Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du jeudi 3 juin 2021 à 15h00

Résumé de la réunion

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  • ESS
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La réunion

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La commission, réunie en commission d'évaluation des politiques publiques, entend Mme Olivia Grégoire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable.

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Mes chers collègues, nous accueillons Mme Olivia Grégoire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable, pour examiner les politiques publiques qui relèvent de son champ de compétences. M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics, lui succédera pour l'examen des politiques publiques relatives aux engagements financiers de l'État et au plan d'urgence face à la crise sanitaire.

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Mme Faure-Muntian et moi-même sommes chargés de vous présenter l'exécution 2020 du programme 134 Développement des entreprises et régulations et du programme 343 Plan France Très haut débit, que vous connaissez bien, madame la secrétaire d'État, puisque vous les avez suivis pendant plusieurs années en tant que rapporteure spéciale. L'exécution de ces programmes a été particulièrement marquée par la crise sanitaire et économique.

Avant même le plan de relance, le programme 134 a été le support budgétaire d'importantes mesures de gestion de crise et de soutien aux entreprises. Alors qu'un peu moins de 1,1 milliard d'euros de crédits de paiement (CP) ont été ouverts par la loi de finances initiale pour 2020, ce sont finalement 1,9 milliard d'euros qui ont été consommés. Près d'un milliard d'euros supplémentaires de CP ont été ouverts par le décret du 18 mai 2020 et les différentes lois de finances rectificatives ; ces crédits complémentaires ont permis de financer les achats de masques pour l'ensemble de l'administration et de l'État, ainsi que de soutenir les centres équestres, la filière aéronautique et la filière automobile, d'abonder le fonds de garantie Bpifrance et d'accompagner la numérisation des petites et moyennes entreprises (PME) et des très petites entreprises (TPE).

Nous saluons l'action massive du Gouvernement, soutenue par le Parlement, qui a voté les crédits nécessaires. Cette action a répondu à un réel besoin : en dépit de leur ouverture tout au long de l'année, ces crédits ont été largement consommés. Le taux d'exécution, de 91 % pour les autorisations d'engagement (AE) et de 75 % pour les CP, est jugé important par la Cour des comptes.

Si la crise explique assez logiquement l'exécution 2020, nous souhaitons cependant évoquer l'évolution d'une dépense structurelle de ce programme 134 : la compensation carbone en faveur des entreprises électro-intensives. Cette dépense de guichet s'est élevée à 267 millions d'euros en 2020, contre 102 millions en 2019. Elle explique presque à elle seule l'augmentation du budget du programme entre la loi de finances initiale pour 2019 et la loi de finances initiale pour 2020.

Cette dépense nous interroge à plusieurs titres. Dans quelle mesure est-il possible de prévoir son évolution ? Alors que le Gouvernement et nous autres, parlementaires, sommes attachés au verdissement du budget, ainsi qu'en témoignent les crédits du plan de relance dédiés à la décarbonation des entreprises, est-il cohérent de consacrer plus d'un cinquième du budget du programme 134 au soutien aux entreprises électro-intensives, soutien budgétaire auquel s'ajoutent trois dépenses fiscales ?

J'en viens au programme 343 Plan France Très haut débit, dont l'exécution a également été fortement perturbée par la crise. Aucune AE n'a été consommée sur les 3,3 millions d'euros ouverts en loi de finances initiale ; 225 millions d'euros de CP l'ont été sur les 440 millions ouverts.

Cette importante sous-exécution s'explique en partie par la crise. Outre les ralentissements opérationnels sur les chantiers qu'elle a provoqués, la crise a rendu d'autant plus visible la nécessité d'une bonne couverture réseau du territoire. Aussi la direction générale des entreprises (DGE) a-t-elle mis en place un nouveau cahier des charges pour les appels à projets que finance ce programme, en se fixant comme objectif la couverture fibre du territoire d'ici à 2025. La conduite d'une réflexion sur ce nouveau guichet a conduit à fermer le précédent, et aucun nouveau projet n'a été accepté en 2020.

Toutefois, une partie de la sous-exécution s'explique également par la mauvaise estimation des décaissements sur les projets déjà mis en œuvre. Du propre aveu de la DGE, l'estimation des décaissements n'est désormais plus en phase avec la réalité du déploiement constaté. Nous saluons les travaux en cours pour parvenir à une meilleure estimation des dépenses et espérons qu'ils porteront leurs fruits dès le prochain budget.

Nous appelons également de nos vœux une réflexion sur la mise en place d'un nouvel indicateur pour le programme 343. L'indicateur actuel n'offre pas une image fidèle des déploiements effectifs du très haut débit financés par le programme.

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Nous avons choisi d'évaluer spécifiquement les garanties offertes par la Banque publique d'investissement (Bpifrance).

La Banque publique d'investissement est un outil formidable, au service d'un grand nombre de politiques publiques. Elle accompagne les entreprises qui travaillent sur des projets disruptifs, grâce aux programmes d'investissements d'avenir (PIA), ou sur des projets qui semblent trop risqués aux autres investisseurs. C'est aussi un formidable outil de résilience, comme la crise sanitaire l'a démontré.

Il existe plusieurs fonds de garantie pour accompagner les entreprises : un fonds « création » destiné à accompagner les jeunes entreprises de moins de trois ans, et pour les entreprises plus matures, des fonds destinés à différents types de projets, comme le fonds « développement international », le fonds « innovation » ou le fonds « transmission », ainsi que des prêts d'amorçage d'investissement pour les levées de fonds.

Bpifrance garantit chaque année entre 8 et 10 milliards d'euros de crédits. Environ 90 % des entreprises bénéficiaires sont des TPE et des entreprises de taille intermédiaire (ETI) ; les 10 % restants sont des PME.

La budgétisation de la garantie de Bpifrance est débattue chaque année lors de l'examen du projet de loi de finances. Historiquement, ce financement figure au programme 134 Développement des entreprises et régulations, plus précisément à l'action 20 Financement des entreprises. Toutefois, depuis 2018, cette ligne n'apparaît plus dans le PLF. Nous la rétablissons systématiquement au cours de la discussion du texte – vous l'avez fait vous-même, madame la secrétaire d'État, lorsque vous étiez rapporteure spéciale avec M. Roseren. En 2021, les crédits finançant cette garantie figurent bien dans le budget de l'État, mais au sein de la mission Plan de relance ; or cette mission n'est pas pérenne, puisqu'elle n'existe que pour deux ans, uniquement pour répondre aux aléas de la crise sanitaire.

La suppression de cette ligne dans le PLF pose plusieurs questions, et tout d'abord une question de financement. L'activité de Bpifrance est essentielle à la bonne santé de l'économie. Elle peut être abondée en cas d'urgence, comme l'a démontré la crise sanitaire. Elle offre ainsi un canal de financement certain, vecteur de confiance et de stabilité pour la croissance. Cette suppression pose aussi une question de conformité aux règles budgétaires : la Cour des comptes dénonce le recyclage par Bpifrance de ses dividendes, qu'elle considère comme une débudgétisation. Elle pose enfin une question de démocratie : la ligne étant supprimée, les parlementaires n'ont plus la main sur ce budget. Nous avons ainsi recréé la ligne budgétaire, au sein du programme 134, dans le PLF pour 2021. Madame la secrétaire d'État, comptez pérenniser cette ligne au-delà du plan de relance, telle qu'elle existait avant 2018 ?

Un autre sujet a émergé au cours de nos auditions. En dépit des bons résultats de Bpifrance et de ses formidables outils, il manque une forme d'audit sur la qualité de la souscription de ces garanties. La Banque publique d'investissement est parfaitement bien accompagnée par ses tutelles, ainsi que par d'autres services, pour élaborer les programmes de garantie proposés. Elle est contrôlée par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). Cependant, la qualité de la souscription et le choix des dossiers ne sont malheureusement pas contrôlés, au-delà du contrôle interne et des questionnaires de satisfaction. Madame la secrétaire d'État, pouvons-nous compter sur vous pour élaborer des outils qui permettront aux commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat d'auditer annuellement la distribution des garanties offertes par Bpifrance ?

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La crise sanitaire a porté un coup rude au commerce extérieur français. Le déficit de la balance commerciale s'est creusé en 2020 de 7,3 milliards d'euros, avec une baisse de presque 16 % des exportations. Notre déficit atteint ainsi 65,2 milliards d'euros. L'aéronautique a été touchée en premier, avec une baisse de moitié des exportations en valeur qui représente 35 milliards d'euros, mais d'autres secteurs qui contribuent positivement au solde commercial de la France ont également souffert. Par exemple, les vins et spiritueux ont connu une baisse des exportations de 14 %. Avec le covid, la taxe Trump, la crise du marché chinois et le Brexit, tous les ingrédients d'un cocktail explosif étaient réunis.

La reprise du commerce international en 2021 n'est pas sans écueil. Depuis plusieurs mois, de nombreux industriels, acteurs du BTP et économistes tirent la sonnette d'alarme à propos de diverses pénuries. Les prix du fret, multipliés par trois voire quatre, s'envolent, ce qui pourrait coûter 23 milliards d'euros aux entreprises françaises, selon Euler Hermes, sans que nous ne connaissions précisément l'impact de cette hausse sur l'augmentation des prix pour le consommateur. Nous constatons déjà une forte augmentation du coût des matières premières : la tonne de fer, qui se négociait à 100 dollars en 2020, se négocie à près de 230 dollars aujourd'hui, tandis que le prix des semi-conducteurs a doublé en un an. La hausse touche également le bois et certains produits agricoles comme le blé ou le coton.

Face à cette augmentation trop forte des coûts et à cette pénurie de matières premières, certains sites, notamment en France, sont amenés à freiner leur production. Dans ce contexte, madame la secrétaire d'État, sur fond de crise sanitaire, il est crucial de ne pas débrancher trop vite les soutiens à l'économie et à l'emploi, et il est impératif d'aider les entreprises, notamment celles qui veulent se projeter à l'export et souffrent de ce contexte défavorable.

En 2020, nous avons déjà aidé les entreprises, de manière opérationnelle, grâce à la Team France Export (TFE). Je veux saluer l'action de Business France et des chambres de commerce et d'industrie (CCI), qui n'ont cessé d'accompagner les entreprises tout au long de l'année. Dans l'ensemble, la TFE donne aujourd'hui satisfaction – j'en profite pour rendre hommage au travail de mon prédécesseur, Nicolas Forissier –, mais dans ces conditions, il est important de préserver les crédits des acteurs publics et, au sein même de la TFE, il est temps de réfléchir à une nouvelle répartition des recettes, entre la préparation des dossiers, plutôt assurée par les CCI, et la projection à l'export, opérée par Business France.

Le soutien aux entreprises doit aussi passer par une aide financière incitative. Le plan de relance de 247 millions d'euros a été déployé à partir de l'automne. Ces mesures préparées par les acteurs privés et publics de l'export, au sein du groupe de travail Solutions pour l'export (Solex), vont dans le bon sens : augmentation du nombre des assurances prospection, création d'un chèque relance export et d'un chèque volontariat en entreprise (VIE), augmentation du fonds d'études et d'aide au secteur privé (FASEP). Cependant, ce plan n'a pas été conçu à l'aune d'un deuxième confinement à l'automne et d'un troisième confinement au printemps, puisque, jusqu'en mai, les missions collectives à l'étranger, déterminantes pour conclure de nouveaux contrats d'affaires, étaient peu nombreuses. Le nombre de VIE est malheureusement très faible, ce qui est tout à fait logique au regard de la fermeture des frontières.

Soyons clairs, il faut sanctuariser les crédits du plan de relance export qui ne seraient pas consommés à la fin de l'année 2021, même si j'ai bon espoir que le second semestre voie l'accélération de son déploiement. Certaines bonnes mesures doivent même être renforcées, comme l'assurance prospection accompagnement pour les primo-exportateurs.

Au-delà du soutien budgétaire, il est également important d'aider nos entreprises et nos responsables export à voyager à nouveau. La prospection à distance est utile, mais le commerce est aussi et surtout une affaire de rapports humains. Nous proposons la création d'une cellule spécifique, qui pourrait être envisagée dans le contexte du covid et du Brexit. Il faut absolument éviter que des chefs d'entreprise se retrouvent bloqués aux frontières, comme cela s'est produit cet hiver. Je me rappelle particulièrement un chef d'entreprise ardéchois, refoulé à l'entrée de l'Eurotunnel par les douanes anglaises pour des motifs assez particuliers. Un travail diplomatique est nécessaire.

J'en viens à mon thème d'évaluation : les procédures financières de soutien à l'export de Bpifrance.

La gestion des garanties à l'export, de l'assurance crédit, de l'assurance prospection, des cautions et préfinancements et de l'assurance change, autrefois assurée par la Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur (COFACE), a été transférée le 1er janvier 2017 à Bpifrance, qui agit au nom et sous le contrôle de l'État. Bpifrance a également développé une activité de financement des crédits export, des prêts directs visant à financer une croissance externe ou des besoins en fonds de roulement liés à l'export.

L'action de Bpifrance est aujourd'hui reconnue. La Banque publique d'investissement a su absorber les garanties publiques à l'export pour un coût de gestion moins élevé que celui de COFACE. Les procédures sont gérées avec précaution : l'assurance crédit a ainsi enregistré des résultats nets positifs cumulés de 6,9 milliards d'euros entre 2010 et 2020, qui compensent amplement les déficits structurels de l'assurance prospection, lesquels atteignent 720 millions d'euros sur la même période.

L'action de Bpifrance est complémentaire de l'offre privée, et la banque publique propose une gamme de produits assez complète, ce qui est très positif. Cependant, cette gestion sage ne suffit pas. Le financement public à l'export est de plus en plus utilisé pour rendre les entreprises nationales compétitives sur les marchés internationaux, et la France ne doit pas rester en queue de train.

Bpifrance doit atteindre trois objectifs principaux : se rapprocher davantage des PME et des TPE, simplifier les procédures et assouplir les critères d'éligibilité aux offres.

Le financement export a été confié à Bpifrance du fait de ses réseaux dans les territoires, parce qu'il fallait et qu'il faut encore davantage aider les PME à recourir aux dispositifs publics. Des efforts ont été réalisés pour se rapprocher de ces PME, mais ils sont encore insuffisants. Nous devons multiplier les actions de communication et de formation auprès des relais sur le terrain, à savoir les banques, les experts-comptables et les chambres consulaires. Pour beaucoup d'entreprises, l'offre de Bpifrance est encore trop peu lisible et trop lointaine.

Nous devons ensuite faire le pari de la simplification. Les procédures de Bpifrance Assurance Export apparaissent trop complexes ; l'instruction et le suivi des dossiers sont trop lourds. Pour simplifier les choses, nous pourrions confier certaines procédures au réseau bancaire – je pense notamment aux garanties de préfinancement et de caution –, car les banques connaissent bien les entreprises. Dans cette même perspective, il faut renoncer à l'examen des demandes de garantie contrat d'affaires par contrat d'affaires, souvent très lourd, au profit d'un accompagnement beaucoup plus stratégique des entreprises.

Enfin, nous devons accepter d'assouplir les critères d'éligibilité. Des efforts ont été consentis pour réduire la part française exigible, mais nous devons encore nous départir d'un conservatisme très français, au vu de ce que font nos voisins italiens et britanniques. Pour permettre la réalisation de projets pertinents qui ne remplissent pas tous les critères de l'assurance crédit, notamment en termes de part française, vous avez créé en 2018 la garantie des projets stratégiques (GPS). Grâce à ce dispositif très séduisant sur le papier, qui participait à la dynamique d'assouplissement des critères et à la meilleure prise en compte des spécificités des projets d'entreprises, la France s'alignait alors sur les autres grandes agences de crédit export européennes. Or, depuis 2018, aucune GPS n'a été signée. Ce produit est intéressant mais nous l'avons rigidifié, comme si nous faisions tout pour ne pas l'utiliser. Voilà qui est malheureusement très français.

Je terminerai mon propos par quelques mots sur l'assurance crédit privée. En février et mars 2020, comme beaucoup de mes collègues députés, j'ai été directement sollicité par des entrepreneurs de ma région, qui subissaient des retraits soudains de couverture. Nous avons remarqué que les assureurs pouvaient diminuer fortement le niveau de couverture, sans baisse parallèle du niveau des primes. Quel paradoxe ! Heureusement, le dispositif de réassurance publique, le portefeuille de risques Cap Relais, a permis de limiter la baisse des couvertures. Le coût pour les finances publiques a été quasi nul, en l'absence de défaillance. Le dispositif de réassurance ligne à ligne Cap Francexport doit prendre progressivement la suite de Cap Relais. Nous devons cependant rester vigilants : le niveau des primes était, l'été dernier, très excessif pour les entreprises, et donc très dissuasif.

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Il me revient de vous présenter l'exécution des programmes 220 Statistiques et études économiques et 305 Stratégie économique et fiscale de la mission Économie. Je me suis par ailleurs intéressé, pour ce Printemps de l'évaluation, au secteur de l'économie sociale et solidaire (ESS).

Les programmes 220 et 305, qui représentent environ 30 % des crédits de la mission Économie, ont été peu affectés par la crise économique et sanitaire. Environ 830 millions d'euros, en AE comme en CP, ont été exécutés en 2020 ; ce montant est très proche de ce que nous avions voté en loi de finances initiale.

Le programme 220 Statistiques et études économiques contient les crédits de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE). En 2020, 434 millions d'euros ont été consommés, pour 435 millions d'euros ouverts.

Le budget de l'INSEE s'inscrit, depuis 2019, dans un cadre pluriannuel, l'institut ayant signé avec la direction du budget et le secrétariat général des ministères économiques et financiers un contrat de financement couvrant la période 2019-2022. Ce contrat offre à l'INSEE une plus grande visibilité budgétaire et une flexibilité accrue dans la gestion de ses moyens, notamment de son schéma d'emplois. Je salue, cette année encore, ce modèle innovant de gestion des finances d'une administration : il offre la souplesse nécessaire à la conduite de projets d'ampleur, sans transiger sur la rigueur inhérente et nécessaire à l'activité budgétaire. En dépit de la crise sanitaire, tous les jalons de ces projets prévus en 2020 ont été respectés – je pense à la mise en place d'une nouvelle méthode d'identification des entreprises et des établissements au répertoire Sirène, ou encore à la poursuite de la dématérialisation des enquêtes.

