La commission, réunie en commission d'évaluation des politiques publiques, entend M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Mes chers collègues, nous avons le plaisir d'accueillir M. Jean‑Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports pour cette commission d'évaluation des politiques publiques. Notre rapporteure spéciale, Catherine Osson, s'est intéressée cette année à la gestion des personnels en difficulté de l'enseignement scolaire.
Dresser le bilan de notre action est toujours un moment fort du mandat parlementaire. Bien sûr, nous n'avons pas tout réussi mais nous avons été fidèles à l'ambition que nous avions formulée devant les électeurs.
La mission Enseignement scolaire m'est particulièrement chère, en tant qu'ancienne directrice d'école mais aussi comme parent. De surcroît, l'école de la République est plus que jamais au cœur de la réalisation de notre promesse d'égalité alors que la pandémie s'est invitée dans nos vies.
Je sais, mes chers collègues, monsieur le ministre, que vous vous joindrez à moi pour remercier tous les personnels mobilisés depuis plus d'un an. Évidemment, j'ai aussi une pensée pour toutes celles et tous ceux qui, parfois jusqu'au sacrifice ultime, donnent leur temps, leur vie et leur énergie au service de cette belle institution qu'est notre école.
En 2020, la mission Enseignement scolaire a été financée à hauteur de 74 milliards d'euros. En exécution, les crédits ont augmenté de 1,7 %, ce qui représente 1,3 milliard de plus que l'année précédente.
Avant d'entrer dans le détail, permettez-moi de mettre en perspective la hausse des moyens engagée depuis le début du quinquennat en faveur de l'école, notre grande priorité nationale. Entre l'exécution 2017 et la loi de finances pour 2021, les crédits ont augmenté de 8,2 %, soit de plus de 5,7 milliards. En moyenne, 1,4 milliard supplémentaire a été consacré chaque année à l'enseignement scolaire. Bien sûr, les moyens ne sauraient résumer à eux seuls notre ambition pour l'école, mais ils font la démonstration de ce que nous avons entendu et compris.
Le renforcement des crédits a permis de financer les grandes priorités de l'éducation nationale, tout d'abord la remise à niveau du premier degré, grâce à 7 000 postes d'enseignants de plus entre 2017 et 2020. Les premiers résultats de la baisse des effectifs dans les classes se font ressentir. Dès la rentrée 2020, le nombre d'élèves par classe est passé en dessous de treize en CP et CE1 dans les écoles prioritaires. La réduction de la taille des classes ne s'est faite au détriment ni des autres niveaux ni des autres écoles. Depuis la rentrée, 74 % des classes de grande section, de CP et de CE1 hors éducation prioritaire comptent moins de vingt‑quatre élèves.
Ensuite, l'école inclusive a bénéficié d'une nouvelle accélération grâce au recrutement massif d'accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) en 2020. Alors qu'ils étaient 50 400 en 2019, ils sont désormais presque 68 000, soit 17 000 de plus. Petit à petit, l'inclusion scolaire devient une réalité : 385 000 enfants en situation de handicap sont scolarisés, c'est-à-dire 23 500 de plus qu'en 2019.
Les mesures destinées à revaloriser le métier d'enseignant se sont poursuivies. Le dispositif Parcours professionnel, carrières et rémunérations (PPCR) a bénéficié de 305 millions en 2020. Depuis 2017, plus de 1 milliard supplémentaire est allé aux enseignants dans ce cadre, soit deux fois plus que les mesures catégorielles. En outre, 400 millions – 500 millions en année pleine –, seront de nouveau consacrés en 2021 à la revalorisation des métiers de l'éducation nationale. Je salue, monsieur le ministre, cet effort qui me semble justifié.
Je salue également l'annonce, la semaine dernière, d'une enveloppe supplémentaire de 700 millions dans le budget 2022 de l'enseignement scolaire afin de revaloriser les revenus des enseignants, dont 400 millions pour de nouvelles primes.
S'agissant de l'exécution budgétaire, je souhaite appeler votre attention sur deux points importants.
Tout d'abord, vous savez combien je suis attentive à l'enseignement technique agricole que je considère comme une filière d'excellence, eu égard à ses résultats mais aussi parce que nous avons besoin de transmettre à nos jeunes l'envie de produire une alimentation saine et durable. La crise sanitaire a durement secoué les établissements qui ont subi des pertes de recettes provenant de leur activité économique. Certains ont reçu des aides, tout simplement pour ne pas faire faillite. J'encourage les ministères concernés à poursuivre leur soutien.
Ensuite, la crise de la covid-19 a mis l'accent sur la médecine scolaire. Des mesures sont attendues cette année et je les suivrai avec beaucoup d'intérêt.
En cette période difficile pour le monde éducatif, je salue la mobilisation sans faille du corps enseignant et de tous les personnels de l'éducation nationale pour permettre à tous les élèves de continuer à se former et à s'instruire.
J'en viens à la souffrance au travail, thème qui revient fréquemment lorsque l'on parle d'enseignement. Bien sûr, ce n'est pas non plus uniquement une question de moyens, mais la représentation nationale doit y être attentive. Des enquêtes récentes montrent que le contexte actuel aurait contribué à accroître le nombre d'enseignants en difficulté.
En premier lieu, je me suis rendu compte que cette notion est complexe et que ses contours sont délicats à définir, tant les situations sont diverses. Les enseignants sont soumis à des contraintes particulières telles que la nécessité de mettre à jour leurs compétences durant une carrière de plus en plus longue, la porosité entre sphère privée et sphère professionnelle, l'enchaînement des réformes – cinq grandes réformes ont eu lieu depuis 2009 –, le positionnement par rapport à la hiérarchie ou le regard de la société. Ils sont également confrontés à des difficultés inhérentes à leur métier, dont le risque d'isolement et la nécessité de gérer les classes.
Cette profession est exposée aux risques psychosociaux (RPS). Les études montrent que les risques sont différents de ceux des autres cadres de la fonction publique, mais que les enseignants ne seraient pas plus sujets aux RPS.
En second lieu, j'ai constaté que les personnels en difficulté ne font pas l'objet d'un traitement différencié en gestion : il n'y a pas d'indicateurs ni de statistiques. Seules les situations administratives sont connues. D'un point de vue budgétaire, le coût brut serait d'environ 15 millions, hors dépenses de personnel. Ce n'est toutefois que la partie émergée de l'iceberg car ce chiffre ne prend pas en compte l'ensemble des mesures prises, notamment depuis 2018, en faveur de la prévention et de la prise en charge des personnels.
Des actions de prévention sont en effet menées au sein du ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports dans le cadre de la nouvelle gestion des ressources humaines (GRH) de proximité, expérimentée depuis 2019 et en déploiement depuis 2020.
À l'exception du Centre national d'enseignement à distance (CNED), la prise en charge est largement externalisée par le biais de partenariats, notamment avec la Mutuelle générale de l'éducation nationale et la Fédération des Autonomes de solidarité. Ces partenariats fonctionnent bien et témoignent de la complémentarité des démarches. Je recommande le renforcement de la prévention médicale, de la GRH de proximité et des partenariats.
Je souhaite vous interroger, monsieur le ministre, sur plusieurs points qui nécessitent de faire preuve de vigilance.
Le déploiement de la GRH de proximité est l'une des clefs de la modernisation et de la transformation de l'éducation nationale, pour répondre mieux et plus vite aux besoins des établissements et de la population, mais aussi et surtout des personnels. Pouvez‑vous préciser les échéances prévues ?
S'agissant du nouveau schéma directeur de la formation continue, permettre aux personnels de se former tout au long de leur vie est une impérieuse nécessité en matière d'acquisition des compétences et de valorisation des expériences. C'est un jeu à somme positive qui permet d'avoir des personnels plus et mieux formés ainsi qu'une éducation nationale plus ambitieuse. Pouvez-vous faire un point d'étape ?
En ce qui concerne le rythme du transfert des AESH sous plafond d'emplois, près de la moitié d'entre eux ne sont pas rémunérés sur le titre 2 et la Cour des comptes indique que 18 % seulement des 67 993 AESH sont en CDI. Quelles sont les mesures envisagées pour améliorer leur situation ?
Le Grenelle de l'éducation a libéré la parole et mis en lumière le besoin de faire toujours plus et toujours mieux en matière d'accompagnement. Nous avons aussi permis l'émergence de propositions de terrain qui visent, notamment, à améliorer la coopération entre tous les acteurs de l'école, au service de tous les enfants. Je forme le vœu que nous puissions adopter, avant la fin de cette législature, une loi de programmation pour l'école qui permette d'ancrer une ambition forte tout en continuant de transformer la réalité de l'école de la République, au bénéfice de la promesse d'égalité que l'institution incarne partout.
