Il me revient de vous présenter l'exécution des programmes 220 Statistiques et études économiques et 305 Stratégie économique et fiscale de la mission Économie. Je me suis par ailleurs intéressé, pour ce Printemps de l'évaluation, au secteur de l'économie sociale et solidaire (ESS).
Les programmes 220 et 305, qui représentent environ 30 % des crédits de la mission Économie, ont été peu affectés par la crise économique et sanitaire. Environ 830 millions d'euros, en AE comme en CP, ont été exécutés en 2020 ; ce montant est très proche de ce que nous avions voté en loi de finances initiale.
Le programme 220 Statistiques et études économiques contient les crédits de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE). En 2020, 434 millions d'euros ont été consommés, pour 435 millions d'euros ouverts.
Le budget de l'INSEE s'inscrit, depuis 2019, dans un cadre pluriannuel, l'institut ayant signé avec la direction du budget et le secrétariat général des ministères économiques et financiers un contrat de financement couvrant la période 2019-2022. Ce contrat offre à l'INSEE une plus grande visibilité budgétaire et une flexibilité accrue dans la gestion de ses moyens, notamment de son schéma d'emplois. Je salue, cette année encore, ce modèle innovant de gestion des finances d'une administration : il offre la souplesse nécessaire à la conduite de projets d'ampleur, sans transiger sur la rigueur inhérente et nécessaire à l'activité budgétaire. En dépit de la crise sanitaire, tous les jalons de ces projets prévus en 2020 ont été respectés – je pense à la mise en place d'une nouvelle méthode d'identification des entreprises et des établissements au répertoire Sirène, ou encore à la poursuite de la dématérialisation des enquêtes.
Je tiens à saluer la capacité qu'a eue l'INSEE à s'adapter au contexte sanitaire, tant dans son organisation que dans la conduite de ses travaux. Dès le début de la période de confinement, et grâce à une culture du télétravail déjà bien ancrée, l'INSEE a pu poursuivre ses activités à distance – certes de façon un peu dégradée –, et les enquêtes ont pu être menées dans des conditions satisfaisantes, notamment par le biais d'entretiens téléphoniques en lieu et place des entretiens en face-à-face. Cette continuité de l'activité a été notamment permise par des investissements en matériel informatique financés par le redéploiement de crédits de fonctionnement non consommés. Surtout, l'INSEE a été extrêmement utile durant cette période : elle a fourni aux décideurs des statistiques sur l'évolution de la situation économique et des indicateurs tels que l'évolution du taux de mortalité, éléments extrêmement utiles aux ministères.
Le programme 305 Stratégie économique et fiscale est le support des crédits de la direction générale du Trésor et, pour la dernière fois en 2020, de la direction de la législation fiscale. Pour près de 405 millions d'euros de crédits ouverts, 397 millions ont été consommés, ce qui représente un taux d'exécution de 98 %.
Je tiens à saluer le rôle essentiel qu'ont joué ces administrations dans la lutte contre le covid-19. Le Trésor a ainsi joué un rôle d'ampleur dans la gestion de la crise, dans un premier temps, en particulier grâce à son réseau international. Les services économiques ont réalisé une veille sanitaire et analysé les plans de soutien et les politiques menées dans les pays étrangers, dont certains ont pu nous inspirer. Ils ont aussi participé à la recherche de matériel médical, en cas de pénurie, et pris part aux rapatriements de ressortissants français, grâce à leur contact privilégié avec les compagnies aériennes locales.
Dans un deuxième temps, l'administration a joué un rôle majeur dans la mise en œuvre des dispositifs de soutien à l'économie, notamment des prêts garantis par l'État (PGE), des prêts du Fonds de développement économique et social (FDES) et des prêts bonifiés destinés aux entreprises affectées par la crise et utilisés en cas d'impossibilité de recours au PGE. Elle a aussi participé aux négociations européennes sur le fonds de garantie paneuropéen.
Cette action fondamentale s'est faite à moyens constants. L'engagement des agents mérite d'être salué, d'autant plus que ces actions ne se sont pas substituées à la conduite des activités traditionnelles du Trésor, comme la gestion de la dette via l'Agence France Trésor ou les négociations sur le Brexit.
J'en viens désormais à ma thématique d'évaluation : l'économie sociale et solidaire. Ce concept renvoie à un ensemble d'entreprises organisées sous forme de coopératives, mutuelles, associations ou fondations, dont le fonctionnement interne et les activités sont fondés sur un principe de solidarité et d'utilité sociale.
