Intervention de Olivia Gregoire

Réunion du jeudi 3 juin 2021 à 15h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Olivia Gregoire, secrétaire d'État :

M. Roseren m'a interrogée sur le coût du dispositif de compensation carbone mis en place en faveur des entreprises exposées à un risque significatif de fuite de carbone. Dans les secteurs industriels couverts par le système d'échange des quotas d'émission de l'Union européenne, l'exposition à la concurrence internationale peut conduire à des fuites de carbone, du fait de la présence d'autres producteurs situés hors de l'Union et capables d'exporter vers l'Union des produits moins chers. Le dispositif de compensation carbone relève de l'objectif de lutte contre ces fuites de carbone, dont l'effet est contre-productif en matière environnementale. Nous assumons son coût budgétaire, certes assez dynamique pour le moment, mais utile. Le prix du quota carbone peut fluctuer significativement, et son évolution à moyen et long terme est assez difficile à anticiper. La forte hausse du prix des quotas explique la hausse des crédits, car l'indexation de l'aide sur ce prix est nécessaire pour lutter efficacement contre les fuites de carbone. Le cadre réglementaire européen applicable en matière de compensation carbone fait l'objet de modifications, qui vont entraîner une baisse importante du facteur d'émissions et un resserrement très probable du périmètre des secteurs éligibles. Le soutien unitaire par euro de quota carbone payé par les industriels éligibles va ainsi diminuer.

Toujours au sein du programme 134, Mme Faure-Muntian a appelé mon attention sur la nécessité d'auditer l'action de Bpifrance. Le Gouvernement est très attentif à ce que la Banque publique d'investissement remplisse son rôle d'offreur de solutions de financement, d'accompagnement et d'investissement aux TPE, PME, ETI et grandes entreprises françaises qui en ont besoin. Grâce à un dialogue continu avec Bpifrance ainsi qu'à des études de satisfaction indépendantes et régulières, nous avons la preuve que la satisfaction des entreprises et des banques vis-à-vis de Bpifrance demeure élevée. La dernière étude réalisée auprès d'un échantillon trois fois plus important que d'habitude – 3 000 entreprises – au début de cette année montrait par exemple que 91 % d'entre elles considéraient que l'offre de Bpifrance correspondait à leurs attentes. Bpifrance reste toutefois un groupe bancaire supervisé par la Banque centrale européenne (BCE) et soumis à des impératifs d'équilibre financier et de maîtrise du risque : il est donc logique que certaines entreprises ne voient pas leur projet de financement accepté. Néanmoins, les centaines de chargés d'affaires du réseau Bpifrance s'emploient vraiment à trouver des solutions adaptées et appropriées pour chacune des entreprises qui les sollicitent et à étudier l'ensemble des projets soumis en tenant compte de leurs capacités de remboursement ou de leurs perspectives de développement sur le marché.

J'en viens à la question de M. Brun relative à l'assurance export. Le transfert, depuis le 1er janvier 2017, de l'activité de gestion des garanties publiques de COFACE à Bpifrance Assurance Export est un réel succès ; il a permis de rendre les différents dispositifs plus visibles en les rangeant tous sous la marque unique Bpifrance, pôle financier public connu des entreprises. Les PME et ETI font partie des priorités de la politique publique d'aide à l'export, et le transfert de la gestion des garanties publiques à Bpifrance, structure dotée d'un vaste réseau territorial de proximité, dont la force de frappe et de commercialisation est bien plus forte que celle de COFACE, témoigne de la volonté du Gouvernement de mettre davantage l'accent sur l'accompagnement à l'export de ces entreprises.

C'est également dans cette optique que Bpifrance Assurance Export a intégré la TFE, créée en 2018 après un discours prononcé par le Premier ministre à Roubaix et organisée autour des CCI et de Business France, dont le modèle économique a également été rééquilibré en faveur des territoires, du fait de la création d'un réseau territorial articulé directement avec celui des CCI. La TFE a déjà donné des résultats positifs. En 2019, dernière année précédant la crise du covid-19, elle a accompagné 732 nouvelles PME exportatrices de marchandises. Je précise que 93 % des PME accompagnées continuent d'exporter d'une année sur l'autre, contre 80 % pour la totalité des entreprises. La croissance du chiffre d'affaires à l'export est deux fois plus rapide pour les entreprises accompagnées par la TFE que pour celles qui ne le sont pas. Évidemment, la crise a généré une grande incertitude ; l'adaptation au nouveau paysage de l'export post-covid sera vraiment l'un des principaux tests du dispositif, sans qu'il soit encore possible, à ce stade de la crise, de tirer des enseignements clairs et de tracer des perspectives.

