Intervention de Fabrice Brun

Réunion du jeudi 3 juin 2021 à 15h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFabrice Brun, rapporteur spécial (Commerce extérieur) :

La crise sanitaire a porté un coup rude au commerce extérieur français. Le déficit de la balance commerciale s'est creusé en 2020 de 7,3 milliards d'euros, avec une baisse de presque 16 % des exportations. Notre déficit atteint ainsi 65,2 milliards d'euros. L'aéronautique a été touchée en premier, avec une baisse de moitié des exportations en valeur qui représente 35 milliards d'euros, mais d'autres secteurs qui contribuent positivement au solde commercial de la France ont également souffert. Par exemple, les vins et spiritueux ont connu une baisse des exportations de 14 %. Avec le covid, la taxe Trump, la crise du marché chinois et le Brexit, tous les ingrédients d'un cocktail explosif étaient réunis.

La reprise du commerce international en 2021 n'est pas sans écueil. Depuis plusieurs mois, de nombreux industriels, acteurs du BTP et économistes tirent la sonnette d'alarme à propos de diverses pénuries. Les prix du fret, multipliés par trois voire quatre, s'envolent, ce qui pourrait coûter 23 milliards d'euros aux entreprises françaises, selon Euler Hermes, sans que nous ne connaissions précisément l'impact de cette hausse sur l'augmentation des prix pour le consommateur. Nous constatons déjà une forte augmentation du coût des matières premières : la tonne de fer, qui se négociait à 100 dollars en 2020, se négocie à près de 230 dollars aujourd'hui, tandis que le prix des semi-conducteurs a doublé en un an. La hausse touche également le bois et certains produits agricoles comme le blé ou le coton.

Face à cette augmentation trop forte des coûts et à cette pénurie de matières premières, certains sites, notamment en France, sont amenés à freiner leur production. Dans ce contexte, madame la secrétaire d'État, sur fond de crise sanitaire, il est crucial de ne pas débrancher trop vite les soutiens à l'économie et à l'emploi, et il est impératif d'aider les entreprises, notamment celles qui veulent se projeter à l'export et souffrent de ce contexte défavorable.

En 2020, nous avons déjà aidé les entreprises, de manière opérationnelle, grâce à la Team France Export (TFE). Je veux saluer l'action de Business France et des chambres de commerce et d'industrie (CCI), qui n'ont cessé d'accompagner les entreprises tout au long de l'année. Dans l'ensemble, la TFE donne aujourd'hui satisfaction – j'en profite pour rendre hommage au travail de mon prédécesseur, Nicolas Forissier –, mais dans ces conditions, il est important de préserver les crédits des acteurs publics et, au sein même de la TFE, il est temps de réfléchir à une nouvelle répartition des recettes, entre la préparation des dossiers, plutôt assurée par les CCI, et la projection à l'export, opérée par Business France.

Le soutien aux entreprises doit aussi passer par une aide financière incitative. Le plan de relance de 247 millions d'euros a été déployé à partir de l'automne. Ces mesures préparées par les acteurs privés et publics de l'export, au sein du groupe de travail Solutions pour l'export (Solex), vont dans le bon sens : augmentation du nombre des assurances prospection, création d'un chèque relance export et d'un chèque volontariat en entreprise (VIE), augmentation du fonds d'études et d'aide au secteur privé (FASEP). Cependant, ce plan n'a pas été conçu à l'aune d'un deuxième confinement à l'automne et d'un troisième confinement au printemps, puisque, jusqu'en mai, les missions collectives à l'étranger, déterminantes pour conclure de nouveaux contrats d'affaires, étaient peu nombreuses. Le nombre de VIE est malheureusement très faible, ce qui est tout à fait logique au regard de la fermeture des frontières.

Soyons clairs, il faut sanctuariser les crédits du plan de relance export qui ne seraient pas consommés à la fin de l'année 2021, même si j'ai bon espoir que le second semestre voie l'accélération de son déploiement. Certaines bonnes mesures doivent même être renforcées, comme l'assurance prospection accompagnement pour les primo-exportateurs.

Au-delà du soutien budgétaire, il est également important d'aider nos entreprises et nos responsables export à voyager à nouveau. La prospection à distance est utile, mais le commerce est aussi et surtout une affaire de rapports humains. Nous proposons la création d'une cellule spécifique, qui pourrait être envisagée dans le contexte du covid et du Brexit. Il faut absolument éviter que des chefs d'entreprise se retrouvent bloqués aux frontières, comme cela s'est produit cet hiver. Je me rappelle particulièrement un chef d'entreprise ardéchois, refoulé à l'entrée de l'Eurotunnel par les douanes anglaises pour des motifs assez particuliers. Un travail diplomatique est nécessaire.

