Le projet de loi de finances rectificative s'organise autour de trois axes. Le premier comprend des mesures d'urgence qui visent à financer la sortie dégressive des aides d'urgence qui ont été mises en place ; c'est la raison pour laquelle nous vous proposons d'inscrire 6,4 milliards pour financer l'activité partielle. Celle-ci va progressivement évoluer : des restes à charge différenciés selon les secteurs seront établis afin de mettre en œuvre des formules d'activité partielle de longue durée, qui ont été prévues dans les accords signés par le Gouvernement avec les organisations professionnelles et syndicales. Nous vous proposons aussi d'ouvrir 3,6 milliards pour financer le fonds de solidarité, dont le fonctionnement suit la logique dégressive que nous avons indiquée, et d'y ajouter 150 millions d'aide sectorielle pour financer la culture. Nous vous proposons enfin de financer à hauteur de 4 milliards la compensation des exonérations de cotisations qui ont été prévues au profit de la sécurité sociale, sachant que ces décaissements interviendront à la fin de l'année 2021, puisque les entreprises disposent d'un délai pour demander à bénéficier de telles exonérations.
Nous vous proposons aussi, au titre du financement des mesures d'urgence, de prévoir une réserve de précaution. C'est la raison pour laquelle le projet de loi de finances rectificative propose d'augmenter la dotation pour les dépenses accidentelles et imprévues, afin que nous soyons en mesure de faire face à l'hypothèse, dont nous espérons qu'elle ne se réalisera pas, d'une dégradation de la situation épidémique, et donc de la situation économique, entre le vote du PLFR et le début de la session parlementaire 2021-2022. Cela explique le montant de 1,5 milliards que nous proposons d'ouvrir. Vous aurez compris qu'il s'agit de mesures circonscrites dans le temps.
Nous vous proposons aussi quelques premiers redéploiements dans le cadre du plan de relance, pour assurer le financement de mesures de trésorerie pour les actions qui fonctionnent le mieux. Vous avez certainement pris connaissance du fait que nous rouvrons un certain nombre de dispositifs et d'appels à manifestation d'intérêt (AMI), notamment dans le secteur de l'industrie et de la numérisation de l'économie ou dans celui de l'agriculture.
Le deuxième axe de ce projet de loi de finances rectificative consiste à financer des décisions qui ont été annoncées et à répondre à un certain nombre de besoins. C'est la raison pour laquelle nous vous proposons d'inscrire 700 millions pour financer les décisions prises en matière d'hébergement d'urgence. Nous avons augmenté le nombre de places en hébergement d'urgence au cours de l'hiver dernier ; nous proposons de maintenir le nombre de places d'hébergement d'urgence au niveau où il est actuellement au moins jusqu'au printemps 2022 : nous ne diminuerons pas le nombre de places comme c'est habituellement le cas l'été, ce qui représente un coût de 700 millions d'euros.
Ensuite, nous vous proposons d'inscrire 350 millions au profit de l'agriculture ; il s'agit de financer les premières indemnisations liées au gel du mois d'avril et un système de mesures comme l'aide aux bovins allaitants (ABA) ou l'indemnisation des préjudices liés à l'influenza aviaire ou au virus de la jaunisse de la betterave, autant d'aléas qu'a connus le monde agricole et auxquels nous apportons des réponses.
Par ailleurs, nous proposons d'inscrire dans cette rubrique 100 millions pour financer le « pass sport » annoncé récemment par le Président de la République ; 150 millions pour financer la revalorisation des bourses sur critères sociaux dans l'enseignement supérieur ; 82 millions de soutien à la Nouvelle-Calédonie et 57 millions pour financer les mesures annoncées en matière de politique de la ville dans les quartiers prioritaires. Le total de ces dépenses atteint 1,45 milliard.
Ces dépenses n'ont pas d'impact sur le niveau de déficit de l'État, puisque nous les avons, si je puis dire, gagées de deux manières.
Tout d'abord, nous diminuons le montant des sommes inscrites en appel de garantie lié aux prêts garantis par l'État. Deux facteurs nous conduisent à le faire : les possibilités de report d'échéances éloignent le risque de sinistralité au cours de l'exercice 2021 ; les capacités de remboursement des entreprises sont plus importantes que ce que l'on prévoyait il y a quelques semaines ou quelques mois.
