelles priorités la France retiendra-t-elle en matière de création de nouvelles ressources fiscales pour l'UE ? Ne s'agit-il pas d'une opportunité historique pour renforcer ses modes de financement, notamment par des outils sociaux et environnementaux ?

J'en viens à la partie thématique de mon rapport, que j'ai souhaité consacrer à l'exécution de la PAC en France, pour plusieurs raisons. Tout d'abord, les volumes financiers en jeu sont importants. Il s'agit de ce point de vue de la première politique européenne, qui a mobilisé 408 milliards d'euros de 2014 à 2020, période du précédent CFP. Ensuite, la PAC présente désormais la particularité de faire intervenir les régions, en tant qu'autorités de gestion du second pilier, consacré au développement rural. Enfin, s'il fallait une raison de plus, l'année 2020 correspondait à la fin de la programmation initialement prévue du CFP 2014-2020 et à la préparation de la nouvelle programmation. Depuis, le cadre a été prolongé jusqu'en 2022 et les négociations en cours portent sur la période 2023-2027.

La PAC est un vaste sujet. Je me suis donc concentré sur quelques thèmes : l'effet des subventions agricoles sur le revenu agricole, l'articulation des compétences entre l'État et les régions et l'impact des financements au profit de l'installation des jeunes agriculteurs.

Je partage les interrogations qui sont apparues lors de mes auditions sur l'insuffisante lisibilité de la répartition des compétences entre l'État et les régions. Il est absolument nécessaire de poursuivre les efforts en la matière. Par ailleurs, même si l'intégration de la subsidiarité à l'échelon des régions est une évolution positive, il faut veiller à conserver un cadre national assurant la cohérence des dispositifs.

Un autre thème a été abordé au fil des auditions que j'ai menées : celui, récurrent, de la complexité de la PAC pour les usagers. La complexité, en matière de politiques publiques, reste notre pire ennemi. La simplification des relations entre l'État et les usagers constitue l'un des piliers de mon engagement en tant que député, et je crois savoir qu'il s'agit d'un objectif largement partagé parmi nous. Or c'est bien ce sur quoi bute la PAC. De nombreux jeunes agriculteurs m'ont confié avoir renoncé à déposer un dossier de financement, tant son élaboration est complexe ! Il est urgent d'agir.

Monsieur le secrétaire d'État, pourriez-vous présenter l'état des négociations et les discussions à ce sujet pour la prochaine programmation ? J'ai conscience qu'il faudra, pour atteindre les exploitations qui en ont le plus besoin, élaborer des dispositifs très fins, susceptibles de nécessiter des développements informatiques complexes. Il faut trouver le bon dosage.

Un exemple frappant : les mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC), qui sont proposées par les régions et mises en œuvre par l'Agence de services et de paiement. À ce jour, sur 10 400 MAEC proposées, seulement 6 300 bénéficient à au moins un agriculteur. En moyenne, chaque mesure développée sur le logiciel de gestion a trois bénéficiaires. Nous serons tous d'accord, me semble-t-il, pour saluer la finesse du dispositif français, qui, plus que dans d'autres États membres, tient compte de la diversité des exploitations et du territoire, mais aussi pour nous interroger sur l'intérêt des dispositifs les moins utilisés, qui sont coûteux en moyens humains et financiers.

Encore une question concernant les négociations de la PAC en cours : monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous nous dire où en est la France de l'élaboration de son PSN, tant attendu par la Commission européenne ?

Je conclurai par un dicton bien connu : « Pas de pays sans paysan ». Je tire mon chapeau à ces personnes qui, prosaïquement parlant, nous nourrissent chaque jour. Peu de professions ont subi, au cours des dernières années, autant de vents contraires que les agriculteurs, qu'il s'agisse des conséquences du commerce international, des premiers effets du réchauffement climatique, des investissements massifs à consentir ou des nouvelles attentes des consommateurs. Mes chers collègues, nous devons faire en sorte, tant à l'échelle européenne qu'à l'échelle française, de permettre à ces femmes et à ces hommes passionnés d'exercer leur métier dans les meilleures conditions possibles.

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Merci pour ce tour d'horizon très complet de l'Europe et de la PAC. C'est d'une actualité brûlante. Notre collègue Liliana Tanguy a rédigé pour la commission des affaires européennes un rapport d'information sur l'évaluation de la gestion des fonds structurels européens par les régions françaises, démontrant une forte hétérogénéité du point de vue tant des régions que des financements accordés. Comme l'a rappelé M. Paluszkiewicz, il faut assurer la lisibilité de la répartition des compétences. Nous avons récemment adopté une loi DDADUE (loi portant diverses dispositions d'adaptation du droit national au droit de l'Union européenne) qui transpose plusieurs directives européennes destinées à améliorer ce point. Peut-être pourrez-vous nous en dire un mot, monsieur le secrétaire d'État.

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Clément Beaune, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes

Pour répondre d'emblée à la première question de M. le rapporteur spécial, nous avons finalisé la semaine dernière les vingt-sept ratifications nécessaires pour le volet financement du plan de relance et du budget européen dans son ensemble. Les commentaires sur la lenteur du processus n'ont pas manqué et, à certains égards, je partage cette impatience. Je rappelle néanmoins que le Parlement français a fait preuve d'une grande diligence. La ratification de la DRP a été adoptée par l'Assemblée nationale, puis par le Sénat, dès le début du mois de février.

Par ailleurs, la ratification par les Parlements des vingt-sept États membres de la DRP, qui permet le financement du budget, s'est faite en dix mois, ce qui est un temps record. D'habitude, cela prend entre dix-huit et vingt-quatre mois, et ce en l'absence de plan de relance. En maintenant une pression forte et en insistant sur le caractère d'urgence de la relance, nous avons réussi à finaliser le processus en cinq mois exactement – les dernières notifications, après vote parlementaire, ont été effectuées hier, le 31 mai. Ce 1er juin est donc un jour important pour l'Europe, pour son financement et pour sa relance : la Commission européenne a lancé le processus d'émission des premières dettes européennes, que vous avez salué, monsieur le rapporteur spécial, qui permettront de financer le plan de relance.

Ce processus technique, qui consiste à réunir plusieurs grandes banques internationales, aboutira à des émissions sur les marchés financiers dès le mois de juin, et à des décaissements dès le mois de juillet, soit un peu plus tôt qu'on ne l'espérait au cours des dernières semaines, même si j'aurais aimé, comme vous, que le processus aille encore plus vite compte tenu de l'impératif de relance. Quoi qu'il en soit, je tenais à rappeler cette avancée en répondant à votre première question, concrète et légitime après ces mois de négociations.

Avant d'aborder les questions relatives à la PAC, j'aimerais dire un mot du budget lui-même, à présent qu'il est pleinement financé. Son montant est exceptionnellement élevé : sur la période 2021-2027, le budget européen représente 1 800 milliards d'euros. Additionné au plan de relance de 750 milliards, il permettra à notre pays de percevoir, au cours des trois prochaines années, des crédits européens deux fois supérieurs à la moyenne annuelle de la période de programmation financière qui devait s'achever en 2020. Il s'agit d'un changement d'échelle important, permis notamment par le plan de relance.

Cet effort permet de financer la relance, à hauteur de 750 milliards d'euros, dont près de 400 milliards pour des subventions directes, donc solidaires, dans le cadre des transferts financiers entre États membres, en fonction des besoins liés à la crise. Il permet aussi de financer des politiques plus traditionnelles – à ne pas comprendre comme « archaïques » – qui sont préservées ou augmentées.

Dans ces grands équilibres budgétaires, la PAC n'a pas été la variable d'ajustement des négociations budgétaires. Ce n'était pas gagné d'avance. Dans le premier projet de budget présenté par la Commission européenne, les crédits de la PAC étaient en baisse de plus de 15 milliards par rapport au niveau atteint sur la période 2014-2020. Nous avons rattrapé ce qui aurait été, me semble-t-il, une erreur, voire un massacre. Le Président de la République ne l'a pas accepté et c'est devenu notre priorité absolue dans la négociation budgétaire. Les moyens de la PAC ont donc été préservés, et même légèrement augmentés, ce qui garantit notamment la stabilité du budget du premier pilier de la PAC, qui constitue le revenu le plus directement versé aux exploitants agricoles. Nous devions préserver cet élément de solidarité et de souveraineté européennes ; nous l'avons fait.

D'autres politiques essentielles bénéficient de moyens financiers accrus, notamment la politique régionale, dont les crédits augmentent d'environ 15 %, soit plus de 50 milliards d'euros supplémentaires par rapport à la programmation pluriannuelle précédente, la politique de recherche et développement, avec 50 % d'augmentation, et le programme emblématique et essentiel qu'est Erasmus. Plus généralement, les crédits consacrés à la mobilité sont quasiment doublés dans la nouvelle programmation budgétaire.

Pour compléter ce panorama succinct, j'indique que certaines des nouveautés figurant dans le CFP 2021-2027 et dans le Plan de relance sont consacrées au développement concret de la souveraineté européenne. Ainsi le budget européen de défense, certes modeste, de 7 milliards d'euros sur sept ans, permet pour la première fois de financer des projets de recherche et des projets capacitaires. Le budget spatial est aussi très fortement augmenté.

Le budget est également assorti d'obligations financières et réglementaires très ambitieuses en matière climatique. Les crédits des plans de relance nationaux éligibles aux financements européens doivent en effet comporter plus d'un tiers de dépenses directement liées à la préservation du climat et à la transition écologique. Associée à la dette commune, cette caractéristique fera de l'UE, sans doute dès 2021 et de toute façon en 2022, le premier émetteur d'obligations vertes au monde. Ces données ne sont pas suffisamment mises en avant. Elles indiquent, par-delà les chiffres et la technique, les véritables choix politiques de l'UE, dans lesquels la France a beaucoup pesé, de façon souvent transpartisane.

S'agissant plus spécifiquement de la PAC, que vous avez abordée à juste titre en détail, monsieur le rapporteur spécial, des discussions difficiles sont en encore cours – Julien Denormandie en a fait état dans l'hémicycle cet après-midi. Nous avons arrêté son volet budgétaire, qui garantit la stabilisation de ses moyens, ce qui est essentiel. Nous devons maintenant la mettre en œuvre pour les sept années à venir, dans le cadre du PSN qui s'appliquera à partir du début de l'année prochaine.

La discussion entre le Parlement européen et le Conseil de l'UE est difficile. Elle a temporairement échoué cette semaine, car nous avons estimé, et les vingt-six autres États membres avec nous, que la proposition du Parlement était excessivement complexe, à rebours de la simplification que vous évoquiez.

La gestion des fonds est traditionnellement peu lisible. Je crois sincèrement que nous avons progressé en matière de transparence et de clarté de la répartition des compétences entre l'État et les régions. S'agissant de la politique de développement rural, les programmes sont désormais largement régionaux. L'autorité de gestion est confiée aux conseils régionaux, dans un cadre national relevant de l'État et fixant des éléments communs essentiels. Il s'agit de dessiner un modèle agricole et une forme d'égalité territoriale, par le biais d'éléments impératifs tels que l'indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN) et certaines exigences environnementales, au premier rang desquelles les MAEC, dont l'existence est définie au niveau national et imposée par la réglementation européenne, et dont les modalités, la définition précise et la gestion relèvent des régions.

L'État doit prendre sa part dans ce processus de simplification, en clarifiant la répartition des compétences entre lui et les régions. Il importe aussi, s'agissant de dispositifs qui relèveront de plus en plus des conseils régionaux, de ne pas multiplier les outils et de ne pas complexifier nous-mêmes le système tout en imputant les difficultés rencontrées par les agriculteurs à l'Europe. Celle-ci doit faire sa part, mais nous devons décliner les mesures de façon pragmatique.

Plus spécifiquement, pour la plupart des aides, ce sont, en gestion, les services déconcentrés de l'État qui instruisent, contrôlent et définissent les outils informatiques, notamment ceux de suivi des dépenses ; mais pour les aides relevant du développement rural, c'est la région qui définit les critères et décide de leur attribution. Plus spécifiquement encore, une décision prise à la fin de l'année 2019 lors d'un comité État-régions consacré au développement rural, insérée dans la loi DDADUE, clarifie la répartition des compétences entre l'État et les régions, même si elle demeure perfectible.

Pour résumer, nous aurons une réglementation européenne nouvelle, qui n'est pas encore complètement définie, imposant un programme national unique et laissant à chaque État membre une certaine liberté pour s'organiser.

S'agissant du développement rural, nous avons notifié aux autorités européennes que les régions décident de l'élaboration, de la programmation et du contrôle des aides « non surfaciques », qui ne sont pas corrélées aux surfaces agricoles. Il s'agit notamment des aides à l'installation des jeunes agriculteurs et des aides à l'investissement pour les projets de développement rural, telles que le programme LEADER (Liaison entre actions de développement de l'économie rurale), qui est particulièrement important pour les petites collectivités locales. L'État, de son côté, exerce des compétences de gestion et de suivi, et conserve la gestion des aides « surfaciques », notamment l'ICHN, certaines mesures agro-environnementales et l'aide à la conversion bio.

Désormais, les compétences sont donc décroisées, pour employer un mot un peu technocratique. Cela permet d'éviter l'intervention en gestion et en définition des critères à la fois de la région et de l'État sur le même dispositif, comme cela se produisait jusqu'à la dernière période de programmation. Cela ne signifie pas que les services de l'État et ceux des conseils régionaux ne doivent pas travailler ensemble, mais la situation est clarifiée.

Les aides aux jeunes agriculteurs prennent deux formes, qui seront maintenues : le paiement additionnel pour les jeunes agriculteurs, qui est un paiement direct octroyé pour cinq ans, et la dotation jeune agriculteur (DJA), qui est une aide financière ponctuelle, destinée à accompagner un projet spécifique d'installation. Dans la future PAC, le paiement additionnel pour les jeunes agriculteurs ne sera plus octroyé sous forme d'un paiement à la surface, mais sous une forme forfaitaire décorrélée de la surface. Cela améliorera la lisibilité du dispositif en dispensant les jeunes agriculteurs de calculer leur montant particulier. Quant à la DJA, elle relèvera entièrement des régions.

S'agissant de l'élaboration du PSN, qui est la déclinaison nationale de la PAC, nous maintenons les exigences que nous avons défendues, et défendons encore, dans les négociations européennes. Le ministre Julien Denormandie a présenté au secteur agricole ses premiers arbitrages le 21 mai, en insistant sur quelques points, notamment le maintien – il s'agit d'une bataille que nous avons menée au cours des deux dernières années – des dispositifs structurants pour les territoires en difficulté, au premier rang desquels l'ICHN, et l'accompagnement du verdissement de la PAC. Ce dernier est un concept sympathique, mais qui a un coût, que nous assumons par exemple en augmentant en moyenne de 90 millions d'euros par an l'enveloppe dédiée à l'agriculture biologique. Julien Denormandie a aussi présenté les contours du PSN, en insistant sur l'investissement dans l'agriculture de demain et sur l'innovation au profit des nouvelles générations. La part des crédits consacrés à l'installation des jeunes agriculteurs financés à l'échelon européen passera de 645 à 678 millions d'euros, ce qui permettra, dans certains cas, d'augmenter de 50 % le montant de l'aide à l'installation.

Le ministre a également évoqué un chantier important de la présidence française de l'UE : le renforcement de notre indépendance alimentaire dans le domaine des protéines végétales. Nous sommes très dépendants des importations. Les cibles seront bientôt précisées. Il s'agit de renforcer notre indépendance année après année, au cours de la période 2021-2027, et de réduire nos importations.

Quant au calendrier, le PSN sera rédigé d'ici l'été, et soumis à une évaluation environnementale et à un débat public à l'automne, après les nombreux échanges qui ont déjà eu lieu entre le ministre et les organisations professionnelles. Tout cela permettra de transmettre le PSN à la Commission européenne d'ici la fin de l'année, en vue d'une mise en œuvre début 2022.