J'en viens à mon thème d'évaluation : les procédures financières de soutien à l'export de Bpifrance.

La gestion des garanties à l'export, de l'assurance crédit, de l'assurance prospection, des cautions et préfinancements et de l'assurance change, autrefois assurée par la Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur (COFACE), a été transférée le 1er janvier 2017 à Bpifrance, qui agit au nom et sous le contrôle de l'État. Bpifrance a également développé une activité de financement des crédits export, des prêts directs visant à financer une croissance externe ou des besoins en fonds de roulement liés à l'export.

L'action de Bpifrance est aujourd'hui reconnue. La Banque publique d'investissement a su absorber les garanties publiques à l'export pour un coût de gestion moins élevé que celui de COFACE. Les procédures sont gérées avec précaution : l'assurance crédit a ainsi enregistré des résultats nets positifs cumulés de 6,9 milliards d'euros entre 2010 et 2020, qui compensent amplement les déficits structurels de l'assurance prospection, lesquels atteignent 720 millions d'euros sur la même période.

L'action de Bpifrance est complémentaire de l'offre privée, et la banque publique propose une gamme de produits assez complète, ce qui est très positif. Cependant, cette gestion sage ne suffit pas. Le financement public à l'export est de plus en plus utilisé pour rendre les entreprises nationales compétitives sur les marchés internationaux, et la France ne doit pas rester en queue de train.

Bpifrance doit atteindre trois objectifs principaux : se rapprocher davantage des PME et des TPE, simplifier les procédures et assouplir les critères d'éligibilité aux offres.

Le financement export a été confié à Bpifrance du fait de ses réseaux dans les territoires, parce qu'il fallait et qu'il faut encore davantage aider les PME à recourir aux dispositifs publics. Des efforts ont été réalisés pour se rapprocher de ces PME, mais ils sont encore insuffisants. Nous devons multiplier les actions de communication et de formation auprès des relais sur le terrain, à savoir les banques, les experts-comptables et les chambres consulaires. Pour beaucoup d'entreprises, l'offre de Bpifrance est encore trop peu lisible et trop lointaine.

Nous devons ensuite faire le pari de la simplification. Les procédures de Bpifrance Assurance Export apparaissent trop complexes ; l'instruction et le suivi des dossiers sont trop lourds. Pour simplifier les choses, nous pourrions confier certaines procédures au réseau bancaire – je pense notamment aux garanties de préfinancement et de caution –, car les banques connaissent bien les entreprises. Dans cette même perspective, il faut renoncer à l'examen des demandes de garantie contrat d'affaires par contrat d'affaires, souvent très lourd, au profit d'un accompagnement beaucoup plus stratégique des entreprises.

Enfin, nous devons accepter d'assouplir les critères d'éligibilité. Des efforts ont été consentis pour réduire la part française exigible, mais nous devons encore nous départir d'un conservatisme très français, au vu de ce que font nos voisins italiens et britanniques. Pour permettre la réalisation de projets pertinents qui ne remplissent pas tous les critères de l'assurance crédit, notamment en termes de part française, vous avez créé en 2018 la garantie des projets stratégiques (GPS). Grâce à ce dispositif très séduisant sur le papier, qui participait à la dynamique d'assouplissement des critères et à la meilleure prise en compte des spécificités des projets d'entreprises, la France s'alignait alors sur les autres grandes agences de crédit export européennes. Or, depuis 2018, aucune GPS n'a été signée. Ce produit est intéressant mais nous l'avons rigidifié, comme si nous faisions tout pour ne pas l'utiliser. Voilà qui est malheureusement très français.

Je terminerai mon propos par quelques mots sur l'assurance crédit privée. En février et mars 2020, comme beaucoup de mes collègues députés, j'ai été directement sollicité par des entrepreneurs de ma région, qui subissaient des retraits soudains de couverture. Nous avons remarqué que les assureurs pouvaient diminuer fortement le niveau de couverture, sans baisse parallèle du niveau des primes. Quel paradoxe ! Heureusement, le dispositif de réassurance publique, le portefeuille de risques Cap Relais, a permis de limiter la baisse des couvertures. Le coût pour les finances publiques a été quasi nul, en l'absence de défaillance. Le dispositif de réassurance ligne à ligne Cap Francexport doit prendre progressivement la suite de Cap Relais. Nous devons cependant rester vigilants : le niveau des primes était, l'été dernier, très excessif pour les entreprises, et donc très dissuasif.

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