Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 2 juin 2021 à 15h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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La commission entend MM. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la relance et Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics, sur le projet de loi de finances rectificative pour 2021 (n° 4215)

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Nous recevons MM. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la relance et Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics, qui viennent nous présenter le premier projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2021, adopté en Conseil des ministres ce matin même.

Avant de donner la parole aux ministres, permettez-moi de rappeler les conditions particulières dans lesquelles nous examinerons ce texte. L'examen du PLFR étant inscrit à l'ordre du jour de notre commission mardi 8 juin 2021, le délai de dépôt des amendements est fixé au vendredi 4 juin à dix-sept heures. Ce texte est inscrit à l'ordre du jour de la séance publique le vendredi 11 juin, pour une journée seulement. Nous aurons l'occasion d'auditionner demain M. Pierre Moscovici, président du Haut Conseil des finances publiques (HCFP), sur l'avis que le Haut Conseil a rendu sur ce projet de loi de finances rectificative pour 2021.

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Bruno le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la relance

Je propose, comme nous le faisons habituellement, de vous présenter le contexte macroéconomique et la stratégie qui sous-tend ce projet de loi de finances rectificative avant qu'Olivier Dussopt ne vous expose le détail de ce texte.

Le contexte économique dans lequel s'inscrit ce projet de loi de finances rectificative est celui du retour de la croissance. Par conséquent, ce texte a vocation à marquer la transition entre la protection maximale que nous avons apportée pendant la crise et le retour à la normale. Ce retour à la normale doit se traduire par la fin de la politique du « quoi qu'il en coûte », qui constituait une exception ; la règle, c'est que les entreprises fonctionnent normalement et sans le soutien de l'État.

Bien évidemment, pour ne pas perdre le bénéfice de la stratégie économique que nous avons mise en œuvre avec le Président de la République et le Premier ministre depuis quatorze mois, il est nécessaire que les aides soient retirées de manière progressive, afin de prendre en compte les situations diverses dans lesquelles se trouvent les entreprises françaises. Aujourd'hui, 95 % de l'économie française fonctionne normalement. Les aides ne doivent donc servir qu'aux secteurs qui reviennent progressivement à la normale et aux entreprises qui, tout en étant viables, ont été particulièrement fragilisées par la crise économique.

Le contexte est donc celui d'un retour de la croissance, malgré un premier trimestre où nous avons enregistré un chiffre décevant, mais qui s'explique principalement par une moindre récession en 2020 : – 7,9 % au lieu de – 8,2 % selon nos prévisions. Pour le reste, tous les indicateurs économiques français sont bien orientés : l'investissement, la consommation, la confiance des entrepreneurs aussi bien que celle des ménages. Ainsi, les dépenses par carte bleue au cours des semaines récentes sont supérieures de 20 % aux chiffres de la période correspondante en 2019. Pour la première fois depuis le début de cette crise économique qui n'a de comparaison qu'avec la crise de 1929 pour sa brutalité et sa gravité, les indicateurs économiques français sont bien orientés. La croissance anticipée pour notre pays se situe entre 5,5 % et 5,7 %, selon les chiffres de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), de la Commission européenne ou du Fonds monétaire international (FMI). Pour ma part, je m'en tiens à la perspective de croissance que nous avions fixée précédemment à 5 %. Prudence est mère de toutes les vertus, y compris en matière de prévision économique. C'est pourquoi je crois sage de nous en tenir à ce chiffre raisonnable de 5 %, qui permettra de faire face à d'éventuelles difficultés sanitaires dans les mois à venir.

Je réaffirme devant vous notre ambition de revenir au cours du premier trimestre 2022 au niveau de développement économique de la France avant la crise, fin 2019. En un peu moins de deux ans, grâce à la politique économique que nous avons menée, aux mesures de protection et à la rapidité du décaissement de France relance, nous aurons réussi à retrouver le niveau de développement d'avant la crise.

Je voudrais profiter de cette présentation du niveau de croissance pour rappeler à quel point il est important que nous continuions à respecter les gestes barrière et à accélérer la vaccination pour que l'immunité collective soit garantie. En effet, le seul obstacle qui existe encore sur la route d'un chiffre de croissance élevé en France en 2021 est l'obstacle sanitaire. Il nous appartient à tous, collectivement, de le lever. Or vous savez que la vaccination collective est la seule arme réellement efficace contre la circulation du virus.

La croissance des États-Unis devrait se situer entre 6 % et 6,9 %, selon les estimations des mêmes instituts économiques, et celle de la Chine devrait être supérieure à 8 %. J'y reviendrai, car cela pose la question de la croissance que l'Union européenne veut avoir en sortie de crise.

Si les prévisions de croissance de la France sont parmi les plus élevées de la zone euro, c'est parce que nous avons protégé et relancé l'économie rapidement. Nous avons immédiatement adopté des dispositifs qui nous ont permis d'éviter une vague de faillites et de licenciements qui nous aurait empêchés de relancer rapidement. Aujourd'hui, si un restaurant ou un hôtel peut rouvrir, si une entreprise industrielle peut reprendre au même rythme qu'avant la crise, avec la même capacité de production, c'est parce que les emplois, les compétences, les qualifications et les savoir-faire ont été préservés. La force vive de la nation a été protégée pendant plusieurs mois. Certes, cette protection a un coût, mais il est certainement bien moindre, du point de vue économique, social et politique, que celui qui aurait consisté à ne rien faire ou à faire moins que ce que nous avons fait.

Vous connaissez tous le deuxième élément de contexte : une poussée inflationniste conjoncturelle, qui est la conséquence logique d'un redémarrage rapide de l'activité aux États-Unis, en Chine et en Europe. Chacun a besoin de matières premières et de salariés. Dans vos circonscriptions, toutes les petites et moyennes entreprises (PME) vous font sans doute part de cette tension sur le marché des matières premières et des difficultés pour recruter de la main-d'œuvre dans des secteurs tels que le bâtiment, les travaux publics, la restauration, l'hôtellerie ou le tourisme. Les deux problèmes se combinent parfois : celui qui veut refaire son toit ne trouve en ce moment ni couvreur, ni zinc, de sorte qu'il est contraint de décaler ses travaux. Nous ne mésestimons pas ce problème, mais nous estimons que ces tensions diminueront rapidement dès que nous serons revenus à une situation normale.

Troisièmement, les taux d'intérêt à dix ans augmentent légèrement, ce qui est cohérent avec le retour de l'activité économique. La France est passée d'un taux d'intérêt à dix ans sur les obligations assimilables du Trésor (OAT) de – 0,3 % à + 0,2 %, soit une augmentation de cinquante points de base. Avec Olivier Dussopt, nous avions anticipé cette remontée mesurée et naturelle des taux d'intérêt : dans les précédents textes financiers, nous avions tablé sur un taux d'intérêt à 10 ans de + 0,3 % dans le courant de l'année 2021 ; pour l'instant, il est stabilisé à + 0,2 %. Il n'en reste pas moins que c'est une réalité financière dont nous devons tenir compte et qui, à moyen terme, nous appelle à la vigilance sur la tenue de nos finances publiques.

Ce contexte étant rappelé, quelle stratégie économique mettons-nous en place dans le cadre de ce projet de loi de finances rectificative ?

Premièrement, nous poursuivons notre politique de soutien à l'économie. Toutefois, les aides, qui étaient massives et générales, deviennent ciblées et dégressives. En effet, un certain nombre de secteurs économiques et d'entreprises ont encore besoin du soutien budgétaire de la nation. Nous faisons ce choix au niveau national et les mêmes orientations sont prises au niveau européen : lors de la réunion de l'Eurogroupe qui s'est tenue à Lisbonne les 21 et 22 mai 2021, tous les ministres des finances de la zone euro se sont entendus pour affirmer qu'il était nécessaire de maintenir un soutien budgétaire à nos économies. C'est le choix de l'Espagne, de l'Italie, de l'Allemagne, de la France, de tous les États membres de la zone euro. J'en veux pour preuve la confirmation aujourd'hui même par la Commission européenne de la décision de prolonger jusqu'à la fin de l'année 2022 la clause dérogatoire générale qui avait été activée jusqu'à la fin de l'année 2021. Le signal lancé par la Commission européenne est très clair : il n'est pas encore temps de retirer le soutien public à l'économie. En revanche, il faut que ce soutien soit ciblé et dégressif, pour que nous sortions progressivement et sans heurt de la politique du « quoi qu'il en coûte » que nous avions décidée avec le Président de la République.

Ces aides ciblées et dégressives concernent les secteurs les plus fragilisés par la crise. Les dernières évaluations de la Banque de France montrent clairement que c'est le secteur de l'hôtellerie, des cafés et de la restauration (HCR) qui a le plus souffert de la crise et des fermetures administrative : l'endettement a augmenté et la trésorerie a baissé dans une proportion plus significative que dans tous les autres secteurs. Il est donc normal que ce secteur bénéficie d'une attention particulière.

Pour financer ces aides, le fonds de solidarité sera doté de 3,6 milliards d'euros supplémentaires ; le financement de l'activité partielle de 6,4 milliards supplémentaires ; les exonérations et étalements de charges augmenteront de 4 milliards. Ce sont les chiffres que nous vous proposons dans le cadre de ce projet de loi de finances rectificative.

Deuxièmement, ce projet de loi de finances rectificative maintient un soutien aux plus fragiles et au travail. Ce texte inclut des mesures pour l'hébergement d'urgence, qui bénéficiera de 700 millions supplémentaires, une prime au pouvoir d'achat défiscalisée et exonérée de charges sociales afin de mieux récompenser l'ensemble des salariés qui se sont battus pendant cette crise, une aide aux agriculteurs d'un montant de 350 millions et le financement du pass culture.