Je tiens à saluer la capacité qu'a eue l'INSEE à s'adapter au contexte sanitaire, tant dans son organisation que dans la conduite de ses travaux. Dès le début de la période de confinement, et grâce à une culture du télétravail déjà bien ancrée, l'INSEE a pu poursuivre ses activités à distance – certes de façon un peu dégradée –, et les enquêtes ont pu être menées dans des conditions satisfaisantes, notamment par le biais d'entretiens téléphoniques en lieu et place des entretiens en face-à-face. Cette continuité de l'activité a été notamment permise par des investissements en matériel informatique financés par le redéploiement de crédits de fonctionnement non consommés. Surtout, l'INSEE a été extrêmement utile durant cette période : elle a fourni aux décideurs des statistiques sur l'évolution de la situation économique et des indicateurs tels que l'évolution du taux de mortalité, éléments extrêmement utiles aux ministères.

Le programme 305 Stratégie économique et fiscale est le support des crédits de la direction générale du Trésor et, pour la dernière fois en 2020, de la direction de la législation fiscale. Pour près de 405 millions d'euros de crédits ouverts, 397 millions ont été consommés, ce qui représente un taux d'exécution de 98 %.

Je tiens à saluer le rôle essentiel qu'ont joué ces administrations dans la lutte contre le covid-19. Le Trésor a ainsi joué un rôle d'ampleur dans la gestion de la crise, dans un premier temps, en particulier grâce à son réseau international. Les services économiques ont réalisé une veille sanitaire et analysé les plans de soutien et les politiques menées dans les pays étrangers, dont certains ont pu nous inspirer. Ils ont aussi participé à la recherche de matériel médical, en cas de pénurie, et pris part aux rapatriements de ressortissants français, grâce à leur contact privilégié avec les compagnies aériennes locales.

Dans un deuxième temps, l'administration a joué un rôle majeur dans la mise en œuvre des dispositifs de soutien à l'économie, notamment des prêts garantis par l'État (PGE), des prêts du Fonds de développement économique et social (FDES) et des prêts bonifiés destinés aux entreprises affectées par la crise et utilisés en cas d'impossibilité de recours au PGE. Elle a aussi participé aux négociations européennes sur le fonds de garantie paneuropéen.

Cette action fondamentale s'est faite à moyens constants. L'engagement des agents mérite d'être salué, d'autant plus que ces actions ne se sont pas substituées à la conduite des activités traditionnelles du Trésor, comme la gestion de la dette via l'Agence France Trésor ou les négociations sur le Brexit.

J'en viens désormais à ma thématique d'évaluation : l'économie sociale et solidaire. Ce concept renvoie à un ensemble d'entreprises organisées sous forme de coopératives, mutuelles, associations ou fondations, dont le fonctionnement interne et les activités sont fondés sur un principe de solidarité et d'utilité sociale.

Depuis le début de la législature, l'ESS relevait d'un haut-commissariat rattaché au ministère de la transition écologique et solidaire. En juillet 2020 a été créé un secrétariat d'État à l'économie sociale, solidaire et responsable (ESSR), auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance. En conséquence, les équivalents temps plein (ETP) dédiés à l'ESS ont été transférés à la direction générale du Trésor, et les crédits correspondants au programme 305. Une nouvelle action Économie sociale, solidaire et responsable figure désormais au sein du programme ; la loi de finances pour 2021 l'a dotée de plus de 19 millions d'euros de crédits, en AE comme en CP.

Le secteur de l'ESS regroupe des structures très diverses : coopératives, mutuelles, associations, fondations, ou encore entreprises solidaires d'utilité sociale (ESUS). Il représentait, en 2019, 2,4 millions de salariés, soit 14 % de l'emploi salarié privé. Entre 2010 et 2018, plus de 70 000 emplois ont été créés dans ce secteur.

Au regard de ce dynamisme, la création d'un secrétariat d'État constitue une bonne nouvelle, qui permet de consolider la place institutionnelle de l'ESS. Ces dernières années, des avancées indéniables ont été réalisées pour la reconnaissance de ce secteur.

La loi du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire a sécurisé le cadre juridique de l'ESS et consolidé ses réseaux et ses acteurs, grâce à la reconnaissance législative d'acteurs représentatifs, au premier chef desquels ESS France. Elle a aussi permis de structurer les chambres régionales de l'économie sociale et solidaire (CRESS) et de définir des outils d'aide et de financement de ces entités.

La création d'un haut-commissariat rattaché au ministère de la transition écologique et solidaire, au début du quinquennat, avait traduit la volonté de poursuivre la montée en puissance de l'ESS. Pour autant, ce secteur manque encore d'une reconnaissance institutionnelle équivalente aux autres secteurs économiques.

Concernant les acteurs, l'ESS ne dispose pas de chambre consulaire et son écosystème reste éclaté. Si les têtes de réseaux sont souvent bien établies, le niveau inférieur est plus disparate. Il est nécessaire de renforcer la structuration et l'institutionnalisation de ce secteur, en poursuivant l'œuvre entamée par la loi de 2014. Il faudrait renforcer les moyens des CRESS, pour en faire de véritables interlocuteurs, alors qu'ils disposent aujourd'hui de cinquante fois moins de ressources que les CCI ou les chambres de métiers.

Un changement de culture dans la conception des politiques publiques est aussi nécessaire. Ainsi, les mesures de soutien au secteur économique ne sont pas toujours adaptées à l'ESS ; elles sont conçues comme des mesures générales, qui ont vocation à s'appliquer aux PME, sans que la spécificité de l'ESS soit prise en compte, ce qui s'est clairement manifesté durant la crise sanitaire.

L'une des conditions d'accès au PGE était que la part des revenus commerciaux dans le chiffre d'affaires soit au moins égale à 50 %. Or bon nombre d'entités de l'ESS reposent sur un modèle hybride, dans lequel les subventions occupent une place importante. Les entités de l'ESS n'ont donc pas pu avoir accès, d'emblée, au PGE. Par ailleurs, la constitution d'un dossier pour bénéficier du Fonds de solidarité nécessitait un numéro fiscal individuel, que les associations ne possèdent pas. Nous constatons également ce phénomène en dehors d'un contexte de crise, avec des mesures fiscales qui portent souvent sur l'allègement des impôts de production et non sur la taxe sur les salaires.

Au regard du poids actuel de l'ESS, les politiques publiques doivent être conçues en prenant en compte ses particularités. C'est un réflexe à développer. La création d'un secrétariat d'État va dans le sens d'une meilleure institutionnalisation de ce secteur. Madame la secrétaire d'État, pourriez-vous nous éclairer sur les grands chantiers en la matière ?

L'ESS a toutefois bénéficié d'un dispositif d'aides spécifique – grâce à votre vigilance, madame la secrétaire d'État –, puisque ses acteurs ont bénéficié d'un fonds d'urgence de 30 millions d'euros à partir de janvier 2021.

J'appelle enfin votre attention sur la nécessité de faire évoluer le modèle de financement de l'ESS. Alors que de nombreuses entités de ce secteur se caractérisent par un financement hybride, un renforcement des investissements en fonds propres permettrait de diminuer leur dépendance aux subventions. Que comptez-vous faire pour favoriser cette évolution ?

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À la fin de l'année 2020, 2 milliards d'euros de CP, soit 98,5 % des crédits ouverts, avaient été consommés sur la mission Investissements d'avenir. Cela n'a pas empêché le transfert de 30 millions d'euros vers la mission Culture afin de financer la rénovation du château de Villers-Cotterêts. Je m'oppose fermement, encore une fois, à la mobilisation de crédits du programme d'investissements d'avenir (PIA) pour financer des projets n'ayant aucun lien avec ces investissements. Madame la secrétaire d'État, le Gouvernement entend-il mettre un terme aux substitutions de crédits entre le PIA et les missions du budget général ?

L'ensemble des conventions et avenants nécessaires au bon déploiement du PIA ont été signés en 2019 et 2020. Par conséquent, 202 millions d'euros d'AE non consommés lors des exercices précédents ont pu être exécutés. Le rythme de consommation des CP a par ailleurs doublé en comparaison avec 2019. Le PIA 3 a donc atteint son rythme de croisière, ce dont nous nous réjouissons.

De nombreux redéploiements, estimés à 315 millions d'euros par le secrétariat général pour l'investissement (SGPI), ont été opérés en cours de gestion pour financer des mesures d'urgence dans le cadre de la crise sanitaire. Des mesures de soutien en trésorerie et en fonds propres ont été mises en place pour les petites entreprises. Madame la secrétaire d'État, combien d'entreprises ont été aidées, et combien ont passé le cap de la crise ? D'autres initiatives visant à lutter contre le virus ont également été lancées, pour un résultat mitigé – nous y reviendrons.

J'en viens aux retours financiers du PIA. Pour la seule année 2019, le jaune budgétaire annexé au PLF pour 2020 prévoyait des retours d'environ 400 millions d'euros. Je constate que ces retours n'ont atteint que 213 millions euros pour 2019, soit deux fois moins que prévu. Je considère à cet égard que la marge de progression du Gouvernement est importante. L'exercice se révélera par ailleurs encore plus complexe pour le PIA 4, dès lors que sa doctrine prévoit que les projets seront également sélectionnés en fonction des retours extra-financiers attendus. Madame la secrétaire d'État, comment entendez-vous affiner la prévision des retours financiers du PIA, et comment rendrez-vous compte au Parlement des retours sur investissement extra-financiers générés ?

J'ai souhaité évaluer les investissements d'avenir dans la recherche en santé. Selon le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, 2,6 milliards d'euros ont été alloués aux structures publiques de l'enseignement supérieur et de la recherche en santé. À ces crédits s'ajoutent des investissements réalisés au profit de la recherche privée, dont le montant précis n'a pas pu m'être communiqué. Les investissements d'avenir s'inscrivent dans un contexte de sous-dimensionnement des financements publics alloués à la recherche. Ils ont permis de financer des projets à long terme, comme les cohortes, ainsi que des équipements coûteux de recherche en santé. En tout état de cause, les réalisations du PIA sont nombreuses en matière de santé : création des instituts hospitalo-universitaires (IHU), des laboratoires d'excellence (Labex), ou encore de l'Institut de recherche technologique (IRT) Bioaster. Il convient également de citer les programmes prioritaires de recherche portant sur l'anti-biorésistance et les maladies rares.

Néanmoins, les structures créées dans le cadre du PIA n'ont pas toujours su ou pu trouver leur place parmi les nombreux organismes de l'écosystème de la recherche. Les relations entre les IHU, les IRT et leurs membres fondateurs – centres hospitalo-universitaires (CHU), universités ou organismes de recherche – sont souvent complexes et sources de tensions. La plupart de ces structures verront leur dotation de PIA s'éteindre ou diminuer fortement d'ici 2024. Cependant, l'accès à l'autonomie financière des IHU et des IRT est loin d'être acquise, compte tenu de leurs difficultés à générer des ressources issues, entre autres, de la valorisation de la recherche ou du mécénat.

Plusieurs freins pourraient être levés en permettant aux IHU d'être nommés plus facilement mandataires uniques pour négocier des titres de propriété intellectuelle et d'être désignés promoteurs de recherche. Les fruits de la valorisation doivent être directement réinvestis dans les IHU lorsque ces derniers en sont la source principale.

La crise a révélé les nombreuses carences de l'innovation en santé en France. En 2020, 320 millions d'euros ont été mobilisés pour financer les essais cliniques et le développement des capacités de production de la France, en lien avec la lutte contre la covid-19. En comptant le plan de relance, le montant des aides allouées atteint 433 millions d'euros. Force est de constater que ces investissements n'ont, pour l'heure, pas produit de résultats satisfaisants ou probants. L'IRT Bioaster, spécialisé en microbiologie et en infectiologie, a aussi participé à l'étude immunologique du projet de vaccin de l'Institut Pasteur, qui a finalement été abandonné.

Ce retard pris par la France découle plus généralement de l'insuffisante proximité entre les organismes publics de recherche et les entreprises, défaut que les investissements d'avenir n'ont pas permis de régler. Nous devons développer de véritables passerelles entre nos chercheurs et la recherche appliquée dans les entreprises.

Le PIA 4 constitue une aubaine pour lever ces difficultés. Je formulerai néanmoins plusieurs réserves.

En premier lieu, je déplore la confusion habituelle entre PIA et plan de relance. S'il a été annoncé que 11 milliards d'euros du PIA devaient être intégrés au plan de relance et mobilisés d'ici à la fin de l'année 2022, il convient de souligner que nous parlons seulement de l'engagement de ces crédits. Leur décaissement interviendra bien plus tard ; il serait malhonnête de faire croire le contraire. La logique qui préside au plan de relance – le rebond rapide de l'économie – et celle qui sous-tend le PIA – l'investissement de long terme – sont tout à fait différentes. Je crains que cette confusion favorise une précipitation qui pourrait altérer l'efficacité des investissements. Cette crainte est renforcée par le fait que la construction du PIA 4 est loin d'être achevée. Dans le cadre de son volet structurel, il apparaît que des crédits seront alloués aux structures publiques de recherche en santé, sur appels à projets. L'ensemble des personnes que j'ai auditionnées m'ont néanmoins affirmé qu'elles ne disposaient que de peu de visibilité sur le cahier des charges susceptible d'être retenu, et qu'elles ne savaient donc pas dans quelle mesure elles pourraient être concernées.

Par ailleurs, le volet dirigé du PIA 4 comportera trois stratégies nationales consacrées à la santé : sur les maladies infectieuses émergentes, sur les biothérapies et bioproductions et sur la e-santé. Ce dernier sujet avait déjà été identifié par le rapport « Investir pour l'avenir » d'Alain Juppé et Michel Rocard, mais il n'a jamais été traité par le PIA. J'ai pu consulter le mandat donné aux task forces de ces stratégies, et j'ai été étonnée de ne pas voir apparaître la moindre mention des structures créées depuis le PIA 1, dont les compétences et les moyens pourraient pourtant être utilement mobilisés. Pour mémoire, l'IRT Bioaster est spécialisé en infectiologie. Comment expliquer que sa place dans la stratégie sur les maladies infectieuses n'ait fait l'objet d'aucune réflexion ? Je recommande donc de capitaliser davantage sur les structures qui ont, par le passé, bénéficié des différents PIA, en les intégrant aux stratégies et en leur donnant de la visibilité quant aux investissements qui seront réalisés dans le cadre du PIA 4. De manière générale, je regrette également que les stratégies nationales ne soient aucunement soumises à l'avis du Parlement. Je souhaite que le Gouvernement et les coordinateurs des stratégies viennent les présenter aux commissions compétentes et aux commissions des finances des assemblées.

Enfin, la réussite du PIA 4 est conditionnée à un effort de simplification du paysage administratif et institutionnel de la recherche en santé. Le nombre important, pour ne pas dire excessif, d'opérateurs, d'organismes de recherche, et la multiplicité des sources de financement sont autant d'obstacles sur la route des chercheurs et des entreprises. Dans le cadre des travaux du Conseil stratégique des industries de santé, il est prévu de créer une agence assurant le rôle d'interlocuteur unique pour les entreprises, l'équivalent français de la Biomedical Advanced Research and Development Authority (BARDA) américaine. Or la création d'une nouvelle agence sans fusion de structures existantes ne ferait que renforcer la complexité du paysage actuel. Je recommande donc de créer une agence unique, responsable du pilotage de la stratégie de l'innovation en santé, chargée d'allouer les financements à l'ensemble des projets de recherche, de la recherche fondamentale à la recherche appliquée. Cette agence assurerait enfin le rôle d'interlocuteur unique pour les acteurs publics et privés intervenant dans le champ de la recherche en santé.

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Le programme 134 est un élément très important de la relance, mais il crée une forme d'illisibilité entre le plan de relance lui-même et les crédits budgétaires consacrés à la relance et à l'urgence. Par exemple, l'une des garanties de Bpifrance relève à la fois du programme 134 et du plan de relance. Le Gouvernement devrait améliorer la lisibilité des dispositifs.

Il en va de même concernant la digitalisation des entreprises, à laquelle 60 millions d'euros ont été alloués, dans le cadre de la quatrième loi de finances rectificative pour 2020, ce qui est tardif. Six mois plus tard, avez-vous une idée de la consommation de ces crédits ? Font-ils l'objet d'un engouement, ou est-ce trop tôt pour en parler ?

Depuis deux ans, l'exécution des crédits du programme 343 Plan France Très haut débit laisse à désirer : sur les 163 millions d'euros de CP ouverts, seuls 30 millions ont été consommés, alors que le besoin est absolument évident. Qu'en pensez-vous ?

S'agissant du PIA, je ne reviendrai pas sur ce qu'a très bien dit Marie-Christine Dalloz. Un nouveau fonds French Tech souveraineté, doté de 150 millions d'euros, a été créé en 2020. Quels en sont les premiers résultats ?

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Olivia Gregoire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable

Je serai aussi brève que le sentiment est sincère. Il me tenait particulièrement à cœur de prendre quelques secondes du temps qui m'est imparti pour vous dire l'honneur, mais aussi le plaisir qui est le mien de vous retrouver à nouveau en commission cet après-midi. Je garde en mémoire tous les souvenirs du temps passé ensemble, durant plus de trois ans, temps si formateur pour la fonction qui est la mienne aujourd'hui. Cela m'est d'autant plus agréable que nous discuterons de sujets que j'avais eu l'honneur de suivre en tant que rapporteure spéciale.

L'efficacité de la dépense publique est au cœur des préoccupations du ministère de l'économie, des finances et de la relance. Nous portons un très grand intérêt à ce Printemps de l'évaluation, qui constitue un moment privilégié. C'est pourquoi plusieurs ministres de Bercy ont souhaité intervenir devant vous pour rendre compte au Parlement des politiques que nous conduisons.