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À vous entendre, monsieur le secrétaire d'État, on ne peut qu'être fier de constater que la France est bel et bien un moteur du projet européen, et qu'elle s'inscrit au cœur de son financement. M. le rapporteur spécial a rappelé les raisons d'ordre technique expliquant l'augmentation du PSR-UE. J'y vois également la marque de l'irrémédiable attachement de la France à la solidarité continentale liant les États membres entre eux, et surtout de la volonté du Président de la République et de la vôtre, monsieur le secrétaire d'État, de faire de la France le moteur d'une Union plus solidaire, plus juste, plus verte et plus en phase avec les enjeux de notre époque.

Si la France est l'un des principaux contributeurs du budget de l'UE, elle est aussi l'un des États membres qui en bénéficient le plus. Il importe de le rappeler, à l'heure où beaucoup tentent de faire croire que l'Union est responsable de tous nos maux. À rebours de ces fantasmes, elle est en réalité au cœur de la solution. Il n'en reste pas moins que la PAC doit être simplifiée. Je rejoins M. le rapporteur spécial sur ce point, et salue à cette occasion la grande qualité de son travail.

Sans revenir plus que nécessaire sur les aspects purement budgétaires du PSR-UE, il m'est difficile de ne pas évoquer le Plan de relance inédit dont la France bénéficie, et qui est le fruit de son volontarisme à l'échelle européenne. Cent milliards d'euros pour la France, 750 milliards à l'échelle de l'Union : ce sont des montants extraordinaires.

Si la pandémie a mis en lumière quelques hésitations initiales sur la capacité des États membres à adopter une réponse commune, elle a permis de franchir une étape historique : la dette commune. À présent que les États membres ont tous ratifié le Plan de relance de 750 milliards d'euros, permettez-moi, monsieur le secrétaire d'État, de vous remercier de l'énergie que vous avez déployée au nom de la France. Il s'agit d'une étape historique dont chacun, ici et dans le pays, peut être fier.

J'aimerais vous poser deux questions. D'abord, la Commission européenne a réuni aujourd'hui les grandes banques internationales au sujet du financement du plan de relance. Connaît-on l'échéancier d'émission de la dette commune ? Ma deuxième question plus générale, porte sur la présidence française de l'UE, qui courra de janvier à juin 2022. En tant qu'élue du Nord, département au cœur du carrefour européen, cela m'inspire de la fierté. Quelles seront les priorités françaises ? À titre d'exemple, je constate chaque jour la nécessité d'une coopération renforcée en matière policière.

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M'éloignant pour ma part de la PAC, j'évoquerai d'abord le passé, conformément à l'esprit de la CEPP. Monsieur le secrétaire d'État, avez-vous dressé un bilan du Brexit faisant apparaître le reste à liquider afférent ? Par ailleurs, le PSR-UE, qui était passé de 20 à 22 milliards d'euros en 2013, passe cette année de 21 à 23 milliards. Il est fréquent de constater une hausse du paiement des fonds européens en fin de période de programmation. Avez-vous constaté une différence ? En effet, le montant est inchangé alors que théoriquement, nous aurions dû constater une forte hausse l'année dernière. Enfin, avez-vous entrepris une analyse fine du CFP et des politiques publiques déployées, afin de déterminer si elles ont bien fonctionné ?

Pour ce qui est de l'actualité, la France a présenté à la Commission européenne son plan national de relance et de résilience et son programme de stabilité. Pensez-vous que la Commission les acceptera tels quels ?

Enfin, j'évoquerai l'avenir, par le biais de deux questions. Chaque année, la Commission européenne adresse aux États membres des « recommandations spécifiques par pays ». Celles adressées à la France portaient sur la fiscalité et les dépenses publiques. L'année dernière mise à part, pensez-vous que nous sommes en mesure de nous y conformer ? Pour ma part, je le crois. Par ailleurs, même si le budget de l'État et le budget de l'UE sont distincts, les recettes et les dépenses ont la même provenance. Il me semble nécessaire de les coordonner. Qu'en pensez-vous ? Nous pouvons esquisser des perspectives d'évolution, d'autant plus que le projet d'un impôt sur les sociétés (IS) à l'échelle mondiale semble proche d'aboutir, alors que le taux de l'IS en France est assez élevé.

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Le PSR-UE a atteint 23,7 milliards d'euros en 2020, soit 2,2 milliards de plus que prévu par la loi de finances initiale pour 2020. Il représente 9,5 % des recettes fiscales nettes de l'État. Avec les droits de douane collectés par la France et reversés, notre contribution financière totale au budget européen s'élève à 25,3 milliards d'euros, soit un niveau jamais atteint. Cette forte variation prouve qu'il est très difficile, compte tenu des nombreux budgets rectificatifs de l'UE, de prévoir le montant exact de la contribution française dans une loi de finances initiale.

La situation semble due pour partie à des facteurs exceptionnels, tels que la diminution du montant des droits de douane collectés en raison de la contraction des échanges. Mais trois facteurs structurels contribuent à rendre durable cette augmentation de la contribution financière de la France : la sortie du Royaume-Uni de l'UE, le relèvement du plafond des dépenses du CFP à hauteur de 1,46 % et l'adoption par le Conseil européen de nouvelles règles de répartition et de calcul des contributions des États membres. Monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous détailler le poids de ces trois facteurs dans l'augmentation plus importante que prévu du PSR-UE de la France en 2020 ?

S'agissant des équilibres du budget de l'État, la Cour des comptes a suggéré, à propos du PSR-UE, de clarifier la nature et la portée financière de l'engagement pris par la France, afin que l'UE puisse remplir ses obligations de remboursement de l'emprunt lié au plan de relance européen. Comment le Gouvernement compte-t-il tenir compte de cette recommandation ?

Enfin, compte tenu de l'importance croissante des montants de la contribution financière de la France au budget de l'UE, il est grand temps de prévoir une véritable politique de communication offensive sur l'utilité des crédits afférents. Il convient d'élaborer une véritable stratégie nationale de transparence.

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Si nous pouvons nous réjouir collectivement de la ratification du plan de relance européen, qui restera dans l'histoire, nous devons aussi nous interroger sur la mise en œuvre du décaissement et sur son calendrier.

Mais j'aimerais surtout évoquer le programme Erasmus. Tout à l'heure, en présentant mon rapport sur la mission Action extérieure de l'État, j'évoquerai l'utilité de renforcer les liens entre Campus France et le groupement d'intérêt public Erasmus+, qui est chargé du volet français du programme Erasmus, en vue de les rendre plus opérationnels. Ces deux acteurs considèrent qu'ils sont allés aussi loin que possible dans le rapprochement, et qu'une fusion n'est pas envisageable. J'estime pour ma part que leur coopération pourrait être améliorée, afin de muscler le dispositif et de mettre un terme à notre sous-représentation dans les masters conjoints Erasmus Mundus, qui offrent des bourses aux meilleurs étudiants du monde – et cela à l'heure où nous devons nous ouvrir davantage encore à la mobilité africaine, dès lors que le Président de la République a fait de l'Afrique sa priorité diplomatique. Je m'interroge sur la méthode, les objectifs et l'agenda d'un tel rapprochement opérationnel.

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La contribution de la France au budget de l'UE s'élève à 25,3 milliards d'euros. Le PSR-UE a augmenté en 2020, année du Brexit. Ce dernier ne se passe pas bien du tout ; dans ma circonscription de bord de mer, la question de la pêche reste d'actualité. Peut-être M. le secrétaire d'État nous en dira-t-il plus sur ce point.

L'urgence de la crise du covid-19 a entraîné l'adoption d'un plan d'endettement commun, qui s'ouvre en cette première année du CFP 2021-2027. En échange de leur participation, les pays dits « frugaux » ont négocié une ristourne de 7,6 milliards d'euros, dont on ne parle plus beaucoup. De tels accords ne sont pas à l'avantage de l'UE, même si on les présente toujours comme historiques. Pour la France, le manque à gagner est de 700 millions d'euros. Des contreparties étaient prévues, notamment l'élaboration d'une taxe sur les transactions financières, une autre sur les géants du numérique et une harmonisation fiscale. Où en est-on ? Parle-t-on toujours de contreparties à l'échelle de l'UE ?

S'agissant de la PAC, nous considérons que le compte n'y est pas, surtout en matière de soutien de nos agriculteurs, qui doivent consentir des investissements pour la nécessaire transition écologique.

Enfin, nous sommes opposés aux accords de libre-échange en cours de négociation. Nous considérons qu'ils vont à l'encontre du bon sens écologique et budgétaire, car ils consistent systématiquement à supprimer des droits de douane, et aussi du bon sens social, car ils tirent vers le bas la compétitivité des États membres soucieux d'établir des normes élevées en matière de droit du travail et de préservation de l'environnement. Par ailleurs, si l'on ouvre les frontières, il faut être en mesure de contrôler les marchandises ainsi que le respect des accords. Il faut donc augmenter le nombre de douaniers. Ce métier rapporte plus qu'il ne coûte, où en est-on sur ce sujet ?

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S'agissant des conséquences du Brexit les pêcheurs hauturiers de ma circonscription, qui effectuent traditionnellement l'essentiel de leur pêche dans les eaux britanniques, me signalent qu'ils font l'objet de contrôles très tatillons, et sont parfois obligés à stationner longuement dans les ports britanniques.

Par ailleurs, la PAC ne se réduit pas à un système d'aides, elle est aussi un marché unique, qui suppose l'existence de règles à peu près équivalentes pour tous. En Espagne par exemple, on utilise massivement le glyphosate, on cultive des OGM sur des milliers d'hectares et on utilise des farines animales pour nourrir les animaux, notamment les porcins et les gallinacés. Fait-on quelque chose à ce sujet ? Et en Allemagne, même si les choses se sont un peu améliorées, il semble qu'on utilise massivement une main-d'œuvre non communautaire, issue de la partie la plus orientale de l'Europe, et que la TVA serve de véritable système de subventions agricoles. La France a-t-elle pris des initiatives pour atténuer ces chocs de concurrence ? Nous voulons toujours laver plus blanc que blanc, car nous sommes très forts, meilleurs que les autres : moralité, nous laissons les autres agir.

Ma troisième question est d'ordre plus symbolique. Le Président de la République a réaffirmé la place de Strasbourg dans l'UE, ce qui est une bonne chose. Mais une question de bon sens demeure en suspens, qui doit me semble-t-il être soulevée par la France : les Britanniques ayant quitté l'Union, il est un peu surprenant que l'anglais demeure une langue de travail massivement employée, y compris par nos propres fonctionnaires. La France prend-elle des initiatives pour que les langues utilisées dans les instances européennes soient au moins celles des États membres ?

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Avant de donner la parole à M. le secrétaire d'État, je rappelle que l'objet de la CEPP est de regarder dans le rétroviseur pour savoir d'où nous venons – ce qui permet de savoir où nous allons. C'est ce qu'a brillamment fait M. le rapporteur spécial en dressant le bilan de la PAC 2014-2020. Monsieur le secrétaire d'État, le but de notre réunion n'était pas de répondre à des questions sur des dispositifs qui ne sont pas encore arrêtés.

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Clément Beaune, secrétaire d'État

Je me plie volontiers à l'exercice, et m'efforcerai aussi de fournir les précisions demandées quant à l'avenir, en ce jour où nous avons franchi une étape importante s'agissant du budget européen.

Je répondrai d'abord à la question de Mme Osson sur l'emprunt de l'Union destiné à financer le plan de relance. Tout commence aujourd'hui 1er juin, premier jour où cela était juridiquement possible après les vingt-sept ratifications qui ont été acquises la semaine dernière.

Concrètement, le mécanisme est celui qu'utilisent les États lorsqu'ils empruntent. Il s'agit de réunir – pardon, monsieur Le Fur, pour cet anglicisme qui sera le premier et le dernier avant de souscrire à vos propos sur la question linguistique – un pool de banques. La Commission européenne en a identifié trente-neuf. Une première réunion s'est tenue pour placer, sur les marchés financiers, les dettes européennes destinées à financer le plan de relance. Cette étape franchie, une première émission de dette européenne aura lieu dès le mois de juin, et deux autres d'ici la fin du mois de juillet, voire davantage si les conditions financières le permettent, d'après ce que nous a indiqué la Commission européenne.

Ainsi, d'ici la fin de l'année, plus d'une centaine de milliards d'euros de dette européenne auront été émis sur les marchés financiers, dont au moins 80 milliards d'euros de titres à moyen et à long terme, et plusieurs dizaines de milliards à court terme pour financer les besoins de trésorerie, de remboursement et d'adaptation aux conditions financières.

Le montant de la première émission tournera autour de 10 milliards d'euros. Sur l'année 2021, le montant dépassera vraisemblablement 100 milliards d'euros, ce qui est considérable. Je rappelle que la Commission européenne doit réaliser ses émissions de dette en trois ans, de 2021 à 2023. Elle présentera à l'automne un plan sur sa stratégie de financement, ajusté en fonction des premières émissions. Il s'agira, pour au moins un tiers d'entre elles, d'émissions vertes, ce qui fera de l'UE le premier émetteur d'émissions verte au monde.

Le programme de la présidence française de l'Union européenne est en cours d'élaboration. S'agissant des présidences semestrielles, il est de coutume que le programme soit dévoilé le 1er décembre de l'année qui précède. Le nôtre sera donc connu le 1er décembre 2021.

Toutefois, et pour rebondir sur vos propos, il me semble que nous devons défendre des avancées au niveau européen en matière de coopération policière et judiciaire. N'y voyez aucune référence à l'actualité : le fait est que la lutte contre la criminalité transnationale – y compris le terrorisme, sa forme la plus grave – nécessite de la coopération dans les domaines du renseignement, des enquêtes policières et des procédures judiciaires. Cela fait partie des initiatives que nous poursuivrons lors de la présidence française ; j'y travaillerai dans les prochaines semaines avec mes collègues Gérald Darmanin et Éric Dupond-Moretti. À cet égard, je tiens à signaler, car c'était aussi une initiative française, que le parquet européen a commencé à fonctionner aujourd'hui même. Certes, le champ des infractions entrant dans ses attributions est assez limité – il s'agit principalement de la lutte contre la fraude et la corruption – mais c'est un pas en avant extrêmement important en matière judiciaire.

Il y a trois domaines dans lesquels on peut d'ores et déjà considérer, au vu de l'agenda européen et de nos propres priorités, que nous enregistrerons des avancées importantes pendant la présidence française – ce qui ne veut pas dire qu'il ne faudra pas se battre pour les obtenir.

Premièrement, dans le domaine social, la Commission formulera dans les prochaines semaines un grand nombre de propositions que nous avons soutenues, voire initiées. Le devoir de vigilance, pour faire écho aux propos de M. Lecoq sur la nécessité d'un commerce plus équitable, fera ainsi l'objet d'un texte. S'agissant du salaire minimum européen, un texte est déjà en discussion ; le processus pourrait aboutir pendant la présidence française. La Commission européenne en présentera également un visant à assurer la protection sociale des travailleurs des plateformes, tels les livreurs d'Uber eats ou de Deliveroo, qui sont en première ligne, durant la crise actuelle, dans toutes les villes d'Europe.

Dans le domaine du numérique aussi, certains textes très importants peuvent aboutir au cours de la présidence française. C'est le cas notamment en ce qui concerne la responsabilité des grandes plateformes s'agissant des contenus qu'elles publient, avec le Digital Services Act et le Digital Markets Act, sans oublier, bien entendu, la question de la taxation de ces plateformes.

Le troisième domaine concerne le climat. Parmi les propositions de la Commission européenne figure le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, que la France a défendu seule pendant longtemps. Cet outil, que l'on désigne parfois sous le nom « taxe carbone aux frontières », même s'il ne s'agit pas à proprement parler d'un dispositif fiscal, constituera un progrès très important en direction de la justice économique et écologique. Il n'est pas non plus sans lien avec la question des ressources propres du budget européen. Il devrait être présenté cet été et sera adopté, je l'espère, durant la présidence française – à tout le moins, nous devrions avancer sur la question. Je vous propose de revenir vous en parler dans peu de temps.