Ensuite, nous avons proposé l'annulation d'une partie minoritaire des crédits qui avaient été gelés au titre de la réserve de précaution, en veillant bien évidemment à ne compromettre aucun des programmes ni aucune des priorités qui avaient pu être annoncées.
Le troisième axe de ce projet de loi de finances rectificative est constitué par un certain nombre de mesures qui ont un impact en termes de trésorerie, c'est-à-dire un impact budgétaire, mais qui n'ont pas d'impact sur le déficit public au sens de Maastricht. Nous proposons d'autoriser l'agence des participations de l'État à mobiliser 2 milliards supplémentaires pour le financement de nouvelles opérations. Nous vous proposons d'augmenter les avances au budget annexe Contrôle et exploitation aériens de 200 millions pour aider ce secteur à faire face à la crise. Enfin, nous proposons d'inscrire 600 millions au titre du fonds de développement économique et social pour compléter et renforcer le dispositif anti-faillite présenté hier par MM. Bruno Le Maire et Éric Dupond-Moretti.
Enfin, nous avons inclus dans ce texte des dispositions « de lettre » : il sera possible de souscrire le prêt garanti par l'État (PGE) jusqu'au 31 décembre 2021 et non jusqu'au 30 juin comme c'était prévu initialement, de verser aux salariés une prime de pouvoir d'achat exceptionnelle exonérée de fiscalité et de cotisations comme l'an dernier et l'année précédente, de mettre en place un dispositif de carry back déplafonné et lissé sur trois ans pour accompagner les entreprises ayant enregistré des pertes importantes en 2020.
Au titre de ces dispositions « de lettre », je souhaite attirer votre attention sur une autre mesure qui permettra d'accompagner et de compenser les pertes enregistrées par un certain nombre de régies de services publics. Certaines régies ont été accompagnées par les dispositifs que nous avons mis en œuvre et ont ainsi pu bénéficier de l'aide de l'État ; d'autres régies, pour des questions liées à leur organisation juridique, ou parfois à une incohérence involontaire entre la nature du service et la nature des contrats entre la régie et les agents, n'ont pu être aidées. Nous vous proposons donc un dispositif permettant de les accompagner et de compenser une partie de leurs pertes, ou du moins de la diminution de leur capacité d'épargne.
Les mesures que nous vous présentons ont un coût, notamment les mesures d'urgence qui viennent alourdir le poids des dépenses prévues pour l'année 2021, même si elles ont un caractère exceptionnel et circonscrit dans le temps. C'est ce qui nous amène à réviser notre prévision de déficit public : de 8,5 % dans la loi de finances initiale, nous la portons à 9,4 %. Cet écart s'explique de deux manières : les dépenses, notamment les dépenses d'urgence que j'ai évoquées, augmentent de 15,5 milliards ; il s'agit aussi d'intégrer dans la loi de finances pour 2021, à l'occasion de ce PLFR, les crédits d'urgence qui n'avaient pas été consommés en 2020, dans la mesure où la situation était moins critique que prévue ; nous les avons reportés à hauteur de 28,8 milliards d'euros, ce qui explique l'accroissement du poids du déficit. Pour être tout à fait complet, nous révisons aussi légèrement la prévision de la dette publique pour la porter à 117,2 %. Cette révision est légère car les indicateurs économiques dont nous disposons montrent que les choses devraient se stabiliser.
Ces deux chiffres, le niveau du déficit public, ainsi que le poids de la dette publique, nous incitent évidemment à ce que les mesures d'urgence et de relance conservent un caractère ponctuel, exceptionnel, et donc à veiller à ce que ces dépenses ne soient pas pérennisées, tout comme cela nous invite à sortir du « quoi qu'il en coûte ». Toutefois, cette sortie doit être progressive puisque nous ne voulons pas prendre le risque de la brutalité et de l'absence de trésorerie : nous ne voulons pas gâcher les efforts que les Français ont consentis, par le biais de la mobilisation des comptes publics, pour accompagner l'économie et faire face à la crise depuis plus de quinze mois.