Intervention de Jean‑Michel Blanquer

Réunion du jeudi 3 juin 2021 à 21h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Jean‑Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports :

Je suis très heureux d'être devant vous, comme il se doit en cette période.

Nous avons vécu une année 2020-2021 inédite et les personnels du ministère de l'éducation nationale ont répondu de manière extraordinaire aux défis sanitaires, logistiques et éducatifs. En comparaison avec d'autres pays, la France a su avoir l'année scolaire la plus normale possible. Néanmoins, il ne faut pas minimiser ce qui s'est passé tout au long de l'année, ni ce que cela a supposé en matière d'efforts de la part de tous et d'attachement à l'école en France.

Au cours des mois et des années à venir, nous devrons avoir un rebond de l'éducation à l'échelle de notre pays, de l'Europe et du monde. La question de l'ouverture des écoles en période de crise sanitaire est déterminante. Toutes les analyses disponibles à ce stade montrent que nous avons pris les bonnes décisions en ouvrant le plus possible les écoles.

L'exécution budgétaire est totalement en ligne avec l'autorisation de 52,042 milliards d'euros votée en loi de finances initiale (LFI), ce qui est un fait rarissime. On a souvent fait des reproches à l'éducation nationale en la matière, en particulier au cours des dernières années. L'écart est infime : il s'élève à 3 millions. Nous avons donc réussi à atterrir là où c'était prévu, en pilotant la dépense – il a fallu l'augmenter dans certains domaines pour tenir compte de la crise sanitaire.

Je rends hommage à la direction des affaires financières du ministère et à sa directrice ici présente. Sous sa responsabilité, des instruments de pilotage ont été développés et un travail en finesse a été entrepris. L'ensemble des agents travaillent à ce pilotage. Je m'inscris en faux contre tous les clichés sur l'éducation nationale et son administration prétendument pléthorique ou bureaucratique : pour très bien la connaître, j'affirme que nous avons des personnels très dévoués et d'un grand professionnalisme, ce qui permet ces résultats et ces adaptations ; il faut être juste avec ceux qui accomplissent le travail.

Le niveau d'exécution reflète l'engagement fort du ministère de protéger l'ensemble des acteurs de l'éducation nationale durant la crise sanitaire, mais aussi de respecter les objectifs fixés en LFI.

Le budget 2020 a d'abord été mobilisé pour la protection de la communauté éducative durant la crise sanitaire et pour les élèves, puisque nous avons avant tout cherché à assurer la continuité pédagogique, notamment avec le CNED et les outils d'enseignement à distance, comme « ma classe à la maison », qui avaient été développés avant la crise et ont été utiles pendant celle-ci.

Nous avons consacré 10,2 millions d'euros au dispositif Sport‑santé‑culture‑civisme (2S2C), il y a exactement un an, pour proposer aux élèves des activités éducatives et ludiques pendant le temps scolaire. Ce dispositif en a précédé d'autres, notamment les « vacances apprenantes » de l'été dernier.

Nous nous sommes associés à des acteurs externes, en particulier France 4, pour l'opération « Nation apprenante » qui se poursuit et doit survivre à la crise sanitaire. Elle a permis, en un temps record, en mars‑avril, de développer des cours télévisés qui ont rencontré un grand succès d'audience et ont été très utiles à plus d'un titre.

Nous avons soutenu financièrement les groupements d'établissements (GRETA), qui n'étaient pas tous éligibles au dispositif d'activité partielle.

L'objectif de continuité pédagogique, visant à limiter les effets du confinement, nous a aussi conduits à étendre le dispositif « École ouverte » dans le contexte des « vacances apprenantes ». Nous y avons consacré 23,6 millions au titre du ministère de l'éducation nationale, qui est aussi celui de la jeunesse et des sports.

Nous avons également pris des mesures en faveur des personnels. Les sous‑consommations de la masse salariale liées à la fermeture des établissements et donc à un moindre nombre d'heures supplémentaires en mars‑avril 2020 ont dégagé des moyens qui nous ont permis de financer, notamment, l'accompagnement en ligne qui s'est développé aux vacances de printemps 2020.