Monsieur Jerretie, le premier volet de l'accord sur le Brexit, conclu fin 2019, prévoit la remise d'un chèque britannique, conformément aux engagements financiers pris en commun à l'époque où le Royaume-Uni faisait partie de l'Union européenne – ce que ce pays semble avoir déjà un peu oublié, alors que cela a été le cas pendant près de quarante-cinq ans. Le montant total est de près de 35 milliards d'euros. Il sera ajusté en fonction de certaines données financières, notamment l'inflation. Le Royaume-Uni s'en acquittera principalement au cours de la période prévue pour le budget européen, soit 2021-2027. Un versement de 7 milliards d'euros est prévu en 2021, et un autre de plus de 10 milliards en 2022. Il ne s'agit pas d'une quelconque indemnité de divorce : le montant correspond à des obligations relatives au budget de l'Union européenne. Il s'agit des retraites de fonctionnaires européens, de programmes financiers qui étaient en cours et qui donnent lieu à des restes à liquider, de paiements qui demeurent obligatoires, mais aussi de programmes européens, tel le Fonds européen de développement, ou d'autres organes européens auxquels le Royaume-Uni participait jusqu'à la fin de l'année 2020, comme la Banque européenne d'investissement. Ces obligations financières ont été consacrées dans l'accord. Pour l'instant, il n'y a pas d'alerte signalant une mauvaise volonté ou des retards de paiement, contrairement à ce qui a été évoqué dans le domaine de la pêche.

Je vous apporterai des précisions supplémentaires concernant les restes à liquider et l'exécution budgétaire. Nous n'avons pas constaté d'anomalie dans l'exécution budgétaire en 2021. Certes, il s'agit d'un budget particulier, qu'il a fallu rectifier à plusieurs reprises, mais les écarts constatés entre la programmation et l'exécution ne nous semblent pas anormaux en l'état actuel des informations dont nous disposons.

L'analyse des politiques publiques est un vaste sujet. Je ne saurais traiter ensemble la politique agricole commune et la politique de cohésion, ni toutes les autres. Du reste, il est un peu tôt pour avoir une évaluation à jour concernant l'efficacité des politiques publiques menées dans le cadre de la programmation budgétaire 2014-2020. Un certain nombre d'éléments de la PAC par exemple, pourraient faire l'objet de simplifications : c'est une critique fondée, que l'on adresse de manière récurrente aux programmes européens. Nous nous attaquons à ce travail.

S'agissant de l'acceptation du plan de relance par la Commission européenne, exercice auquel chaque pays membre se soumet, nous avons des raisons d'être optimistes. De nombreuses discussions ont eu lieu avec la Commission avant la remise du plan national de relance et de résilience. Nous respectons les critères européens en matière de dépenses climatiques et numériques. Nous avons donc plus que bon espoir d'obtenir rapidement une validation de la part de nos partenaires et de la Commission européenne. L'accord devrait intervenir aux alentours de la mi-juin.

En ce qui concerne les recommandations par pays, il y en a beaucoup. Vous avez évoqué la revue des dépenses : cela fait partie des éléments que nous avons inscrits dans le plan de relance et de résilience.

Vous avez appelé de vos vœux la coordination des budgets ; je la souhaite moi aussi. L'un des moyens d'y parvenir est d'avoir des débats plus réguliers sur le contenu des politiques européennes – exercice auquel je me prête volontiers – afin de ne pas se limiter à la soirée consacrée chaque automne, dans le cadre du projet de loi de finances, au prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne, qui donne plus lieu à des invectives sur l'Europe et ses dérives qu'à un débat de fond.

Monsieur David, vous avez évoqué l'augmentation du budget de l'Union européenne en 2021 et celle du prélèvement sur recettes. Cela s'explique en partie par la nouvelle programmation budgétaire, mais c'est surtout lié à la crise, pour cette année en tout cas – ce sera sans doute un peu moins vrai après 2022. Cette crise a fait reculer un certain nombre de ressources propres, notamment douanières, et augmenter des dépenses européennes. Ainsi, l'Europe a financé la chaîne des vaccins par un mécanisme d'urgence. C'était une dépense nécessaire. Au total, 80 % des surcoûts de 2021 par rapport à 2020 sont liés à la crise, ce qui n'a rien d'anormal. Le prélèvement sur recettes envisagé pour 2021 est en augmentation de 15 % par rapport à l'estimation d'exécution pour 2020, là où, pour reprendre une comparaison chère à M. Jerretie, le budget national a augmenté de 12 %. Bref, le budget augmente en ce moment du fait de la période exceptionnelle que nous vivons, mais je ne cache pas – cela se voit dans les nouvelles programmations financières – qu'il continuera à le faire dans les prochaines années, indépendamment du plan de relance et de l'effet du Brexit.

En ce qui concerne le remboursement du plan de relance, notre priorité est bien sûr d'obtenir le plus vite possible la création de nouvelles ressources propres, dans des proportions aussi importantes que possible. L'accord de juillet 2020, adopté à l'unanimité, a entériné un engagement de principe à cet égard. Le Parlement européen a renforcé cette obligation en votant à une large majorité une feuille de route, soutenue par la France, selon laquelle ces ressources devaient être présentées et adoptées rapidement. De fait, la Commission européenne présentera d'ici au début de l'été deux propositions législatives portant sur des ressources propres nouvelles : d'une part, le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, d'autre part, un dispositif concernant le numérique – car c'est l'un des principaux manques de notre système en matière de justice fiscale internationale. J'espère que ces textes seront adoptés dans le courant de l'année 2022. Il y aura ensuite une deuxième vague de propositions concernant les ressources propres, qui comprendra notamment la taxe sur les transactions financières, dont l'adoption est prévue d'ici 2026, soit avant le début du remboursement du plan de relance.

Monsieur Ledoux, il est vrai que nos résultats sont insuffisants dans un certain nombre de programmes dépassant le cadre de l'Europe, notamment Erasmus Mundus. Cela s'explique en partie par le fait que, dans notre pays, on ne sait pas assez qu'Erasmus est un programme de mobilité internationale qui n'est pas seulement interne à l'Europe, même si c'est son objet prioritaire. Avec une bourse Erasmus, on peut tout à fait aller étudier au Canada ou aux États-Unis – certes, c'est plus compliqué pendant l'épidémie de covid-19, mais cela reprendra. Je vous donnerai des éléments plus précis sur nos performances relatives et la façon de les améliorer.

Monsieur Lecoq, j'ai déjà eu l'occasion de vous dire mon regret que nous n'ayons pas réussi à réduire les rabais, voire à les supprimer. C'était l'un de nos objectifs dans la négociation, mais celle-ci a pris un tour tout à fait exceptionnel avec la création du plan de relance et la perspective des nouvelles ressources propres. Celles-ci seront d'ailleurs un moyen de mettre un terme aux rabais : nous continuerons à mener ce combat lors des prochaines négociations budgétaires.

On entend dire parfois que la France se serait « fait avoir » dans la négociation budgétaire. Je précise à cet égard, même si ce n'est pas une consolation, que notre pays demeure un contributeur net, par habitant et en pourcentage du PIB, très inférieur aux pays bénéficiaires des rabais. C'est d'ailleurs l'une des justifications à leur existence, même si l'argument me paraît tout à fait excessif. Quoi qu'il en soit, la France est vigilante quant au respect de ses intérêts budgétaires dans la négociation.

Je ne pense pas vous surprendre en vous disant que je partage assez largement vos critiques concernant les accords de libre-échange. Si je ne crois pas qu'il faille en supprimer le principe, je considère qu'il faut changer de modèle : il convient d'être plus exigeant sur le plan des contrôles sanitaires et alimentaires, sur le plan environnemental et sur le plan social. C'est ce que nous ferons à travers le texte européen sur le devoir de vigilance ; c'est ce que nous faisons en refusant certains accords quand nous les estimons déséquilibrés, comme c'est le cas de celui avec le Marché commun du Sud (MERCOSUR). Sur ce point, vous le savez, notre détermination est très claire.

Monsieur Le Fur, s'agissant de la pêche, nous déplorons un certain nombre de manquements des Britanniques à leurs engagements, ou de sur-interprétations de leur part – on l'a vu pour Jersey. Annick Girardin et moi-même avons dénoncé cette situation. Certaines des conditions posées sont inacceptables, les Britanniques se livrent à des contrôles tatillons, refusent les bases avancées en Écosse… Bref, le compte n'y est pas. Nous continuerons à nous battre, notamment pour l'obtention des licences. Nous demandons le respect des conditions posées par l'accord de retrait, pas plus mais pas moins. La ratification complète de cet accord par le Parlement européen nous donne les moyens de prendre des mesures de rétorsion si les manquements persistaient.

Nous pourrons, si vous le souhaitez, faire un point ensemble sur les questions de TVA. Je partage votre avis concernant l'équivalence des règles dans le marché unique, mais je considère que nous devons nous battre pour fixer au niveau européen un certain nombre de normes. C'est ce que nous avons fait avec Julien Denormandie en ce qui concerne les écorégimes de la PAC : il fallait qu'ils soient enfin obligatoires, pour que la France ne soit pas la seule à appliquer des règles environnementales pendant que les autres pays s'en exonèrent. De même, concernant le glyphosate, le débat européen doit se poursuivre, car on ne pourra mettre un terme à l'utilisation de ce produit que lorsque tous les pays européens auront le même calendrier et le même échéancier. Sans cela, vous avez raison, nous nous tirerions une balle dans le pied ; ce ne serait ni efficace sur le plan environnemental ni juste sur le plan économique.

Enfin nous ferons de la présidence française de l'Union une présidence francophone. Nous serons très vigilants, à commencer par les ministres, au respect de la langue française, dans la traduction des documents comme dans la communication au sein des institutions européennes. Avec Jean-Baptiste Lemoyne, nous avons pris l'initiative de propositions concrètes pour former davantage de fonctionnaires européens et de collaborateurs parlementaires européens à la langue française. En effet, il faut aussi être offensif en la matière.

En revanche, nous n'éliminerons pas l'anglais des langues officielles à court terme. En tout cas, ce n'est pas la voie que je privilégierai. Même si l'anglais est devenu, à certains égards, une langue d'aéroport commode et malmenée dont je regrette l'emploi excessif, elle reste juridiquement la langue officielle de deux États membres, l'Irlande et Malte. À ce titre, elle continuera à avoir droit de cité : la question est celle de sa juste place. Mais nous ne baisserons pas pavillon pour ce qui est de défendre la langue française, vous pouvez compter sur notre engagement.

La commission, réunie en commission d'évaluation des politiques publiques, entend M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie.

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Nous poursuivons cette CEPP sur le thème de l'action extérieure de l'État et du tourisme, en présence du secrétaire d'État chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie, Jean-Baptiste Lemoyne .

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Compte tenu du temps qui m'est imparti, j'en viens directement à mon sujet d'évaluation, à savoir la contribution du Quai d'Orsay à la politique visant à attirer les étudiants étrangers en France.

La mobilité des étudiants internationaux est un terrain de concurrence entre les États, qui l'ont bien identifiée comme un atout pour leurs universités et leurs économies, mais aussi comme un moyen de véhiculer des valeurs et de nouer des liens durables entre les sociétés.

À court terme, c'est aussi un retour direct de 2 milliards d'euros pour la France, lié aux dépenses des étudiants. Celles-ci sont réparties sur l'ensemble du territoire – ce dont les régions n'ont peut-être pas encore suffisamment pris conscience.

Pour l'année 2019-2020, sur les 370 000 étudiants étrangers en France, 290 000 étaient en « mobilité internationale ». En dix ans, ces mobilités ont augmenté de 68 % au niveau mondial mais de seulement 32 % en France. Longtemps troisième pays d'accueil derrière les États-Unis et le Royaume-Uni, la France est passée au sixième rang, derrière l'Australie, l'Allemagne et la Russie, et elle est talonnée par le Canada.

Avec 25 000 doctorants en mobilité, la France est encore troisième dans le dernier classement de l'OCDE (Organisation de développement et de coopération économiques) mais elle est le seul des dix premiers pays à voir ses effectifs de doctorants étrangers baisser entre 2013 et 2018, et cela de 9 %, alors que ceux de l'Allemagne ont augmenté de 57 %.

Notre attractivité internationale dépend en premier lieu des universités et grandes écoles, mais trois composantes de cette politique relèvent du Quai d'Orsay et sont financées par le programme 185 Diplomatie culturelle et d'influence de la mission Action extérieure de l'État.

Il y a d'abord les services de coopération des ambassades, qui comptent 90 effectifs de coopérants universitaires et surtout 259 espaces Campus France, dans 127 pays, qui sont les composantes des ambassades chargées d'orienter les candidats étrangers et de donner le feu vert pédagogique avant la demande de visa étudiant. Ces structures emploient près de 500 personnes recrutées localement.

Je recommande de stabiliser les effectifs de coopérants et, dans les postes à fortes charges, qui peuvent connaître des situations délicates, de veiller à l'adéquation entre les profils et les enjeux opérationnels. Des profils juniors de volontaires internationaux en administration ne sauraient remplacer partout des expatriés, certes plus coûteux mais aguerris.

Il faut également parachever le déploiement de la plateforme « Études en France », qui facilite les inscriptions. Je suggère de mutualiser une partie des recettes liées à son utilisation, qui sont passées en trois ans de 11 à 20 millions d'euros et qui vont continuer de croître.

L'établissement public industriel et commercial Campus France, qui résulte de la fusion réussie de trois structures, est le deuxième acteur de cette politique d'attractivité. Campus France est compétent à la fois pour promouvoir l'enseignement supérieur français à l'étranger et pour gérer des programmes de mobilité et de bourses. Il s'agit de programmes du Quai d'Orsay mais également de partenaires étrangers qui financent des mobilités en France, avec environ 120 millions d'euros annuels entre 2017 et 2019, ramenés à 100 millions en 2020, la crise sanitaire ayant réduit les échanges. La subvention du Quai d'Orsay à Campus France, de 3,7 millions, est très inférieure aux produits de gestion de ces programmes : 15 millions en 2019 et 12 millions en 2020.

Le troisième levier de notre politique d'attractivité est directement lié à l'activité de Campus France : c'est le financement de bourses d'études. Il est réparti de la manière suivante : 30 millions d'euros de bourses attribuées par les postes diplomatiques et 25 millions d'euros de bourses sur programmes centraux thématiques comme les programmes Eiffel et Make Our Planet Great Again. La dépense s'établit autour de 55 millions d'euros depuis 2017 ; elle est inférieure de 10 millions aux crédits inscrits en lois de finances et également de 10 millions à la dépense constatée jusqu'au milieu de la décennie 2010.

Le Quai d'Orsay finance ainsi environ 11 000 bourses par an, contre 14 500 en 2013. Hors bourses de stage, cela représente 9 000 bourses d'études, dont seulement 6 500 comprennent une allocation de vie, puisqu'on compte aussi 2 500 bourses de couverture sociale, qui complètent des allocations versées par des États étrangers ou des entreprises privées. J'ajoute que, sur ces bourses avec allocation de vie, on compte seulement 4 600 bourses sur cycles d'études longs. Par contraste, l'Allemagne, désormais concurrent principal de la France, a accordé près de 17 000 bourses de longue durée en 2019.

La stagnation des crédits pour bourses ces dernières années a des effets ambigus, car il y a indéniablement eu un effort qualitatif pour éviter le saupoudrage et cibler les formations d'excellence. Cependant, on ne peut nier qu'il y a aussi un enjeu quantitatif, car les bourses sont un produit d'appel et fidélisent les meilleurs candidats, lesquels sont fortement sollicités par nos concurrents. Il convient donc de réexaminer les modalités d'attribution de bourses par les postes diplomatiques, qui ont souvent tendance à préférer des bourses de courte durée pour éviter de grever leurs enveloppes sur plusieurs années – on parle de « récurrence ». Il faut aussi interdire formellement que les postes redéploient des crédits affectés aux bourses vers d'autres dépenses.