Troisièmement, nous vous présentons un plan de sortie de crise pour les entreprises qui ont été fragilisées mais qui restent viables. Ce plan, que nous avons présenté hier avec le garde des sceaux, M. Éric Dupond-Moretti, vise à éviter la vague de faillites que certains redoutent. Ce plan de soutien se traduit à la fois par le prolongement de mesures financières d'aide et d'étalement de prêts et par un fonds de transition nouveau doté de 3 milliards d'euros, dont une partie vient du Fonds de développement économique et social (FDES), qui doit permettre d'apporter des fonds propres aux entreprises qui en ont besoin avec des prêts de très long terme. Ce plan de soutien repose également sur une procédure judiciaire accélérée à trois mois, procédure de transition qui doit permettre de solder les comptes d'une entreprise et d'étaler la résolution de ses difficultés dans le temps.

Notre stratégie repose enfin sur la nouvelle disposition que nous avons adoptée en matière de carry back, de report en arrière des déficits. Ce dispositif, qui était plafonné à un million d'euros et limité à l'exercice antérieur, a été déplafonné et étalé sur trois ans.

Deux questions se poseront ensuite, que nous traiterons en temps voulu. Dans cette crise, nous nous sommes toujours efforcés d'anticiper les difficultés, par exemple les risques de faillite, et de tracer un horizon à long terme, notamment dans le cadre de France relance.

La première question sera évidemment celle du rétablissement des finances publiques. Le projet de loi de finances rectificative conduit à un déficit public de 9,4 % et à une dette publique de 117 %. Il faudra donc mettre en œuvre une stratégie de rétablissement de nos finances publiques, le moment venu, quand la croissance sera de retour. Vous connaissez notre stratégie. D'abord, nous refusons toute augmentation d'impôts. Nous nous opposons ainsi à la solution de facilité qui a été retenue pendant des décennies et qui a fait de la France le pays le plus taxé des pays développés. En revanche, l'accélération de la croissance, le choix des dépenses publiques les plus utiles et la poursuite des réformes de structure doivent nous permettre de garantir le rétablissement des finances publiques françaises sur le long terme, avec l'objectif de revenir en-deçà de 3 % de déficit public en 2027 et d'amorcer la baisse de la dette publique à partir de 2025. Nous rendons ainsi notre stratégie de rétablissement des finances publiques lisible pour les Français, ce dont ils ont besoin. Ce rétablissement est nécessaire pour nous prémunir contre tout nouveau risque et nous permettre de disposer de réserves financières suffisantes si, dans deux ans, cinq ans ou dix ans, une nouvelle crise devait survenir.

La deuxième question essentielle porte sur le niveau de croissance que nous voulons atteindre au lendemain de la crise. J'ai eu l'occasion de poser cette question à nos partenaires européens dans le cadre de l'Eurogroupe. Nous devons continuer d'investir, car c'est le moment de le faire. Certes, nous pouvons être fiers que les secteurs du luxe, de l'aéronautique ou de l'agroalimentaire soient dynamiques ; mais nous ne pouvons pas nous reposer systématiquement sur les mêmes filières de production et sur les mêmes chaînes de valeur, aussi prestigieuses soient-elles. Dans le cadre de France relance, nous ouvrons de nouvelles chaînes de valeur en France, notamment dans le domaine des énergies renouvelables ou de la santé. Ne faut-il pas réfléchir à la manière de sortir de la crise avec une capacité de croissance plus importante que celle que nous avions avant la crise ? Ne serait-il pas souhaitable, pour le niveau de vie de nos enfants et de nos petits-enfants, que la croissance potentielle après la crise soit plus élevée que celle qui était la nôtre avant la crise ? Nous posons ces questions à nos partenaires européens et nous ne cesserons de les poser avec le Président de la République, car elle engage la place du continent européen parmi les grandes puissances mondiales au XXIe siècle. Que voulons-nous face à la Chine et aux États-Unis ? Voulons-nous continuer à jouer en première division ou acceptons-nous la relégation en deuxième division, avec un niveau de croissance potentielle systématiquement inférieur à celui de ces deux continents ?

Des investissements ont déjà été faits dans les semi-conducteurs, dans l'hydrogène, dans les batteries électriques, dans les véhicules autonomes, dans l'intelligence artificielle, dans le cloud, ou dans le stockage de l'énergie. Nous examinons si ces investissements sont suffisants pour continuer à faire la course en tête avec les États-Unis et la Chine ou s'il est nécessaire d'aller plus loin. La conviction que je partage avec le Président de la République est que la France et l'Europe ont vocation à faire jeu égal avec ces deux autres continents au XXIe siècle.

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Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics

Le projet de loi de finances rectificative s'organise autour de trois axes. Le premier comprend des mesures d'urgence qui visent à financer la sortie dégressive des aides d'urgence qui ont été mises en place ; c'est la raison pour laquelle nous vous proposons d'inscrire 6,4 milliards pour financer l'activité partielle. Celle-ci va progressivement évoluer : des restes à charge différenciés selon les secteurs seront établis afin de mettre en œuvre des formules d'activité partielle de longue durée, qui ont été prévues dans les accords signés par le Gouvernement avec les organisations professionnelles et syndicales. Nous vous proposons aussi d'ouvrir 3,6 milliards pour financer le fonds de solidarité, dont le fonctionnement suit la logique dégressive que nous avons indiquée, et d'y ajouter 150 millions d'aide sectorielle pour financer la culture. Nous vous proposons enfin de financer à hauteur de 4 milliards la compensation des exonérations de cotisations qui ont été prévues au profit de la sécurité sociale, sachant que ces décaissements interviendront à la fin de l'année 2021, puisque les entreprises disposent d'un délai pour demander à bénéficier de telles exonérations.

Nous vous proposons aussi, au titre du financement des mesures d'urgence, de prévoir une réserve de précaution. C'est la raison pour laquelle le projet de loi de finances rectificative propose d'augmenter la dotation pour les dépenses accidentelles et imprévues, afin que nous soyons en mesure de faire face à l'hypothèse, dont nous espérons qu'elle ne se réalisera pas, d'une dégradation de la situation épidémique, et donc de la situation économique, entre le vote du PLFR et le début de la session parlementaire 2021-2022. Cela explique le montant de 1,5 milliards que nous proposons d'ouvrir. Vous aurez compris qu'il s'agit de mesures circonscrites dans le temps.

Nous vous proposons aussi quelques premiers redéploiements dans le cadre du plan de relance, pour assurer le financement de mesures de trésorerie pour les actions qui fonctionnent le mieux. Vous avez certainement pris connaissance du fait que nous rouvrons un certain nombre de dispositifs et d'appels à manifestation d'intérêt (AMI), notamment dans le secteur de l'industrie et de la numérisation de l'économie ou dans celui de l'agriculture.

Le deuxième axe de ce projet de loi de finances rectificative consiste à financer des décisions qui ont été annoncées et à répondre à un certain nombre de besoins. C'est la raison pour laquelle nous vous proposons d'inscrire 700 millions pour financer les décisions prises en matière d'hébergement d'urgence. Nous avons augmenté le nombre de places en hébergement d'urgence au cours de l'hiver dernier ; nous proposons de maintenir le nombre de places d'hébergement d'urgence au niveau où il est actuellement au moins jusqu'au printemps 2022 : nous ne diminuerons pas le nombre de places comme c'est habituellement le cas l'été, ce qui représente un coût de 700 millions d'euros.

Ensuite, nous vous proposons d'inscrire 350 millions au profit de l'agriculture ; il s'agit de financer les premières indemnisations liées au gel du mois d'avril et un système de mesures comme l'aide aux bovins allaitants (ABA) ou l'indemnisation des préjudices liés à l'influenza aviaire ou au virus de la jaunisse de la betterave, autant d'aléas qu'a connus le monde agricole et auxquels nous apportons des réponses.

Par ailleurs, nous proposons d'inscrire dans cette rubrique 100 millions pour financer le « pass sport » annoncé récemment par le Président de la République ; 150 millions pour financer la revalorisation des bourses sur critères sociaux dans l'enseignement supérieur ; 82 millions de soutien à la Nouvelle-Calédonie et 57 millions pour financer les mesures annoncées en matière de politique de la ville dans les quartiers prioritaires. Le total de ces dépenses atteint 1,45 milliard.

Ces dépenses n'ont pas d'impact sur le niveau de déficit de l'État, puisque nous les avons, si je puis dire, gagées de deux manières.

Tout d'abord, nous diminuons le montant des sommes inscrites en appel de garantie lié aux prêts garantis par l'État. Deux facteurs nous conduisent à le faire : les possibilités de report d'échéances éloignent le risque de sinistralité au cours de l'exercice 2021 ; les capacités de remboursement des entreprises sont plus importantes que ce que l'on prévoyait il y a quelques semaines ou quelques mois.

Ensuite, nous avons proposé l'annulation d'une partie minoritaire des crédits qui avaient été gelés au titre de la réserve de précaution, en veillant bien évidemment à ne compromettre aucun des programmes ni aucune des priorités qui avaient pu être annoncées.