Je suis très heureux d'être devant vous, comme il se doit en cette période.
Nous avons vécu une année 2020-2021 inédite et les personnels du ministère de l'éducation nationale ont répondu de manière extraordinaire aux défis sanitaires, logistiques et éducatifs. En comparaison avec d'autres pays, la France a su avoir l'année scolaire la plus normale possible. Néanmoins, il ne faut pas minimiser ce qui s'est passé tout au long de l'année, ni ce que cela a supposé en matière d'efforts de la part de tous et d'attachement à l'école en France.
Au cours des mois et des années à venir, nous devrons avoir un rebond de l'éducation à l'échelle de notre pays, de l'Europe et du monde. La question de l'ouverture des écoles en période de crise sanitaire est déterminante. Toutes les analyses disponibles à ce stade montrent que nous avons pris les bonnes décisions en ouvrant le plus possible les écoles.
L'exécution budgétaire est totalement en ligne avec l'autorisation de 52,042 milliards d'euros votée en loi de finances initiale (LFI), ce qui est un fait rarissime. On a souvent fait des reproches à l'éducation nationale en la matière, en particulier au cours des dernières années. L'écart est infime : il s'élève à 3 millions. Nous avons donc réussi à atterrir là où c'était prévu, en pilotant la dépense – il a fallu l'augmenter dans certains domaines pour tenir compte de la crise sanitaire.
Je rends hommage à la direction des affaires financières du ministère et à sa directrice ici présente. Sous sa responsabilité, des instruments de pilotage ont été développés et un travail en finesse a été entrepris. L'ensemble des agents travaillent à ce pilotage. Je m'inscris en faux contre tous les clichés sur l'éducation nationale et son administration prétendument pléthorique ou bureaucratique : pour très bien la connaître, j'affirme que nous avons des personnels très dévoués et d'un grand professionnalisme, ce qui permet ces résultats et ces adaptations ; il faut être juste avec ceux qui accomplissent le travail.
Le niveau d'exécution reflète l'engagement fort du ministère de protéger l'ensemble des acteurs de l'éducation nationale durant la crise sanitaire, mais aussi de respecter les objectifs fixés en LFI.
Le budget 2020 a d'abord été mobilisé pour la protection de la communauté éducative durant la crise sanitaire et pour les élèves, puisque nous avons avant tout cherché à assurer la continuité pédagogique, notamment avec le CNED et les outils d'enseignement à distance, comme « ma classe à la maison », qui avaient été développés avant la crise et ont été utiles pendant celle-ci.
Nous avons consacré 10,2 millions d'euros au dispositif Sport‑santé‑culture‑civisme (2S2C), il y a exactement un an, pour proposer aux élèves des activités éducatives et ludiques pendant le temps scolaire. Ce dispositif en a précédé d'autres, notamment les « vacances apprenantes » de l'été dernier.
Nous nous sommes associés à des acteurs externes, en particulier France 4, pour l'opération « Nation apprenante » qui se poursuit et doit survivre à la crise sanitaire. Elle a permis, en un temps record, en mars‑avril, de développer des cours télévisés qui ont rencontré un grand succès d'audience et ont été très utiles à plus d'un titre.
Nous avons soutenu financièrement les groupements d'établissements (GRETA), qui n'étaient pas tous éligibles au dispositif d'activité partielle.
L'objectif de continuité pédagogique, visant à limiter les effets du confinement, nous a aussi conduits à étendre le dispositif « École ouverte » dans le contexte des « vacances apprenantes ». Nous y avons consacré 23,6 millions au titre du ministère de l'éducation nationale, qui est aussi celui de la jeunesse et des sports.
Nous avons également pris des mesures en faveur des personnels. Les sous‑consommations de la masse salariale liées à la fermeture des établissements et donc à un moindre nombre d'heures supplémentaires en mars‑avril 2020 ont dégagé des moyens qui nous ont permis de financer, notamment, l'accompagnement en ligne qui s'est développé aux vacances de printemps 2020.
D'autres mesures financières ont été prises pour faire face à la situation. Nous avons consacré 35 millions à l'achat de matériels divers de protection, de masques en particulier et de tests antigéniques – les écoles ont pu être ouvertes non seulement du fait des protocoles sanitaires mais aussi de la stratégie « tester, alerter, protéger » –, 47 millions à la mise à disposition d'équipements pour développer le télétravail, 25 millions à la prime exceptionnelle covid en faveur des agents mobilisés durant la crise sanitaire, en particulier pour accueillir les enfants de personnels soignants – nos agents se sont engagés à titre bénévole dans un premier temps, et la prime n'a été décidée qu' a posteriori –, 21 millions à la prime exceptionnelle de rentrée pour les directeurs et directrices d'école, soit 450 euros par personne, ainsi que 299 millions aux revalorisations dans le cadre du PPCR.
Les crédits nécessaires à la création d'emplois et à la remobilisation d'heures supplémentaires au second semestre ont également été engagés. Nous avons décidé l'année dernière, à la même époque, des créations d'emplois à la rentrée pour faire face à la situation. Ainsi, 1 498 emplois ont été dédiés à la non‑fermeture de classes dans le premier degré, notamment en milieu rural, 475 emplois ont été ouverts grâce au plan de relance, en particulier pour la création de classes de BTS – brevets de technicien supérieur – et pour faciliter la réussite au certificat d'aptitude professionnelle, et à cela s'ajoutent la création de 1 529 emplois de personnels contractuels pour remplacer les enseignants vulnérables du premier degré et le recrutement de 2 700 assistants d'éducation supplémentaires au second semestre.
En 2020, le schéma d'emplois aurait dû être nul grâce des compensations. En réalité, nous avons dépassé de 3 048 équivalents temps plein (ETP) le nombre autorisé, ce qui était justifié par la crise.
Malgré cette forte mobilisation, nous avons exécuté le budget conformément aux objectifs assignés en loi de finances. La priorité donnée au primaire a été renforcée par les créations de poste – il en était prévu 440, mais il y en a eu 2 374. Dans le second degré, les emplois ont progressé de 84 ETP alors que des suppressions de postes étaient prévues.
En dépit de la crise sanitaire, l'école est toujours plus inclusive. Vous avez mentionné à juste titre les AESH : l'accueil de 385 000 élèves en situation de handicap représente une augmentation importante, de 7 %, entre la rentrée 2019 et la rentrée 2020. Cette hausse du nombre d'élèves s'est accompagnée de la mobilisation de 3,2 milliards d'euros, ce qui constitue un budget extrêmement élevé, en augmentation de 11 % par rapport à l'exécution 2019 et de 38 % par rapport à 2018. C'est la plus forte hausse budgétaire depuis le début du quinquennat et la priorité du Président de la République.
Le renforcement de l'école inclusive se traduit également par la création de 8 000 postes d'AESH, dont 4 000 non prévus en LFI, afin de s'adapter à la hausse des prescriptions des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et de permettre l'accueil des enfants en milieu scolaire ordinaire.
En ce qui concerne le déploiement des pôles inclusifs d'accompagnement localisés (PIAL), nous avons dépassé l'objectif initial de couverture des deux tiers du territoire : 78 % sont couverts, et 100 % le seront à la rentrée 2021.
Pour ce qui est de la stratégie visant à renforcer le métier de professeur, 1 884 étudiants supplémentaires ont été recrutés à la rentrée 2020 pour exercer des fonctions d'éducation dans les établissements ou dans les écoles au titre de la préprofessionnalisation. J'ai tenu à ce que la loi pour une école de la confiance comporte ce dispositif, destiné à préparer des jeunes à devenir professeurs tout en gagnant leur vie.
Les bourses et les fonds sociaux ont représenté 828 millions d'euros de dépenses en 2020, malgré les mois de fermeture complète ou d'activité fortement dégradée du fait de la crise sanitaire. Cela témoigne du fort niveau d'investissement des établissements scolaires, qui ont également mobilisé leurs reliquats pour venir en aide aux familles.
Par ailleurs, 60 millions ont été consacrés aux constructions scolaires en outre‑mer dans le cadre de différents plans, que ce soit pour Mayotte ou pour la Guyane, ce qui représente 15 millions de plus que ce qui était prévu en LFI. Je pense en particulier aux efforts faits pour les collèges, lycées et cantines collectives de Mayotte en raison de la pression démographique.