Je vais vous présenter un rapide bilan de l'exécution 2020 des crédits des missions Économie et Investissements d'avenir, avant de répondre aux questions et points d'attention soulevés par les rapporteurs spéciaux et les porte-parole des groupes.

L'exécution budgétaire de la mission Économie a été fortement marquée par la crise sanitaire. Les dépenses traditionnelles ont été ralenties, tandis que plusieurs programmes ont été mobilisés pour soutenir l'économie française face à la crise.

Les programmes 220 Statistiques et études économiques et 305 Stratégie économique et fiscale ont connu un taux de consommation de leurs crédits plus faible que d'ordinaire, respectivement de 92,7 % et 96,2 % en CP. Cela s'explique par le confinement et ses effets, comme la réduction des frais de déplacement. Les administrations ont réalisé un effort inédit d'adaptation, que je salue avec force. Par exemple, elles se sont dotées d'équipements de mobilité permettant aux équipes d'assurer la continuité de leurs services en télétravail.

Le programme 134 Développement des entreprises et régulations a été le support de la mise en place des mesures d'urgence en faveur du monde économique et du financement de certaines mesures de prévention. Les 1,36 milliard d'euros d'AE et les 773 millions d'euros de CP ouverts en lois de finances rectificatives ont permis de financer les mesures rappelées par M. Roseren, comme l'achat de masques lavables à usage non sanitaire, les aides à l'investissement productif pour la production de masques à usage sanitaire, les aides à la filière équestre, aux zoos et aux cirques, ou le renforcement des fonds garantis de Bpifrance. Ce programme a aussi vu les premiers pas du plan de relance, avant qu'une mission ne lui soit entièrement dédiée.

Le plan France Très haut débit a lui aussi été renforcé : une loi de finances rectificative a abondé le programme 343 de 30 millions d'euros, auxquels s'ajoutent les 240 millions d'euros ouverts en loi de finances initiale pour 2021 dans le cadre du programme 364. En outre, ces programmes ont bénéficié d'importants reports, accordés en loi de finances pour 2021 pour poursuivre les politiques qui auraient été ralenties dans le contexte de l'année 2020.

À l'invitation de Mme Faure-Muntian et de M. Roseren, je m'arrête un instant sur le financement de l'activité d'apport de garanties de Bpifrance. Cette activité a fait l'objet d'une dotation budgétaire importante, alors que depuis deux ans le ministère de l'économie avait invité Bpifrance à assurer elle-même le financement des garanties. L'ancienne députée que je suis ne peut que se féliciter d'avoir défendu le maintien d'un cordon ombilical en préservant la ligne budgétaire concernée, dotée, à l'époque, d'une somme symbolique de 10 000 euros. Cette ligne a ainsi pu être facilement abondée.

Bpifrance connaît une activité importante depuis mars 2020, notamment à cause de sa nature de garant. D'abord, une offre de crise, de prêt de trésorerie et de soutien aux besoins en fonds de roulement a été lancée par Bpifrance et a nécessité des ressources publiques pour doter les fonds de garantie dans des proportions importantes. Des moyens internes ont été mobilisés, à hauteur de plus de 400 millions d'euros, en sus d'une dotation de 100 millions d'euros votée en loi de finances rectificative. Ensuite, dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2021, la mission Plan de relance a été mobilisée afin d'abonder les fonds de manière très volontariste, à savoir 409 millions d'euros en AE pour les années 2021 et 2022 et 305 millions d'euros en CP pour 2021. Ces enveloppes sont sans commune mesure avec les dotations budgétaires des années précédentes, qui étaient de 20 millions d'euros en moyenne entre 2015 et 2019. L'État continuera de jouer son rôle, comme il l'a déjà fait, et autant que le besoin s'en fera sentir.

M. Brun m'a interrogée sur la capacité des offres de Bpifrance et de sa filiale Bpifrance Assurance Export à répondre aux besoins des entreprises. Je rappelle que le soutien public à l'export obéit à trois grands principes : le soutien des projets en fonction de leur intérêt industriel et du potentiel d'emploi en France ; une intervention de l'État en subsidiarité du marché privé, uniquement lorsque celui-ci est défaillant ; en période de crise économique, un rôle contracyclique afin de stimuler une activité économique susceptible de se tarir.

Aujourd'hui, le dispositif français s'articule autour de trois stratégies, conduites par des opérateurs différents. L'accompagnement est assuré par la Team France Export, construite autour de Business France. Le financement prend essentiellement la forme de garanties publiques, via Bpifrance Assurance Export, sans oublier les outils de financement d'État à État gérés par la direction générale du Trésor. Enfin, le refinancement et le rehaussement de crédits export via la SFIL, la banque publique de développement au service des territoires et des exportations, sont désormais opérés par la Caisse des dépôts et consignations. L'État a donc mis en place un dispositif plutôt complet, qui couvre les besoins des entreprises dans toutes leurs dimensions.

J'en viens aux questions posées par M. Chassaing. Le retour de l'économie sociale et solidaire à Bercy s'est accompagné d'un changement de nom : il n'est désormais plus seulement question d'économie sociale et solidaire, telle qu'elle a été définie par la loi de 2014, mais aussi d'économie responsable, telle que la France est en train de la définir avec l'ensemble de ses partenaires européens. Profondément interministériel, le secrétariat d'État à l'économie sociale, solidaire et responsable place son action au cœur même de Bercy, ce qui n'est pas anodin. Ce ministère, à la croisée des politiques publiques, doit pouvoir compter sur des relais à travers tous les territoires, mais aussi au sein de toutes les administrations.

Les structures de l'économie sociale et solidaire sont des entreprises à part entière. À ce titre, le ministère de l'économie, des finances et de la relance a vocation à les accompagner pleinement, en particulier pour les aider à accéder à des dispositifs dont elles sont souvent moins coutumières que les entreprises classiques. L'économie sociale et solidaire est une économie à part entière, mais elle est aussi une économie à part, qui doit par nature bénéficier d'un soutien particulier – ce que j'ai fait, avec votre aide, dans le cadre du quatrième PLFR pour 2020, par le truchement du fonds d'urgence ESS doté de 30 millions euros.

Il faut aussi donner à cette économie des moyens afin qu'elle puisse prendre toute son envergure, dans le respect de ses objectifs sociaux et environnementaux. Le Gouvernement souhaite vraiment faire grandir les structures qui s'inscrivent en complémentarité des politiques publiques sociales et environnementales. Tel est l'objectif des contrats à impact, que j'ai relancés depuis mon arrivée à Bercy et qui permettent non seulement de renouveler l'approche de certaines politiques publiques, mais aussi de multiplier les collaborations nouvelles entre le public, le privé et la société civile. En un mot, l'État rembourse à l'aune du résultat, c'est-à-dire de la performance sociale ou environnementale, tous les investisseurs qui financent des projets écologiquement ou socialement utiles. Contrairement à ce qu'avaient prédit de nombreux esprits chagrins, les trois appels à manifestation d'intérêt (AMI) que nous avons lancés en matière d'économie circulaire, d'égalité des chances économiques et d'inclusion dans l'emploi – ce contrat à impact se termine aujourd'hui – ont rencontré un franc succès. Une enveloppe de 50 millions d'euros est mobilisée pour ces projets d'intérêt général, sélectionnés pour leur grande qualité et surtout pour les coûts qu'ils évitent à la puissance publique. Au total, le budget que l'État consacre à l'ESS triple entre 2020 et 2021.

Mme Dalloz a évoqué le PIA par le prisme des investissements réalisés en matière de résilience et de souveraineté sanitaires, ainsi que des innovations en matière de santé. Dès mars 2020, le PIA a été mobilisé pour répondre à la crise sanitaire, via la création de dispositifs spécifiques de soutien aux filières pertinentes, dans le respect de la doctrine d'intervention du PIA. Cette mobilisation a notamment pris la forme d'un AMI pour développer les capacités de production d'équipements et de produits de santé nécessaires à la lutte contre la pandémie et ses conséquences. Au total, à la date du 31 mai 2021, le PIA a été sollicité à hauteur de 528,3 millions d'euros.

À la lumière des constats réalisés lors de la crise du covid-19, le PIA 4 a toutefois été l'occasion d'une refonte. Il intervient désormais dans un cadre stratégique composé de deux volets. Le premier permet à l'État de concentrer son action autour d'un nombre limité d'investissements prioritaires, lesquels s'inscrivent dans une stratégie d'accélération : l'État fixe ainsi le cap dans les domaines où son intervention massive est indispensable. Le second volet permet, dans la tradition première du PIA, de financer les projets transformants qui émanent directement des écosystèmes d'enseignement supérieur, de recherche et d'innovation. Le PIA soutient les acteurs dans toute la chaîne de l'innovation, de la recherche à l'entreprise.

S'agissant spécifiquement de la recherche en santé, je partage tout à fait le constat de fragmentation – je reste modérée – dressé par Mme Dalloz. En revanche, c'est dans le cadre de la loi de programmation de la recherche que la simplification souhaitée pourra être menée. Des efforts sont également permis par le PIA 4.

J'ajoute quelques éléments pour répondre aux interrogations, aux préconisations et aux recommandations pertinentes de la rapporteure spéciale.

Sur la période 2021-2025, un renforcement des financements à destination des Labex les plus performants est rendu possible par le maintien des dotations non consommables et les nouveaux moyens budgétaires prévus dans le volet structurel du PIA 4. Ce dernier renforce aussi nettement les financements consacrés à l'aval : sur les 12,5 milliards d'euros du volet dirigé du PIA 4, un peu plus de 5,5 milliards y seront consacrés. De même, le passage à l'échelle est davantage pris en compte et mieux accompagné, dans le cadre de la stratégie d'accélération prévue dans le PIA 4.

La création d'une agence d'innovation en santé fait enfin l'objet de discussions, dans le cadre d'une mission de préfiguration. Il est difficile, à ce stade, de dessiner les contours de cette future agence, mais la réflexion que vous appelez de vos vœux est déjà en cours. Du reste, votre préconisation est tout à fait légitime : la création d'une agence d'innovation en santé permettrait de rationaliser, au service de l'efficacité de leurs recherches, les multiples acteurs de cet écosystème. La réflexion est alimentée par notre constat des défauts et limites du système actuel, tels que le manque de lisibilité que vous avez déploré.

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Le FDES, sur lequel nous devrons nous pencher dans les prochains jours, dans le cadre de l'examen du PLFR pour 2021, a été mobilisé en 2020 pour accompagner des entreprises en difficulté dans leur restructuration – c'est sa compétence traditionnelle –, mais aussi pour offrir des modalités alternatives de financement à des entreprises qui ne pouvaient bénéficier du PGE. Afin de faire face à cette hausse d'activité, la dotation du FDES a été portée, en avril 2020, à un milliard d'euros. Pourtant, seuls 405 millions ont été consommés en AE, dont 308,9 millions pour les prêts covid, bien en deçà de la dotation votée en avril. Comment expliquez-vous cette sous-consommation ? Est-elle liée à une moindre dégradation du tissu productif ? L'article 12 du PLFR pour 2021 constitue-t-il un moyen de remédier à des difficultés observées en 2020 ?

J'en viens à la révision de la directive européenne sur le reporting extra-financier (NFRD), engagée à l'échelle européenne depuis le début de l'année. Quelle est la position de la France s'agissant de la mise en place, pour les grandes entreprises soumises à cette obligation de reporting, d'une véritable déclaration de performance intégrée faisant converger informations environnementales et sociales et informations financières ? La France a déjà bien avancé sur la question. Mon groupe a défendu plusieurs amendements en ce sens lors de la discussion du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets – en vain. La France ne doit-elle pas devenir chef de file sur ce sujet, d'abord à l'échelle européenne ? Et pourquoi ne pas défendre cette ambition à l'échelle internationale ?

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Notre groupe se réjouit que le programme 343 Plan France Très haut débit ait connu, en 2020, une exécution plus importante en volume par rapport à 2019. Ainsi, 225 millions d'euros ont été décaissés, contre 30 millions l'année précédente, ce qui traduit la volonté du Gouvernement d'accélérer la diffusion du très haut débit sur tout le territoire. Cependant, 573 millions d'euros avaient été ouverts par la loi de finances initiale pour 2020, ce qui signifie que seuls 39 % de ces crédits ont été consommés. Si nous ne doutons pas que la crise sanitaire a pu ralentir la mise en œuvre du plan France Très haut débit, d'autres facteurs semblent freiner son bon développement. Ainsi, le pilotage, qui nécessite une étroite coordination entre la DGE, la Caisse des dépôts et consignations et l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), ainsi que le mode de financement, qui mêle fonds du PIA et crédits du programme 343, constituent souvent des freins au bon déploiement du plan. Par ailleurs, les rapporteurs spéciaux ont rappelé que le calendrier prévisionnel des décaissements date de 2017 : il n'est donc plus en phase avec la réalité du déploiement constaté sur le terrain.

Le Gouvernement est en première ligne pour garantir la réussite de ce plan, comme en témoignent les 240 millions d'euros qui y sont consacrés, en AE, dans la mission Plan de relance de la loi de finances pour 2021. Comment assurer un meilleur pilotage et un meilleur suivi du déploiement du très haut débit, essentiel à nos territoires, afin que les zones rurales ne pâtissent pas une nouvelle fois de la lenteur de la mise en œuvre de ce plan ?

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Olivia Gregoire, secrétaire d'État

M. Roseren m'a interrogée sur le coût du dispositif de compensation carbone mis en place en faveur des entreprises exposées à un risque significatif de fuite de carbone. Dans les secteurs industriels couverts par le système d'échange des quotas d'émission de l'Union européenne, l'exposition à la concurrence internationale peut conduire à des fuites de carbone, du fait de la présence d'autres producteurs situés hors de l'Union et capables d'exporter vers l'Union des produits moins chers. Le dispositif de compensation carbone relève de l'objectif de lutte contre ces fuites de carbone, dont l'effet est contre-productif en matière environnementale. Nous assumons son coût budgétaire, certes assez dynamique pour le moment, mais utile. Le prix du quota carbone peut fluctuer significativement, et son évolution à moyen et long terme est assez difficile à anticiper. La forte hausse du prix des quotas explique la hausse des crédits, car l'indexation de l'aide sur ce prix est nécessaire pour lutter efficacement contre les fuites de carbone. Le cadre réglementaire européen applicable en matière de compensation carbone fait l'objet de modifications, qui vont entraîner une baisse importante du facteur d'émissions et un resserrement très probable du périmètre des secteurs éligibles. Le soutien unitaire par euro de quota carbone payé par les industriels éligibles va ainsi diminuer.

Toujours au sein du programme 134, Mme Faure-Muntian a appelé mon attention sur la nécessité d'auditer l'action de Bpifrance. Le Gouvernement est très attentif à ce que la Banque publique d'investissement remplisse son rôle d'offreur de solutions de financement, d'accompagnement et d'investissement aux TPE, PME, ETI et grandes entreprises françaises qui en ont besoin. Grâce à un dialogue continu avec Bpifrance ainsi qu'à des études de satisfaction indépendantes et régulières, nous avons la preuve que la satisfaction des entreprises et des banques vis-à-vis de Bpifrance demeure élevée. La dernière étude réalisée auprès d'un échantillon trois fois plus important que d'habitude – 3 000 entreprises – au début de cette année montrait par exemple que 91 % d'entre elles considéraient que l'offre de Bpifrance correspondait à leurs attentes. Bpifrance reste toutefois un groupe bancaire supervisé par la Banque centrale européenne (BCE) et soumis à des impératifs d'équilibre financier et de maîtrise du risque : il est donc logique que certaines entreprises ne voient pas leur projet de financement accepté. Néanmoins, les centaines de chargés d'affaires du réseau Bpifrance s'emploient vraiment à trouver des solutions adaptées et appropriées pour chacune des entreprises qui les sollicitent et à étudier l'ensemble des projets soumis en tenant compte de leurs capacités de remboursement ou de leurs perspectives de développement sur le marché.

J'en viens à la question de M. Brun relative à l'assurance export. Le transfert, depuis le 1er janvier 2017, de l'activité de gestion des garanties publiques de COFACE à Bpifrance Assurance Export est un réel succès ; il a permis de rendre les différents dispositifs plus visibles en les rangeant tous sous la marque unique Bpifrance, pôle financier public connu des entreprises. Les PME et ETI font partie des priorités de la politique publique d'aide à l'export, et le transfert de la gestion des garanties publiques à Bpifrance, structure dotée d'un vaste réseau territorial de proximité, dont la force de frappe et de commercialisation est bien plus forte que celle de COFACE, témoigne de la volonté du Gouvernement de mettre davantage l'accent sur l'accompagnement à l'export de ces entreprises.

C'est également dans cette optique que Bpifrance Assurance Export a intégré la TFE, créée en 2018 après un discours prononcé par le Premier ministre à Roubaix et organisée autour des CCI et de Business France, dont le modèle économique a également été rééquilibré en faveur des territoires, du fait de la création d'un réseau territorial articulé directement avec celui des CCI. La TFE a déjà donné des résultats positifs. En 2019, dernière année précédant la crise du covid-19, elle a accompagné 732 nouvelles PME exportatrices de marchandises. Je précise que 93 % des PME accompagnées continuent d'exporter d'une année sur l'autre, contre 80 % pour la totalité des entreprises. La croissance du chiffre d'affaires à l'export est deux fois plus rapide pour les entreprises accompagnées par la TFE que pour celles qui ne le sont pas. Évidemment, la crise a généré une grande incertitude ; l'adaptation au nouveau paysage de l'export post-covid sera vraiment l'un des principaux tests du dispositif, sans qu'il soit encore possible, à ce stade de la crise, de tirer des enseignements clairs et de tracer des perspectives.