Le troisième axe de ce projet de loi de finances rectificative est constitué par un certain nombre de mesures qui ont un impact en termes de trésorerie, c'est-à-dire un impact budgétaire, mais qui n'ont pas d'impact sur le déficit public au sens de Maastricht. Nous proposons d'autoriser l'agence des participations de l'État à mobiliser 2 milliards supplémentaires pour le financement de nouvelles opérations. Nous vous proposons d'augmenter les avances au budget annexe Contrôle et exploitation aériens de 200 millions pour aider ce secteur à faire face à la crise. Enfin, nous proposons d'inscrire 600 millions au titre du fonds de développement économique et social pour compléter et renforcer le dispositif anti-faillite présenté hier par MM. Bruno Le Maire et Éric Dupond-Moretti.

Enfin, nous avons inclus dans ce texte des dispositions « de lettre » : il sera possible de souscrire le prêt garanti par l'État (PGE) jusqu'au 31 décembre 2021 et non jusqu'au 30 juin comme c'était prévu initialement, de verser aux salariés une prime de pouvoir d'achat exceptionnelle exonérée de fiscalité et de cotisations comme l'an dernier et l'année précédente, de mettre en place un dispositif de carry back déplafonné et lissé sur trois ans pour accompagner les entreprises ayant enregistré des pertes importantes en 2020.

Au titre de ces dispositions « de lettre », je souhaite attirer votre attention sur une autre mesure qui permettra d'accompagner et de compenser les pertes enregistrées par un certain nombre de régies de services publics. Certaines régies ont été accompagnées par les dispositifs que nous avons mis en œuvre et ont ainsi pu bénéficier de l'aide de l'État ; d'autres régies, pour des questions liées à leur organisation juridique, ou parfois à une incohérence involontaire entre la nature du service et la nature des contrats entre la régie et les agents, n'ont pu être aidées. Nous vous proposons donc un dispositif permettant de les accompagner et de compenser une partie de leurs pertes, ou du moins de la diminution de leur capacité d'épargne.

Les mesures que nous vous présentons ont un coût, notamment les mesures d'urgence qui viennent alourdir le poids des dépenses prévues pour l'année 2021, même si elles ont un caractère exceptionnel et circonscrit dans le temps. C'est ce qui nous amène à réviser notre prévision de déficit public : de 8,5 % dans la loi de finances initiale, nous la portons à 9,4 %. Cet écart s'explique de deux manières : les dépenses, notamment les dépenses d'urgence que j'ai évoquées, augmentent de 15,5 milliards ; il s'agit aussi d'intégrer dans la loi de finances pour 2021, à l'occasion de ce PLFR, les crédits d'urgence qui n'avaient pas été consommés en 2020, dans la mesure où la situation était moins critique que prévue ; nous les avons reportés à hauteur de 28,8 milliards d'euros, ce qui explique l'accroissement du poids du déficit. Pour être tout à fait complet, nous révisons aussi légèrement la prévision de la dette publique pour la porter à 117,2 %. Cette révision est légère car les indicateurs économiques dont nous disposons montrent que les choses devraient se stabiliser.

Ces deux chiffres, le niveau du déficit public, ainsi que le poids de la dette publique, nous incitent évidemment à ce que les mesures d'urgence et de relance conservent un caractère ponctuel, exceptionnel, et donc à veiller à ce que ces dépenses ne soient pas pérennisées, tout comme cela nous invite à sortir du « quoi qu'il en coûte ». Toutefois, cette sortie doit être progressive puisque nous ne voulons pas prendre le risque de la brutalité et de l'absence de trésorerie : nous ne voulons pas gâcher les efforts que les Français ont consentis, par le biais de la mobilisation des comptes publics, pour accompagner l'économie et faire face à la crise depuis plus de quinze mois.

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Nous avons découvert ce matin le texte du projet de loi de finances rectificative. Nous espérons tous que la covid-19 est derrière nous et que la croissance est devant nous, mais ce n'est pas certain ; je comprends donc la prudence du Gouvernement sur un certain nombre de points.

En matière de finances publiques, la situation était déjà assez mauvaise avant la crise : nous devons donc revenir, non pas à la situation normale, mais à une situation meilleure que la normale. Nous avons besoin de retrouver un chemin qui protège la souveraineté financière de la nation. Or tout dépend de la vitesse et de l'intensité des travaux pour démonter la construction de l'ensemble des aides apportées à l'économie.

Tout cela est difficile à lire. Je comprends que ceux qui passent moins de temps que nous sur ces questions aient bien des difficultés à s'y retrouver. D'abord, on constate une grande instabilité : c'est une instabilité chronique, due à la situation. Mais ces difficultés tiennent aussi à des chiffres différents, ou à des présentations différentes. Souvent les ordres de grandeur ne sont pas mesurés sur les mêmes périmètres : l'un est mesuré sur l'État, l'autre sur l'ensemble des finances publiques, par exemple. Ainsi, vous parlez de 40 milliards de dépenses supplémentaires par rapport à la prévision sur l'État, mais de 9,4 % de déficit public par rapport au produit intérieur brut (PIB). Les finances sociales se portent un tout petit peu mieux parce qu'il y a plus de cotisations, dès lors qu'il y a moins d'activité partielle.

Nous constatons aussi des problèmes d'évolution. Quand le Haut Conseil des finances publiques affirme que l'augmentation des dépenses publiques est de 66 milliards entre 2020 et 2021, il considère que 41 milliards relèvent des dépenses ordinaires et 25 milliards des dépenses liées au soutien et à la relance. Y a-t-il des problèmes de définition ? Ces chiffres sont-ils les bons ? Je suis très étonné de ce chiffre de 41 milliards liés à des dépenses ordinaires. Avant d'en parler demain matin avec M. Pierre Moscovici, président du HCFP, abordons ensemble cette question : comment comprenez-vous ces chiffres ?

Des problèmes d'utilisation des crédits se posent également. Lorsque les programmes d'investissements d'avenir (PIA) sont utilisés en dehors du cadre normal des PIA, lorsque l'activité partielle est financée par les crédits de la relance, avant d'être, certes, compensés par la suite, cela crée beaucoup de confusion.

Sans parler de l'instabilité, je ferai remarquer que le déficit public pour 2021 est passé de 7,6 % du PIB au moment où vous nous avez présenté le projet de loi de finances (PLF) en octobre 2020, à 8,5 % au moment où le PLF a été voté, à 9 % lors de la présentation du programme de stabilité (PSTAB) 2021-2027, et maintenant à 9,4 %. Ces écarts ne paraissent pas considérables, mais 40 milliards de déficit public supplémentaire, c'est considérable. Et on ne peut s'empêcher de se demander où vont les finances publiques.

Ce projet de loi de finances rectificative est un PLFR d'urgence, puisque la proportion des dépenses d'urgence est plus importante que la proportion des mesures de relance. Or ce n'est pas ce qui était prévu lors de l'examen du PLF.

Une ambiance dépensière se crée, et il n'y a rien de pire que les ambiances dépensières. De nombreux ministres annoncent beaucoup de mesures nouvelles. Certes, vous jouez cartes sur table : vous avez financé ces mesures, qui concernent par exemple l'hébergement d'urgence ou les agriculteurs, dans le PLFR. Toutefois, le ministre de l'éducation nationale a annoncé récemment une augmentation des personnels de 700 millions hors PLFR. J'imagine que cette somme est subdivisée en plusieurs catégories et que la totalité ne constitue pas une augmentation pérenne. Mais comment la finance-t-on ? Par un PLFR 2, un PLFR 3, ou bien la financera-t-on l'an prochain ? Tout cela est problématique.

Nous en sommes au premier PLFR. La question que nous devons nous poser est la suivante : jusqu'où pouvons-nous aller sans que le coût des mesures ne dépasse le bénéfice collectif que notre économie peut en retirer ? J'imagine que vous élaborez, à Bercy, des scénarios et des études qui comparent le coût et les bénéfices de la politique du « quoi qu'il en coûte » et qui invitent à en sortir.

Il faut faire des économies et maîtriser la dépense publique. Or je vois que les crédits de paiement annulés dans le PLFR 1 s'élèvent à 1,7 milliard, tandis que ceux qui sont augmentés s'élèvent à 21,7 milliards. Certes, je ne pense pas que l'on puisse faire des économies dans le PLFR. Mais où en est la réflexion sur la maîtrise de la dépense par des réformes structurelles ? De telles réformes exigent beaucoup de temps et de liberté politique.

La croissance est-elle le moyen de financer les mesures nouvelles ? Vous avez raison d'afficher une croissance prudente, même si l'OCDE prévoit qu'elle sera un peu plus élevée. Mais une croissance de 5 % avec un taux d'élasticité de 0,8 % entraîne une augmentation des recettes de 4 %, quand l'augmentation des dépenses du budget après le présent PLFR s'élève à 4,7 % : la divergence s'accroît donc encore.

Enfin, je ne sais pas par quel miracle on passe d'une dette publique de 117,8 % à 117,2 % du PIB, c'est-à-dire comment on réduit la dette alors que l'on augmente les dépenses et le déficit. Je ne sais pas où sont chiffrés les crédits attendus du plan de relance européen, qui doivent être versés en plusieurs étapes. Sont-ils pris en compte dans le PLFR ? Comment faites-vous pour ne pas augmenter les 260 milliards de dette à moyen et long terme qui étaient prévus ? Je rappelle que cette somme correspond à 100 % de nos recettes fiscales.

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Ce projet de loi de finances rectificative a pour ambition de poursuivre autant que nécessaire, puis de clore, la séquence qui s'est ouverte il y a quinze mois et qui se caractérise par une politique de soutien budgétaire massif à l'économie. Je voudrais saluer la cohérence des choix qui ont été faits collectivement depuis plus d'un an : ce sont des signaux extrêmement clairs qui ont été adressés aux Français, aux salariés et aux entreprises de ce pays.