Nous avons continué à creuser les sillons de la transformation, en obtenant des résultats. Comme je l'ai indiqué à la commission des affaires culturelles et de l'éducation, nos investissements se traduisent dans les évaluations faites en CP et CE1. Il ne s'agit pas seulement de dégager plus d'argent – la rapporteure spéciale l'a dit –, mais ce quinquennat a battu des records en ce qui concerne les augmentations budgétaires consacrées à l'éducation nationale, à rebours de beaucoup de clichés. L'argent a été ciblé vers des priorités claires, nettes et précises, comme l'école inclusive, où les besoins sont encore très importants et pour laquelle nous continuerons à faire des efforts, et le premier degré – le dédoublement des classes est l'enjeu le plus visible, mais pas le seul.
S'agissant de la GRH de proximité, nous avons commencé des expérimentations depuis deux ans. Il y a dans certaines académies des personnes dédiées aux entretiens de carrière et à la préfiguration de la GRH de proximité que nous voulons généraliser à la suite du Grenelle de l'éducation.
Tous les personnels de France ont reçu, par courrier électronique, les feuilles de route pour les ressources humaines des académies, qui traduisent très concrètement cette approche. Chacun peut notamment demander à l'institution un entretien de carrière ou la saisir de problèmes spécifiques. La consigne est très claire : personnaliser les parcours.
Je vais là aussi à rebours des clichés relatifs à l'éducation nationale : cette maison n'est ni immobile, ni bureaucratique, ni anonyme. Elle a su se réformer très fortement depuis quatre ans, avec le dédoublement des classes mais pas seulement. Pendant l'été 2017, elle a été capable de déployer en deux mois le dispositif des CP à douze élèves en réseau d'éducation prioritaire renforcé (REP+) pour 60 000 élèves.
La réactivité de l'institution va aussi se voir dans la gestion des ressources humaines. C'en est fini du cliché du professeur qui n'est qu'un numéro anonyme, y compris pour la carrière et les mutations : une personnalisation se déploie véritablement. L'ensemble des directions des ressources humaines du ministère se professionnalisent en ce sens. Nous sommes l'un des dix plus grands employeurs au monde – probablement même le troisième. Le défi que nous devons relever est de personnaliser le parcours de chacun alors même que nous sommes très nombreux. La GRH de proximité, c'est pour maintenant. Ce que j'ai dit dans mon discours de mercredi dernier n'est pas destiné à être renvoyé aux calendes grecques mais à se concrétiser immédiatement.
Les augmentations de salaire se sont traduites pour les plus jeunes professeurs – dans les quinze premières années de leur carrière, jusqu'au septième échelon – par une première hausse visible dès la fin mai 2021. Cela continuera cette année et en 2022. Nous discuterons avec les organisations syndicales des détails des augmentations en juin. J'ai donné les chiffres globaux mais le dialogue social se poursuit, notamment pour savoir si on fait un peu plus en milieu de carrière. J'entends dire, parfois, qu'un tiers seulement des professeurs bénéficient des augmentations. Or tout le monde bénéficiera du mouvement que nous avons lancé. Nous avons commencé par les plus jeunes, pour lesquels le plus grand rattrapage était à faire mais nous continuerons, selon un rythme et des modalités dont nous discutons dans le cadre du dialogue social.
Les AESH font aussi pleinement partie des objectifs du Grenelle. Il y a quatre ans, ils ne bénéficiaient que de contrats aidés. Aujourd'hui, ils sont pour l'essentiel en CDD. Ceux qui ne le sont pas encore le deviennent, et certains passent même en CDI, ce qui reste notre objectif. Nous avons ainsi tracé une perspective pour les AESH. Bien sûr, nous avons des progrès à faire pour que leur rémunération s'améliore et qu'ils soient, eux aussi, mieux suivis par l'éducation nationale. Les AESH, qui sont désormais environ 100 000, chiffre considérable – c'est presque un ministère en soi –, feront l'objet de la plus grande attention dans les discussions du mois de juin, en ce qui concerne l'ensemble des enjeux. La consigne donnée à la direction des ressources humaines a été très claire : il faut considérer les AESH comme des membres à part entière de l'éducation nationale, ayant des perspectives de carrière et d'évolution, et on doit travailler sur leur pouvoir d'achat.
Merci de m'accueillir dans votre commission.
Je salue le travail particulier qu'est le Printemps de l'évaluation. On en parle malheureusement peu, car l'évaluation de la loi et des politiques publiques est une de nos missions les moins connues. Or elle est tout aussi importante que l'écriture de la loi.
Le contexte sanitaire nous pousse à être plus que jamais attentifs aux élèves et à tous les personnels œuvrant pour leur éducation. La crise nous oblige à explorer des horizons nouveaux.
L'éducation reste le premier budget de l'État. Les crédits alloués en 2021 à l'enseignement scolaire s'élèvent à 53,6 milliards d'euros : ils sont en hausse de 2,3 % pour la masse salariale et de 11 % pour le reste. Une grande partie de ces moyens a pour objectif de répondre à un besoin de justice sociale et de lutte contre les inégalités, de destin comme de résidence.
L'effort pour l'éducation s'est traduit par l'ouverture de plus de 23 800 postes de professeurs. La priorité donnée au premier degré a été maintenue, afin d'achever le dédoublement des classes en REP. Dans un contexte de forte baisse démographique dans le premier degré – il y avait environ 65 000 élèves de moins à la rentrée 2020 –, 2 374 emplois ont été créés, ce qui a permis de poursuivre la mise en œuvre du plafonnement à vingt‑quatre élèves par classe en grande section, CP et CE1 partout en France.
La création de 4 000 emplois d'AESH, de référents et d'une prime spécifique a également été au menu du budget 2020. Ces petits pas concrétisent la constitution d'un nouveau service public pour les élèves en situation de handicap.
Alors que la crise sanitaire a montré l'engagement des personnels de l'éducation nationale pour accompagner la réussite des élèves, dans des conditions difficiles, une prime covid a été octroyée aux professeurs qui ont accueilli les enfants de nos concitoyens en première ligne. Par ailleurs, une première revalorisation du métier se traduit cette année par une enveloppe de 400 millions d'euros dont les jeunes enseignants sont les premiers bénéficiaires. Ils ont pu l'apprécier sur leur fiche de paye en mai. Je salue les annonces récentes du Grenelle de l'éducation : une nouvelle revalorisation salariale, d'une même ampleur budgétaire, est prévue afin de toucher un plus grand nombre d'enseignants.
S'agissant des heures supplémentaires effectives (HSE) qui n'ont pas été consommées du fait de la crise sanitaire, particulièrement au lycée, avez-vous une première estimation du reliquat ? Comment ce budget sera‑t‑il redéployé pour la rentrée scolaire 2021 ?
Nous avons fait des efforts importants en 2020 pour encadrer la vie scolaire mais il faut continuer à augmenter les moyens consacrés aux assistants d'éducation (AED). Pouvez‑vous dresser un premier bilan du contrat de préprofessionnalisation ? Ce dispositif a bénéficié de 82 millions d'euros, et le nombre des étudiants apprentis professeurs devait être porté à 1 600. Vous avez évoqué plus de 1 800 postes, monsieur le ministre. Lorsque nous avons voté la loi pour une école de la confiance et créé ce nouveau statut, en 2019, notre ambition était de parvenir à 3 000 postes en 2021. Est‑ce un objectif tenable eu égard à la crise que nous vivons ?
Concernant le décrochage scolaire et l'obligation de formation des 16‑18 ans, nous avons amendé le budget, pour le renforcer. Comment les crédits ont-ils été consommés ? En situation de crise, c'est en effet une question qui se pose. Quelles actions novatrices ont été réalisées à la suite de l'augmentation des moyens ?
Dernière question, qui m'est particulièrement chère, une proposition de loi créant la fonction de directrice ou de directeur d'école a été adoptée en première lecture par l'Assemblée puis par le Sénat. Nos débats vous ont amené à créer des postes fléchés pour améliorer les décharges de direction. Comment ces emplois ont‑ils été déployés et au bénéfice de quels personnels ?
En attendant l'adoption définitive du texte – je l'espère avant la fin de l'année –, je me satisfais des mesures d'ores et déjà prises. En reconnaissance de leur investissement pendant la crise sanitaire, les directeurs d'école ont reçu en 2020 une prime exceptionnelle de 450 euros, représentant une enveloppe globale de 21 millions. Je salue l'annonce de la pérennisation de cette prime. Cette reconnaissance est la première étape, je le souhaite, d'une revalorisation indispensable compte tenu de l'engagement de ces personnels qui exercent une mission difficile. La création de postes d'aide administrative leur apporterait un soutien plus que nécessaire.
Pour conclure, même si la crise sanitaire l'a compliquée, l'exécution du budget 2020 correspond aux engagements pris devant notre assemblée. Je rends un hommage particulier à tous les fonctionnaires de l'éducation nationale qui se sont dépassés au service des élèves pendant la crise, sans compter leurs heures ni leur peine.