La GPS est un outil proche de l'assurance crédit à moyen et long terme, dont les contraintes ont été assouplies au regard de l'intérêt stratégique pour la France. Elle n'a pas vocation à être distribuée en masse, d'autant qu'elle nécessite une étude plus approfondie de l'intérêt industriel des opérations financées. Une dizaine de dossiers étaient en cours d'instruction en 2019, et un peu moins de la moitié avaient obtenu un accord de principe. La vitesse de mise en œuvre et de concrétisation de ces projets dépend alors des exportateurs et des porteurs de projets – à l'international, cela peut prendre plusieurs années.

M. Chassaing m'a interrogée sur l'institutionnalisation de l'ESS et le renforcement des CRESS. Si, dans la pratique, l'ESS existe depuis des siècles – depuis 1791, pour être très précise –, son existence juridique est relativement récente. La loi de 2014 a rassemblé les cinq familles de l'ESS – n'oublions pas les ESUS –, mais il s'agit davantage d'un commencement qu'un aboutissement. Certaines synergies restent à trouver. Le secteur est encore en voie de structuration. Le rapprochement de la tête de réseau ESS France et du Conseil national des CRESS en est le meilleur exemple : je l'ai fait entériner très récemment, dans la loi d'accélération et simplification de l'action publique (ASAP).

La création d'un secrétariat d'État à l'économie sociale, solidaire et responsable, placé au cœur de Bercy sous la tutelle du ministre de l'économie, est une étape importante pour l'institutionnalisation de l'ESS dans notre pays, que vous appelez de vos vœux. Nous affirmons ainsi que l'ESS est une économie, au même titre que l'économie classique, et que la première inspire la seconde. L'État joue un rôle d'appui majeur à la structuration de cet écosystème. Il est le premier financeur d'ESS France, et donc des CRESS, afin de donner à ces dernières les moyens de remplir leur mission d'intérêt général au plus près des entreprises, au cœur des territoires. Il est nécessaire d'homogénéiser les CRESS, qui ne sont pas de même niveau en fonction des régions ; je ne peux concevoir qu'en fonction de la région où siège l'entreprise d'ESS, celle-ci soit plus ou moins accompagnée, d'autant que le Conseil national des CRESS, au cœur d'ESS France, est largement aidé et financé par la puissance publique. Vous avez raison, monsieur Chassaing, de soulever ce sujet.

Les fonds propres et la trésorerie sont le nerf de la guerre pour toutes les entreprises. Celles de l'économie sociale et solidaire ne font pas exception à ce principe : elles en sont même une illustration, car les principes fondateurs de l'ESS, à commencer par celui de la lucrativité limitée, impliquent un niveau de fonds propres structurellement faible. Avec la crise, cette situation ne s'est évidemment pas améliorée. Dès lors, il y a lieu d'imaginer de nouveaux dispositifs, et je ne peux que me féliciter de l'adoption par le Sénat, en deuxième lecture le 12 mai dernier, de la proposition de loi visant à améliorer la trésorerie des associations, déjà adoptée par l'Assemblée nationale il y a deux ans. Ce texte comprend plusieurs avancées majeures et attendues, parmi lesquelles la fixation du délai de paiement de la subvention à soixante jours à compter de la notification, l'ouverture de la possibilité d'opérations de trésorerie entre associations, ou encore le raccourcissement de vingt à dix ans du délai au terme duquel une partie des sommes figurant sur les comptes associatifs de la Caisse des dépôts et consignations peut revenir annuellement à l'État afin d'alimenter directement le Fonds pour le développement de la vie associative (FDVA).

Toutefois, il faudra faire plus – la crise est là pour nous le rappeler tous les jours. Je travaille donc, avec la direction générale du Trésor et la Caisse des dépôts et consignations, à de nouvelles solutions pour renforcer les fonds propres, notamment des associations, éventuellement par le biais de titres associatifs. J'aurai plaisir à en reparler ici dès la rentrée. Il faudrait alléger la contrainte pesant sur ces titres participatifs, et surtout standardiser cet outil, pour que les émissions de titres soient moins coûteuses pour les associations, et peut-être plus faciles et plus intéressantes pour les investisseurs.