Alors que la campagne vaccinale continue et que notre économie s'ouvre peu à peu dans de nouvelles conditions, ce qui a marché jusqu'à présent devra être mené à terme, comme vous le proposez avec ce collectif budgétaire. C'est vrai pour les crédits d'urgence qui sont l'essentiel de ce texte ; c'est vrai également pour les dépenses sociales, notamment pour les vaccins et pour les tests. Je ne doute pas que nous aurons des débats nourris en commission et en séance, qui nous permettront de revenir dans le détail sur les mesures que vous avez présentées, notamment sur la remise en vigueur de la prime « Macron » défiscalisée et désocialisée, la possibilité de solliciter un prêt garanti par l'État jusqu'à la fin de l'année, la prorogation du fonds de solidarité, l'approfondissement de la capacité de reporter en arrière les déficits, c'est-à-dire le carry back, que nous avions déjà voté en 2020, et les aides au paiement des cotisations salariales pour les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises, ainsi que pour les indépendants.

Je souhaiterais vous poser quelques questions techniques. La première porte sur l'ouverture de 10 milliards supplémentaires sur la mission Plan d'urgence face à la crise sanitaire : cette mission serait dotée, à la fin de 2021, de plus de 44 milliards ; elle a consommé un peu plus de 41 milliards en 2020. Une partie non négligeable des crédits ouverts en 2021 ont financé ou financeront, puisque tout n'est pas payé, des droits ouverts en 2020. Pouvez-vous nous donner, en termes de droits ouverts, le détail de la ventilation de ces crédits entre les années 2020 et 2021 ?

Ensuite, contrairement à l'exercice passé, vous avez choisi cette année de placer les dépenses d'urgence et de relance dans la partie structurelle du solde budgétaire. Ma question rejoint l'interrogation du président de la commission. Le solde structurel se trouve lesté d'éléments directement liés à la crise, alors que c'était l'inverse l'an dernier. Je ne sous-estime pas la difficulté de faire la part des choses entre le conjoncturel et le structurel en temps de crise, mais peut-on clarifier ce qui relève des conséquences de la crise et ce qui relève des évolutions structurelles, pérennes, de notre solde public, aussi bien en ce qui concerne les dépenses que les recettes ? Lors de la présentation devant notre commission du décret d'avance que vous avez depuis publié le 19 mai 2021, vous aviez indiqué attendre les décaissements du fonds de solidarité constatés au cours du mois de mai, suite au confinement du mois d'avril, pour pouvoir décrire la chronologie de consommation des crédits. Est-il possible d'exposer la situation à la date du 2 juin 2021 ? Quels enseignements tirez-vous du recours au fonds de solidarité en mai ? Selon le système d'information Chorus, 4,5 milliards ont été consommés en mai, alors que la consommation s'élevait à 3,7 milliards en avril. Quelle est la chronologie pour les mois à venir de la consommation de ce fonds ?

Le PLFR prévoit une ouverture de crédit de près de 2 milliards sur le programme Charge de la dette et trésorerie de l'État. Je n'ai pas compris cette ouverture de crédits, à partir du moment où la remontée des taux ne semble pas suffisamment importante pour conduire à un dépassement de la prévision en la matière associée à la loi de finances pour 2021. Pouvez-vous nous l'expliquer ?

Le plan de relance européen a été ratifié par l'ensemble des pays de l'Union européenne. Pouvez-vous nous rappeler le calendrier et le volume des encaissements dont nous pourrons bénéficier durant l'exercice budgétaire 2021 ?

Ce texte contient aussi des dépenses sociales. Hier, le comité d'alerte sur les dépenses d'assurance-maladie (CADAM) a rendu publique une estimation d'environ 9 milliards de dépenses supplémentaires en 2021. Certes, les cotisations augmentent, mais il y a aussi des dépenses supplémentaires importantes pour les vaccins, les tests, les dépenses hospitalières liées à la covid-19 ou les indemnités journalières liées à la pandémie. Le montant de la dette sociale logé dans la caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) il y a un an est-il suffisant pour absorber cette évolution ?

Outre les crédits que vous nous proposez d'ouvrir, vous avez créé un plan d'accompagnement des entreprises qui pourraient se trouver en difficulté. Pourriez-vous nous préciser comment est organisé, d'un point de vue strictement budgétaire, le fonds de soutien de 3 milliards en faveur des grandes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire (ETI) ? Apparaît-il dans ce PLFR ?

Enfin, concernant le groupe La Poste, et plus particulièrement le rapport d'information de Jean Launay sur le service universel postal et son besoin de financement à court terme, quelles sont les orientations que vous souhaitez voir débattues dans le cadre du PLFR ?

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Bruno le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la relance

La complexité de ce texte financier est liée à la diversité des situations économiques et à notre volonté de faire du sur-mesure, c'est-à-dire de trouver des réponses adaptées à la situation économique à laquelle chaque entreprise est confrontée.

Ce texte établit une dégressivité des aides et une sortie progressive de la politique du « quoi qu'il en coûte ». L'intégralité des aides d'urgence représente environ 15 milliards. En période de crise, c'est ce que nous consommions sur une période d'un peu plus d'un mois, tandis que ces 15 milliards devraient couvrir les dépenses de juin, juillet et août, c'est-à-dire le prochain trimestre.

Je veux vous rassurer, monsieur le président : il n'y a aucune « ambiance dépensière » au Gouvernement. Notre volonté est d'apporter des réponses concrètes aux seules entreprises qui en ont besoin. Les deux maîtres-mots de cette période de transition sont la protection, pour les entreprises qui en ont encore besoin, et l'investissement, afin de nous permettre de redémarrer le plus rapidement possible, avec le décaissement rapide du plan de relance. Le fonds de solidarité est une bonne illustration de cette dégressivité des aides, puisque nous prenons comme référence la perte de chiffre d'affaires des entreprises, mais que l'indemnisation sur cette perte de chiffre d'affaires par rapport à 2019 est dégressive de 40 %, 30 % ou 20 %, de manière à marquer cette sortie progressive. Cela étant, il n'est pas illégitime d'aider un restaurant à reprendre son activité dans les meilleures conditions, sachant qu'il ne peut ouvrir que sa terrasse pour l'instant et qu'à partir du 9 juin, il ne pourra servir que la moitié de ses couverts, tout en supportant des charges supplémentaires, puisqu'il doit s'approvisionner et recruter des salariés. Le pragmatisme impose parfois de créer des dispositifs complexes, mais il permet de répondre aux besoins des entreprises.

Si le niveau d'endettement s'améliore par rapport au programme de stabilité (PSTAB) alors que le déficit se dégrade, c'est principalement en raison d'une revalorisation du dénominateur : en effet, l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) a revu le premier trimestre de croissance 2021 à la hausse. Dans le même document, il a révisé de manière très significative les chiffres de la croissance en 2018, où la croissance s'est élevée à 1,9 %, et en 2019, où elle s'est élevée à 1,8 %, soit 0,3 point de plus que ce qui avait été retenu par le Gouvernement. L'augmentation de ce dénominateur entraîne l'amélioration du niveau d'endettement par rapport au niveau indiqué dans le PSTAB, alors que le déficit se dégrade. Cet écart s'explique donc par de bonnes performances de l'économie française en 2018 et 2019, qui résultent de la politique économique du Gouvernement.

Vous connaissez mes convictions en ce qui concerne la maîtrise de la dépense. Un État qui fonctionne bien est un État qui maîtrise ses dépenses. Nous avons la responsabilité de constituer des réserves pour faire face à tout aléa futur, économique ou sanitaire. Or cette maîtrise de la dépense publique demande des règles nouvelles, que plusieurs rapports ont tâché d'élaborer. Il convient d'assurer une meilleure évaluation de l'efficacité de la dépense, une évaluation à laquelle les parlementaires doivent prendre toute leur part, et de suivre une règle pluriannuelle des dépenses publiques, dont la durée pourrait être celle du quinquennat, et qui, à mon sens, devrait avoir valeur constitutionnelle. Mon expérience de ministre des finances me fait penser que si nous voulons réellement maîtriser la dépense publique en France et donner de la visibilité à nos compatriotes sur les investissements et les économies que nous voulons faire, il est préférable d'avoir une règle constitutionnelle de dépense sur cinq ans qui nous permette de garantir à nos compatriotes que nos dépenses seront conformes à nos engagements.

Monsieur le rapporteur général, d'un point de vue comptable, la charge de la dette est effectivement rehaussée de 1,9 milliard par rapport à la loi de finances initiale. Cela s'explique pour une part importante par l'inflation dans la zone euro, puisqu'une partie des titres émis par la France sont indexés sur l'inflation dans la zone euro.

En ce qui concerne le fonds de transition de 3 milliards pour les grandes entreprises et les ETI, 2,4 milliards viennent du redéploiement des crédits du FDES, et 600 millions sont financés par des mesures nouvelles. L'objectif est de mettre des moyens à disposition des plus grandes entreprises qui, dans des secteurs comme le tourisme ou l'aéronautique, sont parfaitement viables mais ont été fragilisées par la crise, de sorte qu'elles ont besoin de quasi-fonds propres pour se redresser. Nous les leur apportons, afin d'éviter que ces entreprises parfaitement viables, mais dont la trésorerie est dans une situation intenable, ne se retrouvent dans une situation très difficile. Il est légitime que ces financements transitoires leur soient apportés par l'État. Les entreprises choisiront entre une durée de maturité sans limite, mais avec des taux d'intérêt plus élevés, ou une durée de maturité plus brève avec des taux d'intérêt plus faibles. Précisons qu'il ne s'agit pas pour l'État de devenir actionnaire de ces entreprises ni de rentrer dans leur gouvernance : l'État n'a pas vocation à devenir l'actionnaire universel de notre économie. Il s'agit simplement d'apporter un soutien financier transitoire bien calibré et bien adapté.