La GPS est un outil proche de l'assurance crédit à moyen et long terme, dont les contraintes ont été assouplies au regard de l'intérêt stratégique pour la France. Elle n'a pas vocation à être distribuée en masse, d'autant qu'elle nécessite une étude plus approfondie de l'intérêt industriel des opérations financées. Une dizaine de dossiers étaient en cours d'instruction en 2019, et un peu moins de la moitié avaient obtenu un accord de principe. La vitesse de mise en œuvre et de concrétisation de ces projets dépend alors des exportateurs et des porteurs de projets – à l'international, cela peut prendre plusieurs années.

M. Chassaing m'a interrogée sur l'institutionnalisation de l'ESS et le renforcement des CRESS. Si, dans la pratique, l'ESS existe depuis des siècles – depuis 1791, pour être très précise –, son existence juridique est relativement récente. La loi de 2014 a rassemblé les cinq familles de l'ESS – n'oublions pas les ESUS –, mais il s'agit davantage d'un commencement qu'un aboutissement. Certaines synergies restent à trouver. Le secteur est encore en voie de structuration. Le rapprochement de la tête de réseau ESS France et du Conseil national des CRESS en est le meilleur exemple : je l'ai fait entériner très récemment, dans la loi d'accélération et simplification de l'action publique (ASAP).

La création d'un secrétariat d'État à l'économie sociale, solidaire et responsable, placé au cœur de Bercy sous la tutelle du ministre de l'économie, est une étape importante pour l'institutionnalisation de l'ESS dans notre pays, que vous appelez de vos vœux. Nous affirmons ainsi que l'ESS est une économie, au même titre que l'économie classique, et que la première inspire la seconde. L'État joue un rôle d'appui majeur à la structuration de cet écosystème. Il est le premier financeur d'ESS France, et donc des CRESS, afin de donner à ces dernières les moyens de remplir leur mission d'intérêt général au plus près des entreprises, au cœur des territoires. Il est nécessaire d'homogénéiser les CRESS, qui ne sont pas de même niveau en fonction des régions ; je ne peux concevoir qu'en fonction de la région où siège l'entreprise d'ESS, celle-ci soit plus ou moins accompagnée, d'autant que le Conseil national des CRESS, au cœur d'ESS France, est largement aidé et financé par la puissance publique. Vous avez raison, monsieur Chassaing, de soulever ce sujet.

Les fonds propres et la trésorerie sont le nerf de la guerre pour toutes les entreprises. Celles de l'économie sociale et solidaire ne font pas exception à ce principe : elles en sont même une illustration, car les principes fondateurs de l'ESS, à commencer par celui de la lucrativité limitée, impliquent un niveau de fonds propres structurellement faible. Avec la crise, cette situation ne s'est évidemment pas améliorée. Dès lors, il y a lieu d'imaginer de nouveaux dispositifs, et je ne peux que me féliciter de l'adoption par le Sénat, en deuxième lecture le 12 mai dernier, de la proposition de loi visant à améliorer la trésorerie des associations, déjà adoptée par l'Assemblée nationale il y a deux ans. Ce texte comprend plusieurs avancées majeures et attendues, parmi lesquelles la fixation du délai de paiement de la subvention à soixante jours à compter de la notification, l'ouverture de la possibilité d'opérations de trésorerie entre associations, ou encore le raccourcissement de vingt à dix ans du délai au terme duquel une partie des sommes figurant sur les comptes associatifs de la Caisse des dépôts et consignations peut revenir annuellement à l'État afin d'alimenter directement le Fonds pour le développement de la vie associative (FDVA).

Toutefois, il faudra faire plus – la crise est là pour nous le rappeler tous les jours. Je travaille donc, avec la direction générale du Trésor et la Caisse des dépôts et consignations, à de nouvelles solutions pour renforcer les fonds propres, notamment des associations, éventuellement par le biais de titres associatifs. J'aurai plaisir à en reparler ici dès la rentrée. Il faudrait alléger la contrainte pesant sur ces titres participatifs, et surtout standardiser cet outil, pour que les émissions de titres soient moins coûteuses pour les associations, et peut-être plus faciles et plus intéressantes pour les investisseurs.

J'en viens aux questions de Mme Dalloz qui, comme à l'accoutumée, a abordé avec précision plusieurs sujets.

Si le PIA 4 est prévu pour couvrir la période 2021-2025, la réflexion sur l'après est d'ores et déjà engagée. Les financements ne s'arrêteront pas en 2025 de façon automatique, bien entendu. Les structures susmentionnées feront l'objet d'une évaluation, qui permettra de déterminer l'opportunité d'une pérennisation des financements.

Pour les IHU, la dotation prévue par le PIA doit théoriquement prendre fin en 2024. C'est la raison pour laquelle l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et l'Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR) ont mené en 2016 une mission sur le modèle économique des IHU. Cette mission a clairement préconisé de programmer un socle de dotations récurrentes, dont la gestion serait en partie assurée dans le cadre du PIA. Il est suggéré de faciliter les partenariats industriels et de réinjecter les droits de propriété intellectuelle directement dans les IHU.

L'objectif de l'action recherche hospitalo-universitaire en santé (RHU) est de favoriser la valorisation de l'innovation. En ce sens, elle vise notamment à renforcer les collaborations de partenariat entre les acteurs académiques et privés, à soutenir des projets de recherche translationnelle ou de recherche clinique de grande ampleur, pour un coût complet de 30 millions d'euros, avec un fort potentiel de transfert rapide vers l'industrie ou vers la société. Les projets RHU doivent induire des bénéfices pour la prise en charge des malades, en améliorant la compréhension des maladies, en apportant des traitements plus efficaces et mieux tolérés, ou encore en améliorant la performance des systèmes de soins. Dans le cadre des trois premières vagues, le PIA finance vingt-quatre projets RHU, pour un montant de 185,4 millions d'euros d'aides ; en 2019, quinze projets ont été retenus, pour un montant d'aides de 121 millions, à partir de soixante-sept dossiers examinés par le jury international. À l'heure où je vous parle, tous les projets ont fait l'objet d'une contractualisation. Au total, trente-huit projets sont financés dans le cadre de cette action, qui a été renforcée, dans le cadre du PIA 3, à hauteur de 147 millions d'euros après redéploiements. Une nouvelle vague, la cinquième, devrait être lancée prochainement.

Le Parlement souhaite être associé à la définition de la stratégie nationale du PIA, en particulier à la logique d'investissements dits dirigés ; il aimerait notamment que cette stratégie lui soit présentée en amont du PLF pour 2022. Le comité de surveillance des investissements d'avenir (CSIA) comprend quatre députés et quatre sénateurs : ainsi, les parlementaires sont intégrés au processus de détermination des stratégies d'accélération. Peut-être faut-il que le comité se réunisse plus souvent mais, dans le cadre du PIA 4, le Parlement a renforcé les prérogatives du CSIA. Désormais, celui-ci a pour mission de conseiller le Gouvernement sur les priorités d'investissement : dans cette optique, il analyse l'ensemble des stratégies d'accélération. La réunion d'hier a, par exemple, permis l'analyse de trois projets de stratégies d'accélération contribuant à la transition écologique. Pour donner corps à ce comité renouvelé, il a été également prévu que sa présidente assiste au Conseil de l'innovation, instance interministérielle présidée par le Premier ministre et chargée de la validation des stratégies d'accélération. Les rapprochements en cours sont tangibles ; il y a sûrement d'autres choses à faire, mais nous sommes sur la bonne voie. Par ailleurs, le SGPI informe le Parlement, sur une base trimestrielle, de l'exécution du programme : le Parlement sera donc informé, dans le cadre du prochain reporting, des stratégies d'accélération annoncées. M. le secrétaire général pour l'investissement ainsi que certains membres de son équipe sont régulièrement auditionnés par le Parlement. Enfin, le PLF pour 2022 sera effectivement l'occasion d'une présentation plus large, plus approfondie et plus détaillée des actions entreprises dans le cadre du volet dirigé du PIA 4.

En matière de recherche en santé, le PIA 4 renforce les financements consacrés à l'aval. Cet aspect bénéficie de 12,5 milliards d'euros dans le cadre du volet dirigé du PIA 4 et d'un peu plus de 5,5 milliards d'euros prévus à l'action 3 Démonstration en conditions réelles et à l'action 4 Soutien au redéploiement du programme 424 Financement des investissements stratégiques. De même, le passage à l'échelle est davantage pris en compte et accompagné dans les stratégies d'accélération prévues par le PIA 4.

S'agissant enfin des retards financiers, il convient de rappeler que le PIA intervient toujours dans une logique de retour sur investissement, même s'il ne s'agit pas d'un objectif premier. C'est toujours le cas quand on investit en fonds propres. Surtout, la réforme de l'évaluation du PIA 4 permettra de mesurer plus efficacement et plus quantitativement ces retours.

Monsieur le président, la mécanique budgétaire de gestion de l'urgence a dû être adaptée, par souci de souplesse mais aussi de rapidité. C'est pourquoi le programme 134 a d'abord été fortement mobilisé, avant que les crédits d'urgence soient organisés plus efficacement dans le cadre d'une mission spécifique. Il en va de même pour les garanties publiques, qu'il s'agisse des PGE ou de Bpifrance. La survivance d'une ligne symbolique de garanties dans le programme 134 a été cruciale pour l'abonder en urgence, sans perdre de temps, en 2020.

Le fonds French Tech souveraineté, doté de 150 millions d'euros, est opérationnel et les dossiers sont en cours d'instruction. La French Tech est d'ores et déjà un succès. Les levées de fonds ont atteint un niveau record : nous en comptons 120, avec 10 000 emplois associés créés. Ces bons résultats de la French Tech sont aussi la traduction d'un soutien important de l'État, via l'action du PIA en capital-risque.

S'agissant de la digitalisation, 20 millions d'euros ont été engagés à ce jour par l'Agence de services et de paiement (ASP). L'intégralité de cette somme sera consommée d'ici au 31 décembre, et le décret du 6 mai dernier élargit le dispositif à l'ensemble des TPE françaises, sans condition de fermeture administrative.

J'en arrive aux questions de M. Laqhila. Au sein du programme 862 Prêts pour le développement économique et social, l'augmentation de l'enveloppe totale du FDES, passée de 75 millions à un milliard d'euros en 2020, a permis d'octroyer 470 millions de prêts classiques du FDES et, ce faisant, de restructurer dix-neuf entreprises de plus de 400 salariés, contre deux seulement en 2019. Les prêts exceptionnels aux petites entreprises sont conçus pour venir en aide aux entreprises de moins de cinquante salariés touchées par la crise. Au 22 avril, 326 prêts ont été décaissés, pour un montant de 11,5 milliards d'euros, avec un plafond individuel de 100 000 euros. L'instruction des demandes, confiée aux comités départementaux d'examen des problèmes de financement des entreprises (CODEFI) et au comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI), fait ressortir un taux de 50 % de réponses favorables dans un délai médian de soixante-deux jours. La sous-consommation des crédits est aussi le fait du maintien des autres aides de soutien à la trésorerie, comme le Fonds de solidarité, qui décale mécaniquement dans le temps les difficultés des entreprises.

S'agissant de la directive sur le reporting développement durable des entreprises (CSRD), nouvelle version de la NFRD, vous savez que je suis à votre disposition. La position française, que je défends avec force depuis juillet dernier, est claire : un seuil de 250 salariés, la volonté que la norme soit extraterritoriale et applicable aux entreprises étrangères qui réalisent un important pourcentage de chiffre d'affaires dans l'Union européenne, un organisme de normalisation européen, une norme légale, et un organisme tiers indépendant pour la vérification plutôt qu'un standard international de droit privé.

Madame Lemoine, le Gouvernement a renforcé les moyens alloués au déploiement du très haut débit. Le soutien de l'État s'élève désormais à 3,6 milliards d'euros, selon plusieurs vecteurs de financement : 900 millions d'euros de crédits non budgétaires issus du Fonds national pour la société numérique (FSN) ; 2,4 milliards d'euros sur le programme 343, auxquels s'ajoutent 30 millions d'euros ouverts par la loi de finances rectificative de juillet dernier ; 240 millions d'euros ouverts par la loi de finances initiale pour 2021 dans le cadre de l'action 07 du programme 364. Sur le programme 343 Plan France Très haut débit, 225 millions d'euros de CP ont été consommés en 2020, en deçà des ressources disponibles. La crise sanitaire explique en grande partie la sous-consommation constatée, les délais ayant été rallongés compte tenu des contraintes opérationnelles inhérentes aux chantiers lourds et au déploiement des réseaux fixes.

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Je vous remercie, madame la secrétaire d'État, pour vos réponses sur le commerce extérieur. D'un point de vue budgétaire, c'est un sujet plus consensuel que ceux sur lesquels nous avons pu ferrailler, en commission des finances, comme les chambres d'agriculture.

Trois questions et recommandations précises de mon rapport ont été un peu éludées. Allez-vous sanctuariser les crédits du plan de relance qui n'auraient pas pu être consommés en 2021 en raison de la fermeture des frontières ? Allez-vous augmenter le nombre d'assurances prospection accompagnement à destination des entreprises primo-exportatrices ? Enfin, allez-vous rendre plus lisibles les procédures financières d'accompagnement export, les simplifier, et réduire les démarches administratives ?

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Monsieur Brun, Mme la secrétaire d'État pourra répondre à vos questions par écrit.

Madame la secrétaire d'État, nous vous remercions.

La commission, réunie en commission d'évaluation des politiques publiques, entend M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics.

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Mes chers collègues, nous accueillons maintenant M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Nous examinerons d'abord avec lui la mission Engagements financiers de l'État et les comptes spéciaux associés.

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Je présenterai rapidement l'exécution des crédits de la mission Engagements financiers de l'État, qui concerne essentiellement la charge de la dette, puis j'en viendrai à ma thématique d'évaluation, l'éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ).

L'exécution 2020 de la mission Engagements financiers de l'État est caractérisée par une dépense inférieure à la prévision et en baisse significative par rapport à 2019, ce qui peut surprendre en période de crise sanitaire et d'emprunt massif de l'État. Les CP de l'ensemble de la mission ont été exécutés à hauteur de 36,2 milliards d'euros, ce qui représente une diminution de 4,3 milliards par rapport à 2019. Ces résultats s'expliquent par la diminution de la charge de la dette et de la trésorerie de l'État, qui s'est établie à 35,8 milliards d'euros, un niveau historiquement bas. Dans le même temps, l'encours de la dette a connu une augmentation exceptionnelle, de 178 milliards d'euros, s'établissant à 2 001 milliards d'euros à la fin de l'année 2020. Il s'agit d'une véritable rupture de tendance, tant au niveau de la hausse de l'encours de la dette, de 10 % par rapport à 2019, qu'au niveau de la réduction de la charge, de 11 % par rapport à 2019. Il faut remonter à la crise de 2009 pour trouver des variations comparables.

La progression de l'encours de la dette est directement liée à la crise sanitaire et au soutien massif et nécessaire apporté par l'État à notre économie. Le besoin de financement de l'État s'est établi à 309,5 milliards d'euros en 2020, en hausse de 79 milliards par rapport à la prévision initiale. La baisse de la charge de la dette et de la trésorerie de l'État est liée, d'une part, à la faible inflation, sur laquelle 200 milliards d'euros d'encours de titres sont indexés – nous en avons parlé ces derniers jours, dans un sens inverse, dans le cadre du PLFR pour 2021 – et, d'autre part, à un environnement de taux d'intérêt bas. En effet, la politique monétaire active menée par la Banque centrale européenne (BCE) en 2020 et la mise en place du programme d'achats d'urgence de titres de dette publique (PEPP) dès le mois de mars 2020 ont permis à la zone euro de conserver des conditions d'endettement favorable.

Je tiens à souligner, comme tous les ans et de manière encore plus insistante cette année, la grande qualité des travaux menés par l'Agence France Trésor (AFT) et son directeur, M. Anthony Requin. L'agence a su gérer les modifications successives et substantielles du programme de financement de l'État de manière remarquable. Alors que les titres de court terme constituent traditionnellement l'outil privilégié pour faire face à un besoin soudain de financement, l'AFT a été en mesure de diversifier son programme de financement en 2020, en émettant également des titres de moyen et de long terme, ce qui lui permet de conserver aujourd'hui une bonne capacité d'absorption d'un nouveau choc.

Le développement des obligations vertes me tient à cœur – j'ai étudié ce thème lors du Printemps de l'évaluation 2019. L'attrait pour les émissions d'obligations vertes s'est confirmé en 2020. Nous avons assisté, ces derniers mois, à l'arrivée de l'Allemagne et de l'Italie sur le marché de la dette d'État verte, tandis que le Royaume-Uni et l'Union européenne ont annoncé qu'ils émettraient également sur ce marché cette année. Loin d'assécher les demandes de titres, la multiplication d'émetteurs d'obligations vertes a renforcé l'attrait des investisseurs pour ce nouveau marché, au point de donner naissance à une prime verte en France. Notre pays conserve en 2020 sa position de premier emprunteur sur le marché de la dette d'État verte, avec un encours total des obligations assimilables du Trésor (OAT) vertes émises de 35,9 milliards d'euros à la fin du mois d'avril 2021. Je me félicite du lancement, le 16 mars dernier, d'une OAT verte dont l'échéance est fixée au 25 juin 2044, d'un montant initial de 7 milliards d'euros et pour laquelle la demande des investisseurs a atteint 35 milliards d'euros.

Nous avons voté, en loi de finances, un amendement visant à rebudgétiser le compte d'affection spéciale Transition énergétique, qui a aussi pour objectif de permettre une émission plus importante d'OAT vertes. Il n'est en effet pas possible de s'appuyer sur un compte d'affectation spéciale pour émettre de la dette verte. C'est une bonne nouvelle, saluée par la Cour des comptes dans sa note d'exécution budgétaire.

Monsieur le ministre délégué, quelles sont les prochaines étapes envisagées pour consolider notre position de leader sur le marché des obligations vertes ? Il est indispensable que nous augmentions nos investissements publics dans la transition écologique pour respecter nos engagements en faveur du climat. Nous avons recommandé, avec Pascal Canfin et Laurent Saint-Martin, notamment dans le cadre des travaux sur la dette, de profiter des taux bas actuels pour émettre 60 à 70 milliards d'OAT vertes afin de financer nos besoins additionnels en investissements verts jusqu'à 2028. Que pensez-vous de cette proposition ? Il ne s'agit pas d'un deuxième plan de relance, mais d'investissements à long terme dont le support pourrait être le PIA – notre collègue Marie-Christine Dalloz a d'ailleurs clairement exposé cette distinction dans la présentation de son rapport.

