Intervention de Olivier Dussopt

Réunion du jeudi 3 juin 2021 à 15h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Olivier Dussopt, ministre délégué :

Messieurs les rapporteurs spéciaux, à l'exception de vos questions, auxquelles je vais tenter de répondre, je souscris à l'ensemble de votre rapport, que ce soit sur les chiffres, sur le rythme des dépenses, sur l'efficacité de ces dernières, sur l'opportunité de disposer d'un comité de suivi tel que celui présidé par Benoît Cœuré ou sur les inquiétudes et points d'attention que vous avez voulu souligner.

En 2020, nous avons répondu la crise par des mesures exceptionnelles contenues dans la mission Plan d'urgence face à la crise sanitaire dont nous discutons cet après-midi. Cette mission a été créée dès le premier PLFR, et ses crédits ont été abondés par les différents textes budgétaires qui ont suivi – ils l'ont encore été récemment, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021, et ils le seront encore prochainement dans le PLFR que le Gouvernement vient de déposer.

Celui-ci a ainsi mis en place l'activité partielle « covid », un dispositif de crise parmi les plus protecteurs du monde, financé par l'État pour deux tiers et par le régime de l'assurance chômage pour un tiers. Il a couvert intégralement, pour les entreprises qui en ont fait la demande, l'arrêt d'activité des salariés jusqu'à 4,5 SMIC. Encore en vigueur aujourd'hui, il a permis de préserver les emplois et les compétences de millions de Français. Ainsi, au pic de la crise, en avril 2020, 8,6 millions de salariés étaient placés en activité partielle, pour un coût mensuel de près de 9 milliards d'euros.

Ce dispositif a des effets économiques considérables. Tout d'abord, il a permis de maintenir le pouvoir d'achat de millions de Français – le pouvoir d'achat des ménages a même légèrement progressé en 2020, puisqu'il a augmenté de 0,4 % malgré une perte d'activité de 8 %. Il a surtout préservé les emplois et les compétences, tirant ainsi les enseignements de la dernière crise financière sur la nécessité de sauver les emplois viables et de conserver notre potentiel de croissance.

C'est le programme Prise en charge du dispositif exceptionnel de chômage partiel à la suite de la crise sanitaire qui a assuré le financement de la part État de l'activité partielle. Au total, 17,8 milliards d'euros ont été dépensés en 2020, sur les 22,63 milliards d'euros de crédits que vous aviez accepté d'ouvrir dans le cadre des quatre PLFR.

L'exécution de la mission Plan d'urgence face à la crise sanitaire traduit aussi la réactivité dont a fait preuve l'État, en créant notamment le Fonds de solidarité pour les entreprises, institué pour une durée initiale de trois mois puis prolongé jusqu'au 31 décembre 2020 et au 30 juin 2021 – le PLFR que nous venons de déposer prévoit de le prolonger jusqu'au 31 août. Tout à fait adapté pour répondre aux effets de la crise, ce fonds était d'abord destiné aux très petites entreprises, auxquelles il a apporté une réponse rapide permettant leur survie lorsque tout s'est arrêté. En versant jusqu'à 1 500 euros à 1,5 million d'entreprises en avril 2020, la DGFIP, dont je souhaite saluer le travail, a posé un filet de sécurité essentiel pour les petites entreprises. Le fonds a été renforcé à partir d'octobre 2020 pour s'adapter à la crise qui durait, le plafond mensuel de l'aide passant à 10 000 euros puis à 200 000 euros en décembre. Nous avons dû accroître les niveaux de contrôle sur les sommes les plus élevées, tout en restant réactifs et en versant l'immense majorité des aides dans des délais que très peu d'organisations auraient pu respecter. Ce fonds a aussi permis une action concertée avec les régions, qui y ont participé à hauteur de 400 millions d'euros. Nous avons veillé à ce qu'il puisse répondre à l'ensemble des entreprises qui rencontraient des difficultés.

Les lois de finances rectificatives successives sont venues abonder, en cours de gestion, ce programme à mesure de la consommation des crédits et de la révision par décret des règles d'éligibilité aux aides fixées par l'État en réponse à la crise sanitaire. En 2020, le fonds a disposé d'une ressource de 19,73 milliards d'euros, en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement. La consommation 2020 s'est établie à 11,81 milliards d'euros, laissant un solde de 7,92 milliards d'euros. Au 31 décembre, les aides versées au titre du volet 1 répondent à 6,3 millions de demandes de paiement, pour un versement global de près de 11,6 milliards d'euros. Les aides versées au titre du volet 2, cogéré avec les régions, représentent 55 000 demandes de paiement, pour un montant total de 261 millions d'euros.