Dans sa note d'exécution budgétaire 2020, la Cour des comptes relève la progression très significative, de 6,24 milliards d'euros, des crédits de la mission Enseignement scolaire entre 2016 et 2020. Le rythme de l'augmentation est presque trois fois supérieur à celui du précédent quinquennat, ce qui témoigne de la très forte priorité donnée à l'école et à l'éducation nationale durant ce mandat.
L'effort s'est principalement concentré sur le premier degré : il a permis de nombreux dédoublements de classes en grande section, CP et CE1, ainsi qu'une amélioration globale du taux d'encadrement des élèves du fait de la conjonction de cet effort budgétaire et d'une baisse démographique très sensible, puisque le premier degré a perdu près d'un sixième de ses élèves en cinq ans.
Cette politique portera pleinement ses fruits lorsque les classes d'âge qui bénéficient de ces mesures arriveront dans le second degré avec une maîtrise plus affirmée des savoirs fondamentaux. Par ailleurs, la baisse démographique s'étendra au second degré à partir de 2023‑2024. On peut légitimement penser que les taux d'encadrement y connaîtront une évolution mécaniquement favorable, même à moyens constants.
Cependant, dans certains territoires, pour certains établissements du second degré, la période de transition est particulièrement délicate, notamment dans de nombreux collèges et lycées ne bénéficiant pas d'un classement en REP ou REP+ alors qu'ils en présentent toutes les caractéristiques et qu'ils accueillent beaucoup d'élèves qui concentrent des difficultés sociales et familiales ou qui sont en situation de handicap psychologique ou linguistique. C'est le cas du collège Dunois à Caen, où j'aimerais vous inviter, monsieur le ministre.
Les critères d'affectation des moyens humains, financiers et matériels sont‑ils susceptibles d'évoluer dans un avenir proche pour éviter les effets de seuil, parfois très mal vécus, entre ceux qui bénéficient de l'éducation prioritaire et ceux qui n'en bénéficient pas ou plus, mais pourraient pourtant y prétendre ?
Concernant les AESH, les recrutements ont été massifs mais ils se heurtent parfois à des politiques de notification des MDPH qui évoluent encore plus vite. Malgré les PIAL, malgré les milliers d'AESH supplémentaires recrutés chaque année, et encore à la rentrée 2021, de nombreux enfants en situation de handicap sont sans solution. Considérez‑vous qu'il est possible d'atteindre rapidement l'objectif essentiel de donner un accompagnement humain spécifique en classe à chaque enfant porteur de handicap qui en a besoin ?
Le budget de la mission Enseignement scolaire s'inscrit, cette année encore, dans une trajectoire ascendante et je m'en réjouis. Premier budget de la Nation, il s'élève, pour 2021, à 55,1 milliards d'euros, hors crédits du plan de relance, dont 53,6 milliards consacrés à l'enseignement scolaire. L'éducation est ainsi considérée comme une priorité.
L'élévation générale du niveau et la réduction des inégalités à l'école sont des impératifs de justice sociale auxquels le budget de l'éducation devrait permettre de répondre. Or la France se trouve au 23e rang sur 79 pays selon le classement établi dans le cadre du programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA), ce qui conduit à s'interroger.
La rentrée 2020 a été particulièrement complexe. Je tiens à souligner la remarquable mobilisation de l'ensemble des équipes éducatives et des personnels, qui a permis d'assurer une vraie continuité pédagogique et le maintien du lien entre les élèves et les établissements.
Les efforts engagés dans le premier degré, pour l'indispensable maîtrise des savoirs fondamentaux, sont essentiels, et la création de 2 000 emplois va dans le bon sens.
Je me réjouis également de la progression de 9 % des crédits dédiés à l'école inclusive, qui permet de financer le recrutement de 4 000 ETP d'AESH à la rentrée 2021. L'école doit permettre à chaque élève de s'accomplir. Tous méritent d'être dignement accompagnés, mais ce n'est pas toujours le cas actuellement.
Bien que 100 millions d'euros aient été ouverts dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2021 afin d'accompagner les communes face aux frais résultant de l'abaissement à 3 ans de l'âge de la scolarité obligatoire, de nombreuses écoles de nos territoires ruraux souffrent d'un manque de moyens.
La crise sanitaire a prouvé que le numérique est un enjeu crucial pour l'éducation. Dans le cadre du plan de relance, 91 millions sont consacrés au développement des usages du numérique dans le premier degré en 2021-2022. Néanmoins, de trop nombreux élèves sont exclus du télé-enseignement parce qu'ils ne disposent pas d'outils informatiques ou du réseau nécessaire pour se connecter.
La revalorisation des métiers d'enseignant et d'agent territorial spécialisé des écoles maternelles (ATSEM), la reconnaissance et la pérennisation des métiers d'assistant d'éducation et d'AESH, le renforcement de l'attractivité des métiers de l'éducation en général, la numérisation des collèges, la lutte contre le harcèlement et le décrochage scolaires ainsi que l'insécurité aux abords des collèges et dans les transports scolaires sont des priorités qui mériteront toute notre attention dans les prochains budgets : ces derniers devront être à la hauteur des ambitions pour l'école de la République et pour notre jeunesse, qui représente l'avenir de notre pays.
Malgré des impératifs sanitaires qui ont nécessité une adaptation permanente et inédite par son ampleur, l'exécution des crédits de la mission Enseignement scolaire n'a pas donné un coup d'arrêt, bien au contraire, à l'ambition globale pour l'éducation qui est une priorité du Président de la République.
L'objectif de vingt‑quatre élèves par classe pour les grandes sections, CP et CE1 est maintenu. Une prise en charge améliorée des élèves est d'autant plus primordiale que le distanciel a fragilisé les plus en difficulté. Dans ce contexte, des dispositifs renforcés tels que « devoirs faits » et les stages de réussite sont notamment très utiles.
Nous notons aussi les choix budgétaires visant à assurer le renouvellement du vivier des professeurs : la préprofessionnalisation et surtout une politique volontariste, à juste titre compte tenu du rattrapage nécessaire, en faveur de la revalorisation des carrières. Elle est en cours pour les personnels des REP+. Il faut que les négociations aboutissent à une revalorisation concernant un maximum de professionnels, pour faire face aux difficultés de recrutement et garantir un haut niveau.
Parmi les autres objectifs, il convient de saluer la politique relative à l'inclusion qui est menée tant pour les personnels, par la consolidation du statut des AESH, que pour les élèves. Le nombre de ceux qui ne sont pas accompagnés a fortement diminué. L'augmentation de 4 % en 2019 des unités localisées pour l'inclusion scolaire (ULIS) participe aussi de cet objectif.
Les dispositifs pour l'insertion des jeunes, notamment issus des quartiers prioritaires et des zones rurales, tels que les cordées de la réussite et parcours avenir, mais aussi la désignation d'un deuxième professeur principal en terminale et la valorisation de la voie professionnelle grâce aux campus d'excellence et aux contrats d'apprentissage, vont dans le bon sens.
Nous saluons enfin l'ambition, pour assurer une égalité des chances réelle, d'offrir à chacun un parcours adapté, grâce à la réforme du baccalauréat et à la possibilité d'accéder à des apprentissages moins courants mais tout aussi ouverts sur l'avenir, comme les langues et les cultures de l'Antiquité, le numérique et les arts.
Les mesures relatives à l'éducation artistique et culturelle – je salue particulièrement celles, cruciales, en faveur de la lecture – sont un levier majeur pour parvenir à l'égalité des chances, synonyme de cohésion, qui doit rester la première ambition de l'école.
Mon groupe salue, en ce Printemps de l'évaluation, un budget résolument orienté vers la réussite des élèves. Nous formulons simplement une demande de précisions concernant la baisse de 85 postes pour l'enseignement agricole.
Dans le cadre de l'examen de la mission Enseignement scolaire au titre du Printemps de l'évaluation, la commission des finances a choisi de s'intéresser particulièrement à la gestion des personnels en difficulté.
En effet, de nombreuses catégories professionnelles de l'éducation nationale sont en souffrance : les assistants d'éducation, les AESH – toujours sous le seuil de pauvreté –, les psychologues de l'éducation nationale, les infirmiers scolaires, les assistants pédagogiques et les assistants de prévention et de sécurité, ainsi que l'ensemble des personnels contractuels du ministère. Autant de grands absents des revalorisations du Grenelle dont, par ailleurs, le montant, une fois qu'on a soustrait les 100 millions consacrés à la prime d'activité déjà annoncée en 2020 et les 200 millions destinés à la création d'une complémentaire santé pour les fonctionnaires à partir de 2022, ne sera pas de 700 millions mais de seulement 400, bien loin de la somme inédite qui est annoncée.