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Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics

L'augmentation de la dépense soulignée par le Haut Conseil des finances publiques s'explique par les dépenses d'urgence, à hauteur de 15 milliards d'euros, ainsi que par la redéfinition du périmètre, puisque le Haut Conseil des finances publiques a manifestement utilisé un périmètre plus large que la norme de dépenses pilotables sur laquelle nous travaillons habituellement. Si l'on s'en tient à la norme des dépenses pilotables pour l'État, on prévoit une augmentation de 10 milliards des dépenses entre 2020 et 2021, ce qui est supérieur aux années précédentes, mais sans commune mesure avec les 41 milliards qui ont été évoqués par le Haut Conseil. Je pense que l'intégration des dépenses liées au Ségur de la santé peut expliquer une part assez importante de cet écart. Ce serait une augmentation des dépenses publiques plus qu'une augmentation des dépenses budgétaires de l'État qui serait ainsi pointée.

Nous voulons éviter toute tendance dépensière. Les mesures d'urgence que nous proposons au Parlement sont des mesures que nous n'avons pas gagées, parce qu'elles sont circonscrites dans le temps et qu'elles servent à financer une sortie progressive des aides. Nous avons veillé à gager les dépenses qui relèvent du deuxième axe de ma présentation, soit en annulant des crédits qui avaient été placés en réserve, soit en diminuant les appels de garantie pour que ces dépenses à hauteur de 1,45 milliard n'aient pas de conséquence sur le niveau du déficit de l'État.

En ce qui concerne le décaissement du plan de relance européen, nous espérons que l'acompte de 5,1 milliards prévu pour la France pourra être versé rapidement, puisque, depuis le 31 mai, la Commission européenne est en capacité d'emprunter sur les marchés après la ratification de l'accord par tous les États membres. Nous avons indiqué, lors de la présentation du PSTAB, que nous avions prévu cet encaissement en septembre 2021, mais la ratification intervenue le 31 mai laisse entrevoir la possibilité d'un versement plus rapide. En fin d'année, la France sollicitera le versement d'une deuxième partie des financements européens d'un ordre de grandeur sensiblement identique. Notre objectif est donc de mobiliser une dizaine de milliards d'euros au cours de cette année 2021.

En ce qui concerne le fonds de solidarité, 4,3 milliards ont été payés en 2021 au titre de l'activité perdue en 2020. C'est à mettre en relation avec le fait que nous avons reporté, de 2020 sur 2021, 28,8 milliards de crédits, toutes mesures d'urgence confondues. Il faut y ajouter les prévisions de consommation du fonds de solidarité de 8 milliards entre le mois de juin 2021 et la sortie du fonds à la fin du mois d'août, avec des paiements au cours du mois de septembre.

Lorsque nous avons présenté le décret d'avance, nous pensions qu'il y avait un risque de rupture de trésorerie du fonds de solidarité fin mai. Or il s'avère, ce qui est le signe que l'activité économique s'est maintenue, que nous aurions pu tenir jusqu'au mois de juin. C'est ce qui explique que nous envisagons une consommation de 8 milliards sur la période restant à financer mais que nous n'inscrivons que 3,6 milliards.

En ce qui concerne la possibilité pour la CADES d'absorber l'augmentation des dépenses de santé au cours de l'année 2021, nous n'avons pas d'inquiétude. Le quantum de 92 milliards qui a été voté dans le cadre de la loi organique du mois d'août dernier n'est pas encore saturé, malgré le surcoût lié à la covid-19. Le coût des campagnes de vaccination et de tests est compensé par un déficit moins important que prévu d'une dizaine de milliards d'euros en 2020 et par l'effet de la croissance qui limite le déficit en 2021.

Enfin, nous avons reçu le rapport de M. Jean Launay sur La Poste. Le Gouvernement prendra ses responsabilités et accompagnera La Poste pour faire face aux charges liées au service universel. Nous devons, sur la base du rapport et des travaux de nos services, déterminer le vecteur de la compensation, sa nature et son montant. M. Jean Launay fait un certain nombre de propositions mais vous imaginez bien que cette question doit faire l'objet d'une instruction de nos services en lien avec le chef du Gouvernement. En tout cas, La Poste peut être rassurée : le Gouvernement est engagé sur cette question.

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Hier, le Royaume-Uni n'a eu à déplorer aucun décès lié à la covid-19, ce qui conforte l'hypothèse d'une sortie de crise prochaine. Le texte du PLFR s'inscrit dans cette perspective optimiste, en constatant que l'investissement, la consommation et le moral des entreprises repartent. Nous avons besoin d'accompagner cet optimisme tout en assurant que l'État continuera à protéger les entreprises tant que persiste la crise sanitaire.

Nous saluons l'efficacité du fonds de solidarité et de l'activité partielle qui ont remarquablement préservé notre économie. Pourriez-vous nous donner des informations sur le calendrier et la dégressivité de ces dispositifs d'aide, à conditions macro-économiques plus ou moins constantes, et si l'on part du postulat que l'amélioration sanitaire est pérenne ?

Outre ces mesures de protection, le texte comprend des mesures de relance et deux mesures sur les fonds propres, qui concernent les prêts garantis par l'État et le carry back, lequel a fait l'objet de demandes récurrentes de notre commission. Disposez-vous d'estimations concernant l'impact de la mesure relative au carry back ?

Ce texte comprend aussi des mesures importantes pour les agriculteurs, l'hébergement d'urgence ou le « pass sport », qui permettront de financer des engagements et d'aider les jeunes et les plus fragiles dans nos sociétés, qui ont été encore affaiblis par la crise.

Sur le plan macroéconomique, il faut entendre l'appel du Haut Conseil des finances publiques, qui recommande une très grande vigilance pour garantir la soutenabilité de la dette publique. Comment nos finances publiques évoluent-elles par rapport à celles de nos partenaires européens ?

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Ce PLFR correspond très largement à un plan d'urgence et partiellement à un plan de relance. Il fut un temps où tout était possible et où il fallait dépenser ; désormais, nous devons revenir à une attitude plus prudente en matière de dépenses publiques. L'orthodoxie budgétaire est nécessaire, ne serait-ce que pour ne pas laisser aux générations suivantes une dette excessive.

Comme vous l'avez dit, monsieur le ministre de l'économie, certaines matières premières font défaut, en particulier dans le secteur du bâtiment. Il semble que ce soit la conséquence d'une relance américaine très forte. Que pouvons-nous faire pour résoudre ce problème ?

L'épargne des Français est importante. Pour qu'elle soit utilisée le plus efficacement possible, il faut encourager les donations des parents vers les enfants ou les petits-enfants, de façon à encourager une dépense d'investissement et à ce que les générations puissent en profiter. Le PLFR ne prévoit rien à ce sujet. Comment comptez-vous favoriser les donations ?

Il est effectivement souhaitable de revenir à des chaînes de valeurs locales, mais cela ne remet-il pas en cause certains accords internationaux, comme le CETA avec le Canada ?

Enfin, j'espère qu'on évitera la comédie à laquelle la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat a donné lieu l'an dernier.

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Ce PLFR est l'occasion de rappeler l'extraordinaire efficacité des mesures de soutien déployées depuis plus d'un an : les entreprises ont pu conserver la main-d'œuvre qu'elles ont eu tant de difficultés à recruter, les restaurateurs eux-mêmes ont tenu, grâce aux dispositifs dont nous prévoyons la sortie progressive.

Pour maîtriser la dépense, il faut compter avec la croissance mais aussi avec la lutte contre la fraude : comment éviter que les mesures de soutien donnent lieu à un trop-perçu ? Où en sont, par ailleurs, les négociations internationales sur le taux minimum d'impôt sur les sociétés que nous avions proposé ?

L'une des grandes inquiétudes des entreprises est de trouver du personnel et des compétences. La consommation des crédits du programme Cohésion de la mission Plan de relance, dont c'est l'un des objectifs, vous paraît-elle satisfaisante ? Pourriez-vous préciser le rythme de dégressivité des aides ?

Pourriez-vous nous présenter un bilan d'étape du report en arrière ? Cette disposition a cours depuis plusieurs mois et le groupe du Mouvement Démocrate et Démocrates apparentés avait proposé dès l'été dernier son déplafonnement.

Le « pass sport » va soutenir indirectement les associations. Les dispositifs en faveur des associations vous semblent-ils suffisants ?

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La situation sanitaire reste fragile. La situation dans certains départements touristiques devrait nous alerter, nous conduire à vacciner encore plus vite et à continuer à appliquer les gestes barrière, car nous désirons tous sortir au plus vite de la crise.

Le président Woerth a raison : il s'agit d'un PLFR d'urgence. Il est tout de même paradoxal qu'au moment où nous sortons de cette crise, les mesures de relance soient moins importantes que les mesures d'urgence. Je déplore par exemple que la recherche médicale, notamment dans le secteur des biotechnologies, ne bénéficie d'aucun crédit, ni dans le plan de relance initial de 100 milliards, ni dans ce PLFR. C'est une faute !

