L'expression « rendre des comptes » prend aujourd'hui tout son sens. À quatre reprises dans votre discours, monsieur le rapporteur spécial, vous excipez un défaut de pilotage pour vous autoriser un pilonnage particulièrement injuste. Nous faisons aujourd'hui des comptes, pas de la politique au plus mauvais sens du terme.
L'objectif de l'exercice d'évaluation est d'établir le rapport entre le coût et l'efficacité. Vous avez choisi de mettre l'accent sur le ministère public. Celui-ci exerce de larges compétences. Il décide d'engager des poursuites, les exerce devant les tribunaux et peut former des recours à l'encontre de toutes ou certaines décisions de justice. Il met en œuvre la politique nationale ; il conduit, dirige, supervise l'enquête ; il supervise également la mise à exécution des décisions de justice. Ce sont des missions fondamentales, qui justifient la mise à disposition de moyens adaptés.
L'analyse de l'adéquation des crédits et des emplois par rapport aux compétences des parquets est une tâche ardue, compte tenu du caractère partenarial de leur action, ou encore de l'existence de charges communes au siège et aux parquets. La question du coût du ministère public est difficile à individualiser dans la mesure où, à côté de l'évaluation des effectifs, il conviendrait d'y associer des coûts de fonctionnement spécialement dédiés au ministère public, qui sont partagés avec les magistrats du siège et avec les autres personnels judiciaires.
Le coût du ministère public ne peut s'appréhender au travers d'une approche de sa performance, qui consisterait à mesurer ce coût à l'aune de sa seule activité qui concerne les enquêtes pénales. Depuis douze mois, j'œuvre pour donner des moyens à la justice. J'ai souhaité renforcer significativement les moyens humains des parquets dans le cadre de la justice pénale de proximité. Le recrutement d'emplois publics permet d'apporter des réponses judiciaires visibles à cette délinquance de proximité qui, dans les territoires, dégrade les conditions de vie des habitants. Dans ce cadre, 700 emplois publics (juristes assistants et renforts de greffe) viennent en renfort du ministère public. C'est un apport de moyens humains historique et inégalé.
Les parquets ont significativement élargi le recrutement des délégués du procureur pour renforcer les réponses pénales de proximité. J'ai ainsi doublé le budget qui leur était alloué. Cette action est venue renforcer et accélérer la dynamique entreprise avec la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. Le taux de vacance de postes de magistrats, qui s'élevait à plus de 6 % en 2017, est aujourd'hui quasiment nul.
De nombreux efforts ont permis de constituer de véritables équipes chargées d'assister les magistrats. La loi de programmation a prévu entre 2018 et 2022 un renfort de l'assistance des magistrats par les greffiers à hauteur de 288 emplois. 80 assistants spécialisés sur 107 sont en fonction dans les parquets, et 241 des 636 juristes assistants sont affectés aux parquets.
La question de l'attractivité des parquets est essentielle. Dans son rapport de 2018, l'Inspection générale de la justice préconisait de pérenniser le comblement de la vacance des postes, ce qui a été fait ; et de prévoir une assistance aux magistrats par le recrutement de greffiers, secrétaires, juristes assistants et chefs de cabinets – action que j'ai entreprise avec le recrutement de 914 emplois publics. En outre, la revalorisation de l'indemnisation des astreintes des magistrats est intervenue en juillet 2020, et une indemnité intermédiaire, entre l'indemnité de base et l'indemnité d'intervention, a été créée : il s'agit de l'indemnité d'intervention sans déplacement.
La direction des services judiciaires s'est engagée dans des travaux destinés à doter la France d'un système structuré d'évaluation de la charge de travail des magistrats et à créer un référentiel d'activités des magistrats du parquet. La justice nécessite également des moyens de support. Nous avons engagé des moyens importants pour accompagner l'accroissement des moyens humains.
La justice porte un plan ambitieux de transformation numérique, qui doit permettre aux magistrats de la justice pénale et aux parquets de gagner en productivité et en efficacité. Je pense en particulier à la procédure pénale numérique, chantier de plus de 30 millions d'euros. La numérisation permet une automatisation du traitement dès la transmission par les forces de l'ordre, et cela au profit de tous les acteurs de la chaîne pénale. Le partage de l'information en temps réel accélère le traitement d'une affaire au bénéfice du justiciable. Nous enregistrons les premières avancées concrètes et opérationnelles grâce aux premiers déploiements.
La crise sanitaire a été un facteur d'accélération de l'équipement informatique individuel. L'ensemble des magistrats est aujourd'hui doté en ordinateurs ultra-portables.
Le coût du ministère public comporte également la part de frais de justice dont il est l'ordonnateur dans le cadre de la conduite des enquêtes. Depuis 2017, les dépenses relatives à la conduite de la politique pénale et à l'instruction s'inscrivent en hausse régulière. En 2020, plus de 300 millions d'euros ont été affectés à l'action pénale. L'année 2021 marque une hausse historique des frais de justice de plus de 26 %.
Les magistrats du parquet ont bénéficié d'un plan « véhicules » spécifique, comportant 42 véhicules supplémentaires en 2019 et 38 en 2020. Ils peuvent en outre bénéficier d'affectations de biens saisis et gérés par l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC), ainsi que d'un centre d'appels « permanence parquet » dans 35 juridictions, pour un montant total d'environ 3,7 millions d'euros.
Les juridictions spécialisées (parquet national antiterroriste, parquet financier, juridiction nationale chargée de la lutte contre la criminalité organisée, parquet européen) ont généré des coûts supplémentaires, afin de mettre la justice française au niveau de réponse attendue dans des domaines qui constituent des menaces aiguës pour la France.
S'agissant du parquet national financier, les effectifs de magistrats ont été régulièrement revus à la hausse. Pour 2021, la circulaire de localisation des emplois prévoit 18 magistrats. Le parquet national antiterroriste compte 27 magistrats, ce qui représente une augmentation notable des effectifs par rapport à ceux issus du parquet de Paris.
Afin d'accompagner la montée en puissance de ces parquets spécialisés, la direction des services judiciaires a augmenté progressivement les moyens – mouvement qui se poursuivra dans le cadre de la localisation des emplois en 2021.