Je rappelle à ceux qui seraient frappés d'amnésie que sur les 3 milliards d'euros de rallonges budgétaires programmés lors du quinquennat précédent dans le PLF pour 2017, 814 millions étaient consacrés à la revalorisation des enseignants et que le mandat de François Hollande s'était achevé par un dégel du point d'indice de 1,6 %, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
De plus, selon nos informations, la revalorisation pourrait ne bénéficier qu'à une partie des enseignants, sous forme de prime, le point d'indice restant gelé. Moins d'un tiers d'entre eux seraient concernés en 2021, les deux tiers restants n'ayant droit qu'à la prime informatique de 12,50 euros par mois.
Dans sa note d'analyse de l'exécution budgétaire 2020, la Cour des comptes estime que le financement des réformes annoncées et l'engagement d'une revalorisation des rémunérations et des carrières des enseignants issue des conclusions du Grenelle de l'éducation devraient être mieux documentés.
Sur le million d'agents de l'éducation nationale, combien seront réellement concernés par votre revalorisation ?
Par ailleurs, le Gouvernement entend‑il présenter la loi de programmation pluriannuelle promise depuis des mois, qui constituerait une garantie de stabilité pour les personnels et de sincérité des prévisions financières ?
Depuis 2017, le Gouvernement, sous votre impulsion, monsieur le ministre, a placé l'école au cœur de son action et de ses réformes.
Une action en faveur de l'égalité des chances d'abord, notamment par le dédoublement des classes de CP et de CE1 dans les REP et REP+. Une réforme profonde de l'orientation ensuite, pour faciliter les passerelles dans l'enseignement supérieur et permettre une meilleure adaptation à la diversité des profils. Une revalorisation spécifique pour les personnels de l'éducation, enfin, grâce à une hausse continue des budgets afin d'améliorer les conditions de travail des enseignants et de favoriser la réussite de tous les élèves.
Face à une crise sanitaire inédite et douloureuse, le Gouvernement a fait de la continuité pédagogique une priorité. C'est un choix juste et courageux. En 2020, le budget de l'éducation nationale et de la jeunesse a augmenté de 1 milliard d'euros. Cette hausse doit être replacée dans une perspective plus globale, qui est de faire de l'école la mère de toutes les réformes. La revalorisation du métier et du salaire des enseignants participe de cette ambition.
La semaine dernière, lors des conclusions du Grenelle de l'éducation, vous avez pris l'engagement de continuer à mieux reconnaître les personnels de l'éducation nationale. Après celle de 400 millions en 2021, une autre enveloppe de 700 millions sera consacrée aux revalorisations en 2022. C'est un choix historique. Beaucoup en ont parlé, vous l'avez fait !
C'est à l'école que se joue l'avenir de notre cohésion nationale, de notre République et de notre vivre‑ensemble. Le choix historique qui a été fait s'inscrit dans la lignée de ce que le Président de la République et le Gouvernement ont entrepris depuis quatre ans en faveur de l'école, des enseignants, de l'acquisition des fondamentaux et de l'égalité des chances. Monsieur le ministre, comment les nouvelles revalorisations seront‑elles mises en œuvre pour nos enseignants ?
À l'occasion de ce point d'étape sur le budget alloué à l'enseignement scolaire, j'aimerais revenir sur les conclusions du Grenelle de l'éducation et sur votre annonce d'une enveloppe de 700 millions d'euros notamment destinée à revaloriser le salaire des enseignants. Nous saluons cette mesure tant attendue par le corps professoral, d'autant qu'il s'agit d'une belle marque de reconnaissance du rôle qu'il a joué lors la crise.
Nous regrettons toutefois que les salaires des enseignants français soient toujours inférieurs de 7 % en début de carrière à la moyenne de ceux des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Cela est inquiétant et en dit long sur la place occupée par le corps professoral dans la hiérarchie sociale de notre pays.
Pour compenser le retard, il faudrait pratiquement annoncer une enveloppe de 700 millions par an pendant dix ans, d'où l'intérêt d'une loi de programmation pour que les augmentations ne dépendent pas des aléas politiques.
Hélas, l'idée d'un projet de loi de programmation pluriannuelle aurait été abandonnée. Pouvez‑vous le confirmer ? Ce serait un mauvais signal pour la profession. Le risque serait de laisser la revalorisation salariale au bon vouloir du moment, au lieu de la sanctuariser, de la sécuriser pour les années à venir. Cela ne pourrait que décourager les jeunes qui souhaitent embrasser la carrière de professeur.
Je me souviens d'une augmentation intervenue sous François Hollande : nous avions tous été surpris puis nous avions vu qu'on était en février, six mois avant les élections, et cela a fini par avoir l'effet contraire de ce qui était escompté.
Comment envisagez-vous de compenser l'abandon de la loi de programmation pluriannuelle, tant pour la revalorisation salariale que pour l'attractivité de la profession, et quel calendrier comptez-vous suivre afin de ne pas décevoir les espoirs suscités par vos annonces ?
En janvier dernier, nous apprenions que 212 millions d'euros du budget 2020 de la mission Enseignement scolaire avaient été annulés et reportés sur le budget 2021. En février, nous avons ensuite appris que 40 millions, puis 400 millions, étaient aussi reportés, ce qui fait un total de 650 millions économisés en 2020.
Ces crédits participent‑ils à l'augmentation de 1,8 milliard du budget 2021 dont vous vous êtes vanté ? Ne serait‑il pas plus honnête de parler de 1,2 milliard ?
Nous avons été surpris d'apprendre ces reports, qui étaient en fait des économies réalisées en pleine pandémie alors que le personnel manquait partout : pour les remplacements, pour la vie scolaire et pour les élèves en situation de handicap.
Mais vos économies ne s'arrêtent pas là. Je lis, dans le cadre du Printemps de l'évaluation, que 172 millions de crédits de paiement n'ont été ni consommés ni reportés, dont 24 millions dans le primaire. Ne pensez-vous pas que cette somme aurait pu servir pour remplacer des professeurs des écoles alors que, partout en France et particulièrement dans mon département, des enfants se sont parfois retrouvés à plus de cinquante dans la même classe faute de remplaçants ?
Toujours dans mon département, en raison de la pénurie de remplaçants par manque d'utilisation des listes complémentaires, vous voilà obligé de contractualiser avec les villes pour recruter des animateurs en lieu et place des enseignants. N'est‑ce pas du mépris pour l'une et l'autre de ces professions ? Est‑ce ainsi que vous pensez assurer une « élévation générale du niveau », pour reprendre les termes de votre communication, et la professionnalisation dont vous avez parlé ?
À cela s'ajoutent 104 millions non consommés dans le second degré, soit l'équivalent de plus de 2 000 postes d'enseignants alors que vous en supprimez 1 800 dans votre budget 2021, bien qu'on attende 23 300 élèves de plus. Pour être tout à fait honnête, ce sont 800 postes qui sont supprimés, les 1 000 autres étant compensés par des heures supplémentaires. Est‑ce là votre manière de revaloriser les salaires et de vous soucier des enseignants, qui travaillent déjà quarante heures par semaine ?
Les crédits destinés à la vie scolaire ont également été réduits de 25 millions, alors que les conseillers principaux d'éducation et les AED ont été la clef de voûte pendant la pandémie, notamment en l'absence d'enseignants, qu'ils sont aussi la clef du bon climat scolaire, au sujet duquel je viens de vous alerter, et que vous faites de l'inclusion scolaire votre priorité.
Il est passé le temps où vous pouviez brandir les dédoublements des grandes sections, CP et CE1 et le dispositif « devoirs faits » pour vous faire le chantre de la justice sociale. Dans mon département, « devoirs faits » représente 104 700 heures supplémentaires en lieu et place de 193 postes et de 120 ouvertures de classes. Ne pensez‑vous pas que des postes seraient plus importants ?
Si je salue le travail accompli et les avancées intervenues en matière d'inclusion scolaire, il reste toutefois du chemin à faire. En tant que députés, nous rencontrons l'été des parents d'enfants handicapés en panique totale – les difficultés sont moindres une fois le cursus engagé. Il faut impérativement trouver des solutions pour ces familles, mais aussi revaloriser le métier d'AESH et faire évoluer le statut vers des CDD.
