Intervention de Jean‑Michel Blanquer

Réunion du jeudi 3 juin 2021 à 21h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Jean‑Michel Blanquer, ministre :

Madame Rilhac, s'agissant des HSE non utilisées pendant la crise sanitaire, il n'est pas possible à ce stade de donner un chiffre précis pour 2021, mais il est évident qu'elles sont réaffectées, notamment aux moyens de rentrée pour les heures supplémentaires nécessaires à l'accompagnement personnalisé. Dès que nous saurons ce qu'il en est en 2021, nous en informerons la représentation nationale.

Je reviendrai sur les sous-consommations en réponse à Mme Rubin, mais il faut faire attention à ne pas faire de ces enjeux une lecture erronée, parfois exploitée politiquement de manière éhontée. Le mythe de l'éducation nationale qui rendrait de l'argent à Bercy et le masquerait – je ne sais comment – est totalement infondé. Il y a parfois des sous-consommations, mais les montants sont réinjectés.

Les AED en préprofessionnalisation sont une mesure importante de la loi pour une école de la confiance, dont la philosophie est d'arriver à ce que des jeunes qui se destinent au métier de professeur puissent bénéficier, dès le début de leurs études, de moyens financiers en travaillant chaque mois une dizaine d'heures dans les établissements en tant qu'assistants d'éducation. Nous sommes passés à 1 800 étudiants concernés à la rentrée 2020 et nous maintenons pour 2021 l'objectif de 3 000 que vous avez rappelé – nous devrions normalement l'atteindre.

Ce dispositif donne toute satisfaction sur le plan qualitatif, aussi bien pour les intéressés que du point de vue du service rendu à l'éducation nationale. J'espère que c'est également ce que vous constatez sur le terrain. Nous continuerons à appliquer de différentes façons la philosophie consistant à bien préparer les futurs professeurs grâce à des expériences pratiques.

Le passage de l'obligation scolaire de 16 à 18 ans est aussi une mesure essentielle de la loi pour une école de la confiance. Nous avons bien prévu des crédits en faveur de la lutte contre le décrochage scolaire. En 2020, il s'est passé une chose exceptionnelle : en pleine crise sanitaire, la France a eu moins de décrocheurs qu'en 2019. Le mouvement amorcé début 2010 se poursuit donc. Bien sûr, il y a encore trop de décrocheurs et cela reste un problème. Néanmoins, leur nombre a baissé sous trois gouvernements différents et nous avons accentué cette tendance. Il y a dix ans, la France était le mauvais élève de l'Europe en la matière ; elle en est désormais le bon élève. Nous progressons mais cela ne se sait pas assez.

Il y a un an, une polémique voulait que nous sous‑estimions le nombre de décrocheurs. En mai‑juin 2020, lorsque nous rencontrions des difficultés à réamorcer le système scolaire après le premier confinement, nous avons essayé d'évaluer au plus près le risque de décrochage et nous avons estimé entre 4 et 8 % le nombre d'élèves perdus de vue. Grâce au travail accompli à cette période, nous avons retrouvé en septembre tous les élèves que nous avions, et même davantage, ce qui est une très bonne nouvelle pour la France.

Là où se concentre habituellement le décrochage, en particulier en lycée professionnel, les élèves sont revenus plus fortement. C'est dû, d'une part, au désir d'école qui s'est renforcé après la privation du premier confinement – c'est un point fort – et, d'autre part, au travail des personnels que vous avez mentionnés, dans les structures de l'éducation nationale et en lien avec d'autres, comme les missions locales qui relèvent des collectivités. C'est ce travail qui a permis d'aller chercher les élèves et de leur proposer un parcours personnalisé entre 16 et 18 ans.

Vous connaissez la question des directeurs d'école sur le bout des doigts. Elle est loin d'être réglée, mais le Grenelle pose un nouveau jalon qui doit se concrétiser dans les prochaines semaines. Je ne rappellerai pas tout ce qui a été fait, ni tout ce qui reste à faire, mais nous avons annoncé 600 ETP à la rentrée pour améliorer le système de décharge des directeurs et directrices d'école. Sont prévus deux jours supplémentaires entre une à trois classes, une demi-décharge au lieu d'un tiers jusqu'à neuf classes, et trois-quarts de décharge voire une décharge complète au lieu d'une demi-décharge pour les écoles comptant plus de treize classes.