En revanche, je ne suis pas d'accord avec vous, monsieur le président, quand vous dites que les annulations de crédits, qui s'élèvent à 1,7 milliard, ont un caractère symbolique. Certes, c'est peu par rapport à l'ensemble du budget de l'État, mais ces annulations posent problème pour les missions Justice, Sécurités ou Travail et emploi, dans le contexte actuel.

Monsieur le ministre des comptes publics, je vous remercie d'avoir inscrit des crédits pour les régies. Je vous avais alerté à ce sujet dès le 22 juillet 2020, notamment pour les régies thermales. Ce PLFR corrige l'inégalité de traitement entre exploitants privés et exploitants publics : mieux vaut tard que jamais !

Monsieur le ministre de l'économie, dans les Échos du 26 mai 2021, vous avez défini une stratégie de désendettement reposant sur trois piliers, dont la poursuite de réformes structurelles comme celles de l'assurance chômage ou des retraites. Pouvez-vous nous donner un calendrier des réformes ? Dans ce même entretien, vous invitez tous ceux qui le peuvent à donner 100 000 euros à chacun de leurs enfants et 32 000 euros à chacun de leurs petits-enfants. Nous avions voté une mesure complémentaire dans un PLFR. Combien de Français peuvent le faire et combien l'ont fait ?

Monsieur le ministre, vous aviez reconnu que les élus désiraient être reçus au ministère de l'économie et des finances pour évoquer la situation de la filiale d'Eramet, Aubert et Duval. Comptez-vous tenir cette promesse ?

Enfin, si le carry back est une bonne mesure, combien nous coûtera-t-il en moindres recettes d'impôt sur les sociétés ?

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Ce PLFR nous semble répondre aux besoins créés par la nouvelle situation. En effet, le rechargement des dispositifs d'urgence que sont l'activité partielle, le fonds de solidarité et les exonérations de cotisations sociales est indispensable dans le cadre de la sortie progressive du dispositif d'aide. Or cette progressivité nous paraît indispensable.

La prolongation jusqu'à la fin de l'année de l'octroi de la garantie de l'État au titre des PGE était attendue et annoncée depuis plusieurs semaines ; nous nous félicitons de son inscription dans ce texte.

Parmi les autres mesures budgétaires ou fiscales contenues dans ce PLFR, nous tenons à saluer l'assouplissement du mécanisme de carry back, ainsi que l'introduction d'un mécanisme de compensation des pertes de recettes pour les régies du bloc communal, ainsi que la reconduction de la prime pour le pouvoir d'achat des Français, dont on pourrait envisager la pérennisation, après trois ans d'existence.

Les crédits alloués à l'hébergement d'urgence et les premières aides aux agriculteurs sont salutaires même si, pour ces derniers, le dispositif mérite d'être perfectionné.

Nous regrettons que le financement du dispositif de chômage partiel soit si complexe : cela ne facilite pas la lecture des mouvements de crédit.

En ce qui concerne les outils qui doivent permettre d'orienter l'épargne dormante vers des investissements productifs pour accompagner la relance par d'autres biais, la Fédération française de l'assurance (FFA) vous a présenté une solution visant à porter le plafond des versements déductibles sur un plan d'épargne retraite (PER) à 20 % des revenus professionnels jusqu'à la fin de l'année 2021. Que pensez-vous de cette proposition ?

Enfin, je souhaite appeler votre attention sur les animateurs et les directeurs occasionnels des institutions d'accueil collectif de mineurs, qui sont exclus du dispositif de prise en charge de l'activité partielle. Quelle solution leur apporter ?

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Je ne sais s'il suffit de répéter en boucle que la reprise est là pour qu'elle advienne. Les chiffres annoncent une autre réalité : le PIB en 2021 serait inférieur de 2,8 % à celui de 2019 – une année où la croissance était déjà faible. On se demande donc comment la dette pourrait être remboursée…

Si nous approuvons le prolongement du fonds de solidarité pour 3,6 milliards, avec l'abaissement du plancher que nous avons toujours demandé, ainsi que les 3 milliards pour le nouveau fonds de soutien, nous sommes plus dubitatifs concernant les 4 milliards d'exonérations de cotisations sociales qui, comme le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), viendront encore affaiblir notre système de protection sociale sans aucun effet, ni sur l'emploi, ni sur la compétitivité.

Nous sommes également plus dubitatifs à l'égard des 6,4 milliards qui serviront à compenser l'activité partielle. Comment occulter que, sur les vingt-sept groupes du CAC 40 ayant bénéficié de l'activité partielle, seize ont versé des dividendes à leurs actionnaires en 2020 et en 2021 ? Près de 51 milliards ont été versés à ces actionnaires. En 2020, les entreprises du CAC 40 prévoient de supprimer près de 30 000 emplois en France. Comment expliquer cela ?

Tout cela s'inscrit dans le contexte des cadeaux fiscaux que nous connaissons depuis le début du quinquennat, sur lesquels vous avez rappelé ne pas vouloir revenir, même à titre exceptionnel et même si, cette semaine, le CAC 40 atteint son plus haut niveau depuis vingt ans. En somme, nous voulons que les aides ne soient pas distribuées à l'aveugle. Qu'attendez-vous pour changer de logique ?

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Pour l'essentiel, les crédits permettront de prolonger des mesures de soutien existantes, afin de permettre la sortie douce que vous appelez de vos vœux. Dont acte ; ces mesures sont essentielles. Nous ne contestons pas ces aides puisque la crise est plus longue que ce qui avait été initialement envisagé. Vous proposez aussi des nouveautés, avec le déplafonnement total du retour en arrière, ce qui profitera aux plus grosses entreprises – cela ne surprendra personne. Je souhaiterais que vous nous en disiez davantage sur ce fameux algorithme qui permettra désormais de détecter les entreprises en difficulté et qui leur proposera, le cas échéant, d'étaler leur dette sur dix ans.

Ce PLFR engage des charges nouvelles qui vont venir alourdir la dette et serviront de prétexte pour compresser les dépenses publiques. Je m'étonne que l'on n'explore pas la possibilité de recettes supplémentaires alors qu'un certain nombre d'entreprises du CAC 40 ont distribué ou s'apprêtent à distribuer 50 milliards de dividendes à leurs actionnaires, et que le nombre de pauvres en France n'a jamais été aussi élevé. Messieurs les ministres, la situation est exceptionnelle ; ce ne serait pas un reniement que de revenir sur votre appréciation. Car c'est pour nous une erreur d'appréciation, et sans doute aussi une faute politique.

Compenserez-vous les pertes de recettes des villes thermales où la fermeture des casinos a créé des situations critiques ? Dans ma circonscription, une petite ville qui perçoit 600 000 euros par an de ses casinos se trouve actuellement dans une situation difficile.

Enfin, ne craignez-vous pas que la pénurie de matériaux soit nuisible à la relance que nous appelons tous de nos vœux ?

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Vous nous dites qu'il faut sortir de la politique du « quoi qu'il en coûte » : vous avez tout à fait raison, mais ce PLFR nous y enfonce. Le déficit structurel est en dégradation continue : en loi de finances initiale, il était évalué à 3,8 %, ce qui constituait déjà une augmentation par rapport à 2020 ; dans le programme de stabilité, cette composante du déficit public a été estimée à 5,5 % du PIB ; désormais, vous l'évaluez à 6,3 % tandis que le Haut Conseil des finances publiques l'évalue à 7,3 %. Comment justifier cet écart ? La loi de finances initiale pour 2021 était-elle sincère ?

La hausse très forte des dépenses de l'ensemble des administrations publiques, aussi bien de l'État que de la sécurité sociale ou des collectivités territoriales, témoigne d'un quasi-abandon de l'objectif de maîtrise de la dépense publique. D'après le Haut Conseil, les dépenses publiques ont augmenté de 66 milliards entre 2020 et 2021, soit 4,7 %. Or les dépenses ordinaires, hors crise, représentent 41 milliards de cette somme : elles enregistrent donc une hausse considérable de 2,9 %. Où sont les économies structurelles ?

Le Haut Conseil relève le report annoncé du 1er juillet 2021 au 1er juillet 2023 de la hausse du tarif de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) sur le gazole non routier. Cette perte de recettes fiscales ne figure pas dans le PLFR. Il paraît, d'après une note de bas de page du Haut Conseil, que vous déposerez un amendement à ce sujet. N'y a-t-il pas une forme d'amateurisme à procéder ainsi ? Il s'agit tout de même d'une somme de 870 millions !

Notre président vous a posé une question à laquelle vous n'avez pas répondu : comment expliquer l'écart entre l'augmentation de la dette et le montant des déficits ? J'interroge régulièrement les ministres successifs à ce sujet et je pense qu'il s'agit des primes d'émission. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner le montant prévisionnel des primes d'émission en 2021 ? En 2020, elles se sont élevées à 30 milliards. Pourriez-vous nous indiquer le montant prévisionnel des primes d'émission en stock, dont je pense qu'il dépasse 100 milliards ?

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Comme l'a demandé Alexandre Holroyd, pourriez-vous nous donner une estimation de l'impact de la mesure de carry back sur les recettes d'impôt sur les sociétés ?

Je n'accepte pas le discours qui consiste à prétendre que la France a le niveau d'imposition le plus élevé. Le niveau de prélèvement en France englobe des cotisations sociales qui servent à couvrir des prestations. Si on n'en tient pas compte, on compare systématiquement des choses incomparables. Par ailleurs, ne confondez pas le taux et le niveau de prélèvement : on peut avoir des taux élevés et des assiettes très basses. Je pense notamment à l'impôt sur les sociétés qui a baissé pendant ce quinquennat.