Madame la rapporteure spéciale, vous avez parlé de plus de 7 000 postes supplémentaires dans le premier degré. Un effectif de moins de treize élèves par classe dans les écoles prioritaires est une bonne chose, mais il faut veiller à maintenir un équilibre entre les écoles en zones rurales ou de montagne et celles situées en zone prioritaire. Il ne faudrait pas que les villes soient bien dotées au détriment de nos territoires ruraux. Pouvez‑vous nous assurer que vous veillerez à ce que vos directeurs départementaux soient attentifs à cet équilibre fondamental ? Fabrice Le Vigoureux l'a rappelé : les collèges en zones rurales manquent cruellement de moyens humains.
Je voudrais également revenir sur la situation liée au covid. Je crois savoir que la direction interministérielle du numérique a commandé 50 000 ordinateurs pour l'ensemble des ministères. Or, à ma connaissance, ceux de l'éducation nationale et de la justice n'avaient toujours pas été dotés au 25 avril. Est-ce régularisé ? Par ailleurs, quel sera l'avenir des 3 048 ETP supplémentaires recrutés pour faire face à la crise ? Quel est, enfin, le coût estimé de celle-ci pour l'ensemble du ministère de l'éducation nationale ?
Madame Rilhac, s'agissant des HSE non utilisées pendant la crise sanitaire, il n'est pas possible à ce stade de donner un chiffre précis pour 2021, mais il est évident qu'elles sont réaffectées, notamment aux moyens de rentrée pour les heures supplémentaires nécessaires à l'accompagnement personnalisé. Dès que nous saurons ce qu'il en est en 2021, nous en informerons la représentation nationale.
Je reviendrai sur les sous-consommations en réponse à Mme Rubin, mais il faut faire attention à ne pas faire de ces enjeux une lecture erronée, parfois exploitée politiquement de manière éhontée. Le mythe de l'éducation nationale qui rendrait de l'argent à Bercy et le masquerait – je ne sais comment – est totalement infondé. Il y a parfois des sous-consommations, mais les montants sont réinjectés.
Les AED en préprofessionnalisation sont une mesure importante de la loi pour une école de la confiance, dont la philosophie est d'arriver à ce que des jeunes qui se destinent au métier de professeur puissent bénéficier, dès le début de leurs études, de moyens financiers en travaillant chaque mois une dizaine d'heures dans les établissements en tant qu'assistants d'éducation. Nous sommes passés à 1 800 étudiants concernés à la rentrée 2020 et nous maintenons pour 2021 l'objectif de 3 000 que vous avez rappelé – nous devrions normalement l'atteindre.
Ce dispositif donne toute satisfaction sur le plan qualitatif, aussi bien pour les intéressés que du point de vue du service rendu à l'éducation nationale. J'espère que c'est également ce que vous constatez sur le terrain. Nous continuerons à appliquer de différentes façons la philosophie consistant à bien préparer les futurs professeurs grâce à des expériences pratiques.
Le passage de l'obligation scolaire de 16 à 18 ans est aussi une mesure essentielle de la loi pour une école de la confiance. Nous avons bien prévu des crédits en faveur de la lutte contre le décrochage scolaire. En 2020, il s'est passé une chose exceptionnelle : en pleine crise sanitaire, la France a eu moins de décrocheurs qu'en 2019. Le mouvement amorcé début 2010 se poursuit donc. Bien sûr, il y a encore trop de décrocheurs et cela reste un problème. Néanmoins, leur nombre a baissé sous trois gouvernements différents et nous avons accentué cette tendance. Il y a dix ans, la France était le mauvais élève de l'Europe en la matière ; elle en est désormais le bon élève. Nous progressons mais cela ne se sait pas assez.
Il y a un an, une polémique voulait que nous sous‑estimions le nombre de décrocheurs. En mai‑juin 2020, lorsque nous rencontrions des difficultés à réamorcer le système scolaire après le premier confinement, nous avons essayé d'évaluer au plus près le risque de décrochage et nous avons estimé entre 4 et 8 % le nombre d'élèves perdus de vue. Grâce au travail accompli à cette période, nous avons retrouvé en septembre tous les élèves que nous avions, et même davantage, ce qui est une très bonne nouvelle pour la France.
Là où se concentre habituellement le décrochage, en particulier en lycée professionnel, les élèves sont revenus plus fortement. C'est dû, d'une part, au désir d'école qui s'est renforcé après la privation du premier confinement – c'est un point fort – et, d'autre part, au travail des personnels que vous avez mentionnés, dans les structures de l'éducation nationale et en lien avec d'autres, comme les missions locales qui relèvent des collectivités. C'est ce travail qui a permis d'aller chercher les élèves et de leur proposer un parcours personnalisé entre 16 et 18 ans.
Vous connaissez la question des directeurs d'école sur le bout des doigts. Elle est loin d'être réglée, mais le Grenelle pose un nouveau jalon qui doit se concrétiser dans les prochaines semaines. Je ne rappellerai pas tout ce qui a été fait, ni tout ce qui reste à faire, mais nous avons annoncé 600 ETP à la rentrée pour améliorer le système de décharge des directeurs et directrices d'école. Sont prévus deux jours supplémentaires entre une à trois classes, une demi-décharge au lieu d'un tiers jusqu'à neuf classes, et trois-quarts de décharge voire une décharge complète au lieu d'une demi-décharge pour les écoles comptant plus de treize classes.
Accroître les décharges est plus que légitime : nous devons faire gagner du temps aux directeurs et directrices d'école mais aussi faire évoluer, sur tout un ensemble de points, leurs conditions de travail. C'est le sens de la proposition de loi que vous avez déposée, qui a été votée à l'Assemblée nationale et au Sénat et qui doit désormais revenir devant vous. Je forme le vœu que ce soit le cas dès que possible. En tout état de cause, nous avons vocation à proposer beaucoup de mesures infra-législatives afin de réaliser des progrès dès la rentrée 2021, y compris au sujet de l'aide administrative.
Monsieur Le Vigoureux, s'agissant de l'éducation prioritaire et des critères pour l'attribution des moyens, vous avez commencé par des considérations démographiques de la plus haute importance car elles ont des conséquences éducatives et financières qu'il faut avoir à l'esprit, comme je l'ai fait lors de la préparation des lois de finances.
La France est dans une mauvaise situation démographique, suivant un mouvement amorcé depuis environ 2014. On n'alertera jamais assez l'opinion à ce propos. Je le fais depuis 2017, en rappelant sans cesse qu'il manque à notre pays environ 40 000 enfants par an, ce qui est très grave dans la durée et doit nous faire réagir. Je soutiens beaucoup, pour ma part, les politiques familiales afin d'inverser cette tendance, sans doute amorcée lors du quinquennat précédent par l'affaiblissement de ces politiques.
Dans ce contexte, nous devons avoir une vision de ce qui se passera dans les dix prochaines années, aussi bien pour le premier que pour le second degré.
S'agissant du premier degré, il faut accentuer la politique que nous menons, en continuant à créer des postes alors qu'il y a moins d'élèves, afin d'améliorer massivement le taux d'encadrement dans toute la France. Nous savons en effet que la baisse du taux d'encadrement peut avoir des effets très forts à cet âge de la vie et que la maternelle peut faire l'objet de très importantes améliorations. Nous utilisons la dimension positive du phénomène en cours, et nous la renforçons en créant des emplois.
La France fait très attention à ses enfants, que ce soit avant 3 ans dans les crèches ou après 3 ans à travers l'instruction obligatoire et un taux d'encadrement très favorable à l'école maternelle, en CP et en CE1 – et si possible après aussi –, dans le cadre de l'éducation prioritaire mais aussi dans le reste du système. C'est l'objectif, fixé par le Président de la République au moment du grand débat et que nous sommes sur le point d'atteindre à la rentrée 2021, de n'avoir pas plus de vingt‑quatre élèves par classe dans toute la France en grande section, CP et CE1.
Nous devons massivement améliorer le taux d'encadrement du premier degré pour renforcer l'attention portée aux enfants et la personnalisation des parcours. C'est à cet âge qu'on consolide le langage, la logique et la culture.
En ce qui concerne le second degré, nous sommes dans une position intermédiaire. Alors qu'il y a eu un peu plus d'élèves au lycée – davantage qu'au collège – ces dernières années, nous n'avons pas créé de postes et nous avons parfois compensé des suppressions par des heures supplémentaires. Ce qui se passera durant les prochaines années est important : la vague démographique négative arrive en 6e et en 5e et elle continuera en 4e, 3e, 2nde, 1re et terminale. Le taux d'encadrement s'améliorera ainsi.
Il n'aurait pas été pertinent de recruter massivement aux concours du certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du second degré (CAPES) et de l'agrégation, car il aurait été difficile d'utiliser des postes finalement trop nombreux au cours des dix années suivantes – nous avons beaucoup plus de souplesse dans le premier degré. Il fallait éviter d'avoir ensuite à supprimer des postes dans le second degré.