Depuis le début de la législature, l'ESS relevait d'un haut-commissariat rattaché au ministère de la transition écologique et solidaire. En juillet 2020 a été créé un secrétariat d'État à l'économie sociale, solidaire et responsable (ESSR), auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance. En conséquence, les équivalents temps plein (ETP) dédiés à l'ESS ont été transférés à la direction générale du Trésor, et les crédits correspondants au programme 305. Une nouvelle action Économie sociale, solidaire et responsable figure désormais au sein du programme ; la loi de finances pour 2021 l'a dotée de plus de 19 millions d'euros de crédits, en AE comme en CP.
Le secteur de l'ESS regroupe des structures très diverses : coopératives, mutuelles, associations, fondations, ou encore entreprises solidaires d'utilité sociale (ESUS). Il représentait, en 2019, 2,4 millions de salariés, soit 14 % de l'emploi salarié privé. Entre 2010 et 2018, plus de 70 000 emplois ont été créés dans ce secteur.
Au regard de ce dynamisme, la création d'un secrétariat d'État constitue une bonne nouvelle, qui permet de consolider la place institutionnelle de l'ESS. Ces dernières années, des avancées indéniables ont été réalisées pour la reconnaissance de ce secteur.
La loi du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire a sécurisé le cadre juridique de l'ESS et consolidé ses réseaux et ses acteurs, grâce à la reconnaissance législative d'acteurs représentatifs, au premier chef desquels ESS France. Elle a aussi permis de structurer les chambres régionales de l'économie sociale et solidaire (CRESS) et de définir des outils d'aide et de financement de ces entités.
La création d'un haut-commissariat rattaché au ministère de la transition écologique et solidaire, au début du quinquennat, avait traduit la volonté de poursuivre la montée en puissance de l'ESS. Pour autant, ce secteur manque encore d'une reconnaissance institutionnelle équivalente aux autres secteurs économiques.
Concernant les acteurs, l'ESS ne dispose pas de chambre consulaire et son écosystème reste éclaté. Si les têtes de réseaux sont souvent bien établies, le niveau inférieur est plus disparate. Il est nécessaire de renforcer la structuration et l'institutionnalisation de ce secteur, en poursuivant l'œuvre entamée par la loi de 2014. Il faudrait renforcer les moyens des CRESS, pour en faire de véritables interlocuteurs, alors qu'ils disposent aujourd'hui de cinquante fois moins de ressources que les CCI ou les chambres de métiers.
Un changement de culture dans la conception des politiques publiques est aussi nécessaire. Ainsi, les mesures de soutien au secteur économique ne sont pas toujours adaptées à l'ESS ; elles sont conçues comme des mesures générales, qui ont vocation à s'appliquer aux PME, sans que la spécificité de l'ESS soit prise en compte, ce qui s'est clairement manifesté durant la crise sanitaire.
L'une des conditions d'accès au PGE était que la part des revenus commerciaux dans le chiffre d'affaires soit au moins égale à 50 %. Or bon nombre d'entités de l'ESS reposent sur un modèle hybride, dans lequel les subventions occupent une place importante. Les entités de l'ESS n'ont donc pas pu avoir accès, d'emblée, au PGE. Par ailleurs, la constitution d'un dossier pour bénéficier du Fonds de solidarité nécessitait un numéro fiscal individuel, que les associations ne possèdent pas. Nous constatons également ce phénomène en dehors d'un contexte de crise, avec des mesures fiscales qui portent souvent sur l'allègement des impôts de production et non sur la taxe sur les salaires.
Au regard du poids actuel de l'ESS, les politiques publiques doivent être conçues en prenant en compte ses particularités. C'est un réflexe à développer. La création d'un secrétariat d'État va dans le sens d'une meilleure institutionnalisation de ce secteur. Madame la secrétaire d'État, pourriez-vous nous éclairer sur les grands chantiers en la matière ?
L'ESS a toutefois bénéficié d'un dispositif d'aides spécifique – grâce à votre vigilance, madame la secrétaire d'État –, puisque ses acteurs ont bénéficié d'un fonds d'urgence de 30 millions d'euros à partir de janvier 2021.
J'appelle enfin votre attention sur la nécessité de faire évoluer le modèle de financement de l'ESS. Alors que de nombreuses entités de ce secteur se caractérisent par un financement hybride, un renforcement des investissements en fonds propres permettrait de diminuer leur dépendance aux subventions. Que comptez-vous faire pour favoriser cette évolution ?