Je déplore surtout que vous refusiez de manière quasi-idéologique de travailler sur le volet recettes. Vous avez tiré vers le bas la proposition de seuil minimal d'impôt sur les sociétés et les filiales des groupes qui a été proposé à l'OCDE : alors que l'administration Biden présentait une proposition ambitieuse de 21 %, la France n'a proposé qu'un petit taux de 15 %. Ce taux ne suffira pas à lutter contre la concurrence déloyale exercée par les États qui pratiquent de faibles taux d'imposition.

Je profite de cette tribune pour dénoncer l'accord conclu le 1er juin 2021 sur la directive transparence fiscale des multinationales. Là encore, vous avez torpillé des années de négociations en tirant l'ambition vers le bas et en limitant la portée de cette directive.

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Je voudrais souligner la cohérence de toutes les mesures de ce PLFR et témoigner des retours du terrain : les cafetiers, les restaurateurs, les commerces ont rouvert dans de très bonnes conditions grâce aux mesures qui ont été prises.

Les comptes de 2020 sont arrêtés pour les collectivités territoriales. Les recettes ont tenu : elles n'ont baissé que de 0,4 %, quand les dépenses n'ont augmenté que de 1,8 %. Il faut donc aider les collectivités qui ont le plus souffert, et seulement celles-là.

Je souhaite vous interroger sur le gazole non routier (GNR). Nous devons respecter des engagements en matière de climat. Qu'est-ce qui, dans la situation actuelle du secteur du BTP, justifie que l'on repousse la suppression de cet avantage fiscal ?

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Dans les départements, des dispositifs de sortie de crise rassemblent les différents partenaires des entreprises afin d'identifier le plus tôt possible les difficultés qu'elles peuvent rencontrer et de les accompagner. Avez-vous suffisamment encadré le dispositif des algorithmes qui croise les fichiers de la Banque de France, de la direction générale des finances publiques (DG-FiP) et des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) ? En effet, afficher les entreprises en difficulté peut leur être préjudiciable dans leurs relations avec leurs clients et leurs fournisseurs.

En termes d'accompagnement financier, existe-t-il un principe de dérogation ? Certaines entreprises devront y avoir recours en raison de leur situation particulière.

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Le PLFR introduit des mesures d'aide à destination du secteur agricole à hauteur de 350 millions d'euros. On est loin du milliard annoncé par le Premier ministre mi-avril. En outre, ces aides ne sont pas exclusivement liées au gel puisqu'elles concernent également les agriculteurs qui subissent l'épidémie de grippe aviaire et les conséquences de celle de la covid-19. Le Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA), alimenté par une part de la provision pour aléa, ne dispose pour 2021 que d'une somme proche de 150 millions d'euros, déjà largement entamée par les accidents climatiques de 2020. Avec le même montant de FNGRA en 2022, il manquera encore 500 millions d'euros. Comment expliquez-vous cet écart entre les montants annoncés et ceux qui sont effectivement débloqués ? Quels crédits comptez-vous mobiliser pour mettre en œuvre ces indemnisations ?

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Ce PLFR ouvre des crédits nouveaux, dont 350 millions visant à l'indemnisation des agriculteurs pour les pertes liées au gel ou à la grippe aviaire. Pourriez-vous nous donner des détails sur ces crédits nouveaux ?

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En tant que député, je souhaite la réussite du plan de relance et le retour de la croissance que vous annoncez. En tant que Corse, je souhaite une meilleure adaptation des mesures aux spécificités de la Corse. Nous agirons en ce sens par amendement.

Rappelez-vous ce que vous aviez découvert lors de votre voyage en Corse : lorsqu'une mesure est adaptée, elle est efficace. Je souhaite donc que nous puissions travailler avec vos services à une évolution des dispositifs fiscaux pour les adapter, pour couper la route à ceux qui en profitent indûment en nourrissant une spéculation désastreuse et pour les rendre plus efficaces.

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Je souhaite vous interroger sur l'enveloppe de 6,4 milliards de crédits que vous souhaitez engager pour recharger le dispositif d'activité partielle qui a été, dans le cadre du plan de relance, un réel bouclier pour aider les entreprises à faire face à la crise sanitaire. Comment voulez-vous engager la montée en puissance de l'activité partielle de longue durée (APLD) ? Comment préserver l'emploi sur le long terme dans les secteurs affectés de faillites ou de restructurations ? À titre d'exemple, dans le transport aérien, nombre d'emplois sur les plateformes aéroportuaires, et en particulier de prestataires des compagnies aériennes, pourraient bénéficier du dispositif de l'APLD mais il semblerait que certaines entreprises aient privilégié le recours aux procédures collectives pour se restructurer et réduire leurs effectifs sans proposer l'APLD à leurs salariés.

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Bruno le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la relance

Monsieur le rapporteur général, désormais, l'ensemble des États membres ont voté les dispositions sur les ressources propres du plan de relance pour l'Europe et l'ont ratifié. Les levées de dette sur les marchés ont commencé, notamment grâce à l'action de la France pour accélérer ce processus. Nous recevrons donc un premier financement de 5,1 milliards dans le courant du mois de juillet, après l'approbation de notre programme national de relance. En termes de comptabilité nationale et donc de déficit public, les fonds européens, en revanche, sont enregistrés au moment où nous engageons la dépense correspondante. Ces dépenses représenteront 17 milliards en 2021, je le dis pour la bonne information du Parlement, mais nous toucherons 5,1 milliards en comptabilité de caisse. L'accélération de l'adoption et du décaissement du plan de relance européen est une excellente nouvelle.

Monsieur Holroyd, tous les États européens maintiennent des niveaux de dépense publique élevés : le choix collectif que nous avons fait consiste à poursuivre le soutien à l'économie de manière dégressive et adaptée. Toutefois, nos points de départ n'étaient pas les mêmes. Ainsi, en 2017, le niveau de dette publique français était déjà supérieur à 96 %. La majorité, pendant les trois premières années du quinquennat, alors qu'il n'y avait pas de circonstances économiques exceptionnelles, a su réduire la dépense, stabiliser la dette, revenir en dessous des 3 % de déficit et sortir la France de la procédure pour déficit excessif. Nous avons fait le travail de rétablissement des finances publiques, puis nous avons fait face à une crise économique, et si les Français nous font confiance par la suite, nous continuerons d'œuvrer au rétablissement des comptes publics car c'est dans notre ADN politique.

L'autre point qui singularise la France, c'est un ratio de dépenses publiques structurelles par rapport au PIB supérieur de 10 points à celui de la moyenne de la zone euro. Or chacun sait ici que les deux tiers de cet écart s'expliquent par le champ social et notamment par les retraites : c'est un constat. On peut se satisfaire de cette situation mais, quant à nous, nous estimons qu'il faut augmenter le volume global du travail en France, notamment par une réforme des retraites. Nous poursuivrons ce débat en temps voulu mais une partie de la réponse à vos questions réside dans les réformes structurelles.

La comparaison avec les autres plans de relance européens est difficile car les moyens et les calendriers diffèrent : dans certains cas, on parle de subventions, dans d'autres, de prêts. Ainsi, nous n'avons pas fait appel aux prêts européens puisque nous estimons que nous avons des taux suffisamment attractifs pour ne pas diversifier les levées de fonds ; nous ne bénéficions donc que des subventions, à hauteur de 40 milliards d'euros. L'Italie, en revanche, a suivi une stratégie différente en saturant sa capacité d'emprunt auprès de l'Union européenne. Nous avons fait le choix d'un décaissement très rapide, sur deux ou trois ans, là où les Italiens ont étendu cette dépense jusqu'en 2026.

Monsieur Le Fur, nous estimons que la puissance de la consommation des Français ne justifie pas que nous complétions les dispositifs de donation actuels. J'invite donc les Français à utiliser les dispositifs existants : il est possible d'effectuer des donations libres de toute taxation à hauteur de 31 685 euros pour chacun des petits-enfants pour les grands-parents et à hauteur de 100 000 euros par enfant.

Jean-Noël Barrot, je rappelle les deux changements concernant le carry back : nous l'avons déplafonné alors qu'il était plafonné à un million d'euros. L'imputation doit se faire désormais sur trois exercices : 2019, 2018 et 2017. Nous aurons une évaluation exacte lorsque nous disposerons du montant des pertes consolidées sur 2020. Nous estimons que le carry back représente un coût en trésorerie pour l'État de l'ordre de 400 millions par an. C'est donc une aide très significative qui est apportée aux entreprises.

Madame Pires Beaune, le calendrier de la réforme des retraites est entre les mains du Président de la République. Par ailleurs, nous avons réglé le délicat problème de la gouvernance d'Eramet ; nous accordons une très grande importance au règlement rapide de la question d'Aubert et Duval, car il s'agit d'une entreprise stratégique qui produit des aciers et des alliages spéciaux dans le domaine de l'aéronautique.