D'autres mesures financières ont été prises pour faire face à la situation. Nous avons consacré 35 millions à l'achat de matériels divers de protection, de masques en particulier et de tests antigéniques – les écoles ont pu être ouvertes non seulement du fait des protocoles sanitaires mais aussi de la stratégie « tester, alerter, protéger » –, 47 millions à la mise à disposition d'équipements pour développer le télétravail, 25 millions à la prime exceptionnelle covid en faveur des agents mobilisés durant la crise sanitaire, en particulier pour accueillir les enfants de personnels soignants – nos agents se sont engagés à titre bénévole dans un premier temps, et la prime n'a été décidée qu' a posteriori –, 21 millions à la prime exceptionnelle de rentrée pour les directeurs et directrices d'école, soit 450 euros par personne, ainsi que 299 millions aux revalorisations dans le cadre du PPCR.

Les crédits nécessaires à la création d'emplois et à la remobilisation d'heures supplémentaires au second semestre ont également été engagés. Nous avons décidé l'année dernière, à la même époque, des créations d'emplois à la rentrée pour faire face à la situation. Ainsi, 1 498 emplois ont été dédiés à la non‑fermeture de classes dans le premier degré, notamment en milieu rural, 475 emplois ont été ouverts grâce au plan de relance, en particulier pour la création de classes de BTS – brevets de technicien supérieur – et pour faciliter la réussite au certificat d'aptitude professionnelle, et à cela s'ajoutent la création de 1 529 emplois de personnels contractuels pour remplacer les enseignants vulnérables du premier degré et le recrutement de 2 700 assistants d'éducation supplémentaires au second semestre.

En 2020, le schéma d'emplois aurait dû être nul grâce des compensations. En réalité, nous avons dépassé de 3 048 équivalents temps plein (ETP) le nombre autorisé, ce qui était justifié par la crise.

Malgré cette forte mobilisation, nous avons exécuté le budget conformément aux objectifs assignés en loi de finances. La priorité donnée au primaire a été renforcée par les créations de poste – il en était prévu 440, mais il y en a eu 2 374. Dans le second degré, les emplois ont progressé de 84 ETP alors que des suppressions de postes étaient prévues.

En dépit de la crise sanitaire, l'école est toujours plus inclusive. Vous avez mentionné à juste titre les AESH : l'accueil de 385 000 élèves en situation de handicap représente une augmentation importante, de 7 %, entre la rentrée 2019 et la rentrée 2020. Cette hausse du nombre d'élèves s'est accompagnée de la mobilisation de 3,2 milliards d'euros, ce qui constitue un budget extrêmement élevé, en augmentation de 11 % par rapport à l'exécution 2019 et de 38 % par rapport à 2018. C'est la plus forte hausse budgétaire depuis le début du quinquennat et la priorité du Président de la République.

Le renforcement de l'école inclusive se traduit également par la création de 8 000 postes d'AESH, dont 4 000 non prévus en LFI, afin de s'adapter à la hausse des prescriptions des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et de permettre l'accueil des enfants en milieu scolaire ordinaire.

En ce qui concerne le déploiement des pôles inclusifs d'accompagnement localisés (PIAL), nous avons dépassé l'objectif initial de couverture des deux tiers du territoire : 78 % sont couverts, et 100 % le seront à la rentrée 2021.

Pour ce qui est de la stratégie visant à renforcer le métier de professeur, 1 884 étudiants supplémentaires ont été recrutés à la rentrée 2020 pour exercer des fonctions d'éducation dans les établissements ou dans les écoles au titre de la préprofessionnalisation. J'ai tenu à ce que la loi pour une école de la confiance comporte ce dispositif, destiné à préparer des jeunes à devenir professeurs tout en gagnant leur vie.

Les bourses et les fonds sociaux ont représenté 828 millions d'euros de dépenses en 2020, malgré les mois de fermeture complète ou d'activité fortement dégradée du fait de la crise sanitaire. Cela témoigne du fort niveau d'investissement des établissements scolaires, qui ont également mobilisé leurs reliquats pour venir en aide aux familles.

Par ailleurs, 60 millions ont été consacrés aux constructions scolaires en outre‑mer dans le cadre de différents plans, que ce soit pour Mayotte ou pour la Guyane, ce qui représente 15 millions de plus que ce qui était prévu en LFI. Je pense en particulier aux efforts faits pour les collèges, lycées et cantines collectives de Mayotte en raison de la pression démographique.