Accroître les décharges est plus que légitime : nous devons faire gagner du temps aux directeurs et directrices d'école mais aussi faire évoluer, sur tout un ensemble de points, leurs conditions de travail. C'est le sens de la proposition de loi que vous avez déposée, qui a été votée à l'Assemblée nationale et au Sénat et qui doit désormais revenir devant vous. Je forme le vœu que ce soit le cas dès que possible. En tout état de cause, nous avons vocation à proposer beaucoup de mesures infra-législatives afin de réaliser des progrès dès la rentrée 2021, y compris au sujet de l'aide administrative.

Monsieur Le Vigoureux, s'agissant de l'éducation prioritaire et des critères pour l'attribution des moyens, vous avez commencé par des considérations démographiques de la plus haute importance car elles ont des conséquences éducatives et financières qu'il faut avoir à l'esprit, comme je l'ai fait lors de la préparation des lois de finances.

La France est dans une mauvaise situation démographique, suivant un mouvement amorcé depuis environ 2014. On n'alertera jamais assez l'opinion à ce propos. Je le fais depuis 2017, en rappelant sans cesse qu'il manque à notre pays environ 40 000 enfants par an, ce qui est très grave dans la durée et doit nous faire réagir. Je soutiens beaucoup, pour ma part, les politiques familiales afin d'inverser cette tendance, sans doute amorcée lors du quinquennat précédent par l'affaiblissement de ces politiques.

Dans ce contexte, nous devons avoir une vision de ce qui se passera dans les dix prochaines années, aussi bien pour le premier que pour le second degré.

S'agissant du premier degré, il faut accentuer la politique que nous menons, en continuant à créer des postes alors qu'il y a moins d'élèves, afin d'améliorer massivement le taux d'encadrement dans toute la France. Nous savons en effet que la baisse du taux d'encadrement peut avoir des effets très forts à cet âge de la vie et que la maternelle peut faire l'objet de très importantes améliorations. Nous utilisons la dimension positive du phénomène en cours, et nous la renforçons en créant des emplois.

La France fait très attention à ses enfants, que ce soit avant 3 ans dans les crèches ou après 3 ans à travers l'instruction obligatoire et un taux d'encadrement très favorable à l'école maternelle, en CP et en CE1 – et si possible après aussi –, dans le cadre de l'éducation prioritaire mais aussi dans le reste du système. C'est l'objectif, fixé par le Président de la République au moment du grand débat et que nous sommes sur le point d'atteindre à la rentrée 2021, de n'avoir pas plus de vingt‑quatre élèves par classe dans toute la France en grande section, CP et CE1.

Nous devons massivement améliorer le taux d'encadrement du premier degré pour renforcer l'attention portée aux enfants et la personnalisation des parcours. C'est à cet âge qu'on consolide le langage, la logique et la culture.

En ce qui concerne le second degré, nous sommes dans une position intermédiaire. Alors qu'il y a eu un peu plus d'élèves au lycée – davantage qu'au collège – ces dernières années, nous n'avons pas créé de postes et nous avons parfois compensé des suppressions par des heures supplémentaires. Ce qui se passera durant les prochaines années est important : la vague démographique négative arrive en 6e et en 5e et elle continuera en 4e, 3e, 2nde, 1re et terminale. Le taux d'encadrement s'améliorera ainsi.

Il n'aurait pas été pertinent de recruter massivement aux concours du certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du second degré (CAPES) et de l'agrégation, car il aurait été difficile d'utiliser des postes finalement trop nombreux au cours des dix années suivantes – nous avons beaucoup plus de souplesse dans le premier degré. Il fallait éviter d'avoir ensuite à supprimer des postes dans le second degré.

Au-delà de 2022, la question qui se pose n'est pas de supprimer ou de créer des emplois dans l'éducation nationale, qui compte déjà plus de 1,1 million de salariés, mais de parvenir, avec les mêmes effectifs, à avoir une approche personnalisée du parcours des élèves. Cela ne signifie pas un immobilisme en matière d'emplois mais au contraire de bien les affecter, en dépassant l'approche binaire qui sépare l'éducation prioritaire du reste du pays.