Comme je l'ai annoncé, mon travail d'évaluation a porté sur l'éco-PTZ. Cela peut paraître surprenant, mais la mission Engagement financiers de l'État est le support des garanties de l'État, qui sont très nombreuses, et ces crédits font l'objet de nombreux mouvements en gestion, notamment en raison de la création de nouvelles garanties telles que le PGE dans le contexte de la crise sanitaire. Ces nouveaux dispositifs n'ont finalement fait l'objet que d'appels en garantie limités, d'où un niveau d'exécution des crédits proche de la prévision. En revanche, l'encours des garanties actives octroyées par l'État a fortement progressé, de 21 % ; il s'établit à 906,6 milliards d'euros à la fin de l'année 2020. Cette augmentation est principalement liée au PGE, dont l'encours garanti s'établissait à 106 milliards d'euros à la fin de l'année 2020. Le niveau d'exposition final de l'État au risque de perte sur ces nouvelles garanties reste aujourd'hui incertain. En réponse aux recommandations que j'avais formulées lors des précédents Printemps de l'évaluation, l'administration m'a transmis des tableaux beaucoup plus précis pour le suivi de ces garanties, ce que je tiens à saluer. Les parlementaires sont toujours satisfaits quand leurs recommandations sont suivies, même en partie.

L'échéance de l'éco-PTZ est programmée pour la fin de l'année 2021. Cette dépense fiscale n'est pas rattachée en tant que telle à la mission Engagements financiers de l'État, mais certains éco-PTZ font l'objet d'une garantie de l'État dont les appels sont financés par le programme 114. Pour rappel, l'éco-PTZ prend la forme d'avances remboursables ne portant pas intérêt accordées par les établissements bancaires aux particuliers propriétaires ou copropriétaires qui souhaitent financer des travaux d'amélioration de la performance énergétique de leur résidence principale. Ce prêt à taux zéro n'est soumis à aucune autre condition de ressources que celles exigées par les banques pour examiner la solvabilité de l'emprunteur. En contrepartie, les banques perçoivent un crédit d'impôt pour compenser l'absence d'intérêts perçus.

Afin de nourrir les débats que nous aurons lors de l'examen du prochain PLF sur l'éventuelle prorogation de ce dispositif, je souhaite vous présenter les conclusions de mes travaux.

En premier lieu, il faut saluer la réforme adoptée en 2019, qui a notamment ouvert le champ de ce dispositif aux mono-actions. Cette réforme a permis de relancer la dynamique de distribution de ces prêts, avec une augmentation de 90 % en 2019 et de 18 % en 2020, après plusieurs années de forte baisse du nombre d'éco-PTZ distribués. Il existe cependant plusieurs blocages persistants à la montée en charge du dispositif. La faiblesse des taux d'intérêt est une première raison, même si un éco-PTZ reste toujours beaucoup plus intéressant que des prêts à des taux de 0,1 % ou 0,2 %. Finalement, le véritable obstacle reste les formalités administratives, qui sont très complexes. En particulier, les artisans doivent transmettre des documents aux banques, et ils estiment que ce n'est pas leur travail. Nous devons faire des progrès en matière administrative.

L'éco-PTZ est un outil utile pour assurer le financement de la rénovation énergétique des logements. Cet instrument doit être pensé comme complémentaire à MaPrimeRénov' et orienté vers le financement du reste à charge des ménages. Je recommande donc de le proroger dans le prochain PLF pour au moins trois années supplémentaires. À l'occasion de cette prorogation, nous pourrions proposer des améliorations du dispositif, notamment pour simplifier le parcours usager, en instaurant un couplage entre MaPrimeRénov' et l'éco-PTZ et en renforçant le rôle de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) dans l'instruction des dossiers. Il est également nécessaire de réfléchir à l'opportunité de porter de 30 000 à 50 000 euros le plafond de l'éco-PTZ pour les travaux de performance globale, sous conditions de ressources. Enfin, il faudrait peut-être revoir les modalités de calcul du crédit d'impôt pour les banques, qui se plaignent du manque de rentabilité de ces prêts, ce qui pourrait renforcer l'incitation à leur distribution. Nous pourrions engager une discussion avec ces partenaires bancaires. Monsieur le ministre délégué, quelles sont vos intentions concernant la prorogation de l'éco-PTZ ? Que pensez-vous des améliorations que nous pourrions apporter à ce dispositif ?

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Valérie Rabault (Participations financières de l'État , Participation de la France au désendettement de la Grèce ; Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics)

Mon propos se concentrera sur le secteur de l'énergie, et plus généralement de l'environnement. Après avoir présenté l'exécution 2020, j'analyserai la stratégie de l'État en matière d'énergie et d'environnement par le biais de ses participations.

Le compte d'affectation spéciale (CAS) a été créé en 2006. Nous avons recensé l'ensemble des dépenses et des recettes du compte d'affection spéciale Participations financières de l'État depuis sa création. L'année 2020 est celle qui enregistre le deuxième montant de dépenses le plus élevé dans l'histoire du compte, soit 11,7 milliards d'euros. Après 2006,, et avec 2012, année qui a vu de nombreuses recapitalisations, l'année 2020 est une année exceptionnelle, ce qui n'étonnera personne.

La consommation de 11,4 milliards d'euros représente 40 % des crédits votés : il s'agit probablement de la mission budgétaire la plus sous-exécutée. Certes, ce n'est pas parce que nous avons de l'argent que nous devons le dépenser – une stratégie est nécessaire, a fortiori pour les participations financières de l'État. En réalité, nous avons consommé à peu près les crédits votés en loi de finances initiale, soit 12 milliards d'euros. Après des annulations, 20 milliards ont été votés en loi de finances rectificative, pour atteindre 25 milliards d'euros de crédits ouverts. En ajoutant le solde reporté de 3 milliards d'euros, on atteint même 28 milliards d'euros de crédits disponibles. Sur les 11,7 milliards d'euros consommés, 4 milliards ont été consacrés à la SNCF et 3 milliards à Air France.

Parmi ces 11,7 milliards d'euros, les dépenses d'urgence sont limitées. 8,6 milliards d'euros correspondent à des dépenses déjà programmées avant que ne survienne la crise : un milliard d'euros de souscription d'obligations convertibles Océane pour EDF, 4 milliards d'euros pour l'augmentation du capital de la SNCF, 1,9 milliard d'euros pour la dotation du Fonds pour l'innovation et l'industrie dont on parle depuis 2017, un milliard d'euros pour le PIA et 570 millions d'euros liés à différentes opérations. Aussi, 3,15 milliards d'euros seulement correspondent à des opérations liées au plan d'urgence : 3 milliards d'euros pour Air France-KLM et 150 millions d'euros pour le fonds ACE Aéro partenaires, qui n'a en fait déboursé que 6,5 millions d'euros. Il faudrait d'ailleurs améliorer l'organisation de ce fonds, qui propose des aides à toute la chaîne d'approvisionnement des PME via des obligations convertibles dont les caractéristiques ne sont pas du tout avantageuses pour ces PME. Très logiquement, cela explique que le fonds ne soit pas consommé.

Sans surprise, la valeur du portefeuille coté de l'État a été affectée par la crise, passant de 74 milliards d'euros au 31 décembre 2019 à 54 milliards au 31 août 2020. Les valeurs ont significativement baissé au cours de l'année 2020.

Les entreprises dont l'État est actionnaire ont bien respecté les consignes du Gouvernement s'agissant du versement des dividendes, puisque le montant de ces derniers versés au budget général de l'État – et non au compte d'affectation spéciale Participations financières de l'État, ce qui est aberrant – est passé de 1,7 milliard d'euros en 2019 à 400 millions en 2020.

En 2020, l'État actionnaire a été désavoué sur certaines de ses stratégies. Je me suis intéressée, en particulier, aux cas d'Engie et d'Eramet. Aujourd'hui, la stratégie concernant les participations cotées de l'État consiste à conserver une minorité de blocage, soit seul, soit avec les actionnaires salariés, soit par le biais de pactes d'actionnaires. Cela avait jusqu'alors à peu près fonctionné, mais ce ne fut pas le cas en juillet et octobre dernier pour Engie.

L'État détient, via l'Agence des participations de l'État (APE), 24 % du capital de l'entreprise et 34 % des droits de vote en assemblée générale : il est donc le premier actionnaire. Si l'on prend en compte les actions détenues par la Caisse des dépôts et consignations, qui représentent 4 % du capital d'Engie, ce sont près de 40 % des droits de vote qui sont entre les mains de la puissance publique. Pour autant, l'État a été mis en minorité lors de la réunion du conseil d'administration du 5 octobre 2020.

Je me suis rendue à Bercy, où les rapporteurs spéciaux peuvent consulter les documents soumis au secret des affaires et au secret fiscal. La minorité de blocage ne valant que pour l'assemblée générale, elle n'a pas pu être actionnée au conseil d'administration d'Engie, car c'est bien ce dernier qui a pris la décision de vendre sa participation dans Suez, et qui l'a d'ailleurs annoncée immédiatement, en juillet dernier. La suite du feuilleton, vous la connaissez.

L'État détient 30 % des droits de vote au sein du groupe Eramet, dont le premier actionnaire est la famille Duval. Des différences d'appréciation tenant au management ont suscité plusieurs discussions qui ont fuité dans la presse, mais un accord a finalement été trouvé.

J'en viens à mon thème d'évaluation : « Quelle stratégie pour l'énergie et l'environnement ? » Dans ce domaine, nous avons tous à peu près les mêmes objectifs. Au 31 août 2020, 55 % des participations cotées de l'État avaient un lien avec l'énergie ou l'environnement, par le biais de trois titres : EDF, Engie et Eramet. Or la valeur de ces titres a baissé au cours de l'année 2020.

Le Gouvernement mène une discussion d'envergure au sujet d'EDF, qui est pénalisée par des règles européennes. En effet, le dispositif d'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (ARENH) impose à EDF de mettre à disposition 100 térawattheures de sa production nucléaire à un prix plafonné de 42 euros par mégawattheure, un niveau très en deçà des prix de marché. Dans les faits, l'impact de l'ARENH porte sur une production de 250 térawattheures, soit presque la moitié de la production totale d'électricité d'EDF. Il s'agit d'un schéma économique largement perdant pour EDF, ce qui a des conséquences négatives sur sa capacité d'investissement et sa stratégie de valorisation, même si seulement 17 % du capital est mis sur le marché. Il n'y a pas de raison qu'un opérateur historique comme EDF, avec la puissance de frappe qui est la sienne, soit pénalisé de la sorte par des règles européennes.

Les multiplicateurs boursiers d'EDF et d'Engie sont parmi les plus faibles. En d'autres termes, la valeur de ces deux entreprises n'est pas assez reconnue au niveau européen et international. L'État doit donc revoir sa stratégie.

Un dernier point sur Engie. Nous avons vu que, si l'État est le premier actionnaire d'Engie, il n'est pas le premier pilote de la stratégie de l'entreprise et n'est même parfois pas du tout écouté, puisqu'il a déjà été mis en minorité. L'État devrait mieux faire valoir ses exigences en matière de transition énergétique. Un objectif de repositionnement a été présenté le 31 juillet 2020 par la direction d'Engie, qui propose un recentrage de ses multiples activités, lesquelles ne forment pas toujours un tout cohérent. Nous verrons comment cela évolue, mais cela interroge sur la place de l'État comme premier actionnaire.

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Mme Peyrol a évoqué le sujet des taux d'intérêt. La commission s'intéresse depuis plus d'un an à la question des tensions potentielles sur les marchés, qui nous incite à la plus grande vigilance. Nous avons appris hier, lors de l'audition de M. Le Maire et de M. Dussopt au sujet du prochain PLFR, qu'un simple relèvement du taux prévisionnel d'inflation augmenterait la charge de la dette de près de 2 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale. Nous souhaiterions connaître votre avis, monsieur le ministre délégué, sur ce contexte de légère remontée des taux. Quels sont les facteurs exogènes qui pourraient nous faire craindre des tensions sur les marchés ?

Dans le cadre de la proposition de loi organique que nous allons présenter avec le président de la commission, nous proposerons que soient remis au Parlement, lors du débat annuel sur la dette, un rapport du Gouvernement ainsi qu'un avis du Haut Conseil des finances publiques, dont nous avons auditionné le président ce matin. Or un jugement sur la soutenabilité de la dette pourrait non pas compliquer le travail de l'AFT, mais créer des tensions sur les marchés. Quel est votre point de vue sur cette question ?

Il nous faut aussi anticiper le coût budgétaire des appels en garantie liés au PGE. Pourriez-vous nous transmettre les simulations réalisées à Bercy sur les non-remboursements ?

Disposons-nous d'une évaluation du coût total de la réorganisation d'EDF, qui implique une augmentation de plus de 16 % de la participation de l'État au capital de l'entreprise, pour les comptes publics ? Quelles en seraient les conséquences budgétaires ?

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Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics

Le dispositif des OAT vertes nous convient. L'encours de la première obligation a atteint 29 milliards d'euros, et celui de la deuxième est déjà de 9 milliards d'euros, dans des conditions de couverture et de taux très satisfaisantes. Nous sommes convaincus de la chance que représente le développement de ce mode de financement. Cependant, nous ne voulons pas confondre le besoin de financement et la disponibilité de celui-ci. Si ces OAT fonctionnent très bien, il faut garder à l'esprit qu'elles visent à financer des actions de transition énergétique : il s'agit de gérer la dette de manière responsable et non d'émettre des obligations pour émettre des obligations.

Les décisions de prorogation, de modification, de réforme ou de simplification de l'éco-PTZ seront prises au cours de l'été, comme nous l'avons annoncé lors de l'examen du PLF pour 2021. Le rapport de Mme Peyrol nous sera très utile, s'agissant notamment des questions touchant à la conditionnalité, à la simplification de l'accès au dispositif et à l'optimisation du crédit d'impôt qui sert au financement des engagements bancaires.

Être minoritaire, madame Rabault, c'est prendre le risque d'être battu. C'est un fait, et cela peut arriver. Cependant, cela ne signifie pas être inutile. Nous avons accompagné un certain nombre de décisions prises par le conseil d'administration d'Engie, de même que la mise en œuvre de la solution adoptée. Je me plais à penser que les conditions posées par le Gouvernement ont certainement encouragé les actionnaires à retenir cette solution. Nous avons également contribué, parfois avec difficulté, à la stabilisation de la gouvernance d'Eramet. Nous pouvons nous en féliciter.

S'agissant d'EDF, nous poursuivons une discussion assez ardue avec la Commission européenne. Le Gouvernement a rappelé aujourd'hui, par la voix de Bruno Le Maire, que nous n'avions pas encore trouvé d'accord avec la Commission, puisque notre ligne rouge est l'unité du groupe et que les discussions achoppent sur ce point. Nous exigeons également que l'exploitation des concessions hydrauliques reste en quasi-régie. Le coût budgétaire de la réorganisation d'EDF, voire son coût fiscal – cela fait aussi partie des solutions proposées –, ne pourront être évalués qu'à l'issue de la négociation. Les discussions sont approfondies, mais encore loin de trouver leur conclusion.

J'en viens à l'exécution 2020 de la mission Engagements financiers de l'État. Au cours des derniers mois, nous avons beaucoup débattu du niveau de la dette et de sa soutenabilité : aussi sommes-nous très attentifs à cette mission, qui regroupe une pluralité d'instruments permettant d'assurer le financement de l'État en toutes circonstances, de garantir de nombreux dispositifs et de favoriser des politiques d'épargne. Je m'associe aux remerciements adressés par Mme Peyrol aux services de l'Agence France Trésor qui, en cette année où nous avons battu un record en matière d'émissions d'obligations, ont permis à l'État d'emprunter dans les meilleures conditions. Je leur témoigne toute ma reconnaissance.

Le programme 117 Charge de la dette et trésorerie de l'État a aussi pour objectif d'assurer le financement de l'État au quotidien, à moyen et à long terme, au meilleur coût et dans des conditions de sécurité maximale, même dans la situation extrême que nous avons connue en 2020. Alors que nous anticipions un besoin de financement de 230 milliards d'euros, ce montant a finalement atteint 310 milliards d'euros, en raison d'un déficit de 178 milliards, en augmentation de 85 milliards entre le vote de la loi de finances initiale et la clôture de l'exercice 2020.

En dépit des circonstances, le calendrier d'adjudication présenté a été respecté, même si la crise a évidemment rendu nécessaire une adaptation de notre politique de financement. Nous avons pu le faire grâce à l'action décisive de la Banque centrale européenne (BCE), mais aussi grâce à la confiance des marchés dans la signature de la France. En 2020, les conditions de financement sont restées très favorables : la demande de titres émis par l'État, soutenue par la reprise, à la fin de l'année 2019, puis par le renforcement, en 2020, des programmes d'achats de la BCE, est toujours restée très élevée, et le taux de couverture des adjudications s'est toujours établi à un niveau très significativement supérieur aux cibles.

En conséquence, la charge de la dette et de la trésorerie s'est élevée à 36,2 milliards d'euros – un niveau inférieur de 2,4 milliards à la prévision de la loi de finances initiale. C'est là tout le paradoxe de la période que nous vivons ! L'inflation moins vigoureuse qu'attendu est la cause principale de cette diminution. En 2020, la charge budgétaire au titre de l'intérêt de la dette de l'État a donc diminué de 4 milliards d'euros par rapport à 2019.

S'il est vrai que les taux d'intérêt sont faibles, cela ne veut pas dire qu'ils le resteront éternellement. À la fin de l'année 2020, l'État empruntait, via l'AFT, au taux moyen de – 0,2 % pour les obligations à dix ans ; or, aujourd'hui, nous sommes plutôt autour de + 0,2 %. Cette tendance conforte les prévisions qui sont les nôtres, et que vous avez validées lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2021, puisque nous avons voulu faire preuve de prudence en inscrivant un taux d'intérêt prévisionnel de 0,3 %.