Pour 2021, la loi de finances initiale ne prévoyait pas de crédits au titre du Fonds de solidarité, mais nous vous avons proposé d'abonder cette ligne par amendement, à hauteur de 5,6 milliards d'euros. Pour compléter son financement, un décret d'avance a également ajouté des crédits au dispositif ; le PLFR propose de le faire à nouveau.

L'État a aussi permis le maintien de l'activité économique grâce au programme Compensation à la sécurité sociale des allègements de prélèvements pour les entreprises les plus touchées par la crise sanitaire. Les exonérations de cotisations sociales ont évidemment encouragé la poursuite d'activité, alors même que les conditions économiques avaient drastiquement changé. Une somme de 3,9 milliards d'euros a été décaissée sur ce programme en 2020, ce qui correspond à la compensation par l'État à la sécurité sociale des exonérations et au paiement de cotisations patronales en 2020. Ce montant est inférieur à ce qui avait été déclaré jusqu'ici au titre de 2020, à savoir 4,9 milliards d'euros ; la différence s'explique par le fait que certaines déclarations ont été faites par les entreprises de façon rétroactive, en 2021, et que la compensation votée en 2020 ne correspondait qu'à une première évaluation. C'est la raison pour laquelle nous vous proposons d'inscrire 4 milliards d'euros supplémentaires dans le cadre du prochain PLFR.

Je précise que la prise en compte de la perte d'activité du mois de décembre s'est traduite par le versement, en janvier 2021, de 4,3 milliards d'euros d'aides au titre du Fonds de solidarité. Cela vient à nouveau souligner le fait que les réponses à la crise se traduisent par des dépenses sur deux annuités budgétaires.

S'agissant des participations financières de l'État, j'ai évoqué tout à l'heure la création du programme Renforcement exceptionnel des participations financières de l'État dans le cadre de la crise sanitaire, doté de 20 milliards d'euros.

Nous avons veillé à prendre en considération certaines questions. Afin d'assurer le suivi des aides, nous avons élargi le champ de compétences du comité Cœuré à l'évaluation des mesures prévues dans le plan de relance. Par ailleurs, nous installerons un conseil national de sortie de crise, qui sera composé des signataires du plan d'action visant à la prévention des faillites, conclu mardi à Bercy par Bruno Le Maire et Éric Dupond-Moretti, à savoir des représentants des ministères, de la Banque de France, des professions du chiffre et du droit, des fédérations d'entreprises et des établissements bancaires. Les parlementaires pourront y être associés, comme ils l'ont été mardi ; nous y veillerons.

S'agissant de la sortie des aides, nous avons d'ores et déjà publié un calendrier pour les mois de mai, juin, juillet et août, afin de donner de la visibilité aux entreprises. La prise en charge du différentiel entre le chiffre d'affaires réalisé et le chiffre d'affaires de référence passera de 40 % en juin à 30 % en juillet et 20 % en août. De même, nous augmenterons progressivement le reste à charge des employeurs dans le cadre de l'activité partielle, afin de rejoindre les taux habituels et d'encourager le recours à l'activité partielle de longue durée (APLD) quand c'est nécessaire. Nous proposons cette sortie progressive des mesures d'urgence de manière que celles-ci arrivent à extinction lorsque la crise sera finie.

Enfin, j'aimerais aborder trois points soulevés par les rapporteurs spéciaux.

S'agissant des principes de sincérité et d'annualité budgétaires, les crédits inscrits dans les projets de loi de finances rectificative adoptés en 2020 étaient significatifs. Ils ont fait l'objet d'un report, à hauteur de 28,8 milliards d'euros, ce qui dégradera d'autant le déficit budgétaire de l'État dans le projet de loi de finances rectificative pour 2021. Cette situation, nous aurions préféré l'éviter, mais nous l'assumons, dans la mesure où elle est le fruit de la prudence dont nous avons fait preuve en nous fixant, à chaque projet de loi de finances rectificative pour 2020, la priorité absolue de ne jamais manquer de trésorerie pour financer les mesures d'urgence.

Lors de l'examen du quatrième d'entre eux, nous avions retenu l'hypothèse la plus pessimiste d'un confinement en novembre et en décembre, induisant une perte d'activité de vingt points. Le confinement a été décrété pour le seul mois de novembre, et la perte d'activité a été limitée, si je puis dire, à 11 %. Quant aux mesures de restriction de déplacement adoptées en décembre, elles ont provoqué une perte d'activité comprise entre 7 % et 8 %. Tout cela explique le fort décalage entre les crédits que nous avions proposé d'inscrire au budget pour assurer le financement de ces deux mois et leur consommation effective.

Les crédits que nous proposerons d'inscrire au budget dans le projet de loi de finances rectificative qui sera examiné la semaine prochaine nous semblent calibrés pour répondre aux besoins en financement de la sortie progressive de la crise. Si, par un malheur que personne ne souhaite, nous étions confrontés à une nouvelle difficulté, nous reviendrions devant le Parlement. Si, par bonheur, la reprise d'activité était plus forte que ce que nous imaginons, et les dispositifs d'aide moins sollicités que prévu, je serais tout aussi contrit de l'écart entre la prévision et la réalisation, mais très heureux de constater une reprise plus rapide que prévu.

