Intervention de Éric Woerth

Réunion du mercredi 2 juin 2021 à 15h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Woerth, président :

Nous avons découvert ce matin le texte du projet de loi de finances rectificative. Nous espérons tous que la covid-19 est derrière nous et que la croissance est devant nous, mais ce n'est pas certain ; je comprends donc la prudence du Gouvernement sur un certain nombre de points.

En matière de finances publiques, la situation était déjà assez mauvaise avant la crise : nous devons donc revenir, non pas à la situation normale, mais à une situation meilleure que la normale. Nous avons besoin de retrouver un chemin qui protège la souveraineté financière de la nation. Or tout dépend de la vitesse et de l'intensité des travaux pour démonter la construction de l'ensemble des aides apportées à l'économie.

Tout cela est difficile à lire. Je comprends que ceux qui passent moins de temps que nous sur ces questions aient bien des difficultés à s'y retrouver. D'abord, on constate une grande instabilité : c'est une instabilité chronique, due à la situation. Mais ces difficultés tiennent aussi à des chiffres différents, ou à des présentations différentes. Souvent les ordres de grandeur ne sont pas mesurés sur les mêmes périmètres : l'un est mesuré sur l'État, l'autre sur l'ensemble des finances publiques, par exemple. Ainsi, vous parlez de 40 milliards de dépenses supplémentaires par rapport à la prévision sur l'État, mais de 9,4 % de déficit public par rapport au produit intérieur brut (PIB). Les finances sociales se portent un tout petit peu mieux parce qu'il y a plus de cotisations, dès lors qu'il y a moins d'activité partielle.

Nous constatons aussi des problèmes d'évolution. Quand le Haut Conseil des finances publiques affirme que l'augmentation des dépenses publiques est de 66 milliards entre 2020 et 2021, il considère que 41 milliards relèvent des dépenses ordinaires et 25 milliards des dépenses liées au soutien et à la relance. Y a-t-il des problèmes de définition ? Ces chiffres sont-ils les bons ? Je suis très étonné de ce chiffre de 41 milliards liés à des dépenses ordinaires. Avant d'en parler demain matin avec M. Pierre Moscovici, président du HCFP, abordons ensemble cette question : comment comprenez-vous ces chiffres ?

Des problèmes d'utilisation des crédits se posent également. Lorsque les programmes d'investissements d'avenir (PIA) sont utilisés en dehors du cadre normal des PIA, lorsque l'activité partielle est financée par les crédits de la relance, avant d'être, certes, compensés par la suite, cela crée beaucoup de confusion.

Sans parler de l'instabilité, je ferai remarquer que le déficit public pour 2021 est passé de 7,6 % du PIB au moment où vous nous avez présenté le projet de loi de finances (PLF) en octobre 2020, à 8,5 % au moment où le PLF a été voté, à 9 % lors de la présentation du programme de stabilité (PSTAB) 2021-2027, et maintenant à 9,4 %. Ces écarts ne paraissent pas considérables, mais 40 milliards de déficit public supplémentaire, c'est considérable. Et on ne peut s'empêcher de se demander où vont les finances publiques.

Ce projet de loi de finances rectificative est un PLFR d'urgence, puisque la proportion des dépenses d'urgence est plus importante que la proportion des mesures de relance. Or ce n'est pas ce qui était prévu lors de l'examen du PLF.

Une ambiance dépensière se crée, et il n'y a rien de pire que les ambiances dépensières. De nombreux ministres annoncent beaucoup de mesures nouvelles. Certes, vous jouez cartes sur table : vous avez financé ces mesures, qui concernent par exemple l'hébergement d'urgence ou les agriculteurs, dans le PLFR. Toutefois, le ministre de l'éducation nationale a annoncé récemment une augmentation des personnels de 700 millions hors PLFR. J'imagine que cette somme est subdivisée en plusieurs catégories et que la totalité ne constitue pas une augmentation pérenne. Mais comment la finance-t-on ? Par un PLFR 2, un PLFR 3, ou bien la financera-t-on l'an prochain ? Tout cela est problématique.

Nous en sommes au premier PLFR. La question que nous devons nous poser est la suivante : jusqu'où pouvons-nous aller sans que le coût des mesures ne dépasse le bénéfice collectif que notre économie peut en retirer ? J'imagine que vous élaborez, à Bercy, des scénarios et des études qui comparent le coût et les bénéfices de la politique du « quoi qu'il en coûte » et qui invitent à en sortir.

Il faut faire des économies et maîtriser la dépense publique. Or je vois que les crédits de paiement annulés dans le PLFR 1 s'élèvent à 1,7 milliard, tandis que ceux qui sont augmentés s'élèvent à 21,7 milliards. Certes, je ne pense pas que l'on puisse faire des économies dans le PLFR. Mais où en est la réflexion sur la maîtrise de la dépense par des réformes structurelles ? De telles réformes exigent beaucoup de temps et de liberté politique.

La croissance est-elle le moyen de financer les mesures nouvelles ? Vous avez raison d'afficher une croissance prudente, même si l'OCDE prévoit qu'elle sera un peu plus élevée. Mais une croissance de 5 % avec un taux d'élasticité de 0,8 % entraîne une augmentation des recettes de 4 %, quand l'augmentation des dépenses du budget après le présent PLFR s'élève à 4,7 % : la divergence s'accroît donc encore.

Enfin, je ne sais pas par quel miracle on passe d'une dette publique de 117,8 % à 117,2 % du PIB, c'est-à-dire comment on réduit la dette alors que l'on augmente les dépenses et le déficit. Je ne sais pas où sont chiffrés les crédits attendus du plan de relance européen, qui doivent être versés en plusieurs étapes. Sont-ils pris en compte dans le PLFR ? Comment faites-vous pour ne pas augmenter les 260 milliards de dette à moyen et long terme qui étaient prévus ? Je rappelle que cette somme correspond à 100 % de nos recettes fiscales.

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