L'écart entre les crédits inscrits en loi de finances et ceux qui sont consommés pose aussi des difficultés à l'opérateur Campus France. Celui-ci a besoin de visibilité sur les montants de bourses à gérer afin de calibrer au mieux son activité et ses coûts de fonctionnement. Je recommande donc de définir une trajectoire budgétaire lisible des crédits de bourses du gouvernement français et de la faire figurer dans le prochain contrat d'objectifs et de moyens de Campus France, en clarifiant la part des ressources de l'opérateur provenant de sa subvention de fonctionnement et des tarifs de gestion des programmes de mobilité. Je suggère d'utiliser systématiquement les crédits non consommés pour abonder un grand programme central de bourses d'excellence, plus lisible, et dont Campus France pourrait faire la promotion.

Afin d'apprécier l'efficacité des bourses, je propose de faire figurer dans le dispositif de performances du programme 185 un indicateur de suivi du taux de réussite des étudiants étrangers boursiers par rapport aux autres étudiants en mobilité. Cela nécessite de rénover la stratégie de Campus France envers les anciens étudiants étrangers, avec un suivi des parcours professionnels et un vrai rôle d'animation des postes diplomatiques dans la plateforme des anciens élèves, France Alumni.

Il faut aussi un rapprochement opérationnel entre Campus France et le groupement d'intérêt public Erasmus+. Une fusion des deux structures serait difficile, paraît-il – bien qu'elle soit déjà effective en Allemagne. Quoi qu'il en soit, il faut mieux se positionner pour attirer des étudiants européens, notamment d'Europe de l'Est, et faire en sorte de ne pas être sous-représentés dans les masters conjoints Erasmus Mundus, qui offrent des bourses aux meilleurs étudiants du monde et commencent à s'ouvrir à l'Afrique.

Je conclurai en invitant à être au clair sur nos objectifs stratégiques.

L'objectif du plan Bienvenue en France, présenté à l'automne 2018, est d'attirer 500 000 étudiants étrangers en 2027. Si cet objectif est sans doute hors de portée, le plan a permis de commencer à améliorer la qualité matérielle de l'accueil dans les universités, avec une labellisation par Campus France, et de simplifier les procédures de visa et de titre de séjour, même si nous pouvons faire encore mieux. Ce plan autorise aussi les universités à fixer des droits d'inscription différenciés pour les étudiants extra-européens afin de dégager de nouvelles ressources, ce qui est une bonne orientation, que trop peu d'universités ont adoptée à ce stade.

Enfin, il ne faut pas perdre de vue la priorité africaine de la France en matière de mobilités étudiantes, bien identifiée par le Président de la République. Cet enjeu revêt deux aspects.

Des moyens importants de l'aide publique au développement sont mobilisés pour des projets de campus franco-africains, avec des initiatives prometteuses à Dakar et Tunis par exemple. Cela doit accroître les capacités des systèmes africains et permettre aux universités françaises partenaires de développer une offre éducative dans des secteurs stratégiques pour les économies émergentes. Cette offre nouvelle permettra de fonder des coopérations durables, mais n'atténuera que de façon marginale la demande des étudiants africains d'effectuer une partie de leurs études à l'étranger.

Il faut être bien conscient du fait que les flux supplémentaires d'étudiants étrangers en France proviendront majoritairement d'Afrique, à rebours de certaines représentations qui opposent encore les échanges « traditionnels » avec l'Afrique aux mobilités « modernes », qui proviendraient d'autres pays émergents, comme l'Inde ou ceux de la zone Asie-Pacifique, et qu'il faudrait favoriser. En effet, les classes moyennes et moyennes supérieures africaines, dans les pays francophones comme anglophones, s'inscrivent pleinement dans les mobilités internationales. Compte tenu de leur démographie, elles constitueront tendanciellement les plus forts contingents. Les nouvelles générations d'étudiants africains sont clairement identifiées comme les leviers de croissance par nos partenaires et concurrents, qui, en Afrique, sont non seulement britanniques, allemands et canadiens, mais aussi turcs, russes, saoudiens ou chinois, comme j'ai eu l'occasion de le constater au Bénin.

Il faut donc assumer le fait que l'Afrique fournira dans les prochaines années la grande majorité des étudiants étrangers en mobilité en France. Ces mobilités devront être gérées en coopération avec les pays d'origine, afin qu'il y ait une cohérence entre leurs besoins et les parcours d'études en France. Il faut éviter qu'un étudiant ayant fait de nombreuses années d'études après le bac se retrouve chauffeur de taxi à Cotonou, faute de débouchés professionnels ! La France doit s'intégrer pleinement dans cette stratégie d'articulation.

L'attractivité universitaire de la France est un enjeu d'échelle mondiale, mais le lien à l'Afrique, qui est elle-même pleinement inscrite dans la globalisation, en est un révélateur et peut en être le catalyseur.

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La filière touristique française a été l'un des secteurs d'activité les plus fortement affectés par la crise sanitaire et économique que notre pays subit depuis février 2020. Elle représente 8 % du PIB et plus de 2 millions d'emplois ; elle rassemble des entreprises de secteurs très différents, tels que les cafés, les hébergements touristiques, les restaurants, les établissements thermaux, les domaines skiables ou encore les casinos.

L'année dernière, la France a connu une chute de 51 % du nombre de touristes étrangers, entraînant un effondrement des recettes touristiques internationales de 50 %, soit plus de 24 milliards d'euros de pertes. Malheureusement, cette baisse n'a pas été compensée par les recettes du tourisme domestique, lesquelles ont elles aussi chuté de 31 % en 2020, du fait des confinements successifs et des restrictions, avec à la clé une perte de 29 milliards d'euros. Au total, depuis le début de la crise, notre pays, et avec lui toutes les entreprises de la filière touristique, ont enregistré 61 milliards d'euros de pertes. C'est colossal.

Hélas, la fermeture des remontées mécaniques cet hiver n'a pas permis d'améliorer la situation en début d'année : les stations ont perdu 80 % de leur chiffre d'affaires, soit 8 milliards d'euros. Les écoles de ski ont enregistré une diminution de 83 % de leur chiffre d'affaires, soit une perte de 240 millions. Les remontées mécaniques ont perdu plus de 99 % de leur chiffre d'affaires, soit 1,3 milliard d'euros. Le taux d'occupation moyen dans les stations n'a été que de 32,8 %. En l'absence des activités proposées dans les domaines skiables, c'est-à-dire les activités de glisse – première raison de la venue des Français à la montagne selon une étude de la direction générale des entreprises de 2018 – la chaîne de valeur économique chute, affectant les 120 000 emplois directs des stations. Un forfait de ski entraîne la location de matériel dans les magasins de sport, notamment des chaussures de ski et des skis, mais aussi l'achat de gants et de cours de ski et la fréquentation des restaurants. Un séjour, généralement organisé sur une semaine complète, alimente une économie de ruissellement qui fonctionne à l'année dans les territoires de montagne.

Les aides d'urgence mises en place par l'État et par les partenaires bancaires ont-elles permis de sauver durant la crise les entreprises et les emplois de la filière touristique ? Je commencerai par répondre à cette question de manière globale, avant de me concentrer plus particulièrement sur la montagne.

Pour l'heure, la réponse est oui dans la grande majorité des cas. Au total, près de 31 milliards d'euros au titre du soutien d'urgence ont été déployés pour aider le secteur – lequel, je le rappelle, a perdu 61 milliards. Sur ces 31 milliards, 11,7 milliards correspondent aux prêts garantis par l'État (PGE), 1,2 milliard aux PGE saison, 11,5 milliards au fonds de solidarité, plus de 6 milliards à l'activité partielle. En outre, 163 millions d'euros de reports de charges sont enregistrés à ce jour pour l'hébergement et la restauration. Ces aides ont contribué à une réduction significative des défaillances d'entreprises prévisibles en évitant les défauts de paiement. On note ainsi une diminution de 44,7 % du nombre de défaillances entre février 2020 et février 2021 par rapport à la période précédente. Les entreprises du tourisme sont actuellement sous anesthésie générale.

Le sauvetage durable de ces entreprises et de leurs emplois dépendra des réponses que nous apporterons à la filière dans les prochains mois. En effet, nous nous approchons d'une période critique : les aides devraient commencer à s'arrêter – dès le mois de juin pour le fonds de solidarité – la reprise sera en demi-teinte selon les secteurs touristiques et les entreprises vont devoir commencer à rembourser leurs emprunts, ceux qu'elles avaient contractés avant la crise et le PGE.

Même si les réservations pour l'été sont dynamiques, n'oublions pas que, selon l'Organisation mondiale du tourisme, le tourisme international ne retrouvera son niveau d'avant-crise qu'en 2023 au mieux. Quid de l'avenir des agences de voyages, des opérateurs, des entreprises qui dépendent en grande partie du tourisme international ? Le tourisme domestique ne compensera pas à lui seul ces pertes sur les deux ou trois prochaines années.

Il est donc primordial, pour toutes ces raisons, et alors que les perspectives de reprise sont encore incertaines, que le fonds de solidarité notamment, qui fait jouer des cliquets pertinents, soit prolongé et adapté à la réalité de la reprise, faute de quoi les milliards d'euros déjà injectés dans l'économie touristique pour sauver les entreprises auront été gâchés. Je souhaiterais connaître votre position sur ce point, monsieur le secrétaire d'État.

Quelles sont les perspectives pour les entrepreneurs du tourisme, confrontés au mur de la dette ? Sur les 25 milliards d'euros d'aides d'urgence directes pour leur trésorerie, 13 milliards, soit plus de la moitié, sont des prêts. Comment vont-ils parvenir à rembourser 13 milliards sur cinq ans ? À partir de quelle année pourront-ils se verser un salaire et réinvestir ? La restructuration des dettes, l'allongement de leur durée de remboursement, la transformation en quasi-fonds propres, un accompagnement spécifique par l'État, ou encore un allégement de la fiscalité économique seront des mesures absolument vitales si l'on ne veut pas que ces entreprises, et donc une partie importante de notre offre touristique, s'écroulent au cours des prochaines années. Sur ce point également, monsieur le secrétaire d'État, je souhaiterais connaître votre position.

Les aides d'urgence ont-elles été adaptées au sauvetage des entreprises des stations d'hiver, lesquelles ont subi 80 % de pertes sans possibilité de réel rattrapage avant le mois de décembre prochain ? Si une majorité des entreprises de la montagne ont été bien accompagnées, avec 4,6 milliards d'aides d'urgence, on constate des disparités importantes selon les activités. Les activités de prestations avec peu de charges fixes ont été bien couvertes. Les domaines skiables ont bénéficié d'un dispositif adapté, qui ne comble pas leurs pertes mais garantit leur survie. D'autres acteurs en revanche, comme les hébergeurs et résidences de tourisme, restent en grande difficulté, car leur niveau de charges fixes atteint près de 65 % de leur chiffre d'affaires habituel. Il est essentiel de poursuivre et de mieux adapter les dispositifs d'urgence aux résidences de tourisme et aux centres de vacances en les lissant sur l'année, ou au minimum sur six mois, pour tenir compte de la saisonnalité de leur activité.

Par ailleurs, il est primordial pour toutes les entreprises des stations que les aides soient prolongées jusqu'au mois de novembre prochain, pour couvrir leurs charges, qui courent sur toute l'année malgré une absence de chiffre d'affaires – voire jusqu'à avril prochain pour les entreprises d'équipement et d'aménagement de la montagne, dont l'activité est décalée. Pour ces dernières, la crise commence maintenant, puisque leurs carnets de commandes sont vides. Le Gouvernement doit prendre en compte cette cyclicité en prolongeant les dispositifs d'urgence pour ces entreprises qui constituent une filière d'excellence mondiale que nous ne pouvons pas nous permettre de perdre.

En outre, il n'est pas acceptable que de nombreux cas ne soient toujours pas réglés, alors que nous sommes au mois de juin. Les commerces de station créés en 2020, dans lesquels les entrepreneurs ont investi, vont devoir mettre la clé sous la porte. Pour eux, c'est une année sans activité économique ni solidarité nationale. Un dispositif pour les repreneurs a été instauré, mais il exclut les locations-gérances. Les coiffeurs ou les esthéticiennes de station, les monitrices de ski en maladie ou qui ont été enceintes en 2019, les médecins de station : ces personnes n'ont toujours pas accès au fonds de solidarité. Je vous avoue que j'ai de plus en plus de mal à expliquer aux jeunes mamans monitrices qui ont été enceintes à l'hiver 2019 qu'elles n'ont pas droit à la solidarité nationale, contrairement à leurs collègues des années précédentes.

Tous ces problèmes restent sans solution malgré nos multiples relances, car il est difficile de les faire entrer dans un cadre national, Nous vous proposons, afin d'y remédier une fois pour toutes, de déléguer une enveloppe de 15 millions d'euros aux préfets de département concernés ou aux directions départementales des finances publiques. La détresse de tous ces oubliés est très vive. Quelles sont vos propositions ?

Quelles sont les perspectives pour la relance touristique ? Celle-ci passera par une reprise claire de l'activité et par des solutions adaptées, notamment la restructuration des dettes accumulées, mais aussi par des aides à l'investissement simples et massives, comme le Gouvernement l'a fait avec le plan de relance en faveur de l'industrie. En ce qui concerne la reprise de l'activité, la promotion, en France comme à l'étranger, sera essentielle. Atout France prévoit un budget de 10 millions d'euros cette année, essentiellement fait de reports de crédits non consommés, ciblés sur le marché domestique et paneuropéen.

Je ne trouve pas dans le plan de relance en faveur du tourisme la même ambition et le même effort de la part de l'État que pour l'industrie. Il n'y a pas, ou très peu, d'aides directes à l'investissement, qui ont pourtant un effet de levier important sur les projets. En revanche, il y a beaucoup de prêts : prêt tourisme, prêt atout, prêt rebond, quasi-fonds propres pour 1,3 milliard d'euros. À ce titre, je salue la capacité d'adaptation et de propositions de Bpifrance, filiale de la Caisse des dépôts, mais je doute que les prêts relanceront à eux seuls la dynamique des investissements, étant donné que les entreprises sont fragilisées et déjà surendettées.

La part de l'État dans le plan Avenir montagnes s'élève à 150 millions d'euros, pour toute la montagne française. Il s'agira de crédits dédiés à l'investissement, à la diversification et au développement des chemins de randonnée. À titre de comparaison, la seule région Auvergne-Rhône-Alpes, au cours des quatre dernières années, a investi de manière directe plus de 400 millions en faveur des stations de montagne. Si cet effort du Gouvernement est positif, sera-t-il à la mesure de la reprise de la dynamique d'investissement sans un effort conjoint des régions ? Il est évident que non.

Je lis beaucoup que les stations dépendent trop du ski et de la neige et que la crise aurait révélé cette fragilité. Cette analyse est absurde : le tourisme de montagne et la valeur ajoutée qu'il crée se sont construits dès le départ autour de la neige, de la glisse et de l'hiver, comme le tourisme d'été du littoral s'est construit autour de la mer, de la baignade et de la plage. Ce que la crise a révélé, c'est simplement que la fermeture des remontées mécaniques assèche la majeure partie de la clientèle des stations et 80 % des recettes du secteur. Si la crise du covid-19 avait conduit à fermer les plages pendant l'été et à interdire les baignades, aurait-on dit que le tourisme du littoral, l'été, dépendait trop de la mer et de la plage ? J'en doute.

Qu'il faille diversifier l'offre des stations, c'est évident ; qu'il faille adapter les stations aux évolutions climatiques, cela va de soi, et ce travail a été engagé avec les collectivités il y a de nombreuses années ; qu'il faille relancer le tourisme social et les classes de neige pour rendre la montagne plus accessible, cela fait quatre ans que je le demande. Mais que l'on fasse dire n'importe quoi à une crise en produisant une argumentation fallacieuse ne rend pas service à l'avenir de cette filière, qui, je le rappelle, place la France dans les trois leaders mondiaux du secteur et produit de grands champions, dont nous sommes fiers.

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Le programme 185 est celui de la diplomatie culturelle et d'influence – on dit parfois de la francophonie, mais je préfère quant à moi parler de la présence active de la France dans le monde.