Le programme 114 Appels en garantie de l'État regroupe des dispositifs inédits et massifs mis en place à partir du printemps 2020 pour tous les nouveaux prêts octroyés par des établissements de crédit à des entreprises immatriculées en France. Je pense au PGE, à l'affacturage des commandes, au renforcement du dispositif de réassurance publique des risques d'assurance-crédit, ainsi qu'à la contribution de la France à la mise en œuvre du fonds de garantie paneuropéen de la Banque européenne d'investissement.

Le programme était initialement doté, en loi de finances initiale, de 94,1 millions d'euros, en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement ; il a bénéficié d'une ouverture de 182 millions d'euros d'autorisations d'engagement et de crédits de paiement dans le cadre de la troisième loi de finances rectificative. La loi de finances rectificative de novembre 2020 a annulé une partie de ces autorisations d'engagement, compte tenu de la moindre sinistralité que nous avons constatée.

Le rapporteur général nous a interrogés sur les hypothèses de sinistralité du PGE. Elles sont assez stables depuis le début de la crise : nous estimons que 5 à 7 % des entreprises ayant souscrit un PGE pourraient rencontrer des difficultés, et que ces entreprises devraient représenter, en proportion, un peu moins du montant total des PGE engagés. Ces hypothèses de travail rejoignent beaucoup des avis exprimés sur la question. Pas plus tard qu'en début de semaine, le président du Mouvement des entreprises de France (MEDEF) a ainsi affirmé qu'à son sens, 5 % des entreprises connaîtraient des difficultés à rembourser ce prêt. Le coût pour l'État sera donc très limité, du fait de ce faible taux de sinistralité, mais aussi des recettes associées à la tarification de la garantie, ce qui nous rend optimistes.

C'est la raison pour laquelle nous vous proposons, dans le cadre du PLFR déposé hier sur le bureau de votre assemblée, de diminuer les crédits consacrés aux appels en garantie pour le PGE. Nous avons la certitude qu'ils ne seront pas mobilisés autant que nous le pensions en 2021, d'autant que les entreprises qui le souhaitent peuvent reporter la première échéance de remboursement de ce prêt, ce qui repousse automatiquement le moment auquel la sinistralité pourrait être constatée. Le scénario dit stressé de la Banque de France retenait un taux de défaut des entreprises cotées plus que doublé par rapport à la normale, ce qui nous avait conduits à augmenter nos provisions, mais depuis les prévisions ont été actualisées dans un sens plus favorable.

S'agissant du programme 145 Épargne, la consommation de crédits disponibles en 2020 est inférieure à celle de 2019, puisqu'elle est passée de 72,8 à 57,8 millions d'euros. La décélération constatée depuis 2008 sur moyenne période s'est poursuivie en 2020. Cette tendance s'explique principalement par la baisse des primes d'épargne logement versées à la clôture des plans et comptes d'épargne logement, qui représentent 99 % des crédits du programme, elle-même liée à une faible mobilisation par les épargnants des prêts épargne logement, compte tenu du niveau très peu élevé des taux d'intérêt sur le marché.

J'en termine en évoquant le compte d'affectation spéciale Participations financières de l'État. Vous l'avez dit, madame la rapporteure spéciale, la gestion 2020 a été fortement affectée par la crise sanitaire. La loi de finances initiale pour 2020 avait doté le compte de 12,18 milliards d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, auxquels s'est ajouté le report du solde de 2019, soit 3,24 milliards d'euros. Afin d'assurer un niveau suffisant de recettes, la deuxième loi de finances rectificative a créé le programme 358, doté de 20 milliards d'euros, destiné à abonder les recettes du compte d'affectation spéciale. L'objectif était de renforcer les ressources des entreprises présentant un caractère stratégique. Ainsi, quatre opérations de soutien aux entreprises devenues vulnérables dans le contexte de crise ont été réalisées, pour un montant de 8,84 milliards d'euros.

Je ne partage pas tout à fait le sentiment que vous avez exprimé, madame la rapporteure spéciale, sur la très faible consommation de ces 20 milliards d'euros. Évidemment, 8,84 milliards sur 20 milliards, cela peut paraître peu, mais nous avions indiqué, dès le deuxième PLFR, avec Gérald Darmanin, que ces 20 milliards n'étaient pas destinés à couvrir la seule année 2020, mais les années 2020 et 2021, ce qui explique d'ailleurs les reports de crédits sur l'exercice 2021, que nous avons pu mobiliser dans le cadre du décret d'avance.

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Je remercie nos deux rapporteures spéciales pour leur travail remarquable et leur exposé passionnant, très clair, ainsi que M. le ministre délégué pour ses réponses précises.

Madame Peyrol, vous avez évoqué les émissions que la Commission européenne doit réaliser dans les mois à venir. Quel rôle joue l'AFT dans la construction de cette capacité de la Commission européenne, notamment en ce qui concerne l'émission d'OAT vertes ?

S'agissant de ces OAT vertes, vous avez évoqué une prime verte et des conditions financières dont nous devons nous féliciter. Pouvez-vous nous donner un peu plus de détails sur les différences entre les OAT vertes et les OAT traditionnelles ?

Vous avez également mentionné des problèmes, ou en tout cas des complexités administratives relatives à l'éco-PTZ. Vous avez souligné la nécessité de simplifier ce dispositif, notamment au regard des documents à fournir pour étayer le caractère vert d'un projet. Il s'agit en effet d'un sujet essentiel, que ce soit pour l'éco-PTZ ou pour des prêts commerciaux traditionnels. Des travaux sont-ils en cours pour essayer de systématiser l'identification du caractère vert d'un projet ? Aux Pays-Bas, par exemple, il existe des données publiques relatives aux émissions des bâtiments, ce qui permet aux différents acteurs d'obtenir automatiquement ce genre d'informations.

S'agissant enfin de la mise en minorité de l'État au conseil d'administration d'Engie, vous nous avez apporté, monsieur le ministre délégué, une réponse très claire : cet événement ne témoigne aucunement d'un manque d'influence, et l'État a assurément accompagné la mise en œuvre des décisions adoptées. Cependant, sur toute l'étendue de son portefeuille de participations, l'État a-t-il été mis en minorité plusieurs fois l'année dernière, ou cette situation est-elle vraiment exceptionnelle ?

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Je ne souscris pas entièrement aux explications apportées par M. le ministre délégué s'agissant de la mise en minorité de l'État au sein du conseil d'administration d'Engie. Il est exact que l'État a formulé des recommandations, ce qui est tout à fait son droit, mais je ne suis pas certaine qu'elles aient toutes été suivies. Néanmoins, je considère que lorsque l'État détient en direct 20 à 30 % des droits de vote, dans une entreprise telle qu'Engie, une mise en minorité est très délicate. Nous parlons de choix stratégiques en matière d'énergie et de transition écologique.

Y a-t-il eu des incidents similaires en 2020 ? À ma connaissance, non. D'habitude, les choses se passent plutôt bien. La stratégie actuelle de l'État consiste à détenir une minorité de blocage, soit seul, soit avec les actionnaires salariés. Cela fonctionne tant que la décision revient à l'assemblée générale ; lorsqu'elle échoit au conseil d'administration et que l'État y est moins représenté que d'autres actionnaires, il n'a plus son mot à dire. En 2016, lors du quinquennat précédent, l'État s'était retrouvé confronté à un pacte d'actionnaires dans le cadre de la privatisation de l'aéroport de Toulouse.

La mise en minorité de l'État au conseil d'administration d'Engie apparaît comme un cas isolé, mais elle est pour le moins ennuyeuse. Il y a là une question de gouvernance, qui mérite d'être posée. L'État doit s'affirmer, ce qui suppose qu'il suive une boussole claire et qu'il ait défini sa vision du secteur énergétique français.

Vous avez demandé, monsieur le rapporteur général, combien coûterait la réorganisation d'EDF. Elle coûtera quelques milliards d'euros. Parmi les 17 % du capital de l'entreprise présents sur le marché, 3 % sont détenus par les salariés et 3 % par des investisseurs bien identifiés ; le reste est détenu par des hedge funds et d'autres actionnaires qui peuvent avoir des stratégies d'arbitrage visant à faire monter les prix. La situation est donc un peu compliquée. S'agissant des négociations avec Bruxelles, M. le ministre délégué, qui est plus informé que moi, a répondu à votre question.

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L'année 2020 a été importante pour la mission Engagements financiers de l'État. Le PGE, dont la mise en place a été très rapide, semble avoir fonctionné au vu de la reprise que nous observons ces dernières semaines. Le programme 117 Charge de la dette et trésorerie de l'État a également été beaucoup mobilisé en 2020, avec un besoin de financement historique de 310 milliards d'euros. Nous saluons le professionnalisme des personnels de l'Agence France Trésor qui, au cœur de la crise, ont su maintenir les conditions favorables au financement de la dette française.

Trois ans après leur création, quel bilan pouvons-nous tirer des OAT vertes ?

Quel sera l'impact du relèvement récent des taux d'intérêt sur la stratégie de financement de la France dans les prochains mois ?

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Je partage les inquiétudes exprimées par les précédents orateurs s'agissant du risque de remontée des taux d'intérêt, si la tendance actuelle venait à s'amplifier dans les prochaines semaines et les prochains mois. Vous avez indiqué hier, monsieur le ministre délégué, que le taux moyen auquel l'État emprunte était passé de – 0,3 % au début de l'année 2021 à + 0,2 % aujourd'hui. Nous devons donc rester très vigilants.

Ma question porte sur le dispositif du PGE, que nous avons voté l'année dernière dans le cadre d'un projet de loi de finances rectificative. La garantie maximale de l'État s'élève à 300 milliards d'euros. Au 1er janvier 2021, le montant total des demandes recensées par les banques s'établissait à un peu plus de 133 milliards d'euros pour 638 000 bénéficiaires ; ce sont désormais 138 milliards d'euros qui ont été distribués par les banques à 670 000 bénéficiaires.

Les informations fournies à ce sujet par les projets et rapports annuels de performances dont nous disposons sont assez lacunaires, comme le souligne la Cour des comptes elle-même. Comptez-vous suivre sa recommandation, qui consiste à créer un indicateur de performance intégrant les prévisions de taux de défaillance des entreprises dans le remboursement du PGE ?

L'inquiétude s'installe s'agissant du remboursement de ces sommes. Le rapport d'information du sénateur Jean-François Husson indique que le Gouvernement table désormais sur une probabilité de défaut de 5,3 % sur l'ensemble de l'enveloppe de prêts octroyés – une hypothèse que vous venez de nous confirmer, monsieur le ministre délégué –, contre 4,6 % lors de l'examen du dernier projet de loi de finances. Pourriez-vous nous en dire plus ?

Par ailleurs, où en sont les négociations avec la Commission européenne au sujet de l'étalement du remboursement des PGE sur dix ans ? En cas d'échec, envisagez-vous de vous inspirer de la solution mise en œuvre par le gouvernement allemand, qui a confié à sa caisse des dépôts et consignations la gestion des prêts garantis par l'État, ce qui lui a permis d'étaler les remboursements sur dix ans sans passer par la case Europe ?

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Olivier Dussopt, ministre délégué

S'agissant de la mise en minorité de l'État actionnaire, je ferai la même réponse que Mme Rabault : à ma connaissance, il n'y a pas d'autre cas. Ma prudence s'explique par le fait que les positions exprimées au sein des conseils d'administration sont la plupart du temps confidentielles. J'ajoute qu'il est assez rare que l'État soit véritablement majoritaire, puisque 30 % des sièges sont généralement réservés aux administrateurs salariés.

Je confirme que le taux auquel les OAT vertes ont été émises est très légèrement inférieur au taux habituellement appliqué aux obligations contractées sur la même durée. Mais l'écart, en termes de coût pour l'État, se compte plus en centaines de milliers d'euros qu'en millions d'euros : la prime verte liée au niveau des taux n'est pas aussi significative que cela. En revanche, comme l'a rappelé Mme Peyrol, les OAT vertes se caractérisent par un taux de couverture très intéressant, qui nous permet d'avoir davantage de choix s'agissant de nos créanciers.

L'évolution des taux d'intérêt retient évidemment toute notre attention. Nous avons le sentiment qu'une part de cette hausse assez brutale – entre 40 et 50 points de base – s'explique par des tensions inflationnistes liées à la conjoncture marquée par la reprise très rapide en Asie et aux États-Unis. Cependant, il existe peut-être aussi un mouvement de fond, plus structurel, de retour à des taux positifs : nous sortirions ainsi d'une situation que nous étions nombreux à considérer comme étonnante. Je le disais tout à l'heure, la loi de finances pour 2021 prévoyait un horizon de taux à 0,3 % pour les obligations à dix ans. Nous sommes actuellement autour de 0,2 % : nous devons donc rester prudents, limiter à chaque fois que nous le pouvons le volume des émissions, et surtout conduire des politiques économique et budgétaire de nature à préserver la qualité de la signature française. N'ajoutons pas à cette remontée des taux, que tous les États subissent, des facteurs liés à nos choix et à nos décisions !

S'agissant enfin du PGE, le taux de sinistralité que vous avez rappelé, madame Lemoine, est juste : en dépit d'une très légère évolution, notre hypothèse se situe toujours aux alentours de 5 %, ce qui est tout à fait rassurant. Deux autres chiffres nous invitent à l'optimisme. D'une part, le PGE ne représente que 7 % de la dette des entreprises. D'autre part, beaucoup s'accordent à dire que 50 à 60 % des PGE souscrits n'ont pas été dépensés : la capacité de remboursement des entreprises concernées serait donc immédiate.

Le droit communautaire empêche normalement de prolonger la garantie d'État au-delà de six ans. L'Espagne a obtenu de la Commission européenne une dérogation lui permettant de porter cette garantie à huit ans, mais au prix d'une très forte hausse du coût de cette dernière et d'une baisse de la couverture publique. Par ailleurs, cette dérogation ne permet pas de modifier un prêt déjà accordé sans l'accord commun de la banque et de l'entreprise ; quand bien même il y aurait un accord, l'entreprise serait considérée comme faisant défaut. Pour toutes ces raisons, un tel aménagement nous paraît très difficile à mettre en place, voire préjudiciable. Aussi avons-nous cherché d'autres voies : comme l'a annoncé Bruno Le Maire mardi dernier, nous avons négocié avec la Commission et obtenu un accord aux termes duquel la garantie d'État peut accompagner un prêt lorsque le passif d'une entreprise est restructuré à l'occasion d'une procédure judiciaire préventive ou collective, sur toute la durée arrêtée par le juge – c'est donc dans ce cadre que devront s'inscrire d'éventuelles prolongations de la garantie d'État au-delà de six ans. Cette solution, qui permettra de traiter les PGE comme les autres dettes de l'entreprise lors d'une procédure judiciaire préventive ou collective, me paraît plus protectrice que la dérogation obtenue par l'Espagne. Voilà ce que nous mettons en œuvre dans le cadre du plan anti-faillites pour accompagner la reprise d'activité à la sortie du confinement.

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Nous terminons cette réunion par l'examen de la mission Plan d'urgence face à la crise sanitaire. Nos deux rapporteurs spéciaux, M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général de la commission des finances, et M. le président Éric Woerth, se sont intéressés au rythme d'engagement des crédits, aux éventuelles difficultés rencontrées dans leur décaissement et à la pertinence des outils du plan d'urgence.

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Le 23 mars 2020, une semaine après le début du tout premier confinement, nous votions une loi d'urgence et une loi de finances rectificative. C'est à ce moment que la mission Plan d'urgence face à la crise sanitaire a été créée, dans le but de financer les mesures de soutien exceptionnelles mais essentielles à la protection des entreprises et des emplois. Son périmètre et ses moyens ont été élargis au fur et à mesure des PLFR qui se sont succédés, pour abonder les programmes contenant les outils que nous connaissons bien maintenant.

Le Fonds de solidarité et l'activité partielle ont été créés en première loi de finances rectificative, et ils ont donné lieu à des décaissements à hauteur, respectivement, de 11,8 milliards et de 17,8 milliards d'euros en 2020. Nous avons voté, en deuxième loi de finances rectificative, des interventions en capital de l'État, qui ont financé quatre opérations majeures – les recapitalisations de la SNCF et d'Air France, le fonds de soutien à l'aéronautique et la souscription aux obligations vertes d'EDF –, pour un montant total de 8,3 milliards d'euros. Nous avons ensuite voté des allégements de cotisations sociales et des aides au paiement de ces dernières, pour 3,9 milliards d'euros en 2020. Au total, l'État a déboursé en 2020, sur le périmètre de la mission, une somme de 41,8 milliards d'euros, représentant près de 11 % des dépenses du budget général de l'État.

Outre les mesures du plan d'urgence, la création des prêts garantis par l'État (PGE), associée à une palette de dispositifs fiscaux, a permis de constituer une véritable boîte à outils, complète, dans laquelle les entreprises ont pu trouver des solutions adaptées à leurs spécificités. Entre mars et septembre 2020, 3,8 millions d'établissements employant 17 millions de salariés ont bénéficié de ces aides.

Je considère que le ciblage a été le bon. Surtout, je salue le travail progressif que nous avons accompli, avec l'ensemble des membres de la commission des finances, de la majorité comme de l'opposition, pour combler les « trous dans la raquette » dont nous avons si souvent parlé en séance et essayer d'aider au mieux les entreprises, les secteurs d'activité en difficulté et les salariés qui en dépendent.

Un comité de suivi et d'évaluation des mesures de soutien financier aux entreprises confrontées à l'épidémie de covid-19, présidé par Benoît Cœuré, a été installé. J'y siège aux côtés d'Éric Woerth et d'Anne-Laure Cattelot. Cette instance a montré que, quel que soit le dispositif de soutien considéré, plus de 80 % des entreprises aidées comptent moins de 250 salariés. Je veux vraiment insister sur ce point : je ne peux pas laisser dire que nos PME et TPE auraient été les oubliées des outils, notamment fiscaux, que nous avons mis en place. Ces mêmes entreprises concentrent par ailleurs, à chaque fois, plus de 70 % du montant total des aides.