C'était une question centrale du rapport Mathiot-Azéma qui a ouvert des pistes très intéressantes, et c'était aussi une des justifications de la création, pour la première fois dans notre pays, d'un secrétariat d'État à l'éducation prioritaire, sous la conduite de Nathalie Élimas. Je n'ai évidemment pas le temps de développer tout ce qui est excellemment fait sous sa responsabilité pour déployer toute une série de politiques d'éducation prioritaire, par exemple les internats d'excellence et les cités éducatives.

Il est nécessaire de raisonner différemment pour donner des moyens supplémentaires à des endroits qui ne sont pas en éducation prioritaire, comme le collège Dunois qu'a cité M. Le Vigoureux et tous ceux qui lui ressemblent.

Le dispositif des contrats locaux d'accompagnement (CLA) que nous avons développé est à ce stade la meilleure réponse pour accompagner les établissements, pour prendre des mesures spécifiques sans les ranger dans une case trop rigide et pour renforcer ou stimuler les projets d'établissement ou d'école. C'est une des réponses pour ce qu'on appelle les écoles orphelines. Cette mesure intermédiaire entre REP et non REP permet d'apporter des moyens nouveaux mais aussi d'avoir une vision qualitative renforcée.

S'agissant des AESH, chaque enfant doit effectivement être accompagné. Les aspects quantitatifs – ou budgétaires – et qualitatifs sont les deux faces d'une même question. Alors que le nombre d'enfants accueillis a augmenté de 7 % à la rentrée dernière, le budget a progressé de 11 %, ce qui montre bien l'effort réalisé. Les MDPH allant toujours plus loin dans leurs prescriptions d'accompagnement des enfants, il est très difficile de les suivre. Néanmoins, nous avons fait un effort énorme en recrutant 8 000 AESH de plus à la rentrée dernière alors que nous avions programmé une augmentation de 4 000 postes par année, ce qui était déjà très important.

Il faut maîtriser cette course grâce au travail des PIAL, qui doit permettre de constater les besoins réels au plus près du terrain. Il n'est pas juste d'affecter un AESH à un enfant qui n'en a peut-être pas besoin en réalité, ou pas totalement, alors que d'autres sont en attente. L'AESH n'est pas la solution magique à chaque problème de handicap : les choses sont évidemment plus complexes. Il y aura probablement encore des augmentations, mais il faut surtout stabiliser les choses qualitativement. Cela ne traduit pas une volonté de faire des économies budgétaires puisque c'est le poste qui a bénéficié de la plus forte hausse depuis le début du quinquennat : près de 50 % de plus en quatre ans, c'est considérable. Le but est de bien utiliser les moyens et que chaque enfant soit accompagné de manière adéquate.

Je ne passerai pas en revue toute la politique de l'école inclusive mais je rejoins ce que vous avez dit, madame la présidente : le lien AESH‑famille‑école est primordial. Il doit être créé le plus tôt possible pour la préparation de la rentrée. Je vous remercie d'avoir salué ce qui est fait, même si ce n'est effectivement pas parfait. Nous essayons de faire en sorte qu'il y ait un rendez‑vous avec la famille en amont de la rentrée pour que le trinôme AESH-école-élève – et famille – soit le plus soudé possible. Chaque famille peut appeler un numéro départemental avant la rentrée. Tout cela a fait l'objet d'un important travail et je rends hommage à tous ceux qui se dédient à l'école inclusive et sont les artisans de ces avancées.

Nous avons des progrès à faire, plusieurs d'entre vous l'ont souligné, en matière de pouvoir d'achat des AESH, de formation – elle s'est nettement améliorée mais on peut encore continuer en ce sens –, de considération des acteurs, de lien avec les familles et d'ajustement de l'accompagnement à l'enfant, qui ne se résume pas au fait d'avoir un AESH mais passe parfois par bien d'autres choses. Nous travaillons notamment avec Sophie Cluzel sur le lien entre les institutions médico‑sociales et l'éducation nationale. C'est un des enjeux majeurs des PIAL : des personnels spécialisés viennent du milieu de la santé pour aider les enfants dans des établissements ou des écoles de plus en plus équipés. Il y a des progrès, et les collectivités locales travaillent également sur ce sujet.