Je voudrais d'abord décerner un satisfecit, monsieur le secrétaire d'État, concernant l'année 2020 et la gestion de la crise dans ce domaine. La réaction que nous avons eue tous ensemble a été une réaction démocratique, dans le sens où il n'y a pas de démocratie sans dissensus et qu'au début nous avons dû nous expliquer, parfois longuement, parfois vivement ; mais en définitive les dispositifs que nous avons réussi à élaborer, avec 250 millions d'euros au total, se sont révélés tout à fait extraordinaires et bien ciblés. Nous avons fait du bon travail.

Je regrette une chose, dont nous avons déjà souvent parlé : une partie de cet argent n'a pas emprunté les canaux que nous avions construits. Je pense aux 50 millions d'aides sociales, qui n'ont pas transité par les conseils consulaires, ou encore à un certain nombre de petites aides de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), qui auraient pu être distribuées en faisant davantage appel aux forces de terrain.

Voilà qui m'amène à la question des opérateurs. À cet égard, je rejoins Vincent Ledoux, qui a travaillé sur le rôle de ces derniers, en particulier cette année sur celui de Campus France. Nous avons des opérateurs qui ont réussi le pari de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Je le dis de manière solennelle car je crois que c'est vrai. Campus France, Expertise France, Atout France sont des opérateurs qui ont compris à quoi servait la LOLF et quel en était l'esprit. Nous créons avec ces organismes de vrais outils diplomatiques : ils ne viennent pas en complément d'une forme de diplomatie plus noble, ce sont des outils diplomatiques aussi important que les autres.

Toutefois, certains opérateurs doivent encore être réformés. Je pense en particulier à ceux du réseau culturel. La tête de réseau pose problème. Il y a, d'une part, la fédération des alliances françaises, et d'autre part l'Institut français. Il est vrai que la crise a fait bouger les lignes : des choses très intéressantes se sont produites, une réflexion interne a été engagée. Les auditions que j'ai menées en vue du Printemps de l'évaluation me l'ont confirmé : nous allons avancer, non seulement en ce qui concerne le travail commun mais également dans la manière d'aborder les questions.

L'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) est le principal opérateur du programme : sur les 800 millions d'euros de l'ensemble, il en consomme 500. Vous connaissez mon avis, monsieur le secrétaire d'État, je vous l'ai écrit et je le dis depuis plus longtemps encore : si cet opérateur était adapté à la mission qu'il a dû accomplir au cours des trente dernières années – il a réussi à construire un réseau – il n'est pas organisé pour franchir l'étape suivante, telle qu'elle a été définie par le Président de la République, à savoir le doublement des élèves de ce réseau.

J'ai donc deux questions à vous poser. D'abord, quand séparera-t-on la gestion des 15 % d'établissements relevant directement de l'État et celle des 85 % restants, qui sont des structures locales ? Cela faciliterait notre travail de contrôle : nous pourrions ainsi savoir où va l'argent du contribuable et à quoi il sert exactement. Je vous ai fait des propositions à cet égard.

Ensuite, quand recrutera-t-on le directeur de l'AEFE sur concours ? À mon avis, il est indispensable que ce poste stratégique soit confié pour quatre ou cinq ans, comme on l'a fait pour Expertise France et Campus France, à quelqu'un qui s'engage sur un objectif, puisque nous avons dorénavant un objectif à dix ans, et qui soit choisi pour ses compétences particulières – au lieu d'un titulaire nommé dans le mouvement des ambassadeurs, qui arrive après avoir exercé un poste ne préparant pas forcément à ces fonctions et qui change tous les deux ans et demi.

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Dans le droit fil du propos d'Émilie Bonnivard, je me concentrerai à mon tour sur les conséquences de la fermeture des remontées mécaniques sur l'activité touristique en montagne.

Le tourisme d'hiver en montagne est un véritable atout pour notre pays : il représente environ 10 milliards d'euros de retombées économiques, et la France se hisse dans le top 3 mondial des domaines skiables. La montagne a subi de plein fouet la crise sanitaire. Plusieurs études montrent que les retombées économiques de cette saison sont inférieures de plus de 70 % au chiffre d'affaires d'une saison normale. On pourra regretter encore longtemps que les autorités françaises n'aient pas suivi l'exemple de la Suisse voisine, où des protocoles spécifiques ont permis de maintenir les remontées mécaniques ouvertes sans pour autant créer de clusters.

Des dispositifs d'aide spécifiques ont progressivement été déployés pour tenter de limiter les effets de la crise. De nombreux acteurs de la montagne ont bénéficié du fonds de solidarité. Si les activités éligibles à ce fonds incluses dans les listes S1 et S1 bis ont été élargies au fil des besoins, tous les problèmes n'ont pas été réglés. En décembre 2020, la liste des communes situées en zone de montagne et particulièrement touchées par la fermeture des remontées mécaniques a également été fixée par décret. Leurs commerçants ont ainsi bénéficié eux aussi du fonds de solidarité, quand bien même certaines communes avaient été oubliées au départ. En mars 2021, une aide complémentaire a été instaurée afin de prendre en charge une partie des coûts fixes de ces différents secteurs d'activité, notamment dans les communes de montagne.

D'autres mesures ont permis de répondre aux spécificités de l'activité saisonnière, particulièrement présente en montagne. On peut citer l'éligibilité au chômage partiel ainsi que le PGE saison. Pas moins de 5 milliards d'euros ont déjà été mobilisés pour l'économie de la montagne. Par ailleurs, le Premier ministre a annoncé le 27 mai à Bourg-Saint-Maurice un plan Avenir montagnes d'un montant total de 640 millions d'euros, en bonne partie cofinancé par les collectivités locales. J'espère qu'il sera de nature à répondre aux fortes attentes en matière de capacité d'investissement sur le long terme.

Pour en revenir à la situation financière, deux sujets méritent une plus grande attention du Gouvernement : les oubliés de la montagne et le calendrier de levée des mesures temporaires.

Certaines professions installées dans les stations de ski et dont l'activité dépend en grande partie de l'ouverture des remontées mécaniques sont insuffisamment soutenues, voire pas du tout. C'est le cas de plusieurs professions indépendantes – salons de coiffure, cabinets d'esthétique, blanchisseries – ou des travailleurs indépendants qui ne peuvent retenir l'année 2019 comme référence car ils étaient en congé maladie ou maternité. La situation est analogue pour les reprises d'activité en 2019, les créations d'entreprises, les locations-gérances, les loueurs de meublés non professionnels et les doubles actifs. Les résidences de tourisme ont également sévèrement souffert de la crise. Il est important de prêter attention à la situation particulière de chacun de ces acteurs, qui ne correspond pas toujours parfaitement aux dispositifs prévus.

La fin des aides est aussi un important sujet de préoccupation. La plupart d'entre elles ont pour échéance le 30 juin et sont conditionnées à la cessation d'activité. Or l'activité va reprendre – mais de façon très progressive, sans permettre aux acteurs de la montagne de se refaire une santé. De plus, les activités liées aux sports d'hiver réalisent la quasi-totalité de leur chiffre d'affaires en quelques mois. Si les dispositifs de soutien leur ont permis de survivre cet hiver, les acteurs de la montagne ont besoin de tenir financièrement jusqu'à l'hiver prochain. Comment prolonger le soutien qui leur est apporté ? Certains dispositifs semblent pouvoir être prolongés, avec quelques adaptations : pouvez-vous nous en dire davantage ?

Quant à la filière des fabricants de remontées mécaniques et des fournisseurs de matériel, elle attend de nouveaux dispositifs.

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Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie

Monsieur Ledoux, s'agissant de l'attractivité de la France pour les étudiants internationaux, la situation actuelle est liée à l'impact de la crise sanitaire et à l'entrée en vigueur progressive du plan Bienvenue en France, présenté en 2018 par le Premier ministre d'alors.

En temps normal, la France accueille 350 000 étudiants de nationalité étrangère, soit 10 % des effectifs de nos formations d'enseignement supérieur. La croissance de la compétition internationale est une réalité, et le rythme d'augmentation du nombre d'étudiants internationaux en France est inférieur à la moyenne mondiale. Entre 2015 et 2018, la France est passée du troisième au sixième rang mondial ; l'Allemagne accueille 400 000 étudiants internationaux et nous sommes au coude-à-coude avec l'Australie et la Russie.

Il faut prendre le taureau par les cornes et nous attaquer aux causes profondes. L'un des talons d'Achille du dispositif français est la qualité de l'accueil. L'excellence de notre offre académique ne fait pas de doute, mais les conditions d'accueil ne sont pas comparables à certains campus britanniques ou américains. Le plan Bienvenue en France doit encourager une amélioration par une démarche de labellisation, et nous comptons aussi sur l'émulation entre établissements. Il faut également simplifier quelques démarches administratives, comme l'a évoqué le rapporteur spécial.

L'objectif d'accueillir 500 000 étudiants étrangers en 2027 vous semble hors d'atteinte, mais il ne faut pas y renoncer : nous devons rester tendus vers la croissance des effectifs, mais aussi, car c'est l'autre branche de notre dispositif, vers la projection de nos établissements à l'étranger, conformément au discours du Président de la République Emmanuel Macron à Ouagadougou en 2017. De ce point de vue, nous n'avons pas à rougir : le campus franco-sénégalais a ouvert à Dakar, et le Premier ministre pourra évoquer l'université franco-tunisienne demain, lors de son déplacement en Tunisie pour un haut conseil de la coopération. Ces établissements sont autant de plateformes régionales permettant d'attirer de nombreux étudiants des sous-régions concernées pour réaliser les premières années de leur cursus, en partenariat avec des établissements en France.

Il ne faut pas non plus oublier les partenariats entre établissements d'enseignement supérieur français et africains, auxquels l'Agence française de développement (AFD) consacre 20 millions d'euros par an. Dans quelques jours, nous dévoilerons les dossiers présélectionnés pour créer des formations dans des domaines aussi variés que l'environnement, la transition écologique, l'information cartographique numérique ou l'ingénierie mathématique. Chacun de ces projets recevra entre 2 et 3 millions d'euros.

Par ailleurs, nous pouvons nous enorgueillir d'être la puissance éducative qui compte le plus grand nombre de campus hors de ses frontières, cent vingt-deux, devant les États-Unis et le Royaume Uni. Si l'on compte beaucoup d'écoles de commerce parmi eux, ce n'est pas un monopole et les ouvertures sont nombreuses ces dernières années.

Notre ambition concernant les bourses est maintenue Nous souhaitons y consacrer 6 millions d'euros supplémentaires dans le prochain budget. Nous attribuons actuellement 11 000 bourses, dont 9 000 bourses d'études. Elles peuvent atteindre 700 euros par mois en licence et maîtrise et 1 400 euros pour un doctorant, ou permettre de prendre en charge les frais de couverture sociale. C'est indubitablement un outil d'influence. Nous avons engagé une hausse des moyens qui leur sont consacrés, avec 10 % supplémentaires pour les bourses d'études en 2020, et nous poursuivrons ce mouvement.

Le nouveau contrat d'objectifs qui sera signé avec Campus France permettra d'évaluer l'efficacité des bourses pour notre politique. Cette mesure, chère au rapporteur spécial, figurera dans le projet de loi de finances pour 2022. Le contrat d'objectifs de Campus France sera très prochainement soumis au Parlement.

En raison de la crise sanitaire, le nombre de visas délivrés pour les séjours d'études a diminué de 25 %, mais nous souhaitons rapidement en revenir au niveau antérieur.

Pour répondre plus précisément au rapporteur spécial, le rapprochement opérationnel entre Campus France et Erasmus+ fait l'objet d'un travail approfondi, et nous partageons le souhait de rapprocher ces deux structures. France Alumni a trouvé son public. D'ailleurs l'objectif assigné à Campus France, qui était de 73 000 inscrits en 2020, a été largement dépassé : nous en sommes à 300 000. C'est dire si la plateforme fonctionne bien. Quant au personnel amené à traiter de ces sujets, notamment les coopérants des services de coopération et d'action culturelle, nous sommes d'accord : pour atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés, il nous faut des personnes très engagées.

À propos de l'enseignement français à l'étranger, nous maintenons l'ambition annoncée par le Président de la République de doubler les effectifs d'ici 2030. Je vous assure à ce propos que le directeur de l'AEFE endosse les objectifs à dix ans, et que la tutelle veille à ce qu'ils soient poursuivis.

Quelques chiffres encourageants : malgré la crise sanitaire, le réseau de l'enseignement français à l'étranger poursuit sa croissance. À la rentrée de septembre 2020, nous avons intégré 18 nouveaux établissements, soit 9 000 élèves supplémentaires. La campagne d'homologation 2020-2021 confirme cette dynamique, puisque quarante-deux premières demandes d'homologation et cinquante-deux demandes d'extension ont été déposées. Le réseau comprend 540 établissements, répartis dans 138 pays et scolarisant 368 000 élèves.

La crise a fait craindre une contraction des effectifs, mais les aides mobilisées ont permis de franchir le cap. Ces aides étaient destinées aux établissements et aux familles, françaises comme étrangères. En effet, les deux tiers des élèves scolarisés sont étrangers – c'est un élément de la politique d'influence – et leurs familles sont touchées par les conséquences économiques et sociales de la crise. Nous avons concentré nos efforts sur les bourses et les avances de trésorerie, qui ont bénéficié à 42 établissements, essentiellement des établissements partenaires. Les aides aux familles ont bénéficié à plus de 18 000 élèves de familles étrangères, dans 250 établissements du réseau, pour un montant total de 13 millions d'euros.

Ces mesures ont permis de stabiliser les effectifs pendant la crise, et les nouvelles homologations préparent le développement du réseau. Pour ce faire, nous faisons une grande confiance au terrain et au réseau des ambassadeurs, chargés de proposer des plans d'extension et de coordonner l'ensemble. Il ne doit pas s'agir en effet d'un jeu à somme nulle : l'ouverture d'un nouvel établissement ne doit pas priver un autre de ses élèves ou de ses enseignants.

Enfin, nous étudierons les propositions structurelles de votre rapporteur pour avis portant sur la gestion de l'AEFE. Il est essentiel de pouvoir distinguer ce qui est affecté aux établissements en gestion directe ou aux autres établissements, il ne peut y avoir de boîte noire et tout doit être transparent.

J'en viens au tourisme.

Ce secteur apporte 150 milliards d'euros de recettes à la France, 90 milliards issus du tourisme national et 60 milliards du tourisme international. Depuis quatorze mois, l'État a prouvé son engagement. Ce n'est pas un slogan : avec 31 milliards d'euros d'aides, chacun mesure l'importance de l'effort. J'invite les esprits grincheux à comparer avec les pays voisins : de nombreux prestataires touristiques étrangers aimeraient bien être français ! Mais nous n'en tirons aucune gloire, c'était un dû : dès lors que le Gouvernement imposait des contraintes, il devait aider ce secteur qui constitue un fleuron de l'économie française.

Les aides ne vont pas s'arrêter à la fin du mois de juin, elles vont s'adapter. La reprise sera progressive, au rythme de l'extension des jauges d'occupation pour les restaurateurs par exemple : seulement en terrasse pour l'instant, puis 50 % de la capacité en salle à partir du 9 juin. Les chiffres d'affaires vont donc revenir de façon progressive, et nous devons aider les restaurateurs à trouver leur point d'équilibre. C'est pourquoi nous poursuivons la prise en charge par l'État de l'activité partielle dans le secteur touristique jusqu'à la fin du mois de juin et maintenons le fonds de solidarité. Ce dernier sera ouvert aux entreprises dont le chiffre d'affaires a diminué de 10 %, au lieu de 50 % auparavant, le but étant d'inciter les entreprises à rouvrir au public. La sortie des dispositifs d'aide sera donc très progressive.

Nous avons toujours été pragmatiques. Un rendez-vous est prévu à la fin de l'été pour évaluer les besoins et faire la liste des problèmes qui se posent encore. Nous n'avons pas consenti tous ces efforts pendant quatorze mois pour brutalement livrer ces professionnels à eux-mêmes. Depuis le début de la crise, le Président de la République a choisi de préserver les emplois, les talents et les entreprises en installant ces filets de sécurité très protecteurs.