La crise a mis en lumière la capacité de l'État à trouver, dans l'urgence, des solutions innovantes, efficaces et rapides. Je veux aussi saluer le travail des agents de l'État dans les territoires, qui a permis un décaissement rapide des aides du Fonds de solidarité, pour ce qui concerne la direction générale des finances publiques (DGFiP), et de celles de l'activité partielle, pour ce qui concerne les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE).

J'entends un certain nombre de critiques concernant le calibrage des aides ou de leur montantqui n'auraient pas toujours été adaptés. Ce débat est légitime, et nous l'aurons encore la semaine prochaine, à l'occasion de l'examen du nouveau PLFR. Il s'agit là de questions très importantes, et même fondamentales : derrière ces dispositifs, il y a des vies, des salariés, des ménages. Cependant, le Haut Conseil des finances publiques a reconnu la sincérité des mesures que nous avons votées. Pour chaque programme, nous demandons au Gouvernement de transmettre au Parlement les informations relatives aux crédits financés au titre de l'année 2020, en complément des montants décaissés pendant l'année – c'est là notre travail de parlementaires, en particulier dans le cadre de ces commissions d'évaluation des politiques publiques.

C'est en effet sur l'application du principe d'annualité que porte ma principale critique. L'intégralité des 28,8 milliards d'euros non consommés en 2020 sur la mission Plan d'urgence face à la crise sanitaire ont été reportés sur l'exercice 2021. Je comprends très bien la difficulté d'anticiper avec précision les montants nécessaires, que j'ai moi-même souvent soulignée, mais un tel report pose un problème de sincérité budgétaire.

Au 31 mai 2021, près de 20 milliards d'euros ont déjà été décaissés alors que nous nous apprêtons à examiner la première loi de finances rectificative pour 2021.

Le rebond économique vigoureux du troisième trimestre 2020, au cours duquel le taux de croissance du PIB a dépassé 18 %, et celui que nous observons ces dernières semaines confirment que le soutien apporté par l'État dans le cadre des mesures d'urgence puis du plan de relance est essentiel pour maintenir à flot notre tissu économique et accompagner la reprise. Les indicateurs économiques relatifs au nombre de défaillances, au niveau du chômage, de l'épargne et de l'investissement portent à croire que la reprise permettra d'effacer les stigmates laissés par la crise.

Urgence et relance ont eu et auront pour objectif non seulement de maintenir notre tissu économique – en ce sens, c'est une réussite –, mais aussi de le moderniser et de lui donner de nouvelles directions – c'est en bonne voie.

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Comme M. Saint-Martin, j'aimerais tout d'abord saluer le travail utile et très fouillé réalisé par le comité de suivi présidé par Benoît Cœuré. Ce travail se poursuivra dans le cadre de la relance. Nous avons, en tout cas, tous les éléments pour nous permettre de commencer à évaluer les mesures que nous avons prises et tirer les leçons de cette crise.

Sur les 70,6 milliards d'euros de crédits disponibles au sein de la mission Plan d'urgence face à la crise sanitaire, 41,8 milliards ont été consommés en 2020 et 28,8 milliards ont été reportés sur l'exercice 2021. Je souscris à la remarque de Laurent Saint-Martin sur le niveau élevé de ces reports.

On compte également 7,9 milliards d'euros de dépenses nettes liées à la crise ouverts sur d'autres lignes budgétaires. Ainsi, 16 % des dépenses effectuées en 2020 pour répondre à la crise sont inscrites en dehors de la mission Plan d'urgence face à la crise sanitaire, ce qui n'est pas un facteur de lisibilité budgétaire.

Le Fonds de solidarité est le vaisseau amiral du plan d'urgence, puisque c'est lui qui permet aux entreprises de se maintenir à flot. Si 11,8 milliards d'euros ont été consommés l'année dernière, ce sont 15,3 milliards qui sont finalement rattachés à l'exercice 2020. Le dispositif a beaucoup évolué et devient de plus en plus complexe au fur et à mesure que l'on cible les mesures pour essayer de combler les manques. Il faudra mettre fin à cette complexité, et la meilleure façon de le faire sera tout simplement de supprimer le Fonds de solidarité ! J'espère que ce moment viendra bientôt : cela voudra dire que nous serons sortis de la crise.

En soutenant le fonctionnement et l'exploitation des entreprises, nous avons augmenté la dette publique. Cependant, le niveau de la dette privée constituera aussi un défi pour notre pays, car les comptes des entreprises garderont longtemps les stigmates de la crise. Aussi, monsieur le ministre délégué, consentirez-vous à renégocier encore les PGE ? Quelle est votre marge de manœuvre en la matière ? Je pense aussi aux dettes sociales des entreprises, notamment envers l'URSSAF, qui sont importantes. Ainsi, 21,4 milliards d'euros de cotisations sociales restent dus, et près de 70 % de ce montant concerne des entreprises de moins de 250 salariés. Que comptez-vous faire ? Pouvez-vous donner un peu de visibilité aux entreprises confrontées à ce problème de dette privée, notamment de dette sociale ?

Lorsque nous vous avons auditionné hier au sujet du PLFR pour 2021, nous avons bien perçu la zone grise entre relance et urgence. Nous prenons encore des mesures d'urgence quand il faudrait déployer totalement des mesures de relance. Vous me direz peut-être que ce n'est pas contradictoire, mais en matière de finances publiques, cela est très pesant. Comment allez-vous, au mieux, essayer de cantonner ces dernières mesures d'urgence ? Je parlais hier d'« ambiance dépensière » : ce n'est pas une simple formule, mais un constat, certes critique. Les dépenses appellent les dépenses, et les dépenses d'urgence et de relance appellent, en réalité, à la dépense tous azimuts. J'invite le Gouvernement à ne pas céder à ces sirènes assez classiques, qui prennent aujourd'hui des dimensions tout à fait inhabituelles.

Le défi consiste à lever progressivement le dispositif d'urgence, avec une phase de transition clairement identifiée. C'est, je pense, l'intention du Gouvernement, mais je souhaiterais que les choses soient encore plus claires. Si j'ai bien compris, vous allez créer un conseil national de sortie de crise. Quelle sera sa composition, et quels objectifs allez-vous lui assigner ?

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Olivier Dussopt, ministre délégué

Messieurs les rapporteurs spéciaux, à l'exception de vos questions, auxquelles je vais tenter de répondre, je souscris à l'ensemble de votre rapport, que ce soit sur les chiffres, sur le rythme des dépenses, sur l'efficacité de ces dernières, sur l'opportunité de disposer d'un comité de suivi tel que celui présidé par Benoît Cœuré ou sur les inquiétudes et points d'attention que vous avez voulu souligner.

En 2020, nous avons répondu la crise par des mesures exceptionnelles contenues dans la mission Plan d'urgence face à la crise sanitaire dont nous discutons cet après-midi. Cette mission a été créée dès le premier PLFR, et ses crédits ont été abondés par les différents textes budgétaires qui ont suivi – ils l'ont encore été récemment, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021, et ils le seront encore prochainement dans le PLFR que le Gouvernement vient de déposer.

Celui-ci a ainsi mis en place l'activité partielle « covid », un dispositif de crise parmi les plus protecteurs du monde, financé par l'État pour deux tiers et par le régime de l'assurance chômage pour un tiers. Il a couvert intégralement, pour les entreprises qui en ont fait la demande, l'arrêt d'activité des salariés jusqu'à 4,5 SMIC. Encore en vigueur aujourd'hui, il a permis de préserver les emplois et les compétences de millions de Français. Ainsi, au pic de la crise, en avril 2020, 8,6 millions de salariés étaient placés en activité partielle, pour un coût mensuel de près de 9 milliards d'euros.

Ce dispositif a des effets économiques considérables. Tout d'abord, il a permis de maintenir le pouvoir d'achat de millions de Français – le pouvoir d'achat des ménages a même légèrement progressé en 2020, puisqu'il a augmenté de 0,4 % malgré une perte d'activité de 8 %. Il a surtout préservé les emplois et les compétences, tirant ainsi les enseignements de la dernière crise financière sur la nécessité de sauver les emplois viables et de conserver notre potentiel de croissance.

C'est le programme Prise en charge du dispositif exceptionnel de chômage partiel à la suite de la crise sanitaire qui a assuré le financement de la part État de l'activité partielle. Au total, 17,8 milliards d'euros ont été dépensés en 2020, sur les 22,63 milliards d'euros de crédits que vous aviez accepté d'ouvrir dans le cadre des quatre PLFR.

L'exécution de la mission Plan d'urgence face à la crise sanitaire traduit aussi la réactivité dont a fait preuve l'État, en créant notamment le Fonds de solidarité pour les entreprises, institué pour une durée initiale de trois mois puis prolongé jusqu'au 31 décembre 2020 et au 30 juin 2021 – le PLFR que nous venons de déposer prévoit de le prolonger jusqu'au 31 août. Tout à fait adapté pour répondre aux effets de la crise, ce fonds était d'abord destiné aux très petites entreprises, auxquelles il a apporté une réponse rapide permettant leur survie lorsque tout s'est arrêté. En versant jusqu'à 1 500 euros à 1,5 million d'entreprises en avril 2020, la DGFIP, dont je souhaite saluer le travail, a posé un filet de sécurité essentiel pour les petites entreprises. Le fonds a été renforcé à partir d'octobre 2020 pour s'adapter à la crise qui durait, le plafond mensuel de l'aide passant à 10 000 euros puis à 200 000 euros en décembre. Nous avons dû accroître les niveaux de contrôle sur les sommes les plus élevées, tout en restant réactifs et en versant l'immense majorité des aides dans des délais que très peu d'organisations auraient pu respecter. Ce fonds a aussi permis une action concertée avec les régions, qui y ont participé à hauteur de 400 millions d'euros. Nous avons veillé à ce qu'il puisse répondre à l'ensemble des entreprises qui rencontraient des difficultés.

Les lois de finances rectificatives successives sont venues abonder, en cours de gestion, ce programme à mesure de la consommation des crédits et de la révision par décret des règles d'éligibilité aux aides fixées par l'État en réponse à la crise sanitaire. En 2020, le fonds a disposé d'une ressource de 19,73 milliards d'euros, en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement. La consommation 2020 s'est établie à 11,81 milliards d'euros, laissant un solde de 7,92 milliards d'euros. Au 31 décembre, les aides versées au titre du volet 1 répondent à 6,3 millions de demandes de paiement, pour un versement global de près de 11,6 milliards d'euros. Les aides versées au titre du volet 2, cogéré avec les régions, représentent 55 000 demandes de paiement, pour un montant total de 261 millions d'euros.

Pour 2021, la loi de finances initiale ne prévoyait pas de crédits au titre du Fonds de solidarité, mais nous vous avons proposé d'abonder cette ligne par amendement, à hauteur de 5,6 milliards d'euros. Pour compléter son financement, un décret d'avance a également ajouté des crédits au dispositif ; le PLFR propose de le faire à nouveau.

L'État a aussi permis le maintien de l'activité économique grâce au programme Compensation à la sécurité sociale des allègements de prélèvements pour les entreprises les plus touchées par la crise sanitaire. Les exonérations de cotisations sociales ont évidemment encouragé la poursuite d'activité, alors même que les conditions économiques avaient drastiquement changé. Une somme de 3,9 milliards d'euros a été décaissée sur ce programme en 2020, ce qui correspond à la compensation par l'État à la sécurité sociale des exonérations et au paiement de cotisations patronales en 2020. Ce montant est inférieur à ce qui avait été déclaré jusqu'ici au titre de 2020, à savoir 4,9 milliards d'euros ; la différence s'explique par le fait que certaines déclarations ont été faites par les entreprises de façon rétroactive, en 2021, et que la compensation votée en 2020 ne correspondait qu'à une première évaluation. C'est la raison pour laquelle nous vous proposons d'inscrire 4 milliards d'euros supplémentaires dans le cadre du prochain PLFR.

Je précise que la prise en compte de la perte d'activité du mois de décembre s'est traduite par le versement, en janvier 2021, de 4,3 milliards d'euros d'aides au titre du Fonds de solidarité. Cela vient à nouveau souligner le fait que les réponses à la crise se traduisent par des dépenses sur deux annuités budgétaires.

S'agissant des participations financières de l'État, j'ai évoqué tout à l'heure la création du programme Renforcement exceptionnel des participations financières de l'État dans le cadre de la crise sanitaire, doté de 20 milliards d'euros.

Nous avons veillé à prendre en considération certaines questions. Afin d'assurer le suivi des aides, nous avons élargi le champ de compétences du comité Cœuré à l'évaluation des mesures prévues dans le plan de relance. Par ailleurs, nous installerons un conseil national de sortie de crise, qui sera composé des signataires du plan d'action visant à la prévention des faillites, conclu mardi à Bercy par Bruno Le Maire et Éric Dupond-Moretti, à savoir des représentants des ministères, de la Banque de France, des professions du chiffre et du droit, des fédérations d'entreprises et des établissements bancaires. Les parlementaires pourront y être associés, comme ils l'ont été mardi ; nous y veillerons.

S'agissant de la sortie des aides, nous avons d'ores et déjà publié un calendrier pour les mois de mai, juin, juillet et août, afin de donner de la visibilité aux entreprises. La prise en charge du différentiel entre le chiffre d'affaires réalisé et le chiffre d'affaires de référence passera de 40 % en juin à 30 % en juillet et 20 % en août. De même, nous augmenterons progressivement le reste à charge des employeurs dans le cadre de l'activité partielle, afin de rejoindre les taux habituels et d'encourager le recours à l'activité partielle de longue durée (APLD) quand c'est nécessaire. Nous proposons cette sortie progressive des mesures d'urgence de manière que celles-ci arrivent à extinction lorsque la crise sera finie.

Enfin, j'aimerais aborder trois points soulevés par les rapporteurs spéciaux.

S'agissant des principes de sincérité et d'annualité budgétaires, les crédits inscrits dans les projets de loi de finances rectificative adoptés en 2020 étaient significatifs. Ils ont fait l'objet d'un report, à hauteur de 28,8 milliards d'euros, ce qui dégradera d'autant le déficit budgétaire de l'État dans le projet de loi de finances rectificative pour 2021. Cette situation, nous aurions préféré l'éviter, mais nous l'assumons, dans la mesure où elle est le fruit de la prudence dont nous avons fait preuve en nous fixant, à chaque projet de loi de finances rectificative pour 2020, la priorité absolue de ne jamais manquer de trésorerie pour financer les mesures d'urgence.

Lors de l'examen du quatrième d'entre eux, nous avions retenu l'hypothèse la plus pessimiste d'un confinement en novembre et en décembre, induisant une perte d'activité de vingt points. Le confinement a été décrété pour le seul mois de novembre, et la perte d'activité a été limitée, si je puis dire, à 11 %. Quant aux mesures de restriction de déplacement adoptées en décembre, elles ont provoqué une perte d'activité comprise entre 7 % et 8 %. Tout cela explique le fort décalage entre les crédits que nous avions proposé d'inscrire au budget pour assurer le financement de ces deux mois et leur consommation effective.

Les crédits que nous proposerons d'inscrire au budget dans le projet de loi de finances rectificative qui sera examiné la semaine prochaine nous semblent calibrés pour répondre aux besoins en financement de la sortie progressive de la crise. Si, par un malheur que personne ne souhaite, nous étions confrontés à une nouvelle difficulté, nous reviendrions devant le Parlement. Si, par bonheur, la reprise d'activité était plus forte que ce que nous imaginons, et les dispositifs d'aide moins sollicités que prévu, je serais tout aussi contrit de l'écart entre la prévision et la réalisation, mais très heureux de constater une reprise plus rapide que prévu.

Avant d'en venir à la dette fiscale et à la dette sociale, notamment au lien entre dette publique et dette privée, j'évoquerai brièvement les PGE. Nous considérons favorablement l'accord, obtenu de la Commission européenne, permettant au juge, dans le cadre d'une procédure collective ou de protection, d'intégrer les PGE dans les dettes pouvant faire l'objet d'un échelonnement plus long. Il nous semble meilleur que celui obtenu par d'autres États membres. Nous sommes assez convaincus que nos prévisions de sinistralité se vérifieront, dans la mesure où les indicateurs dont nous disposons démontrent que les entreprises ont une bonne capacité à rembourser les PGE. Au demeurant, des chiffres récemment publiés démontrent que les PME, notamment celles de notre pays, ont connu un exercice 2020 caractérisé par un niveau de résultat très encourageant, au moins aussi bon que celui de l'année 2019.

En ce qui concerne la dette fiscale, nous sommes rassurés par les chiffres dont nous disposons. Sous l'angle macroéconomique, la dette fiscale des entreprises est à peu près égale à celle constatée à la fin de l'année 2019. La période de crise que nous avons traversée n'a pas provoqué son augmentation.

La dette sociale, en revanche, a augmenté. Elle s'élève à 18 milliards d'euros, et résulte de la différence entre les reports et les exonérations que nous avons accordés, d'une part, et, d'autre part, le reste à payer à la charge des entreprises. Ces 18 milliards d'euros sont répartis comme suit : 11,5 milliards sur les cotisations employeurs dues à l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) et 6,5 milliards sur les cotisations employeurs des travailleurs indépendants.

Dès le mois de mars dernier, nous avons commencé à envoyer des plans d'apurement aux entreprises, échelonnant leurs paiements sur douze, vingt-quatre ou trente-six mois. Plus de 90 % des 238 000 entreprises concernées les ont acceptés tels quels. La part de celles avec lesquelles nous ne parvenons pas à trouver un compromis sur la nature du plan d'apurement est très minoritaire, inférieure à 1,5 %.