Madame Valentin, merci d'avoir posé la question essentielle de l'équipement numérique des écoles, à laquelle nous avons affecté des crédits considérables dans le cadre du plan de relance. Nous avons en quelque sorte relancé l'équipement rural, qui bénéficie désormais de 105 millions d'euros et non plus des 91 millions que vous avez mentionnés. Ces sommes sans précédent s'accompagnent de projets ciblés. Les territoires éducatifs numériques expérimentés dans le Val‑d'Oise et dans l'Aisne ont vocation à s'étendre à la rentrée à dix autres départements, qui disposeront d'un équipement massif en milieu urbain comme en milieu rural. La crise sanitaire n'a fait qu'accentuer le sentiment d'un besoin en la matière.

Madame Bannier, la question de l'enseignement agricole est assez récurrente dans les discussions budgétaires. Je soutiens cet enseignement, que je ne considère jamais comme un sujet cloisonné par rapport à celui de l'éducation nationale – c'est également vrai des établissements scolaires qui relèvent d'autres ministères, comme celui des armées. Je salue chaque fois que je le peux la qualité de ce que fait l'enseignement agricole et son intérêt. Avec Julien Denormandie, nous avons très récemment réuni les directeurs régionaux en charge de l'agriculture et les recteurs à qui nous avons dit que nous devons progresser ensemble concernant les enjeux éducatifs. Il ne faut pas déshabiller Pierre – l'éducation nationale, par exemple – pour habiller Paul – l'enseignement agricole. La question des postes dans l'enseignement agricole relève du ministère de l'agriculture, et je ne crois pas qu'elle doive trouver sa réponse dans une forme de rapt sur le budget de l'éducation nationale.

En 2020, la loi de finances rectificative et le dégel ont permis un financement, à hauteur de 10,2 millions d'euros, des établissements d'enseignement agricole qui étaient en grande difficulté. Pour 2021, le montant estimé est équivalent. Je crois que c'est ce qui sera présenté en loi de finances rectificative.

Madame Tolmont, le budget de l'éducation nationale a augmenté de 2,4 milliards de 2012 à 2016 et de 6,8 milliards de 2017 à 2021 : fermez le ban, si j'ose dire ! On a beau répéter les affirmations mensongères de certains articles pour tenter d'en faire une théorie, les chiffres sont là, et chacun peut vérifier mes propos. Le mythe de l'éducation nationale sacrifiée, sur laquelle on chercherait à tout prix à faire des économies, est totalement faux. C'est ce gouvernement qui a procédé, au cours de ce mandat, à la plus forte augmentation budgétaire qu'on ait jamais connue.

Nous avons fait des choix. Contrairement au quinquennat précédent, il n'y a pas de saupoudrage mais des priorités pour aller au plus près des besoins des élèves, comme on l'a vu à propos de l'école inclusive et de l'école primaire. Je l'affirme avec force : ce n'est pas parce qu'on répète que nous avons fait moins que durant le quinquennat précédent que cela devient une vérité.

Cela teinte de mauvaise foi ce qui est dit au sujet du Grenelle. Il constitue un signal pluriannuel puisque, après les 400 millions d'euros de l'année dernière, 700 millions sont prévus cette année. Je ne puis vous laisser dire, madame Tolmont, que le montant n'est que de 400 millions. Il est de 700 millions, qui s'ajoutent à d'autres augmentations budgétaires au service du pouvoir d'achat des personnels. Faut-il faire plus ? Je suis le premier à le dire : l'objectif des années à venir doit être de franchir des marches d'environ 500 millions annuels pour nous placer dans le peloton de tête des pays de l'OCDE en ce qui concerne la manière de payer les professeurs et les personnels. Nous avons enclenché le mouvement, non pas pour laisser des factures à ceux qui nous suivront – c'est ce qui a été fait sous le quinquennat précédent et nous avons acquitté les factures –, mais pour prendre nos responsabilités politiques.

Cela répond aux questions de Mme Tolmont et de Mme Thill concernant la loi de programmation. C'était une option : je n'ai jamais dit qu'elle était certaine mais possible. Cela nous aurait conduits à prendre des engagements que les gouvernements suivants auraient eu à accomplir. Je suis favorable à une loi de programmation en début de quinquennat. Il reviendra à chacun d'assumer cette question dans ses perspectives politiques, et toute personne qui exercera des responsabilités en la matière aura à s'exprimer par rapport au plan que nous avons lancé dans le cadre du Grenelle. On a le droit d'être contre mais, si on est élu démocratiquement, il faudra pouvoir expliquer pourquoi.