Nous avons continué à creuser les sillons de la transformation, en obtenant des résultats. Comme je l'ai indiqué à la commission des affaires culturelles et de l'éducation, nos investissements se traduisent dans les évaluations faites en CP et CE1. Il ne s'agit pas seulement de dégager plus d'argent – la rapporteure spéciale l'a dit –, mais ce quinquennat a battu des records en ce qui concerne les augmentations budgétaires consacrées à l'éducation nationale, à rebours de beaucoup de clichés. L'argent a été ciblé vers des priorités claires, nettes et précises, comme l'école inclusive, où les besoins sont encore très importants et pour laquelle nous continuerons à faire des efforts, et le premier degré – le dédoublement des classes est l'enjeu le plus visible, mais pas le seul.

S'agissant de la GRH de proximité, nous avons commencé des expérimentations depuis deux ans. Il y a dans certaines académies des personnes dédiées aux entretiens de carrière et à la préfiguration de la GRH de proximité que nous voulons généraliser à la suite du Grenelle de l'éducation.

Tous les personnels de France ont reçu, par courrier électronique, les feuilles de route pour les ressources humaines des académies, qui traduisent très concrètement cette approche. Chacun peut notamment demander à l'institution un entretien de carrière ou la saisir de problèmes spécifiques. La consigne est très claire : personnaliser les parcours.

Je vais là aussi à rebours des clichés relatifs à l'éducation nationale : cette maison n'est ni immobile, ni bureaucratique, ni anonyme. Elle a su se réformer très fortement depuis quatre ans, avec le dédoublement des classes mais pas seulement. Pendant l'été 2017, elle a été capable de déployer en deux mois le dispositif des CP à douze élèves en réseau d'éducation prioritaire renforcé (REP+) pour 60 000 élèves.

La réactivité de l'institution va aussi se voir dans la gestion des ressources humaines. C'en est fini du cliché du professeur qui n'est qu'un numéro anonyme, y compris pour la carrière et les mutations : une personnalisation se déploie véritablement. L'ensemble des directions des ressources humaines du ministère se professionnalisent en ce sens. Nous sommes l'un des dix plus grands employeurs au monde – probablement même le troisième. Le défi que nous devons relever est de personnaliser le parcours de chacun alors même que nous sommes très nombreux. La GRH de proximité, c'est pour maintenant. Ce que j'ai dit dans mon discours de mercredi dernier n'est pas destiné à être renvoyé aux calendes grecques mais à se concrétiser immédiatement.

Les augmentations de salaire se sont traduites pour les plus jeunes professeurs – dans les quinze premières années de leur carrière, jusqu'au septième échelon – par une première hausse visible dès la fin mai 2021. Cela continuera cette année et en 2022. Nous discuterons avec les organisations syndicales des détails des augmentations en juin. J'ai donné les chiffres globaux mais le dialogue social se poursuit, notamment pour savoir si on fait un peu plus en milieu de carrière. J'entends dire, parfois, qu'un tiers seulement des professeurs bénéficient des augmentations. Or tout le monde bénéficiera du mouvement que nous avons lancé. Nous avons commencé par les plus jeunes, pour lesquels le plus grand rattrapage était à faire mais nous continuerons, selon un rythme et des modalités dont nous discutons dans le cadre du dialogue social.

Les AESH font aussi pleinement partie des objectifs du Grenelle. Il y a quatre ans, ils ne bénéficiaient que de contrats aidés. Aujourd'hui, ils sont pour l'essentiel en CDD. Ceux qui ne le sont pas encore le deviennent, et certains passent même en CDI, ce qui reste notre objectif. Nous avons ainsi tracé une perspective pour les AESH. Bien sûr, nous avons des progrès à faire pour que leur rémunération s'améliore et qu'ils soient, eux aussi, mieux suivis par l'éducation nationale. Les AESH, qui sont désormais environ 100 000, chiffre considérable – c'est presque un ministère en soi –, feront l'objet de la plus grande attention dans les discussions du mois de juin, en ce qui concerne l'ensemble des enjeux. La consigne donnée à la direction des ressources humaines a été très claire : il faut considérer les AESH comme des membres à part entière de l'éducation nationale, ayant des perspectives de carrière et d'évolution, et on doit travailler sur leur pouvoir d'achat.

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