Certains secteurs sont encore plus entravés. Ainsi, les professionnels de la nuit n'ont, eux, pas rouvert une seule fois depuis mars 2020. Au-delà des conséquences matérielles, ils expriment une forme de détresse morale tout à fait compréhensible : imaginez que depuis quatorze mois, nous n'ayons pas pu réaliser la mission qui nous est confiée ! Nous devons être au rendez-vous pour ces secteurs les plus affectés, dont aussi les agences de voyages. Je tire mon chapeau à celles qui ont su s'adapter : l'offre française a été développée par certaines agences dont ce n'était pas le modèle au départ. Mais globalement, le tourisme international, qui représente l'essentiel de leur chiffre d'affaires, subit encore des contraintes. Nous travaillons avec les entreprises du secteur bientôt confrontées à l'échéance du système des avoirs, décidé en mars 2020 pour apporter une réponse d'urgence à la situation. Nous étudions les propositions qu'elles nous ont transmises et continuerons à les accompagner par la suite, d'autant que je suis conscient qu'en faisant la promotion d'un été bleu blanc rouge, je les prive de perspectives en matière de voyage international.

Pour dépasser le mur de la dette, selon l'expression de la rapporteure spéciale, nous travaillons à la transformation en quasi-fonds propres. D'autres outils particulièrement intéressants peuvent encore être mobilisés, notamment le prêt Tourisme, d'une maturité de dix ans avec des remboursements allégés les deux premières années. Il est plus intéressant que le dispositif de prêt garanti par l'État, d'une durée de cinq ans et dont le remboursement est différé d'un an.

Les lacunes, nous avons tenté de les combler au fur et à mesure. Nous avons trouvé une solution pour les commerces qui avaient fait l'objet d'une reprise. Le cas des créations est plus complexe, car annoncer une aide en 2020 aurait entraîné des effets d'aubaine. Il me semble intéressant de laisser aux préfets les moyens de traiter les cas résiduels, au lieu de publier chaque mois un décret contenant des dispositions générales qui concernent en fait un public de plus en plus restreint. Je vous annonce aussi que le cas des moniteurs de ski malades ou en congé maternité a été réglé : dans le cadre du dispositif prévu pour les écoles de ski, ils pourront bénéficier d'une aide spécifique pour les acteurs locaux proposant l'encadrement d'activités sportives et qui n'ont pas accès au fonds de solidarité.

Je rappelle que le monde de la montagne a reçu 5,4 milliards d'euros en aides d'urgence, par le jeu de dispositifs ad hoc territorialisés et de l'extension du fonds de solidarité aux EPCI (établissements publics de coopération intercommunale) de montagne. Beaucoup de territoires leur envient ce dispositif ; nous nous en sommes d'ailleurs inspirés pour certains territoires d'outre-mer. Les remontées mécaniques bénéficient aussi d'un dispositif spécifique. Je ne sais pas si les compagnies de remontées mécaniques de la Suisse ou de l'Espagne par exemple, qui sont restées ouvertes pour réaliser un très faible chiffre d'affaires, n'auraient pas préféré un système d'indemnisation tel que nous l'avons proposé. Quoi qu'il en soit, nous veillons à ce que les fonds arrivent : près de 500 millions d'euros ont été décaissés.

La relance passera par les investissements et la promotion. On a reproché au plan de relance d'insuffisamment considérer le tourisme – sauf que ce secteur a bénéficié de son propre plan de relance, dès le 14 mai 2020, alors que le plan de relance national était annoncé en septembre ! Le plan du 14 mai comprenait un volet consacré aux investissements : 1,3 milliard d'euros ont été consacrés au renforcement des fonds propres, permettant de générer 6 milliards d'euros d'investissements dans le secteur grâce à l'intervention de Bpifrance, de la Banque des territoires et de la Caisse des dépôts.

Nous continuons à décliner le plan d'investissement, comme nous l'avons fait avec le fonds Avenir montagnes, qui sera doté de 180 millions d'euros venant de l'État, qui a doublé les sommes prévues dans les contrats de plan interrégionaux État-région, et de 150 millions de la part des régions. Ces annonces ont été bien accueillies. Ce plan est pensé pour accompagner la diversification de l'offre touristique et la transition, mais le Premier ministre a clairement rappelé que le ski restera une activité essentielle. Nous accompagnons les acteurs, qui n'attendent pas pour lancer les transformations, comme en témoignent les seize éco-engagements adoptés par Domaines skiables de France lors de son congrès de Grenoble.

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La crise sanitaire a eu un impact particulier sur la mission Action extérieure de l'État, qui représente 0,6 % du budget de l'État.

Le programme 105 Action de la France en Europe et dans le monde a supporté l'opération de rapatriement des ressortissants français se trouvant à l'étranger, ainsi que le déploiement du dispositif médical spécifique destiné à 1,7 million de Français expatriés, ce dont nous nous félicitons.

Le programme 151 Français à l'étranger et affaires consulaires a bénéficié de l'ouverture de 100 millions d'euros en troisième loi de finances rectificative : 50 millions au titre des bourses scolaires versées aux familles françaises dont les enfants fréquentent les établissements du réseau AEFE ; et 50 millions d'aides sociales, de secours occasionnel et de solidarité à destination des Français de l'étranger les plus modestes touchés par les conséquences économiques de la pandémie.

Les opérateurs relevant du programme 185 Diplomatie culturelle et d'influence ont vu leurs ressources propres diminuer en raison de la pandémie. Des crédits ont dû être ouverts en troisième loi de finances rectificative afin de soutenir Atout France, à hauteur de 5 millions d'euros, et l'AEFE, pour 50 millions, dont 25 millions ont permis d'apporter un soutien aux établissements les plus touchés par la crise sanitaire. Je salue la rénovation du dispositif de performances, notamment l'ajustement des indicateurs du programme 105, afin de mieux refléter les effets de la politique menée.

À quelle date seront signés les contrats d'objectifs et de moyens, déjà reportés d'un an, puis retardés par la crise sanitaire ?

Pouvez-vous détailler la stratégie immobilière du ministère et l'effectivité du plan de cession ? Le ralentissement connu en 2020 ne peut s'expliquer seulement par la crise.

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L'exécution budgétaire 2020 du programme Action extérieure de l'État, marquée par la crise sanitaire, est très particulière.

Le programme 105 a supporté les frais du rapatriement des ressortissants français se trouvant à l'étranger. Ces opérations, exceptionnelles, ont révélé les difficultés que peuvent connaître nos postes consulaires et diplomatiques à l'étranger. Elles ont été accomplies grâce à l'exceptionnelle implication de tous les diplomates et agents du ministère des affaires étrangères, à qui je veux rendre hommage. Nous avons pu constater que nos efforts en matière d'économie ou de baisse des effectifs ont atteint leur extrême limite. Comme le dit souvent le ministre Le Drian, « nous sommes à l'os. » Le retour d'expérience sur cette situation va-t-il vous conduire à renforcer les moyens humains et matériels de nos postes diplomatiques ?

S'agissant du programme 151, l'administration consulaire est engagée depuis plusieurs années dans un recentrage de ses missions, une simplification et une dématérialisation de ses procédures pour simplifier les démarches de nos compatriotes expatriés tout en réalisant des gains de productivité. De nombreux projets ont été lancés : inscription en ligne au registre, dématérialisation en matière d'état civil ou délivrance sécurisée des papiers d'identité. A-t-il été possible de mesurer la performance de ces nouveaux services et d'évaluer la satisfaction des Français vivant hors de France qui les utilisent ? Avez-vous quantifié les économies induites, est-il prévu de généraliser ces nouveaux services, et selon quel calendrier ?

En ce qui concerne le patrimoine immobilier à l'étranger, de nombreux projets de travaux de rénovation et de sécurisation prévus en 2020 ont fait l'objet d'une reprogrammation en raison des contraintes sanitaires. Dans son rapport d'exécution budgétaire, la Cour des comptes appelle une nouvelle fois à l'instauration d'un outil interministériel de programmation pluriannuelle de l'ensemble des dépenses immobilières et à l'élaboration d'une véritable stratégie en la matière, pour ne plus naviguer à vue. Avez-vous l'intention d'élaborer cet outil, sachant que les besoins en investissements et en entretien, déjà importants, sont amenés à progresser dans les années à venir ? Pouvez-vous confirmer l'arrêt définitif de la politique de vente des bâtiments diplomatiques à l'étranger, emblématiques de l'image de la France et de son action internationale ?

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L'année 2020 fut catastrophique pour la filière du tourisme et ses 300 000 TPE-PME. Les recettes de ce secteur, qui constitue 7 % de notre PIB, ont diminué de plus de moitié. L'année 2021 s'inscrit dans une tendance dégradée à l'international, avec une baisse de recettes de plus de 50 % par rapport à la même période il y a un an, et les secteurs de l'hébergement, des loisirs et de la restauration figurent toujours parmi les plus affectés.

Les plans de relance ont certes permis de sauvegarder l'essentiel et de faire en sorte que les acteurs touristiques résistent, mais les différentes fédérations professionnelles estiment que la filière ne pourra retrouver une trajectoire de croissance soutenue qu'à partir de 2023. Face à cette crise durable, des mesures de sauvegarde ne suffisent pas et je regrette certaines évolutions budgétaires en 2021, notamment la diminution de plus de 2 millions d'euros de la subvention pour charges de service public d'Atout France.

Pour une reprise pérenne, une politique de promotion volontariste et d'accompagnement doit être déployée. Au-delà des aspects budgétaires, deux voies sont à poursuivre. Tout d'abord, il est indispensable qu'Atout France soit l'acteur essentiel de la relance et dispose de tous les crédits nécessaires afin de promouvoir encore davantage la marque « Rendez-vous en France ». De plus, pour dynamiser la filière et renforcer le tourisme des Français en France, il faut assurer une meilleure synergie entre Atout France et les territoires. Les comités régionaux du tourisme (CRT) pourraient ainsi jouer un rôle plus important de relais des politiques nationales, en faveur de leur promotion, à l'image du CRT Côte d'Azur qui a présenté un ambitieux plan de relance touristique baptisé « Sublimer vos émotions ».

Parce que le tourisme fait battre le cœur de nos territoires, il est nécessaire d'accompagner plus fortement la promotion touristique en cette sortie de crise, afin que la France conserve son leadership en ce domaine.

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Je souhaite revenir sur un aspect positif de la crise. La mission Action extérieure de l'État a montré que notre diplomatie était dynamique. Elle s'inscrit dans l'esprit de la dernière semaine des ambassadeurs, au cours de laquelle le ministre des affaires étrangères et le Président de la République ont développé l'idée d'une diplomatie thématique, avec un chef d'orchestre et des virtuoses, d'une diplomatie généraliste et d'une diplomatie spécialisée. Je salue cet effort de structuration. La crise nous a imposé une prise de conscience, mais elle a aussi montré la voie à suivre si nous voulons que notre diplomatie soit globale.

Comment allez-vous poursuivre ces efforts ? Les plans École ne sont pas réalisés dans tous les pays, et le plan Développement vient d'être adopté dans le magnifique projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales. Où en est la structuration de cette diplomatie thématique, qui sera celle du XXIe siècle ?

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La mission budgétaire Action extérieure de l'État du ministère des affaires étrangères est l'objet d'une sous-dotation de près de 72 millions d'euros en crédits de paiement. Le dépassement observé est principalement le fait de deux programmes.

Les crédits de paiement du programme Diplomatie culturelle et d'influence sont supérieurs de près de 40 millions d'euros à la prévision pour 2020, presque intégralement pour assurer le financement de l'AEFE. Comment ne pas rappeler qu'en raison de la diminution des financements publics, le total des dépenses de l'Agence est, chaque année, supérieur à ses ressources ? Ce sous-financement entraîne une augmentation des frais de scolarité, au détriment des familles les moins fortunées, dont certaines sont forcées à ne plus scolariser leurs enfants dans l'enseignement français, ou même pour certaines à quitter leur lieu de résidence pour rentrer en France.

Monsieur le secrétaire d'État, comment expliquez-vous cet écart entre la prévision initiale pour 2020 et la consommation effective ? Quand allez-vous enfin augmenter ce budget de manière significative en loi de finances initiale ?

L'autre part des crédits supplémentaires est allée à l'accès des élèves au réseau AEFE, c'est-à-dire principalement aux bourses scolaires, qui ont nécessité près de 35 millions de plus que prévu. L'aide à la scolarité des enfants français inscrits dans les établissements du réseau AEFE reste au même niveau depuis plusieurs années : environ 105 millions d'euros. Le Parlement critique de manière constante cette stagnation lors de la discussion budgétaire, avec plusieurs arguments : l'augmentation continue du nombre de Français l'étranger, estimée à 2 % par an, la hausse des frais de scolarité, et la variation du taux de change.

Monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous expliciter les raisons de cet écart par rapport à la loi de finances pour 2020 ? Quand allez-vous enfin budgétiser à hauteur nécessaire l'aide à la scolarité des enfants français inscrits dans le réseau AEFE ?

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Monsieur le secrétaire d'État, pour chacun des sujets que nous avons abordés, le Gouvernement a un message très positif à nous communiquer. Mais ce que nous savons de la réalité, pour les conditions d'accueil des étudiants par exemple, ou ce que nous disent les autres ministères, comme celui de l'enseignement supérieur, contredit ce message. Vu de l'extérieur, la compréhension est difficile.

En tout cas, il faudrait peut-être que les moyens correspondent aux prétentions et aux objectifs. Le ministère des affaires étrangères a vu ses effectifs fondre de près de moitié en trente ans. Aujourd'hui, nous sommes nombreux à penser qu'il y a urgence à inverser la tendance, au regard des prétentions justifiées qu'a la France quant à son influence, son rayonnement, celui de ses valeurs. Ce n'est pas rien : dans ce monde qui bouge, les valeurs de la démocratie, celles de l'égalité hommes-femmes, bref tout ce qui fait l'humanité au sens où nous voudrions l'aimer doit être défendu, et votre ministère en porte une part. Pour tout cela, les ressources humaines sont indispensables : l'intelligence artificielle ne suffira pas, la mécanique et la technique non plus.

Il y a donc urgence, et le rôle qu'ont joué les diplomates pendant la période récente démontre qu'ils sont véritablement d'utilité publique. La crise ramène à la raison quiconque l'avait oublié.

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Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État

Vous avez été plusieurs à évoquer le rapatriement des Français qui étaient bloqués hors de France. Je vous rejoins sur le caractère inédit de ce qui s'est passé. C'est un véritable défi logistique qui a été relevé par l'administration centrale et par les postes par exemple. Jean-Yves Le Drian et moi nous retrouvions tous les jours pour faire un point avec le centre de crise et de soutien sur l'organisation de cette opération « retour à la maison », qui a concerné 370 000 Français. Certaines images ont marqué tout le monde, comme celle d'un de nos consuls au Maroc monté sur un camping-car avec son mégaphone pour expliquer le déroulement des choses. Cela a été une noria d'avions et de bateaux : chapeau bas pour les agents qui ont permis de mener à bien cela.

J'ajoute un mot sur la solidarité des Français établis hors de France vis-à-vis de leurs compatriotes qui étaient de passage, qui se sont retrouvés à la rue, à la porte de leur hôtel du jour au lendemain : certains leur ont ouvert leurs portes, ont créé très rapidement des applications pour les aider. Cela mérite d'être dit.

S'agissant du budget, des effectifs et des enjeux, Jean-Yves Le Drian a été très clair et moi aussi. Nous avons enfin obtenu le coup d'arrêt des baisses d'effectifs qui se succédaient année après année, quel que soit le pouvoir en place – c'était une tendance de fond. Pour la première fois depuis longtemps, le budget pour 2021 prévoit des créations de postes, notamment plusieurs dizaines dans la fonction consulaire, au service de nos compatriotes établis hors de France. Je précise que lorsque nous déployons des outils de dématérialisation ou de simplification, cela permet aussi de réinjecter du temps dans l'étude des situations les plus complexes – car il y a un vrai besoin de proximité ou parfois simplement d'humanité pour certains : nous avons des compatriotes qui se sentent isolés, éloignés, ils ne sont pas tous dans des communautés nombreuses. De ce point de vue, ces démarches sont positives.