Nous avons, pour notre part, une vision pluriannuelle très horizontale au sens où elle repose beaucoup sur le dialogue social. Mme Tolmont m'a notamment interrogé sur la répartition des moyens : c'est dans le cadre du dialogue social du mois de juin que nous verrons comment nous les répartirons. Notre objectif est que le dialogue social continue au cours des prochaines années pour déterminer la façon dont nous gravirons les différentes marches.

L'idée qu'aucun personnel, aucun professeur, ne doit être rémunéré en dessous de 2 000 euros au début de sa carrière me paraît un bon objectif, à court ou à moyen terme, pour assurer une véritable revalorisation. C'est un objectif non seulement national mais mondial : la question de la trop faible reconnaissance des professeurs, de l'attractivité du métier et de son prestige social se pose dans le monde entier, à quelques exceptions près, comme la Finlande, Singapour et éventuellement un peu l'Allemagne ou d'autres pays. Le Grenelle de l'éducation et les premières augmentations salariales ne sont pas la solution à tout mais cela permet de donner un signal fort et d'enclencher des premières mesures très concrètes.

Monsieur Bournazel, nous devons en effet suivre une stratégie de revalorisation équitable pour 2021 et 2022 mais aussi pour les années suivantes. Chacun formulera ses propositions pour atteindre, notamment, l'objectif d'une sorte de salaire minimum de 2 000 euros et d'un milieu de carrière reflétant les augmentations de salaire intervenues au fil du temps.

Mme Thill a rappelé l'augmentation décidée sous le précédent quinquennat, six mois avant l'élection. Nous avons réalisé une augmentation plus tôt et nous traçons une perspective. Merci d'avoir souligné ce que représente le Grenelle. Je le répète, nous sommes dans une logique pluriannuelle qui ne passe pas forcément par une loi de programmation. Des accords sociaux peuvent être une méthode tout à fait pertinente.

Madame Rubin, je tiens à votre disposition la liste de toutes les mesures augmentant le pouvoir d'achat des personnels éducatifs depuis la rentrée scolaire 2020. Je suis toujours frappé que l'on juge très grave de supprimer 5 euros par mois dans un domaine, mais qu'on trouve qu'ajouter 35 euros dans un autre n'est rien du tout. Pour vous, il n'y a manifestement pas de symétrie entre les soustractions et les additions…

S'agissant du prétendu retour de crédits de l'éducation nationale vers le ministère des finances, il s'agit de reports et non d'économies. Si vous avez, par exemple, programmé la construction d'un collège à Mayotte et que la dépense n'est pas effectuée en raison de difficultés naturelles, vous la reportez simplement à l'année suivante : c'est un décalage de la consommation des crédits, et rien d'autre. Les annulations en projet de loi de finances rectificative pour compenser des ouvertures de crédits concernent tous les ministères et non pas spécifiquement celui de l'éducation nationale.

Au 31 décembre 2020, les crédits non consommés ont été annulés pour être reportés au 1er janvier 2021. Cela revient donc, contrairement à ce que vous dites, à une préservation totale et entière des moyens du ministère. Parler d'économies budgétaires est un contresens complet. Cela a beau être répété, c'est faux. Sur le plan de la technique budgétaire, il ne faut pas confondre les autorisations d'engagement et les crédits de paiement.

Un premier arrêté, du 22 janvier dernier, a reporté 212 millions d'euros d'autorisations d'engagement affectées non engagées (AENE). Il s'agit d'autorisations données sur de longues durées pour des projets d'investissement, par exemple un collège ou un bâtiment administratif. Il est tout à fait courant qu'une partie des AENE soit reportée à l'année suivante, souvent en raison de décalages de projets immobiliers ou informatiques. À l'échelle de l'État, les AENE représentent 15 milliards d'euros. Vous faites d'une procédure technique très banale un enjeu politique totalement décalé par rapport à la réalité.

Un arrêté du 12 février a également reporté 394 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 21 millions de crédits de paiement. L'essentiel – 375 millions – est une bascule comptable d'AENE concernant un engagement pluriannuel de financement d'infrastructures pérennes, notamment destinées aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024. Il n'y a, là non plus, aucune économie.

