Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 9 juin 2021 à 9h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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La commission, réunie en commission d'évaluation des politiques publiques, entend M. Éric Dupont-Moretti, ministre de la justice.

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En 2020, la mission Justice a bénéficié de moyens en augmentation. Les engagements ont atteint 10 milliards d'euros, soit 10 % de plus qu'en 2019 et 20 % de plus qu'en 2018. Les paiements s'élèvent à 9,2 milliards d'euros. Les emplois du ministère de la justice sont également en progression, avec un plafond d'emploi réalisé à 99 %, soit 86 736 équivalents temps plein travaillés (ETPT) en 2020, et un schéma d'emploi de 2 419 équivalents temps plein (ETP), supérieur de 49 emplois à la prévision.

L'augmentation globale des moyens vaut pour chacun des programmes de la mission. Pourtant, les indicateurs laissent entrevoir une dégradation des performances du ministère de la justice. L'exercice 2020 a été marqué par la grève des avocats et par la crise sanitaire, mais les événements exceptionnels n'expliquent pas tout. Année après année, il s'observe un décalage croissant entre le discours de la chancellerie et les résultats obtenus sur le terrain. Le ministère essaie de camoufler certaines mauvaises gestions derrière un manque de moyens budgétaires et humains. Ce n'est pas acceptable.

S'agissant du programme 166 Justice judiciaire, les dépenses de personnel ont été intégralement consommées (2,4 milliards d'euros pour 1 000 créations de postes). En ce qui concerne les dépenses hors titre 2, l'on peut se réjouir de la maîtrise des frais de fonctionnement des juridictions. Néanmoins, le manque de pilotage des frais de justice reste patent : malgré le ralentissement de l'activité judiciaire, ils font l'objet d'une sur-exécution de 11 % sur le budget 2020. La situation a conduit le contrôleur budgétaire et comptable ministériel (CBCM) à donner un avis assorti de très fortes réserves quant à la soutenabilité du programme 166. Le ministère a-t-il la volonté de changer quoi que ce soit ?

Les moyens augmentent, mais les délais de jugement explosent. Le délai moyen de traitement des procédures civiles atteint 14 mois dans les tribunaux judiciaires et 17 mois dans les cours d'appel. Le délai de convocation par un officier de police judiciaire devant le tribunal correctionnel dépasse les 10 mois, alors qu'il devrait être inférieur à 6 mois. Ces chiffres sont très préoccupants et ne résultent pas uniquement de la crise sanitaire. L'allongement des délais de jugement est une tendance de long terme, qu'il faut arriver à enrayer. Ce n'est pas avec les moyens temporaires que vous avez annoncés, monsieur le ministre, que le problème sera résolu. Un travail de fond doit être réalisé au sein de la chancellerie.

Un certain nombre d'indicateurs prévus dans le rapport annuel de performance ne sont toujours pas renseignés, ce qui est révélateur d'un manque de pilotage de la chancellerie et d'un manque de considération à l'égard du Parlement. Il est urgent que le ministère renseigne ces indicateurs.

L'augmentation des moyens du programme 107 Administration pénitentiaire est en décalage avec la dégradation des conditions de détention et les retards du plan de construction de 15 000 places de prison d'ici 2027. Le niveau d'engagements est très élevé en raison de nombreux reports d'AE en 2019. Je regrette que cette accélération des investissements soit aussi tardive. Il y a fort à parier que les retards pris en début de mandat ne seront jamais rattrapés. Les paiements atteignent 3,8 milliards d'euros, soit une sous-exécution de 2,5 %. Il est plus que probable que le plan prison connaîtra des retards. Pour les 7 000 premières places annoncées pour 2022, aucune livraison n'est intervenue en 2020 et le lancement des travaux n'est effectif que pour 46 % d'entre elles.

Malgré la baisse de la population carcérale, les conditions de détention continuent de se dégrader. La densité carcérale demeure très préoccupante dans les maisons d'arrêt et le nombre d'actes de violence contre les personnels pénitentiaires augmente.

La crise a joué un rôle de catalyseur dans la transformation numérique du ministère de la justice, en accélérant le déploiement des ordinateurs portables, la mise à niveau du réseau privé virtuel et les outils de visioconférence, mais elle a aussi mis en évidence les retards pris par la chancellerie. Les moyens mis à la disposition du ministère ne sont pourtant pas négligeables (560 millions d'euros et 260 emplois supplémentaires sur cinq ans). Cela révèle un manque de pilotage du plan de transformation numérique ainsi qu'une tendance à la dispersion des moyens. Je fais mienne la recommandation de la Cour des comptes, qui consiste à réorienter la stratégie numérique du ministère. Il convient de redéfinir les priorités pour aller à l'essentiel et accélérer les projets dont la valeur ajoutée est la plus grande.

J'ai choisi de travailler sur les moyens affectés au ministère public. Le manque de moyens n'est pas une question nouvelle. Les travaux que j'ai conduits confirment le décalage entre les moyens alloués au ministère public et les missions qui lui sont confiées. On observe une forte augmentation de la charge de travail des parquets depuis vingt ans, sous l'effet d'une complexification croissante de la procédure pénale. Outre une perte d'attractivité, cette situation entraîne une tendance au délaissement de certaines missions et un travail « constamment en mode dégradé », comme plusieurs procureurs l'ont affirmé en audition.