Au-delà de 2022, la question qui se pose n'est pas de supprimer ou de créer des emplois dans l'éducation nationale, qui compte déjà plus de 1,1 million de salariés, mais de parvenir, avec les mêmes effectifs, à avoir une approche personnalisée du parcours des élèves. Cela ne signifie pas un immobilisme en matière d'emplois mais au contraire de bien les affecter, en dépassant l'approche binaire qui sépare l'éducation prioritaire du reste du pays.
C'était une question centrale du rapport Mathiot-Azéma qui a ouvert des pistes très intéressantes, et c'était aussi une des justifications de la création, pour la première fois dans notre pays, d'un secrétariat d'État à l'éducation prioritaire, sous la conduite de Nathalie Élimas. Je n'ai évidemment pas le temps de développer tout ce qui est excellemment fait sous sa responsabilité pour déployer toute une série de politiques d'éducation prioritaire, par exemple les internats d'excellence et les cités éducatives.
Il est nécessaire de raisonner différemment pour donner des moyens supplémentaires à des endroits qui ne sont pas en éducation prioritaire, comme le collège Dunois qu'a cité M. Le Vigoureux et tous ceux qui lui ressemblent.
Le dispositif des contrats locaux d'accompagnement (CLA) que nous avons développé est à ce stade la meilleure réponse pour accompagner les établissements, pour prendre des mesures spécifiques sans les ranger dans une case trop rigide et pour renforcer ou stimuler les projets d'établissement ou d'école. C'est une des réponses pour ce qu'on appelle les écoles orphelines. Cette mesure intermédiaire entre REP et non REP permet d'apporter des moyens nouveaux mais aussi d'avoir une vision qualitative renforcée.
S'agissant des AESH, chaque enfant doit effectivement être accompagné. Les aspects quantitatifs – ou budgétaires – et qualitatifs sont les deux faces d'une même question. Alors que le nombre d'enfants accueillis a augmenté de 7 % à la rentrée dernière, le budget a progressé de 11 %, ce qui montre bien l'effort réalisé. Les MDPH allant toujours plus loin dans leurs prescriptions d'accompagnement des enfants, il est très difficile de les suivre. Néanmoins, nous avons fait un effort énorme en recrutant 8 000 AESH de plus à la rentrée dernière alors que nous avions programmé une augmentation de 4 000 postes par année, ce qui était déjà très important.
Il faut maîtriser cette course grâce au travail des PIAL, qui doit permettre de constater les besoins réels au plus près du terrain. Il n'est pas juste d'affecter un AESH à un enfant qui n'en a peut-être pas besoin en réalité, ou pas totalement, alors que d'autres sont en attente. L'AESH n'est pas la solution magique à chaque problème de handicap : les choses sont évidemment plus complexes. Il y aura probablement encore des augmentations, mais il faut surtout stabiliser les choses qualitativement. Cela ne traduit pas une volonté de faire des économies budgétaires puisque c'est le poste qui a bénéficié de la plus forte hausse depuis le début du quinquennat : près de 50 % de plus en quatre ans, c'est considérable. Le but est de bien utiliser les moyens et que chaque enfant soit accompagné de manière adéquate.
Je ne passerai pas en revue toute la politique de l'école inclusive mais je rejoins ce que vous avez dit, madame la présidente : le lien AESH‑famille‑école est primordial. Il doit être créé le plus tôt possible pour la préparation de la rentrée. Je vous remercie d'avoir salué ce qui est fait, même si ce n'est effectivement pas parfait. Nous essayons de faire en sorte qu'il y ait un rendez‑vous avec la famille en amont de la rentrée pour que le trinôme AESH-école-élève – et famille – soit le plus soudé possible. Chaque famille peut appeler un numéro départemental avant la rentrée. Tout cela a fait l'objet d'un important travail et je rends hommage à tous ceux qui se dédient à l'école inclusive et sont les artisans de ces avancées.
Nous avons des progrès à faire, plusieurs d'entre vous l'ont souligné, en matière de pouvoir d'achat des AESH, de formation – elle s'est nettement améliorée mais on peut encore continuer en ce sens –, de considération des acteurs, de lien avec les familles et d'ajustement de l'accompagnement à l'enfant, qui ne se résume pas au fait d'avoir un AESH mais passe parfois par bien d'autres choses. Nous travaillons notamment avec Sophie Cluzel sur le lien entre les institutions médico‑sociales et l'éducation nationale. C'est un des enjeux majeurs des PIAL : des personnels spécialisés viennent du milieu de la santé pour aider les enfants dans des établissements ou des écoles de plus en plus équipés. Il y a des progrès, et les collectivités locales travaillent également sur ce sujet.
Madame Valentin, merci d'avoir posé la question essentielle de l'équipement numérique des écoles, à laquelle nous avons affecté des crédits considérables dans le cadre du plan de relance. Nous avons en quelque sorte relancé l'équipement rural, qui bénéficie désormais de 105 millions d'euros et non plus des 91 millions que vous avez mentionnés. Ces sommes sans précédent s'accompagnent de projets ciblés. Les territoires éducatifs numériques expérimentés dans le Val‑d'Oise et dans l'Aisne ont vocation à s'étendre à la rentrée à dix autres départements, qui disposeront d'un équipement massif en milieu urbain comme en milieu rural. La crise sanitaire n'a fait qu'accentuer le sentiment d'un besoin en la matière.
Madame Bannier, la question de l'enseignement agricole est assez récurrente dans les discussions budgétaires. Je soutiens cet enseignement, que je ne considère jamais comme un sujet cloisonné par rapport à celui de l'éducation nationale – c'est également vrai des établissements scolaires qui relèvent d'autres ministères, comme celui des armées. Je salue chaque fois que je le peux la qualité de ce que fait l'enseignement agricole et son intérêt. Avec Julien Denormandie, nous avons très récemment réuni les directeurs régionaux en charge de l'agriculture et les recteurs à qui nous avons dit que nous devons progresser ensemble concernant les enjeux éducatifs. Il ne faut pas déshabiller Pierre – l'éducation nationale, par exemple – pour habiller Paul – l'enseignement agricole. La question des postes dans l'enseignement agricole relève du ministère de l'agriculture, et je ne crois pas qu'elle doive trouver sa réponse dans une forme de rapt sur le budget de l'éducation nationale.
En 2020, la loi de finances rectificative et le dégel ont permis un financement, à hauteur de 10,2 millions d'euros, des établissements d'enseignement agricole qui étaient en grande difficulté. Pour 2021, le montant estimé est équivalent. Je crois que c'est ce qui sera présenté en loi de finances rectificative.
Madame Tolmont, le budget de l'éducation nationale a augmenté de 2,4 milliards de 2012 à 2016 et de 6,8 milliards de 2017 à 2021 : fermez le ban, si j'ose dire ! On a beau répéter les affirmations mensongères de certains articles pour tenter d'en faire une théorie, les chiffres sont là, et chacun peut vérifier mes propos. Le mythe de l'éducation nationale sacrifiée, sur laquelle on chercherait à tout prix à faire des économies, est totalement faux. C'est ce gouvernement qui a procédé, au cours de ce mandat, à la plus forte augmentation budgétaire qu'on ait jamais connue.
Nous avons fait des choix. Contrairement au quinquennat précédent, il n'y a pas de saupoudrage mais des priorités pour aller au plus près des besoins des élèves, comme on l'a vu à propos de l'école inclusive et de l'école primaire. Je l'affirme avec force : ce n'est pas parce qu'on répète que nous avons fait moins que durant le quinquennat précédent que cela devient une vérité.
Cela teinte de mauvaise foi ce qui est dit au sujet du Grenelle. Il constitue un signal pluriannuel puisque, après les 400 millions d'euros de l'année dernière, 700 millions sont prévus cette année. Je ne puis vous laisser dire, madame Tolmont, que le montant n'est que de 400 millions. Il est de 700 millions, qui s'ajoutent à d'autres augmentations budgétaires au service du pouvoir d'achat des personnels. Faut-il faire plus ? Je suis le premier à le dire : l'objectif des années à venir doit être de franchir des marches d'environ 500 millions annuels pour nous placer dans le peloton de tête des pays de l'OCDE en ce qui concerne la manière de payer les professeurs et les personnels. Nous avons enclenché le mouvement, non pas pour laisser des factures à ceux qui nous suivront – c'est ce qui a été fait sous le quinquennat précédent et nous avons acquitté les factures –, mais pour prendre nos responsabilités politiques.