Avant d'en venir à la dette fiscale et à la dette sociale, notamment au lien entre dette publique et dette privée, j'évoquerai brièvement les PGE. Nous considérons favorablement l'accord, obtenu de la Commission européenne, permettant au juge, dans le cadre d'une procédure collective ou de protection, d'intégrer les PGE dans les dettes pouvant faire l'objet d'un échelonnement plus long. Il nous semble meilleur que celui obtenu par d'autres États membres. Nous sommes assez convaincus que nos prévisions de sinistralité se vérifieront, dans la mesure où les indicateurs dont nous disposons démontrent que les entreprises ont une bonne capacité à rembourser les PGE. Au demeurant, des chiffres récemment publiés démontrent que les PME, notamment celles de notre pays, ont connu un exercice 2020 caractérisé par un niveau de résultat très encourageant, au moins aussi bon que celui de l'année 2019.

En ce qui concerne la dette fiscale, nous sommes rassurés par les chiffres dont nous disposons. Sous l'angle macroéconomique, la dette fiscale des entreprises est à peu près égale à celle constatée à la fin de l'année 2019. La période de crise que nous avons traversée n'a pas provoqué son augmentation.

La dette sociale, en revanche, a augmenté. Elle s'élève à 18 milliards d'euros, et résulte de la différence entre les reports et les exonérations que nous avons accordés, d'une part, et, d'autre part, le reste à payer à la charge des entreprises. Ces 18 milliards d'euros sont répartis comme suit : 11,5 milliards sur les cotisations employeurs dues à l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) et 6,5 milliards sur les cotisations employeurs des travailleurs indépendants.

Dès le mois de mars dernier, nous avons commencé à envoyer des plans d'apurement aux entreprises, échelonnant leurs paiements sur douze, vingt-quatre ou trente-six mois. Plus de 90 % des 238 000 entreprises concernées les ont acceptés tels quels. La part de celles avec lesquelles nous ne parvenons pas à trouver un compromis sur la nature du plan d'apurement est très minoritaire, inférieure à 1,5 %.

S'agissant des travailleurs indépendants, nous avons annoncé il y a dix jours les modalités d'apurement de leur dette sociale. Les premiers plans d'apurement seront envoyés à partir du 1er juillet, en priorité à ceux qui ont été le moins touchés par la crise. Pour illustrer notre volonté de surseoir à l'envoi de plans d'apurement dans les secteurs d'activité les plus touchés par la crise, il me suffit d'indiquer que, s'agissant des travailleurs indépendants des secteurs S1 et S1 bis, la date d'envoi et les modalités des plans d'apurement ne sont pas encore arrêtées. Il faut en effet laisser aux entreprises ayant repris leur activité depuis quelques jours le temps de se reconstituer et de retrouver une activité classique.

En tout état de cause, il s'agira de plans d'apurement longs. D'habitude, ils s'étalent sur six mois ; ils dureront entre douze et trente-six mois. Par ailleurs, j'ai demandé à l'URSSAF de faire en sorte que toute dette d'un travailleur indépendant supérieure à 1 000 euros fasse l'objet d'un plan d'apurement d'une durée minimale de vingt-quatre mois. Bien entendu, un travailleur indépendant ou une société souhaitant rembourser sa dette sociale à un rythme plus rapide que celui que nous proposons peut en faire la demande – ce cas de figure existe.

Nous prendrons le temps de mettre en œuvre ces plans d'apurement, en prenant toutes les précautions nécessaires. Nous commencerons par ceux des travailleurs indépendants qui ont été le moins touchés par la crise, car leurs dettes sont parmi les plus élevées. En effet, nous avons reporté d'office les cotisations et les échéances de beaucoup d'entre eux, y compris ceux dont l'activité n'était pas arrêtée. Par ailleurs, à partir du mois d'août 2020, nous avons d'autorité divisé par deux l'assiette de cotisations pour tenir compte de la baisse d'activité en 2020, dans la mesure où les échéances des travailleurs indépendants sont calculées sur la base de leurs revenus de l'année précédente. Tous les travailleurs indépendants ont bénéficié de cette mesure. Ainsi, ceux dont l'activité s'est poursuivie normalement ont versé une cotisation inférieure de moitié à celle qu'ils auraient dû acquitter. C'est pourquoi les travailleurs indépendants les moins touchés par la crise ont potentiellement la dette sociale la plus élevée. La mise en œuvre des plans d'apurement exige de combiner leur durée et la prise en compte de ces régularisations, pratiquées chaque année.

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