Valéria Faure-Muntian a évoqué les dates de signature des contrats d'objectifs et de moyens. S'agissant d'Atout France, le Quai d'Orsay a signé et le contrat est désormais à Bercy. S'agissant de l'AEFE et de Campus France, l'idée est une signature à la fin de l'été : c'est donc affaire de semaines.

En ce qui concerne l'immobilier, évoqué aussi par Michel Herbillon, Jean-Yves Le Drian a été très clair : il a dit stop à la vente des bijoux de famille, ce qui n'interdit pas par ailleurs de rationnaliser et de repenser le parc. Ce dernier est important : 1 800 biens, dont 200 que nous avons récupérés d'autres ministères dans le cadre de la réforme des réseaux de l'État à l'étranger en 2019, soit en tout un ordre de grandeur de 1,4 million de mètres carrés. C'est un chantier cher à Jean-Yves Le Drian et nous continuons à dégager des moyens pour entretenir ces bâtiments. Ainsi, dans le projet de loi de finances pour 2021, la dotation pour l'entretien lourd à l'étranger, qui était de 16 millions l'année précédente, est tout simplement passée à 41 millions : vous voyez l'effort qui est réalisé. Cela a permis de lancer de nouvelles opérations par exemple à Lagos, à Rome, à Naples, à Kiev, à Oslo, parfois dans des logiques de rapprochement ou de regroupement, comme à Vienne, où nous avons plusieurs représentations diplomatiques.

Michel Herbillon a évoqué aussi les nouveaux services offerts à nos compatriotes. La réforme du registre électronique d'état civil étant entrée en vigueur il y a quelques mois, je n'ai pas assez de recul pour en parler. Ce que je sais, c'est que les Français de l'étranger sont pionniers dans cette manière d'obtenir ces actes de façon électronique, et que de nombreuses collectivités locales en France pourraient regarder ce type de dispositif avec envie. Je pense qu'il a vocation à être étendu. L'autre nouveauté, qui trouve une application concrète ces derniers jours, concerne le vote par internet pour les élections consulaires : le produit a trouvé ses clients, puisque le nombre de votants en ligne a été multiplié par deux, passant de 80 000 à 176 000. C'est une modalité de vote très pratique, par exemple en cas d'éloignement du bureau de vote. Les résultats sont tout à fait encourageants et nous travaillons maintenant au déploiement de cette solution pour les élections législatives, avec beaucoup de feux verts à obtenir d'ici l'automne, par exemple de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information, puisqu'il faut faire cela dans les meilleures conditions de sécurité.

Éric Pauget a rappelé la nécessité de faire la promotion du tourisme, et nous sommes sur la même longueur d'onde. C'est d'ailleurs pourquoi nous avons lancé, il y a un peu plus de deux semaines, une campagne de promotion paneuropéenne qui a coûté 10 millions d'euros, la moitié venant d'Atout France et le reste de partenariats avec les destinations touristiques, les régions et certains partenaires privés. L'idée est de prolonger cette campagne jusqu'à l'arrière-saison, afin d'étendre la saison touristique. Si notre objectif est d'abord de faire venir les touristes européens, nous ne nous interdisons pas des marchés plus lointains, comme les États-Unis. L'interview que le Président de la République a donnée à la chaîne CBS au mois d'avril a été plus efficace que n'importe quelle campagne publicitaire : dès que les Américains ont compris qu'ils pourraient venir en France, les réservations se sont multipliées. Nous finissons de régler, avec les compagnies aériennes, les questions relatives à la compatibilité des différents « certificats » sanitaires nationaux, en version numérique ou papier.

La campagne de promotion européenne repose sur le thème « Ce qui compte vraiment », un slogan qui est décliné dans toutes les langues. Ce qui compte vraiment, c'est de se retrouver en famille, de se retrouver entre amis, de se retrouver en France. Cette campagne dispose de très beaux visuels et j'espère qu'elle trouvera son public.

Frédéric Petit a évoqué la diplomatie thématique et les différents plans que nous demandons à nos ambassadeurs de mettre en œuvre, comme les plans École ou Développement. C'est une façon de montrer que l'ambassadeur coordonne l'action de l'État là où il est affecté. Il a toujours eu à sa disposition un certain nombre de compétences et de talents, mais le reporting était parfois complexe, pour dire les choses pudiquement. Charger les ambassadeurs de déployer ces différents plans, en lien avec le conseil local de développement, c'est faire d'eux les vrais chefs d'orchestre de toutes nos politiques publiques, pour filer la métaphore musicale.

Les questions d'Alain David sur l'aide à la scolarité étaient tellement précises que je propose de lui adresser une réponse écrite.

Enfin, j'ai déjà dit un mot de la baisse des effectifs abordée par Jean-Paul Lecoq. Mais au cours de cette période de trente ans qu'il a évoquée, il faut aussi dire que le mode de fonctionnement et de déploiement des politiques publiques a évolué : on est entré dans un processus d'« agencisation » qui a entraîné des transferts d'effectifs. Certaines missions qui étaient gérées par l'administration centrale sont désormais prises en charge par les agences. Cette évolution, si elle a eu le mérite d'introduire de la flexibilité, présente aussi des inconvénients, notamment le risque d'une trop grande autonomisation des agences. Il faut un pilotage serré pour s'assurer qu'elles appliquent effectivement les politiques publiques, et des garde-fous s'imposent.

Par exemple, il y avait un ministère de la coopération jusqu'en 1998. Mais si on met bout à bout les effectifs qui contribuent à la politique de développement au sein du Quai d'Orsay, dans les postes diplomatiques et au sein de l'Agence française de développement, je ne suis pas certain que l'on constate une attrition au cours des trente dernières années. Et c'est sans doute vrai pour d'autres pans de l'action publique.

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Merci, monsieur le secrétaire d'État. Nous poursuivons notre CEPP avec la mission Aide publique au développement et le compte de concours financiers Prêts à des États étrangers.

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Après un bref état de l'exécution budgétaire de 2020, je me pencherai plus précisément sur l'aide publique au développement en direction des pays surendettés.

Les crédits de paiement de la mission Aide publique au développement ont augmenté de 36 % depuis 2017, soit une hausse de 890 millions d'euros. Ce dynamisme se confirme en 2020, puisque les crédits ont encore crû de 13 %, pour atteindre 3,38 milliards. L'aide publique au développement représente désormais 0,53 % du revenu national brut (RNB), et notre objectif de 0,55 % devrait donc être atteint à l'heure.

La crise sanitaire de 2020 a entraîné une sur-exécution de 235 millions d'euros en crédits de paiement pour faire face aux exigences du moment. Ce sont essentiellement des redéploiements de crédits, que les multiples mouvements budgétaires ont contribué à renforcer. L'annulation de la dette de la Somalie a représenté une perte de 67 millions d'euros pour la France.

L'année 2020 a également été marquée par la chute vertigineuse de certaines recettes ; les ressources du Fonds de solidarité pour le développement (FSD) ont notamment souffert de l'effondrement du produit de la taxe de solidarité sur les billets d'avion (TSBA). Nous devons en tirer des leçons pour l'avenir : la débudgétisation du FSD semblait être la garantie d'un financement sûr pour l'aide publique au développement, mais ce ne fut pas le cas l'an dernier et il a fallu que le budget se substitue à la taxe.

J'en viens à mon thème d'évaluation, qui concerne la dette. Nous sortons d'une longue période – les années 1990 et 2000 – au cours de laquelle les États occidentaux ont eu à gérer la dette des pays les plus pauvres. Un mécanisme avait été créé pour les pays pauvres très endettés (PPTE), qui a bénéficié à trente-six pays. Les choses, à l'époque, étaient assez simples : la dette était dans les pays pauvres, les pays occidentaux étaient les créanciers et, en se mettant autour de la table – c'est ce qu'on a appelé le Club de Paris –, ils parvenaient d'une manière relativement informelle à gérer la plupart des situations.

Or une nouvelle vague de dettes est devant nous, qui est énorme. On considère en effet que la dette extérieure des pays à revenu faible et intermédiaire s'élève à 8 100 milliards de dollars. Par ailleurs, les dettes ont changé de nature. Auparavant, elles étaient essentiellement concessionnelles, ce qui signifie qu'elles incluaient une part de subvention. Désormais, une bonne partie de la dette est non-concessionnelle et relève d'institutions privées. Allons-nous traiter ces deux types de dettes de la même façon ? Il serait paradoxal d'annuler une partie de la dette concessionnelle pour permettre à ces pays de payer leur dette non-concessionnelle !

Deuxième difficulté : on voit apparaître un nouveau créancier, très opaque mais très important, qui est la Chine. Celle-ci détient déjà 13 % de la dette subsaharienne. Je ne suis pas certain des chiffres que je vous donne, parce que personne ne les connaît : on est dans l'opacité la plus totale, on ne sait pas ce qui se passe et on ignore tout des conditions de la dette chinoise. Il semblerait que certains contrats soient associés à des priorités de remboursement : les pays s'engageraient à rembourser la Chine avant leurs autres créanciers. À titre d'exemple, le service de la dette guinéenne est détenu à 59 % par la Chine.

Une autre évolution est en train de changer la donne : les notations prennent de plus en plus d'importance et certains pays pauvres hésitent à demander le report ou la réduction de leur dette, de peur de paraître moins crédibles sur les marchés.

Une initiative a été prise récemment, qui concerne les soixante-dix-sept pays considérés comme les plus pauvres : l'initiative de suspension du service de la dette (ISSD). Il ne s'agit pas d'annuler la dette, mais de reporter un peu son remboursement. Cette disposition n'est pas comptabilisée comme relevant de l'APD, alors qu'elle a un coût immédiat dont il conviendrait de tenir compte – même si elle ne devrait pas avoir d'effet à long terme.

Une autre avancée est à saluer : la Chine a accepté les conditions du Club de Paris. Les Chinois et les pays du Golfe, qui sont aussi des prêteurs importants, sont désormais autour de la table, même si cela reste informel. On ne sait pas encore comment les choses vont se passer, puisqu'on est vraiment au début du changement. La situation de trois pays va être examinée dans cette nouvelle configuration : celle du Tchad, de la Zambie et de l'Éthiopie. Pourriez-vous nous en dire davantage sur cette évolution, monsieur le secrétaire d'État, et notamment sur le coût de l'opération, qui s'est déjà élevé à 150 millions pour la France en 2020 ? Combien cela va-t-il nous coûter dans la durée ?

On peut aussi s'interroger sur la manière de procéder. Chaque million du budget de la France fait l'objet d'un débat au Parlement. Or ce n'est pas le cas de la dette : tout se passe au Trésor, et l'on ne découvre le montant de la dette qu'au moment de payer l'AFD, pour atténuer le choc que cela constitue pour elle. Vous n'êtes certes pas le ministre du Trésor mais vous représentez le Gouvernement et vous êtes à la tête du dossier. Il me paraît inconcevable que le Parlement continue à être exclu d'une affaire de cette importance.

Prenons l'exemple du Soudan, où nous avons à gérer la queue de comète des anciennes dettes. La France va sans doute abandonner au Soudan autour de 5 milliards d'euros, ce qui représente une année et demie d'aide publique au développement. C'est gigantesque. Or le Soudan n'est que notre 123e partenaire commercial. Nous allons donc faire un effort considérable pour un pays qui ne nous achète rien et auquel nous n'achetons rien, ou presque. Il ne serait pas illégitime que le Parlement se penche sur cette question. Nous favorisons, avec certains pays alliés, ou amis, l'approche dite « 3D », qui associe le développement, la défense et la diplomatie – c'est par exemple le cas avec le Tchad. Le Soudan, lui, a passé un accord avec la Russie pour accueillir l'une de ses bases navales. Je n'ai rien contre les Russes, ils sont nos amis aussi, mais je ne vois pas pourquoi nous devrions aider financièrement un pays qui offre une base majeure à la Russie au sud de Suez. Peut-être faudra-t-il finalement payer la dette du Soudan, mais j'aimerais que nous puissions au moins en débattre !

J'évoquerai, pour finir, la question un peu technique des droits de tirage spéciaux (DTS). Ce mécanisme consiste, pour le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale, à allouer des ressources aux pays membres en fonction de leur quote-part et de leur participation dans les instances internationales. Les pays pauvres n'en reçoivent donc qu'une part assez limitée. Le Président de la République a proposé que la part relative des DTS attribuée aux pays pauvres soit accrue. Pouvez-vous nous donner des éléments sur le mécanisme envisagé ?

Si je me suis intéressé à la dette, c'est parce que cette question, qui semblait derrière nous, se pose à nouveau, et avec une grande acuité. L'entrée en scène, au sein des clubs de décision, des nouveaux acteurs que sont la Chine et les pays arabes du Golfe, est en train de changer la donne. L'abandon de dette est parfois inévitable, lorsqu'un État connaît une véritable défaillance financière. Il n'empêche que nous devons bien y réfléchir.

Ces abandons de dette vont certes nous permettre d'atteindre très facilement notre objectif de 0,55 % du RNB, voire celui de 0,7 %, mais ils ne vont pas forcément bénéficier aux pays que nous considérons comme prioritaires, qui sont les plus pauvres, ceux qui n'ont même pas eu la capacité de s'endetter. Nous risquons donc de privilégier des pays intermédiaires comme la Zambie qui, après avoir beaucoup emprunté parce qu'elle connaissait une période faste, est désormais défaillante. Sur ces questions importantes, il importe que le Parlement soit associé à la décision – plutôt que de les découvrir dans la presse !

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Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État

Monsieur le rapporteur spécial, je partage votre constat : nous allons faire face à une nouvelle vague de dettes. Vous avez évoqué la période des années 1990 et 2000 et le mécanisme d'aide aux PPTE. Après la crise de 2008, et tout au long des années 2010, certains pays africains ont connu une période d'expansion, qui a reposé en grande partie sur l'endettement. Celui-ci a changé de nature, puisque des bailleurs émergents et des acteurs privés ont pris de plus en plus d'importance. Et certains États se retrouvent aujourd'hui dans un état critique.

Je peux témoigner, pour le voir agir au quotidien, de la détermination du Président de la République à mettre ces nouveaux acteurs autour de la table. C'est ainsi qu'au dernier sommet des chefs d'État et de gouvernement du G20, à l'automne dernier, nous avons réussi à faire naître le cadre commun que vous évoquiez, qui inclut la Chine. C'était un enjeu crucial, car il aurait effectivement été paradoxal que le Club de Paris annule la dette de certains États et que ceux-ci en profitent pour rembourser le bailleur émergent, qui ne prête pas, vous l'avez, dit, dans des conditions totalement transparentes.

La définition de ce cadre commun, qui associe le Club de Paris et le G20, est vraiment une avancée très importante sur le plan méthodologique. Pour chaque pays est créé un comité des créanciers ad hoc. Le Tchad, premier pays étudié, constitue une sorte de cas d'école. Trois réunions ont déjà eu lieu, une nouvelle réunion des créanciers doit se tenir dans quelques jours et nous attendons avec impatience de voir comment la Chine va se comporter. Si les créanciers se mettent d'accord, cela permettra de donner des assurances de financement au FMI. Il est clair que le traitement du cas du Tchad constitue un test. Je sais que Bruno Le Maire est très engagé sur cette question et qu'il s'en est entretenu avec le vice-premier ministre chinois la semaine dernière. J'espère que cette nouvelle méthodologie va faire ses preuves et que nous pourrons vite ouvrir la négociation qui concerne l'Éthiopie. Il faudra en tout cas un vrai engagement politique pour arrimer ces bailleurs émergents.