Enfin, on ne doit pas confondre les crédits votés en loi de finances avec les crédits issus de fonds de concours. Un arrêté du 26 janvier reporte ainsi 41 millions d'euros de fonds de concours, ces reports étant de droit dans le cadre de la loi organique relative aux lois de finances. Ce sont essentiellement des crédits du programme d'investissements d'avenir qui financent des projets concernant le numérique éducatif. Là aussi il s'agit de décalages : nous remettons à disposition les moyens nécessaires.

Ce qui est répété est donc faux et illustre bien la question des fake news. Je tiens à votre disposition tous les documents permettant de faire des vérifications. Ceux qui continueront à tenir de tels propos feront sciemment croire des choses qui ne sont pas exactes. C'est tout l'intérêt de parler de finances et de budget : nous ne faisons pas de la littérature mais des mathématiques et du droit. Ce n'est pas une question d'opinion : c'est argument contre argument, chiffre contre chiffre. Je ne dis pas cela pour vous, madame la députée, mais pour ceux qui nous écoutent car, dans le passé, il m'est arrivé de réfuter des choses de ce genre et de continuer à les voir prospérer.

Madame la présidente, l'équilibre entre le rural et l'urbain est évidemment un enjeu important. Le taux d'encadrement en milieu rural reste et continuera à être largement supérieur à celui en milieu urbain. Là encore, des choses qui sont dites, parfois, ne sont pas exactes : en aucun cas, nous ne sacrifions le milieu rural. Je suis le premier à ne pas le vouloir. Il est malheureusement vrai que la baisse démographique se concentre en milieu rural et peut conduire à des situations déchirantes. D'où le besoin d'une vraie stratégie démographique que la crise permet peut‑être d'amorcer : des gens habitent à nouveau des villages et nous devons encourager ce mouvement, notamment grâce à des écoles rurales attractives. La consigne donnée à l'ensemble du système éducatif et aux inspecteurs du premier degré est d'être d'une très grande bienveillance à l'égard des projets des communes pour amorcer le rebond.

Nous maintenons l'objectif de ne jamais fermer une école sans l'accord du maire. Cela doit être beaucoup plus souple pour les classes, sans quoi on aboutirait à des situations inéquitables voire absurdes. Les créations de postes dans le premier degré doivent nous permettre de faire face à la situation. Nous ne déshabillons pas Pierre pour habiller Paul : nous regardons vraiment au plus près les réalités de la ruralité pour assurer un accompagnement. Cela dit, il est vrai qu'avec 50 000 enfants en moins chaque année, dont une bonne partie dans le monde rural, nous rencontrons une difficulté structurelle qu'il faut regarder en face et résoudre.

L'éducation nationale doit réussir à mener avec les conseils départementaux, dans le cadre d'une contractualisation, des stratégies qualitatives d'attractivité territoriale qui passent notamment par l'école et le numérique – avec le haut débit – pour permettre des réinstallations et un rebond démographique.

S'agissant du coût de la crise, nous avons à rendre des comptes, au sens plein du terme, dès maintenant et a posteriori. Nous chiffrons le coût à 527 millions d'euros pour 2020. L'équipement des élèves et les dispositifs spécifiques comme 2S2C, « vacances apprenantes » et « École ouverte » ont coûté 120 millions. Nous avons augmenté le nombre de volontaires en service civique en 2020 pour un coût de 21,3 millions – ce sera beaucoup plus en 2021. En ce qui concerne les personnels, les dépenses ont été de 227 millions pour les achats de masques, de tests antigéniques et de divers matériels de protection, auxquels il faut ajouter 6 000 emplois représentant 180 millions en masse salariale. Les subventions supplémentaires aux associations de jeunesse, d'éducation populaire et sportives se sont élevées à 44,3 millions. Par ailleurs, 6,2 millions ont été engagés pour des établissements relevant du ministère, par exemple les GRETA et le CNED, au titre de « ma classe à la maison », et 107 millions pour les clubs sportifs. Ces dépenses ont été couvertes par les lois de finances rectificatives et par des redéploiements. Pour 2021, les chiffres seront de nouveau élevés puisque nous avons continué à agir dans chacun de ces domaines.

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