J'en viens aux questions de Mme Dalloz qui, comme à l'accoutumée, a abordé avec précision plusieurs sujets.

Si le PIA 4 est prévu pour couvrir la période 2021-2025, la réflexion sur l'après est d'ores et déjà engagée. Les financements ne s'arrêteront pas en 2025 de façon automatique, bien entendu. Les structures susmentionnées feront l'objet d'une évaluation, qui permettra de déterminer l'opportunité d'une pérennisation des financements.

Pour les IHU, la dotation prévue par le PIA doit théoriquement prendre fin en 2024. C'est la raison pour laquelle l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et l'Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR) ont mené en 2016 une mission sur le modèle économique des IHU. Cette mission a clairement préconisé de programmer un socle de dotations récurrentes, dont la gestion serait en partie assurée dans le cadre du PIA. Il est suggéré de faciliter les partenariats industriels et de réinjecter les droits de propriété intellectuelle directement dans les IHU.

L'objectif de l'action recherche hospitalo-universitaire en santé (RHU) est de favoriser la valorisation de l'innovation. En ce sens, elle vise notamment à renforcer les collaborations de partenariat entre les acteurs académiques et privés, à soutenir des projets de recherche translationnelle ou de recherche clinique de grande ampleur, pour un coût complet de 30 millions d'euros, avec un fort potentiel de transfert rapide vers l'industrie ou vers la société. Les projets RHU doivent induire des bénéfices pour la prise en charge des malades, en améliorant la compréhension des maladies, en apportant des traitements plus efficaces et mieux tolérés, ou encore en améliorant la performance des systèmes de soins. Dans le cadre des trois premières vagues, le PIA finance vingt-quatre projets RHU, pour un montant de 185,4 millions d'euros d'aides ; en 2019, quinze projets ont été retenus, pour un montant d'aides de 121 millions, à partir de soixante-sept dossiers examinés par le jury international. À l'heure où je vous parle, tous les projets ont fait l'objet d'une contractualisation. Au total, trente-huit projets sont financés dans le cadre de cette action, qui a été renforcée, dans le cadre du PIA 3, à hauteur de 147 millions d'euros après redéploiements. Une nouvelle vague, la cinquième, devrait être lancée prochainement.

Le Parlement souhaite être associé à la définition de la stratégie nationale du PIA, en particulier à la logique d'investissements dits dirigés ; il aimerait notamment que cette stratégie lui soit présentée en amont du PLF pour 2022. Le comité de surveillance des investissements d'avenir (CSIA) comprend quatre députés et quatre sénateurs : ainsi, les parlementaires sont intégrés au processus de détermination des stratégies d'accélération. Peut-être faut-il que le comité se réunisse plus souvent mais, dans le cadre du PIA 4, le Parlement a renforcé les prérogatives du CSIA. Désormais, celui-ci a pour mission de conseiller le Gouvernement sur les priorités d'investissement : dans cette optique, il analyse l'ensemble des stratégies d'accélération. La réunion d'hier a, par exemple, permis l'analyse de trois projets de stratégies d'accélération contribuant à la transition écologique. Pour donner corps à ce comité renouvelé, il a été également prévu que sa présidente assiste au Conseil de l'innovation, instance interministérielle présidée par le Premier ministre et chargée de la validation des stratégies d'accélération. Les rapprochements en cours sont tangibles ; il y a sûrement d'autres choses à faire, mais nous sommes sur la bonne voie. Par ailleurs, le SGPI informe le Parlement, sur une base trimestrielle, de l'exécution du programme : le Parlement sera donc informé, dans le cadre du prochain reporting, des stratégies d'accélération annoncées. M. le secrétaire général pour l'investissement ainsi que certains membres de son équipe sont régulièrement auditionnés par le Parlement. Enfin, le PLF pour 2022 sera effectivement l'occasion d'une présentation plus large, plus approfondie et plus détaillée des actions entreprises dans le cadre du volet dirigé du PIA 4.

En matière de recherche en santé, le PIA 4 renforce les financements consacrés à l'aval. Cet aspect bénéficie de 12,5 milliards d'euros dans le cadre du volet dirigé du PIA 4 et d'un peu plus de 5,5 milliards d'euros prévus à l'action 3 Démonstration en conditions réelles et à l'action 4 Soutien au redéploiement du programme 424 Financement des investissements stratégiques. De même, le passage à l'échelle est davantage pris en compte et accompagné dans les stratégies d'accélération prévues par le PIA 4.