S'agissant des travailleurs indépendants, nous avons annoncé il y a dix jours les modalités d'apurement de leur dette sociale. Les premiers plans d'apurement seront envoyés à partir du 1er juillet, en priorité à ceux qui ont été le moins touchés par la crise. Pour illustrer notre volonté de surseoir à l'envoi de plans d'apurement dans les secteurs d'activité les plus touchés par la crise, il me suffit d'indiquer que, s'agissant des travailleurs indépendants des secteurs S1 et S1 bis, la date d'envoi et les modalités des plans d'apurement ne sont pas encore arrêtées. Il faut en effet laisser aux entreprises ayant repris leur activité depuis quelques jours le temps de se reconstituer et de retrouver une activité classique.

En tout état de cause, il s'agira de plans d'apurement longs. D'habitude, ils s'étalent sur six mois ; ils dureront entre douze et trente-six mois. Par ailleurs, j'ai demandé à l'URSSAF de faire en sorte que toute dette d'un travailleur indépendant supérieure à 1 000 euros fasse l'objet d'un plan d'apurement d'une durée minimale de vingt-quatre mois. Bien entendu, un travailleur indépendant ou une société souhaitant rembourser sa dette sociale à un rythme plus rapide que celui que nous proposons peut en faire la demande – ce cas de figure existe.

Nous prendrons le temps de mettre en œuvre ces plans d'apurement, en prenant toutes les précautions nécessaires. Nous commencerons par ceux des travailleurs indépendants qui ont été le moins touchés par la crise, car leurs dettes sont parmi les plus élevées. En effet, nous avons reporté d'office les cotisations et les échéances de beaucoup d'entre eux, y compris ceux dont l'activité n'était pas arrêtée. Par ailleurs, à partir du mois d'août 2020, nous avons d'autorité divisé par deux l'assiette de cotisations pour tenir compte de la baisse d'activité en 2020, dans la mesure où les échéances des travailleurs indépendants sont calculées sur la base de leurs revenus de l'année précédente. Tous les travailleurs indépendants ont bénéficié de cette mesure. Ainsi, ceux dont l'activité s'est poursuivie normalement ont versé une cotisation inférieure de moitié à celle qu'ils auraient dû acquitter. C'est pourquoi les travailleurs indépendants les moins touchés par la crise ont potentiellement la dette sociale la plus élevée. La mise en œuvre des plans d'apurement exige de combiner leur durée et la prise en compte de ces régularisations, pratiquées chaque année.

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Monsieur le ministre délégué, vous nous avez permis de vérifier que des moyens considérables ont été octroyés pour financer les dispositifs d'urgence dans le cadre de la mission budgétaire Plan d'urgence face à la crise sanitaire. Des ressources supplémentaires importantes ont été débloquées par les lois de finances rectificatives que nous avons adoptées. Nous ne pouvons que nous féliciter de la rapide mise en œuvre de ces dispositifs, du point de vue tant financier qu'opérationnel, comme l'a rappelé la Cour des comptes. L'État a fait preuve de réactivité : il a été au rendez-vous.

S'agissant du Fonds de solidarité, la Cour des comptes a rappelé qu'il a été très utilisé par les entreprises, ce qui a provoqué une forte hausse des dépenses à la fin de l'année 2020. Nous devons éviter que les entreprises bénéficiaires ne subissent un choc de trésorerie.

Sur la question de l'emploi, vous avez annoncé le rechargement des crédits pour continuer à soutenir le dispositif de chômage partiel, ce qui est une bonne chose. Quelles lignes directrices fixez-vous pour l'accompagnement des entreprises dans la sortie de crise et le retrait progressif des aides d'urgence ? Comment y intégrez-vous l'enjeu de la préservation de l'emploi à long terme ? Il s'agit d'une question cruciale, notamment dans les secteurs où des entreprises ont fait faillite, tel le secteur aéroportuaire.

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D'après le rapport d'étape de Benoît Cœuré, la dette sociale des entreprises s'élève à 21,4 milliards d'euros. Le chiffre de 18 milliards que vous avancez en serait-il une version mise à jour ?

Dans ces 18 milliards d'euros, combien représente le report des échéances dues à l'URSSAF depuis plus de douze mois, et le report des échéances des entreprises de moins de 250 salariés ?

S'agissant des aides au paiement des cotisations sociales dans la limite de 20 % des revenus d'activité, quelle est leur durée de validité ?

Par ailleurs, des primes exceptionnelles ont été versées aux « permittents », qui enchaînent les contrats courts et les périodes de chômage. De nombreux parlementaires ont appelé l'attention sur leur situation. Quel bilan peut-on en tirer ?

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J'aimerais interroger MM. les rapporteurs spéciaux sur le comité de suivi et d'évaluation des mesures de soutien aux entreprises auquel ils ont participé. Ce comité a mobilisé énormément de données pour émettre un avis très détaillé sur le déploiement des aides. Quels sont les principaux enseignements de ces travaux ?

Monsieur le ministre délégué, je vous remercie des explications très claires que vous avez données sur les plans d'apurement. J'aimerais obtenir des précisions sur le rythme de reprise des assignations des organismes sociaux et fiscaux, qui sont interrompues depuis le début de la crise, que les entreprises aient bénéficié ou non des mesures dont nous parlons.

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Ma première question a été posée par le président Woerth : quelle est la part de la dette sociale des entreprises de moins de 250 salariés dans le montant total de 18 milliards d'euros ? Pourquoi ne sont-elles pas éligibles aux dispositifs d'exonération ?

La deuxième porte sur le calibrage de la prise en charge du chômage partiel. Le rapport annuel de performance (RAP) indique, aux pages 16 et 17, que son montant a été calculé sur la base d'une prévision de 1,6 milliard d'heures. Elle a bénéficié à 1,8 milliard d'heures, soit plus que prévu. Pourtant, les montants budgétaires dépensés sont moins élevés que prévu. Comment expliquer cet état de fait ?

Enfin, d'après les indicateurs 2.2, « Niveau moyen de l'exonération de cotisations et contributions sociales », et 2.4, « Niveau moyen de l'aide au paiement de cotisations et contributions sociales », présentés aux pages 66 et 67 du RAP, le nombre d'établissements et de travailleurs indépendants bénéficiaires s'élève à 413 605, mais le taux moyen d'aide est respectivement de 3,98 %et de 5,69 %. J'aimerais obtenir des précisions sur ce que recouvrent ces deux indicateurs, dont je ne comprends pas comment ils s'emboîtent. S'agit-il de cotisations sociales dont le non-paiement est acquis ou sont-elles en partie dues ?

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Monsieur le ministre délégué, je vous interrogerai sur la conditionnalité des aides aux entreprises. Si nous saluons les mesures d'urgence, nous nous interrogeons, compte tenu de l'effort budgétaire qu'elles représentent, sur la distribution sans distinction des aides.

Deux rapports publiés à ce sujet, l'un de l'Assemblée nationale, l'autre intitulé « Allô Bercy ? », soulèvent des questions. Par exemple, Air France a reçu, outre les aides au titre du chômage partiel, 3 milliards d'euros au titre du plan d'urgence ; son PDG a perçu un bonus de 800 000 euros. Pourtant, le rapport d'information de notre assemblée sur la conditionnalité des aides aux entreprises indique : « Toute aide publique dont l'objectif est de maintenir l'existence d'une entreprise devrait être conditionnée à un encadrement de la hausse des rémunérations (fixes ou variables) de ses dirigeants ». Ce cas est loin d'être isolé. Quelles dispositions pouvons-nous prendre pour assurer un suivi sérieux des aides accordées aux entreprises du CAC 40, afin de distinguer celles qui en ont véritablement besoin et celles qui font partie des profiteurs d'aides, sinon de crise ?

Un autre point suscite une interrogation, balayée d'un revers de main par M. le rapporteur général, qui y voit un gage de sincérité : le hiatus entre les crédits prévus pour la mission, d'un montant de 70 milliards d'euros, et la sous-exécution de 28 milliards, soit plus d'un tiers. Comment justifiez-vous un tel écart ?

Ma troisième question porte sur l'iniquité du seuil d'accessibilité au Fonds de solidarité, initialement fixé à 50 % du chiffre d'affaires de référence, ce qui a fortement pénalisé les travailleurs indépendants dont les pertes étaient inférieures à ce seuil, et dont la rémunération était inférieure au SMIC, ce qui les a placés en deçà du seuil de pauvreté. Ce seuil d'accessibilité a été aménagé. Peut-on compenser les effets du précédent ? Pourquoi a-t-il été retenu ? Pourquoi le modifier à présent ? Est-ce en raison de la diminution des aides à verser ?

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Olivier Dussopt, ministre délégué

S'agissant de la sortie des aides d'urgence, je le répète, nous maintenons le dispositif pour le mois de mai, en dépit du déconfinement. Les critères d'éligibilité et les niveaux d'indemnisation, qu'il s'agisse du Fonds de solidarité ou du chômage partiel, sont inchangés. En juin, juillet et août, les aides seront dégressives. Elles tiendront toujours compte de la perte de chiffre d'affaires par rapport au mois de référence, mais l'indemnisation sera plafonnée à 40 % du chiffre d'affaires pour le mois de juin, à 30 % pour le mois de juillet et à 20 % pour le mois d'août. Par ailleurs, le reste à charge pour les employeurs augmentera progressivement au cours des mêmes mois, par tranche de 10 % à 15 %. Nous veillerons à ce que les entreprises des secteurs dits protégés, S1 et S1 bis, qui subiraient des pertes ou des restrictions d'activité soient protégés plus longuement.

Nous sommes prêts à examiner à la rentrée la situation de secteurs particulièrement touchés à long terme. Tel est notamment le cas de l'aéronautique et, peut-être – nous ne le souhaitons pas –, de l'événementiel. Pour les entreprises de ces secteurs, nous mettrons en œuvre les dispositifs prévus depuis plusieurs mois, qui n'ont pas été mobilisés directement, en dépit des accords relatifs au recours à l'APLD, pour accompagner des pertes durables d'activité, étalées sur plusieurs mois.

Par ailleurs, le dispositif anti-faillites comporte des dispositions d'ordre juridique sur la durée des procédures et sur l'intégration des PGE dans les dettes susceptibles d'être traitées par les juges des tribunaux de commerce. En outre, nous proposons d'augmenter de 600 millions d'euros le Fonds de développement économique et social (FDES), déjà doté de 2,4 milliards d'euros, pour augmenter la capacité d'intervention de l'État en fonds propres ou par le biais de prêts à très long terme, susceptibles d'être considérés comme des quasi-fonds propres.

Enfin, je précise – cela répond à l'une des questions posées par le président Woerth – que nous maintenons une aide au paiement des cotisations sociales, non à 20 % mais à 15 %, pour les mois de juin, juillet et août. Voilà comment nous concevons la sortie progressive des aides.

Plusieurs questions portent sur la façon dont nous comptons apurer la dette sociale, dont le montant global de 18 milliards d'euros est réparti pour 11,5 milliards sur les sociétés et pour 6,5 milliards sur les travailleurs indépendants. Ces 18 milliards représentent la dette nette des exonérations de cotisations et contributions sociales. De fait, le montant des reports et des suspensions de cotisations est bien plus élevé, de l'ordre de 26 ou 27 milliards d'euros.

S'agissant des indicateurs cités par la présidente Rabault, l'aide au paiement de cotisations et contributions sociales a coûté plus cher que leur exonération, car elle ne dépend pas de la rémunération des salaires. En effet, il n'y a rien à exonérer pour les salaires qui sont au niveau du SMIC, sur lesquels ne pèse aucune cotisation patronale. Ainsi s'explique l'écart entre les deux taux : c'est le fruit des allégements généraux.

Sur le nombre d'heures de chômage partiel déclarées, les chiffres de 1,6 milliard et de 1,8 milliard d'heures portent sur la période allant de mars à mai 2020. Il est un peu tôt pour tirer des conclusions à ce sujet. Pour l'heure, nous ne savons pas expliquer cette différence de coût horaire. Nous y travaillons. Nous manquons de recul, car le délai accordé aux entreprises pour demander le bénéfice du financement de l'activité partielle est très long.

Jean-Noël Barrot m'a interrogé sur la reprise des assignations. Nous n'avons pas fixé de calendrier ; nous le ferons avec la plus grande prudence et la plus grande bienveillance. Cette question n'est pas sans rapport avec les plans d'apurement de la dette sociale, dans lesquels nous avons intégré, compte tenu de leur durée supérieure à la durée normale, les dettes sociales antérieures à la crise du covid-19, ce qui constitue une aide pour de nombreuses entreprises.

S'agissant de la répartition des 11,5 milliards de dette sociale des sociétés en fonction de leur taille, nous manquons de recul pour l'établir.

Les primes exceptionnelles versées aux « permittents » sont reconduites jusqu'à la fin du mois d'août. Leur coût total est estimé à 1,9 milliard d'euros. Nous aurons certainement l'occasion de compléter ces informations pour parfaire notre analyse du dispositif.

Mme Rubin m'a interrogé sur la conditionnalité des aides publiques versées aux entreprises. Nous avons demandé à celles qui en bénéficient de ne pas verser de dividendes. Cette exigence faisait partie des clauses incontournables attachées aux PGE aux montants les plus élevés. Les entreprises, publiques et privées, l'ont respectée. Pour nous, la première conditionnalité était la survie des entreprises. Il s'agissait de les aider à passer la crise économique. Nous avons opté pour un système simple, applicable le plus rapidement et le plus automatiquement possible. S'agissant de la sous-exécution des crédits votés en 2020, j'en ai explicité la raison dans ma réponse à MM. les rapporteurs spéciaux.

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La réponse de M. le ministre délégué ne me satisfait qu'à moitié. Le comité Cœuré a réalisé un travail très fin, mobilisant de nombreuses données. Le résumer oblige à s'en tenir à des considérations très générales. Il permet de faire des comparaisons entre nos dispositifs – PGE, Fonds de solidarité pour les entreprises et indépendants et activité partielle – et ceux adoptés par d'autres pays. Par ailleurs, il démontre que les aides ont profité à tout le spectre des entreprises, et non aux seules grandes entreprises. J'apporte cette précision car on entend souvent dire que les aides vont aux riches plutôt qu'aux pauvres.

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Je ne vise personne. D'ailleurs, on peut être grand sans être riche.

Les bénéfices de l'aide aux entreprises sont répartis des grandes entreprises aux TPE. En outre, ceux qui ont analysé la question excluent le risque d'apparition d'« entreprises zombies », empruntant sans jamais pouvoir rembourser. Enfin, le comité Cœuré a abordé la question de la mesure de l'efficacité des aides, qui suppose de disposer de davantage de recul. Le rapport d'étape consacre notamment de longs développements à ce qui se serait passé en l'absence d'aides.

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Sur la forme, j'ai particulièrement apprécié l'efficacité du comité Cœuré, à laquelle j'attribue valeur d'exemple. Les participants étaient nombreux, des représentants syndicaux aux élus en passant par les membres des administrations. Benoît Cœuré a fait preuve d'une faculté à recentrer régulièrement les débats sur le sujet de l'efficacité des aides aux entreprises, ce qui était très agréable. Nous avons connu des comités au cours desquels les participants tenaient des propos généraux et politiques un peu décentrés par rapport au sujet à traiter, si intéressants soient-ils. La force de ce comité est d'être resté concentré sur son objet, consistant à déterminer si les aides ont été versées, si elles ont atteint leur cible et si leur absence aurait provoqué une perte accrue en matière de valeur et d'emplois.

Sur le fond, j'en retiens que le taux de défaillance, grâce aux aides d'urgence, a résisté, et même davantage. La casse a été moindre qu'en année normale : nous avons dénombré environ 35 000 défaillances d'entreprises, contre environ 50 000 habituellement. Ce constat nous permet d'anticiper, en 2021 et en 2022, un nombre de défaillances plus élevé qu'à l'accoutumée, en raison d'un effet de déstockage. Nous avons permis à des entreprises de survivre, diminuant d'autant le nombre de procédures collectives qu'aurait induit un cycle économique normal. Il sera donc nécessaire, dans les procédures collectives à venir, de procéder à des accompagnements ciblés et bien anticipés, conformément à ce qu'ont annoncé M. le garde des sceaux et M. le ministre de l'économie.

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Olivier Dussopt, ministre délégué

Je souhaite apporter deux précisions complémentaires.

En matière de défaillances d'entreprises, leur niveau de 2020 est inférieur à celui de 2019, qui était déjà une année très particulière, au cours de laquelle leur nombre s'est élevé à 40 000, soit un plus bas historique.

Ma deuxième précision est plus rassurante. Si nous ne savons pas maîtriser l'effet de rattrapage qui aura lieu, nos discussions avec les administrateurs et les mandataires judiciaires ont démontré que les « entreprises zombies » sont, dans leur immense majorité – à plus de 90 % –, de très petites entreprises. Le plus souvent, elles ont pour seul salarié l'entrepreneur ou le gérant de l'entreprise, ou ne comptent que deux ou trois salariés. Le sort de ceux qui perdent leur emploi est toujours dramatique. Toutefois, en matière d'effet sur l'emploi, cela signifie que les choses seront plus mesurées qu'en cas de vague de plans sociaux. De même, l'effet sur le PIB sera limité, car les entreprises que leur fragilité exposait au risque de défaut en 2020, maintenues en activité grâce aux aides d'urgence liées à la crise du covid-19, avaient déjà une activité très faible auparavant, et une participation au PIB assez limitée.

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Ne pourrait-on pas appliquer l'état d'esprit d'ouverture et d'échange qui semble caractériser ce fameux comité Cœuré aux entreprises du CAC40, afin de cibler celles qui ont versé des dividendes après avoir reçu des aides publiques, quelles qu'elles soient ? Cela permettrait de procéder à un suivi sérieux, plus satisfaisant que l'affirmation selon laquelle les entreprises se sont engagées. Elles se sont peut-être engagées, mais moi, je n'en sais rien. Il serait intéressant d'appliquer les analyses développées aujourd'hui aux grandes entreprises.

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Madame Rubin, le rapport d'étape du comité Cœuré est très détaillé et compte 500 pages. Vous y trouverez toutes les informations que vous cherchez.