Cela répond aux questions de Mme Tolmont et de Mme Thill concernant la loi de programmation. C'était une option : je n'ai jamais dit qu'elle était certaine mais possible. Cela nous aurait conduits à prendre des engagements que les gouvernements suivants auraient eu à accomplir. Je suis favorable à une loi de programmation en début de quinquennat. Il reviendra à chacun d'assumer cette question dans ses perspectives politiques, et toute personne qui exercera des responsabilités en la matière aura à s'exprimer par rapport au plan que nous avons lancé dans le cadre du Grenelle. On a le droit d'être contre mais, si on est élu démocratiquement, il faudra pouvoir expliquer pourquoi.
Nous avons, pour notre part, une vision pluriannuelle très horizontale au sens où elle repose beaucoup sur le dialogue social. Mme Tolmont m'a notamment interrogé sur la répartition des moyens : c'est dans le cadre du dialogue social du mois de juin que nous verrons comment nous les répartirons. Notre objectif est que le dialogue social continue au cours des prochaines années pour déterminer la façon dont nous gravirons les différentes marches.
L'idée qu'aucun personnel, aucun professeur, ne doit être rémunéré en dessous de 2 000 euros au début de sa carrière me paraît un bon objectif, à court ou à moyen terme, pour assurer une véritable revalorisation. C'est un objectif non seulement national mais mondial : la question de la trop faible reconnaissance des professeurs, de l'attractivité du métier et de son prestige social se pose dans le monde entier, à quelques exceptions près, comme la Finlande, Singapour et éventuellement un peu l'Allemagne ou d'autres pays. Le Grenelle de l'éducation et les premières augmentations salariales ne sont pas la solution à tout mais cela permet de donner un signal fort et d'enclencher des premières mesures très concrètes.
Monsieur Bournazel, nous devons en effet suivre une stratégie de revalorisation équitable pour 2021 et 2022 mais aussi pour les années suivantes. Chacun formulera ses propositions pour atteindre, notamment, l'objectif d'une sorte de salaire minimum de 2 000 euros et d'un milieu de carrière reflétant les augmentations de salaire intervenues au fil du temps.
Mme Thill a rappelé l'augmentation décidée sous le précédent quinquennat, six mois avant l'élection. Nous avons réalisé une augmentation plus tôt et nous traçons une perspective. Merci d'avoir souligné ce que représente le Grenelle. Je le répète, nous sommes dans une logique pluriannuelle qui ne passe pas forcément par une loi de programmation. Des accords sociaux peuvent être une méthode tout à fait pertinente.
Madame Rubin, je tiens à votre disposition la liste de toutes les mesures augmentant le pouvoir d'achat des personnels éducatifs depuis la rentrée scolaire 2020. Je suis toujours frappé que l'on juge très grave de supprimer 5 euros par mois dans un domaine, mais qu'on trouve qu'ajouter 35 euros dans un autre n'est rien du tout. Pour vous, il n'y a manifestement pas de symétrie entre les soustractions et les additions…
S'agissant du prétendu retour de crédits de l'éducation nationale vers le ministère des finances, il s'agit de reports et non d'économies. Si vous avez, par exemple, programmé la construction d'un collège à Mayotte et que la dépense n'est pas effectuée en raison de difficultés naturelles, vous la reportez simplement à l'année suivante : c'est un décalage de la consommation des crédits, et rien d'autre. Les annulations en projet de loi de finances rectificative pour compenser des ouvertures de crédits concernent tous les ministères et non pas spécifiquement celui de l'éducation nationale.
Au 31 décembre 2020, les crédits non consommés ont été annulés pour être reportés au 1er janvier 2021. Cela revient donc, contrairement à ce que vous dites, à une préservation totale et entière des moyens du ministère. Parler d'économies budgétaires est un contresens complet. Cela a beau être répété, c'est faux. Sur le plan de la technique budgétaire, il ne faut pas confondre les autorisations d'engagement et les crédits de paiement.
Un premier arrêté, du 22 janvier dernier, a reporté 212 millions d'euros d'autorisations d'engagement affectées non engagées (AENE). Il s'agit d'autorisations données sur de longues durées pour des projets d'investissement, par exemple un collège ou un bâtiment administratif. Il est tout à fait courant qu'une partie des AENE soit reportée à l'année suivante, souvent en raison de décalages de projets immobiliers ou informatiques. À l'échelle de l'État, les AENE représentent 15 milliards d'euros. Vous faites d'une procédure technique très banale un enjeu politique totalement décalé par rapport à la réalité.
Un arrêté du 12 février a également reporté 394 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 21 millions de crédits de paiement. L'essentiel – 375 millions – est une bascule comptable d'AENE concernant un engagement pluriannuel de financement d'infrastructures pérennes, notamment destinées aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024. Il n'y a, là non plus, aucune économie.
Enfin, on ne doit pas confondre les crédits votés en loi de finances avec les crédits issus de fonds de concours. Un arrêté du 26 janvier reporte ainsi 41 millions d'euros de fonds de concours, ces reports étant de droit dans le cadre de la loi organique relative aux lois de finances. Ce sont essentiellement des crédits du programme d'investissements d'avenir qui financent des projets concernant le numérique éducatif. Là aussi il s'agit de décalages : nous remettons à disposition les moyens nécessaires.
Ce qui est répété est donc faux et illustre bien la question des fake news. Je tiens à votre disposition tous les documents permettant de faire des vérifications. Ceux qui continueront à tenir de tels propos feront sciemment croire des choses qui ne sont pas exactes. C'est tout l'intérêt de parler de finances et de budget : nous ne faisons pas de la littérature mais des mathématiques et du droit. Ce n'est pas une question d'opinion : c'est argument contre argument, chiffre contre chiffre. Je ne dis pas cela pour vous, madame la députée, mais pour ceux qui nous écoutent car, dans le passé, il m'est arrivé de réfuter des choses de ce genre et de continuer à les voir prospérer.
Madame la présidente, l'équilibre entre le rural et l'urbain est évidemment un enjeu important. Le taux d'encadrement en milieu rural reste et continuera à être largement supérieur à celui en milieu urbain. Là encore, des choses qui sont dites, parfois, ne sont pas exactes : en aucun cas, nous ne sacrifions le milieu rural. Je suis le premier à ne pas le vouloir. Il est malheureusement vrai que la baisse démographique se concentre en milieu rural et peut conduire à des situations déchirantes. D'où le besoin d'une vraie stratégie démographique que la crise permet peut‑être d'amorcer : des gens habitent à nouveau des villages et nous devons encourager ce mouvement, notamment grâce à des écoles rurales attractives. La consigne donnée à l'ensemble du système éducatif et aux inspecteurs du premier degré est d'être d'une très grande bienveillance à l'égard des projets des communes pour amorcer le rebond.
Nous maintenons l'objectif de ne jamais fermer une école sans l'accord du maire. Cela doit être beaucoup plus souple pour les classes, sans quoi on aboutirait à des situations inéquitables voire absurdes. Les créations de postes dans le premier degré doivent nous permettre de faire face à la situation. Nous ne déshabillons pas Pierre pour habiller Paul : nous regardons vraiment au plus près les réalités de la ruralité pour assurer un accompagnement. Cela dit, il est vrai qu'avec 50 000 enfants en moins chaque année, dont une bonne partie dans le monde rural, nous rencontrons une difficulté structurelle qu'il faut regarder en face et résoudre.
L'éducation nationale doit réussir à mener avec les conseils départementaux, dans le cadre d'une contractualisation, des stratégies qualitatives d'attractivité territoriale qui passent notamment par l'école et le numérique – avec le haut débit – pour permettre des réinstallations et un rebond démographique.
S'agissant du coût de la crise, nous avons à rendre des comptes, au sens plein du terme, dès maintenant et a posteriori. Nous chiffrons le coût à 527 millions d'euros pour 2020. L'équipement des élèves et les dispositifs spécifiques comme 2S2C, « vacances apprenantes » et « École ouverte » ont coûté 120 millions. Nous avons augmenté le nombre de volontaires en service civique en 2020 pour un coût de 21,3 millions – ce sera beaucoup plus en 2021. En ce qui concerne les personnels, les dépenses ont été de 227 millions pour les achats de masques, de tests antigéniques et de divers matériels de protection, auxquels il faut ajouter 6 000 emplois représentant 180 millions en masse salariale. Les subventions supplémentaires aux associations de jeunesse, d'éducation populaire et sportives se sont élevées à 44,3 millions. Par ailleurs, 6,2 millions ont été engagés pour des établissements relevant du ministère, par exemple les GRETA et le CNED, au titre de « ma classe à la maison », et 107 millions pour les clubs sportifs. Ces dépenses ont été couvertes par les lois de finances rectificatives et par des redéploiements. Pour 2021, les chiffres seront de nouveau élevés puisque nous avons continué à agir dans chacun de ces domaines.