Vous avez évoqué l'initiative de suspension du service de la dette. Le Président de la République s'est engagé très fermement dans ce sens, dès que la pandémie s'est déclarée : il s'agissait de donner un peu d'oxygène à des États qui, comme nous, ont dû y faire face, investir dans la santé, financer les équipements de protection individuelle, gérer la campagne de vaccination. Je rappelle que la France est très engagée dans la collaboration en vue d'un accès mondial et équitable aux vaccins contre le virus de la covid-19 (COVAX) et dans l'initiative Acces to covid-19 tools accelerator (ACT-A). Nous agissons pour que les vaccins arrivent dans les quatre-vingt-douze pays pauvres ou intermédiaires concernés. D'ici à la fin du mois de juin, la France fournira un demi-million de doses au programme COVAX, à destination de l'Afrique. L'ISSD a permis de reporter 5,2 milliards de dollars d'échéances, soit 700 millions pour la France, afin d'aider les pays en développement à faire face aux conséquences de la crise.

Dans une perspective de plus long terme, le cadre commun doit aussi nous permettre d'obtenir un certain nombre d'engagements de la part des États que nous aidons. Nous attendons d'eux qu'ils travaillent à la formalisation de leur activité économique, à la lutte contre les flux financiers illicites, à la mobilisation de leurs ressources internes. Il y a une vraie prise de conscience des dirigeants de ces pays. Vous évoquiez la Guinée : il y a trois semaines, le président Alpha Condé, avec qui je me suis entretenu, a réitéré son souhait de bénéficier de l'expertise française sur la mobilisation des ressources internes. Nous travaillons donc au détachement d'un expert technique international à ses côtés pour doter la Guinée d'un plan en la matière. Depuis deux ans, on observe une prise de conscience, et de nouveaux outils se mettent en place. Nous demandons ce type de contreparties aux États bénéficiaires de l'APD pour nous assurer qu'ils empruntent un chemin vertueux.

Il est vrai que la France a apporté son soutien, dès 2020, à une nouvelle allocation générale de DTS, sur le modèle de ce qui avait été fait après la crise financière de 2008-2009. Il nous semble que c'est le moyen le plus rapide et le plus efficace de répondre aux besoins de financement sans précédent causés par la crise. Je rappelle que cette opération n'a pas d'impact budgétaire puisqu'il s'agit de la création de droits nouveaux. Le FMI travaille actuellement aux derniers aspects techniques de cette opération d'un montant historique : 650 milliards de dollars. Nous pouvons espérer que les DTS seront versés aux pays membres avant la fin de l'été.

Concrètement, cette opération permettra d'allouer environ 33 milliards de dollars à l'Afrique, dont 24 milliards à l'Afrique subsaharienne et environ 4,5 milliards aux pays prioritaires de notre APD. Vous le savez, le Président de la République a proposé d'utiliser une partie des DTS des pays les plus développés pour aider le continent africain. Il ne s'agit pas d'un don, mais d'un prêt à des guichets du FMI et de la Banque mondiale qui, eux-mêmes, prêtent à l'Afrique. Cette question était au cœur du sommet de financement des économies africaines qui s'est tenu le 18 mai à Paris. Le chef de l'État est très mobilisé et veille à l'application de ces décisions, comme le ministre de l'économie.

Vous avez enfin évoqué le Soudan. La France reste très présente dans la région de l'Afrique de l'Est – il suffit de penser à notre empreinte forte à Djibouti et à nos liens réaffirmés avec l'Éthiopie, où le Président de la République s'est rendu en 2019. Il s'est passé au Soudan une révolution qui est porteuse d'espoir et que nous devons accompagner. Le fait que la France ait pris cette initiative est aussi de nature à faire avancer ce pays dans la bonne voie, celle du renouveau démocratique. On peut se féliciter que ce soit à Paris que cette question a été traitée, le 17 mai, et que toutes les bonnes fées se soient penchées sur l'avenir du Soudan.

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Nous examinons les résultats d'exécution de la mission Aide publique au développement du budget de l'État pour 2020. Cette mission est composée de deux programmes : le programme 110 Aide économique et financière au développement et le programme 209 Solidarité à l'égard des pays en développement. Elle est le support de l'ambition du Président de la République en matière d'aide publique au développement, l'objectif étant d'y consacrer 0,55 % du revenu national brut en 2022.

Dans le programme Aide économique et financière au développement, 1,8 milliard d'euros ont été exécutés en crédits de paiement et 3,8 milliards en autorisations d'engagement. On note une sous-exécution des autorisations d'engagement, qui s'explique notamment par l'environnement de taux bas, qui a permis à l'Agence française de développement de réduire le besoin de bonification de ses prêts. Les crédits de paiement, quant à eux, ont certes connu une sur-exécution de 43 millions, mais elle a bénéficié au Fonds vert pour le climat, au Fonds africain de développement, ou encore à l'initiative « Covid-19-Santé en commun » de l'AFD. Ces dépenses sont absolument essentielles, au vu de l'urgence sanitaire et économique dans les pays en voie de développement.

Monsieur le secrétaire d'État, compte tenu de la reprise de l'activité en Europe, les taux d'intérêt des banques centrales risquent de remonter à moyen terme. Dans ce contexte, comment le rôle de prêteur de l'AFD à des taux préférentiels pourra-t-il être assuré dans les pays en développement ?

Le second programme, qui représente 2 milliards en crédits de paiement et 2,6 milliards en autorisations d'engagement, finance la solidarité à l'égard des pays en développement. Son exécution est supérieure aux prévisions : les circonstances exceptionnelles, qui ont entraîné une baisse des recettes de la taxe de solidarité sur les billets d'avion, l'expliquent largement.

Les moyens engagés dans la mission Aide publique au développement donnent à la France les moyens de mener une politique de développement ambitieuse. La France promeut le multilatéralisme et la préservation des biens publics mondiaux que sont l'éducation, la santé et le climat. Notre pays est aujourd'hui le deuxième contributeur du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme et le quatrième bailleur mondial dans le domaine de la santé. Je ne peux donc que saluer l'exécution des crédits de cette mission.

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Au cours de l'année 2020, marquée par la crise de la covid-19, les montants alloués à l'APD dans le monde ont battu des records. Au total, plus de 160 milliards de dollars, soit 130 milliards d'euros, ont été mobilisés. Malgré cet effort, les mécanismes de distribution des vaccins du COVAX restent gravement sous-financés. Je voulais vous interroger à ce sujet, monsieur le secrétaire d'État, mais vous avez déjà partiellement répondu.

Au sein de l'Union européenne, l'APD a connu une hausse importante, de l'ordre de 15 %. En France, elle dépasse désormais les 11 milliards d'euros. L'effort français ramené au RNB s'élève à 0,53 % – mais ledit RNB est en baisse – et l'objectif des 0,55 % devrait donc être atteint à la date prévue. Celui des 0,7 % a déjà été atteint, voire dépassé, par la Suède, le Luxembourg, le Danemark, la Grande-Bretagne – malgré ses annonces et le Brexit – ou encore l'Allemagne. Dans sa note d'analyse de l'exécution budgétaire de 2020, la Cour des comptes fait des propositions pour améliorer le contrôle, l'évaluation et la transparence des politiques relatives à l'APD en France. J'aimerais, monsieur le secrétaire d'État, connaître votre avis sur ces trois recommandations.

La Cour note que de nombreuses dépenses ont été transférées progressivement, puis massivement, vers le FSD. Elle indique également que « lors de l'examen des précédents exercices, la Cour déplorait la tendance à la débudgétisation des crédits qui constituait [...] une atteinte au principe de transparence ». Le FSD échappe totalement au contrôle du Parlement, puisque notre rôle se cantonne à l'examen des missions budgétaires. On ne peut pas, d'un côté promouvoir la transparence pendant l'examen du texte de programmation – qui n'en est d'ailleurs pas un – et, de l'autre, faire glisser des crédits hors de la vue et de l'analyse du Parlement. Comptez-vous rebudgétiser ces crédits pour 2020, 2021 ou 2022 ?

Par ailleurs, le Premier ministre a annoncé en août 2018 la création d'un observatoire des coûts de l'APD, qui n'a toujours pas vu le jour trois ans après : pouvez-vous nous en donner la raison ?

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Monsieur le secrétaire d'État, vous avez décrit tout à l'heure le processus d'agencisation, disant que ce que l'on a gagné en souplesse, on l'a perdu en transparence. On oublie souvent que les politiques publiques du XXIe siècle, qui sont complexes, ne peuvent être menées par les seules administrations de l'État : les citoyens et les corps intermédiaires doivent y prendre une part, ce qui améliore forcément la transparence. Or l'agencisation favorise ce mouvement : elle favorise les partenariats. Je rappelle que dans le projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, nous avons associé les élus locaux au conseil local de développement. Il faut que les administrations apprennent à travailler autrement, qu'elles apprennent à ne pas tout faire toutes seules, dans leur petit périmètre mais à travailler avec d'autres et à être transparentes, même si tout n'est pas budgétisé.

On a beaucoup parlé de la participation des citoyens et je rappelle que l'APD est portée en majorité par d'autres acteurs que l'État, notamment de petites communes. Monsieur le secrétaire d'État, comment allons-nous faire en sorte que les citoyens comprennent mieux l'aide au développement, qui devrait être, non pas une aide d'État, mais une aide de la nation ?

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Le budget de l'aide publique au développement connaît une augmentation importante et l'objectif de 0,55 % du RNB devrait être atteint en 2022. Cependant, plusieurs facteurs sont venus, en 2020, mettre en danger ces augmentations et perturber la programmation budgétaire.

Nous constatons tout d'abord une sous-consommation importante des autorisations d'engagement de la mission Aide publique au développement, de près de 700 millions d'euros. Quelles en sont les raisons ? Pourquoi le plan d'activité a-t-il été revu à la baisse ? Quels secteurs ont-ils été les plus touchés ?

Dans le programme Aide économique et financière au développement, pouvez-vous nous détailler, secteur par secteur, la sous-consommation des autorisations d'engagement ?

Nous constatons, a contrario, une surconsommation des crédits de paiement, de près de 112 millions d'euros, due principalement au programme Solidarité avec les pays en voie de développement. Pouvez-vous nous en préciser les raisons ? À quel point le rendement de la taxe de solidarité sur les billets d'avion a-t-il été concerné ?

Enfin, on aurait pu s'attendre, en cette période de crise sanitaire, à ce que les crédits destinés aux pays en voie de développement soient substantiellement accrus pour faire face à l'épidémie. Or l'aide accordée à ces pays a consisté pour une grande part en des redéploiements, même si de nouveaux crédits ont également été votés. Monsieur le secrétaire d'État, quelle est la part des crédits de paiement supplémentaires dévolus aux pays en développement en 2020 pour faire face à la crise liée à la covid-19 ?

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Il faut toujours se méfier des pourcentages. Certes, on approche de l'objectif des 0,55 % du revenu national brut, mais ce dernier a connu une baisse importante. Nous avions déjà souligné ce fait bien avant la crise : ce n'est pas parce que le pourcentage augmente que les pays concernés reçoivent automatiquement plus d'argent.

Nous avions été nombreux à le dire lors de l'examen du projet de loi sur l'APD ; le Président de la République, le ministre des affaires étrangères et les membres de Gouvernement le répètent aussi : pour les pays les plus pauvres, il faut favoriser les dons, plutôt que les prêts. Le dicton le dit très justement : « On ne prête qu'aux riches » – il faut prêter à ceux qui peuvent rembourser. Or, malgré tous les discours, 70 % des aides se font encore sous forme de prêts : c'est contraire aux orientations affirmées par le Président de la République, notamment sur le sol africain. Il faut revoir cet équilibre entre les dons et les prêts.

Par ailleurs, le défaut de transparence est relevé par tous, à commencer par la Cour des comptes. Le Parlement manque de données pour effectuer son travail de mesure et déterminer la pertinence des choix politiques. Il faut une meilleure articulation avec l'AFD. En effet, cette dernière ne se contente pas d'opérer, elle exerce aussi un choix politique. Or l'Agence ne peut pas décider de tout, toute seule. L'aide publique au développement a une influence sur la diplomatie française et sur la manière dont la France est perçue. Il faut trouver un mécanisme pour associer le Parlement à ce travail.

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Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État

Pour commencer par Xavier Paluszkiewicz, l'éventuelle remontée des taux d'intérêt des banques centrales ne rendra pas l'AFD moins attractive. Cela coûtera seulement plus cher à l'État en bonification sur le programme 110. A contrario, ce sont les taux bas qui nous ont permis de faire des économies en 2020, puisque notre bonification était moins élevée.

Mme Poletti a évoqué le rôle de l'APD en matière de santé pendant la pandémie. La France a eu un rôle moteur au niveau multilatéral, au sein des programmes COVAX et ACT‑A. Mais elle a aussi mené des actions bilatérales : je pense à l'initiative « Covid-19-Santé en commun », dotée de 1,2 milliard d'euros, qui a été lancée par l'AFD pour apporter une réponse ciblée, complémentaire de celle des bailleurs de fonds multilatéraux. Au total, les fonds consacrés par la France à l'aide face à la pandémie atteignent 1,9 milliard. La France est l'un des bailleurs qui a dégagé le plus d'argent.

Le FSD, c'est le type même du financement innovant. C'est le président Chirac qui avait ouvert ce chantier avec la taxe sur les transactions financières (TTF). J'entends votre volonté d'associer davantage le Parlement à ces débats, mais la loi d'orientation nous fournit déjà un certain nombre d'outils, notamment la remise d'un rapport et l'organisation d'un débat associé, qui garantissent la pleine information du Parlement. Le FSD est alimenté par la TTF et la TSBA ; il finance le Fonds vert pour le climat, Unitaid, Gavi, mais aussi le Partenariat mondial pour l'éducation. Ce sont des programmes importants, auxquels il convient de consacrer des crédits significatifs.

Frédéric Petit a insisté sur la nécessité de rendre l'APD lisible pour nos concitoyens. Cela rejoint un autre enjeu, celui qui consiste à rendre tangible et palpable la démarche en faveur des objectifs de développement durable : l'APD doit pousser chacun à s'y engager au cours de la décennie 2020-2030. Un travail très intéressant est déjà en cours au sein de la Commission nationale de la coopération décentralisée, de Cités unies France et de tout l'écosystème des collectivités locales, mais il reste effectivement beaucoup à faire pour que les élus locaux et nos concitoyens aient en main tous les paramètres pour évaluer l'intérêt de cette politique, et ne soient pas limités à des débats qui passionnent certes l'opinion publique mais sont un peu réducteurs. L'enjeu est vraiment important : nous n'avons pas encore trouvé la martingale pour aller au plus près du terrain, mais nous y travaillons.

Alain David m'a encore une fois posé des questions budgétaires extrêmement précises. Les différences les plus importantes entre les prévisions et l'exécution concernent l'aide projet, les crédits de gestion de sortie de crise et les contrats de désendettement et de développement, dits C2D. Il est difficile d'entrer plus loin dans les détails ce soir. Par exemple, les crédits de l'aide projet s'établissent à 588 millions d'euros, soit 82 millions de plus qu'en loi de programmation, en raison de la nécessité de réintégrer 100 millions de crédits de paiement sur le programme 209, initialement prévus sur le FSD mais rendus indisponibles du fait de la baisse de recettes de la TSBA. Si vous en êtes d'accord, monsieur David, je vous adresserai le reste de ma réponse par écrit.

M. Lecoq souhaite une meilleure articulation avec l'AFD, afin que le Parlement ait davantage voix au chapitre dans les choix politiques qui sont faits. C'est toute l'ambition de Jean-Yves Le Drian qui, à côté de la tutelle, a tenu à développer un outil de pilotage et qui veille à ce que tous les partenaires soient autour de la table dans les comités locaux du développement. Nous pensons qu'il faut une sorte de redevabilité réciproque, et favorisons tout ce qui peut aller vers une bonne information du Parlement et vers le débat démocratique.

En ce qui concerne la question sur l'observatoire des coûts de l'APD, puisque la loi a créé une commission d'évaluation de l'aide publique au développement, c'est elle qui reprendra les missions qui auraient dû être confiées à cet observatoire, qui ne s'est jamais réuni.

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Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État.