Madame Magnier, je voudrais dire à tous les parlementaires de la majorité et de l'opposition qui ont voté la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises (PACTE) que les dispositifs qu'elle a introduits sur les produits d'épargne retraite sont un immense succès. C'est bien la preuve que la simplification et l'attractivité d'un point de vue fiscal sont efficaces : 4,5 millions de personnes ont souscrit un PER, ce qui représente 31 milliards d'en-cours. Ainsi, lorsque l'on donne aux Français des moyens simples et rentables d'investir dans l'économie française, ils le font. Notre responsabilité est donc de leur proposer ces produits. Si on ajoute les 270 milliards déjà placés sur d'autres produits d'épargne personnelle retraite, nous atteindrons 300 milliards, qui iront au financement de l'économie française. Notre objectif est atteint ; cet immense succès prouve que quand on simplifie les produits et qu'on les rend attractifs à la sortie, avec la fiscalité que vous connaissez et la possibilité de sortie en rente ou en capital, les Français adhèrent et placent bien leur argent sur ces produits. Faut-il aller plus loin en les rendant encore plus attractifs avec une possibilité de déduction qui passerait de 10 à 20 % comme le proposaient les assureurs ? Nous allons étudier cette mesure, mais je constate que le dispositif actuel est déjà très attractif : une telle mesure, si elle était adoptée, ne pourrait donc être que transitoire.

Madame Rubin, je vous confirme que nous n'avons pas changé de stratégie économique puisqu'elle avait donné de très bons résultats en 2018 et 2019. Je ne vois pas de nécessité à changer de logique mais, en tirant des leçons de la crise, nous accentuons certaines orientations, telles que la lutte contre le réchauffement climatique et l'innovation au service du climat.

Monsieur Dufrègne, nous utiliserons des algorithmes dans le cadre du système de détection précoce des entreprises en difficulté en croisant, pour la première fois, les données dont disposent la direction générale des entreprises, la direction générale des finances publiques et la Banque de France. Ces données seront pilotées au niveau départemental par la DGFiP et elles seront couvertes par le secret fiscal ; elles permettront à la DGFiP d'alerter les entreprises et de leur proposer des solutions avant qu'il ne soit trop tard. Ce dispositif s'inscrit donc dans une logique de prévention.

Par ailleurs, la pénurie des matières premières est une réalité, mais je pense qu'elle est temporaire et que les marchés s'ajusteront dans les prochaines semaines.

Monsieur de Courson, les déficits publics résultent de trois éléments conjugués : le report des mesures d'urgence de 2020 sur 2021 à hauteur de près de 29 milliards, les mesures de sortie de crise et les investissements de la relance.

Nous avons fait le choix de ne pas augmenter brutalement les tarifs du GNR pour les petits entrepreneurs de travaux publics. Je suis le premier à estimer qu'il faudra, le moment venu, aligner ces tarifs, car bénéficier d'un avantage fiscal sur un carburant polluant pose une difficulté de principe. Mais nous sommes vaccinés contre les mesures fiscales brutales en matière de carburants. Je pense avoir passé suffisamment de temps avec les représentants de ces entrepreneurs pour comprendre qu'il est impossible de faire passer en une seule fois la taxe sur le prix du carburant de 18,82 centimes d'euros par litre à 50,94 centimes d'euros. Une telle augmentation ferait disparaître toutes les marges des petits entrepreneurs. J'assume donc le choix d'augmenter ces taxes progressivement, en proposant des solutions alternatives et en assurant l'équité entre les différents acteurs des travaux publics et en tenant compte de la situation des plus petits. Ce n'est pas un choix facile, mais c'est une question de justice. Nous déposerons un amendement afin que cette disposition ne soit pas appliquée avant le 1er janvier 2023.

Madame Cariou, lorsque vous prétendez que la France a torpillé des années de négociations sur la fiscalité internationale, j'ignore si votre intervention est à mettre sur le compte de l'aveuglement, de l'ignorance, ou de la mauvaise foi. Depuis le premier jour, la France, seule contre tous, a porté l'idée d'une réforme de la taxation internationale. Elle a été le premier État, en 2017, à proposer aux vingt-six autres États membres de l'Union européenne une taxation digitale. Tous nos compatriotes ont supporté les sanctions américaines de M. Trump, notamment sur le vin qui a été taxé à 25 %, parce que la France est l'un des premiers États européens à avoir introduit une taxation nationale sur les géants du digital, devant le blocage des négociations au niveau européen où quatre États membres refusaient d'introduire une taxation européenne. Le Président de la République et moi nous sommes battus contre l'administration Trump pendant des années parce qu'elle refusait cette taxation internationale minimale sur le digital. Au sein de l'Union européenne, au sein du G7, au sein du G20, au sein de l'OCDE, s'il est un État qui a défendu l'idée d'une taxation minimale et d'une taxation sur les géants du digital en en payant le prix fort, c'est la France. Je ne peux pas accepter d'entendre que la France a torpillé une négociation qu'elle a portée à l'origine, qu'elle a défendue et qu'elle a voulue.

Peut-être votre fascination pour la nouvelle administration américaine, que vous partagez avec un certain nombre de responsables politiques, vous incite-t-elle à soutenir que nous aurions dû suivre M. Biden, mais nous avons proposé 21 % avant M. Biden. C'est le président américain lui-même, et non la France, l'Allemagne ou un autre pays européen, qui est revenu de 21 à 15 %. Nous avons toujours dit qu'une taxation minimale des sociétés à hauteur de 21 % convenait parfaitement à la France. Madame Cariou, si vous arrivez à convaincre le président Biden de revenir de 15 à 21 %, nous vous suivrons avec le plus grand plaisir.

Pour le moment, l'essentiel est de parvenir, vendredi 4 juin, au sommet du G7 à Londres, à un accord global sur la taxation des géants du digital, qui ont fait des profits considérables et qui doivent payer leur juste part d'impôt. La France, seule contre la plupart des autres États, a défendu cette position sur le plan international et continuera de le faire. Nous estimons que toutes les multinationales qui font de l'évasion fiscale et placent leurs profits au Luxembourg ou en Irlande, par exemple, doivent désormais payer leur juste part d'impôt, et nous nous battons pour cela. La France peut être fière de la position qu'elle a défendue derrière le Président de la République sur la taxation internationale.

Permalien
Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics

Monsieur Le Fur, les conditions d'accès à la prime défiscalisée de pouvoir d'achat sont les mêmes qu'en 2020, avec les deux étages, à savoir 1 000 euros ou 2 000 euros, et la volonté de favoriser les accords d'intéressement et les accords de branche.

Monsieur Barrot, pour l'aide aux associations, nous allons proposer de reconduire en 2022 la mesure adoptée l'an dernier permettant l'octroi d'une partie des comptes en déshérence au fonds pour le développement de la vie associative (FDVA), ce qui permet pratiquement de doubler le FDVA. C'est pour nous la meilleure façon de soutenir le tissu associatif.

Depuis le mois d'octobre, avec Élisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, nous avons réintroduit un contrôle a priori des aides liées à l'activité partielle, ce qui nous permet de prévenir très drastiquement la fraude en la matière. Concernant le fonds de solidarité, la vigilance des services de la DGFiP a évité le versement indu, parce que potentiellement frauduleux, de plus d'1,5 milliard d'aides sur 7 milliards qui ont été vérifiés après avoir présenté quelques incohérences ou difficultés. Par ailleurs, dans les jours qui viennent, nous transmettrons à la justice entre 5 000 et 7 000 dossiers sur 10 000 que nous avons examinés en contrôle a posteriori parce qu'ils nous semblaient pouvoir être entachés d'irrégularités.

Madame Pires Beaune, les annulations des crédits gelés et placés en réserve de précaution n'ont conduit à l'annulation d'aucun projet, pas plus qu'ils n'ont conduit à la révision des priorités des ministères concernés. Ainsi, pour la justice, malgré l'annulation d'une partie de la réserve de précaution, les crédits disponibles restent assez nettement supérieurs à ce qui était prévu dans la loi de programmation pour la justice.

Je vous remercie d'avoir soulevé la question des régies. Nous n'interviendrons que pour accompagner les régies qui ont perdu des capacités. Parmi les critères d'attribution de cette aide, nous prendrons en compte la diminution des capacités d'épargne brute des services publics concernés. Nous pourrons ainsi mesurer la perte de recettes mais aussi les économies de constatation afin d'accompagner le plus justement possible ces services publics.

Je rappelle que l'augmentation annuelle moyenne de l'ensemble de la dépense publique se situe généralement autour de 20 milliards, voire de 30 milliards, ce qui conduit à relativiser le chiffre de 41 milliards avancés par le Haut Conseil des finances publiques pour 2021. En outre, il faut prendre en compte le Ségur de la santé et le fait que l'année 2021 se caractérise par une augmentation des dépenses d'investissement des collectivités après une baisse forte en 2020, tant du fait de la crise que du cycle électoral. C'est la raison pour laquelle nous ne partageons pas l'inquiétude qui est parfois exprimée à ce sujet.

Monsieur Pellois, les crédits de 350 millions que nous proposons d'ouvrir permettront d'indemniser les agriculteurs touchés par le gel et de financer l'aide aux bovins allaitants, pour 60 millions d'euros, l'indemnisation des agriculteurs dont l'activité est affectée par la grippe aviaire ou la jaunisse de la betterave, pour une soixantaine de millions d'euros, le complément d'aide au stockage viticole, autour de 10 millions d'euros, et de renflouer le régime des calamités agricoles. Le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, M. Julien Denormandie, qui préside actuellement un comité national des calamités agricoles, doit apporter des précisions à ce sujet.

Enfin, madame Rubin, la totalité des exonérations de cotisations accordées pendant cette période sont compensées auprès de la sécurité sociale : 4 milliards sont prévus dans ce texte dans ce but, ainsi que d'autres crédits qui ont été votés dans la loi de finances initiale.

Information relative à la commission

La commission a désigné Mme Aude Bono-Vandorme, rapporteure pour avis, par délégation de la commission du développement durable, des articles 33 à 42 du projet de loi, adopté par le Sénat, portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine des transports, de l'environnement, de l'économie et des finances (n° 4186)