S'agissant enfin des retards financiers, il convient de rappeler que le PIA intervient toujours dans une logique de retour sur investissement, même s'il ne s'agit pas d'un objectif premier. C'est toujours le cas quand on investit en fonds propres. Surtout, la réforme de l'évaluation du PIA 4 permettra de mesurer plus efficacement et plus quantitativement ces retours.

Monsieur le président, la mécanique budgétaire de gestion de l'urgence a dû être adaptée, par souci de souplesse mais aussi de rapidité. C'est pourquoi le programme 134 a d'abord été fortement mobilisé, avant que les crédits d'urgence soient organisés plus efficacement dans le cadre d'une mission spécifique. Il en va de même pour les garanties publiques, qu'il s'agisse des PGE ou de Bpifrance. La survivance d'une ligne symbolique de garanties dans le programme 134 a été cruciale pour l'abonder en urgence, sans perdre de temps, en 2020.

Le fonds French Tech souveraineté, doté de 150 millions d'euros, est opérationnel et les dossiers sont en cours d'instruction. La French Tech est d'ores et déjà un succès. Les levées de fonds ont atteint un niveau record : nous en comptons 120, avec 10 000 emplois associés créés. Ces bons résultats de la French Tech sont aussi la traduction d'un soutien important de l'État, via l'action du PIA en capital-risque.

S'agissant de la digitalisation, 20 millions d'euros ont été engagés à ce jour par l'Agence de services et de paiement (ASP). L'intégralité de cette somme sera consommée d'ici au 31 décembre, et le décret du 6 mai dernier élargit le dispositif à l'ensemble des TPE françaises, sans condition de fermeture administrative.

J'en arrive aux questions de M. Laqhila. Au sein du programme 862 Prêts pour le développement économique et social, l'augmentation de l'enveloppe totale du FDES, passée de 75 millions à un milliard d'euros en 2020, a permis d'octroyer 470 millions de prêts classiques du FDES et, ce faisant, de restructurer dix-neuf entreprises de plus de 400 salariés, contre deux seulement en 2019. Les prêts exceptionnels aux petites entreprises sont conçus pour venir en aide aux entreprises de moins de cinquante salariés touchées par la crise. Au 22 avril, 326 prêts ont été décaissés, pour un montant de 11,5 milliards d'euros, avec un plafond individuel de 100 000 euros. L'instruction des demandes, confiée aux comités départementaux d'examen des problèmes de financement des entreprises (CODEFI) et au comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI), fait ressortir un taux de 50 % de réponses favorables dans un délai médian de soixante-deux jours. La sous-consommation des crédits est aussi le fait du maintien des autres aides de soutien à la trésorerie, comme le Fonds de solidarité, qui décale mécaniquement dans le temps les difficultés des entreprises.

S'agissant de la directive sur le reporting développement durable des entreprises (CSRD), nouvelle version de la NFRD, vous savez que je suis à votre disposition. La position française, que je défends avec force depuis juillet dernier, est claire : un seuil de 250 salariés, la volonté que la norme soit extraterritoriale et applicable aux entreprises étrangères qui réalisent un important pourcentage de chiffre d'affaires dans l'Union européenne, un organisme de normalisation européen, une norme légale, et un organisme tiers indépendant pour la vérification plutôt qu'un standard international de droit privé.

Madame Lemoine, le Gouvernement a renforcé les moyens alloués au déploiement du très haut débit. Le soutien de l'État s'élève désormais à 3,6 milliards d'euros, selon plusieurs vecteurs de financement : 900 millions d'euros de crédits non budgétaires issus du Fonds national pour la société numérique (FSN) ; 2,4 milliards d'euros sur le programme 343, auxquels s'ajoutent 30 millions d'euros ouverts par la loi de finances rectificative de juillet dernier ; 240 millions d'euros ouverts par la loi de finances initiale pour 2021 dans le cadre de l'action 07 du programme 364. Sur le programme 343 Plan France Très haut débit, 225 millions d'euros de CP ont été consommés en 2020, en deçà des ressources disponibles. La crise sanitaire explique en grande partie la sous-consommation constatée, les délais ayant été rallongés compte tenu des contraintes opérationnelles inhérentes aux chantiers lourds et au déploiement des réseaux fixes.

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