La loi de programmation et de réforme pour la justice tend à augmenter les moyens des parquets, même s'il n'est pas possible d'isoler au sein de la mission Justice les crédits et emplois affectés aux parquets. Le taux de vacance chez les magistrats du ministère public est en baisse, mais demeure important chez les greffiers, tandis que l'équipe autour du magistrat est toujours moins étoffée au parquet qu'au siège.

Des marges de progrès subsistent quant à la charge de travail des parquets, la bonne allocation des moyens budgétaires et humains entre juridictions ainsi que le développement des outils numériques. Je ne saurais que vous encourager, monsieur le ministre, à accélérer les efforts engagés et à tirer profit des moyens importants que le Parlement vous a confiés.

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S'agissant des 15 000 places de prison, je rappelle que le foncier est un sujet fondamental. Je pourrais vous donner les noms des parlementaires, y compris de votre groupe, monsieur Hetzel, qui pendant des années ont bloqué les projets d'acquisition de foncier. C'est l'arrivée du ministre qui a débloqué ces projets. Aujourd'hui, il n'y a plus de sujet de foncier sur le plan pénitentiaire.

La délinquance, monsieur le ministre, peut frapper tout un chacun sur le territoire national. Les parquets ont trop longtemps souffert de vacances de postes importantes, ce qui pose des enjeux en matière de traitement de la délinquance et contribue à désacraliser la fonction de la justice dans l'équilibre de notre République. Vous avez mis l'accent sur le renforcement des moyens de la justice. Sous votre seule impulsion, le budget 2021 connaît une hausse historique. Quelle est la situation actuelle et exacte des vacances de postes de parquets ? Quels seront les moyens alloués au titre de la justice de proximité pour les parquets au cours des deux années à venir ?

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Dans le contexte actuel, de nombreux questionnements légitimes se font entendre de la part de nos concitoyens, comme des professionnels de la chaîne police-justice. Il est souvent question des moyens alloués à la justice, qui connaissent une hausse historique.

Des efforts considérables ont été réalisés en matière d'équipement, mais il faut les poursuivre. La crise sanitaire a mis au jour la problématique de la continuité et de l'efficacité du service public de la justice, qui repose sur une transformation numérique rapide et complète. Vous vous êtes pleinement saisi du sujet, monsieur le ministre, en réorganisant le pilotage des projets numériques, en les priorisant, et en y associant l'ensemble des rapporteurs budgétaires.

Dans notre rapport, nous avons mis en exergue la question du déploiement des équipements pour les personnels. Lors de notre déplacement au tribunal de Bobigny, une greffière qui s'était vue doter d'un ordinateur portable et des nouveaux applicatifs de travail à distance m'a confié que c'était la première fois de sa carrière qu'elle pouvait travailler dans de si bonnes conditions. Pourriez-vous nous préciser l'avancement du déploiement des équipements pour l'ensemble des personnels ?

L'efficacité de la justice pénale est au cœur des préoccupations de nos concitoyens. La procédure pénale numérique répond à des enjeux essentiels, dont celui de rendre la justice pénale plus efficace dans le traitement numérique des procédures à portée de main. Pourriez‑vous nous indiquer le calendrier de mise en œuvre de la procédure pénale numérique ?

Nous devons également agir dans le domaine d'internet et des réseaux sociaux. Le 4 janvier, vous avez lancé le « parquet numérique », créé par la loi du 24 juin 2020 visant à lutter contre les contenus haineux sur internet. Dans la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, la mise en place d'un dépôt de plainte en ligne avait été prévue. Pourriez-vous nous informer de l'avancée des travaux concernant cet applicatif ?

Enfin, il convient de ne jamais oublier le volet civil, qui représente une grande majorité des contentieux judiciaires. Vous avez porté une attention particulière aux modes alternatifs de règlement des différends. Les acteurs de terrain sollicitent le développement de ces modes de règlement alternatifs, à l'instar de la médiation et de la conciliation par voie numérique. Je souhaiterais recueillir votre avis sur le calendrier et les investissements permettant de mettre en œuvre cette justice alternative efficace.

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Éric Dupont-Moretti, ministre de la justice

L'expression « rendre des comptes » prend aujourd'hui tout son sens. À quatre reprises dans votre discours, monsieur le rapporteur spécial, vous excipez un défaut de pilotage pour vous autoriser un pilonnage particulièrement injuste. Nous faisons aujourd'hui des comptes, pas de la politique au plus mauvais sens du terme.

L'objectif de l'exercice d'évaluation est d'établir le rapport entre le coût et l'efficacité. Vous avez choisi de mettre l'accent sur le ministère public. Celui-ci exerce de larges compétences. Il décide d'engager des poursuites, les exerce devant les tribunaux et peut former des recours à l'encontre de toutes ou certaines décisions de justice. Il met en œuvre la politique nationale ; il conduit, dirige, supervise l'enquête ; il supervise également la mise à exécution des décisions de justice. Ce sont des missions fondamentales, qui justifient la mise à disposition de moyens adaptés.

L'analyse de l'adéquation des crédits et des emplois par rapport aux compétences des parquets est une tâche ardue, compte tenu du caractère partenarial de leur action, ou encore de l'existence de charges communes au siège et aux parquets. La question du coût du ministère public est difficile à individualiser dans la mesure où, à côté de l'évaluation des effectifs, il conviendrait d'y associer des coûts de fonctionnement spécialement dédiés au ministère public, qui sont partagés avec les magistrats du siège et avec les autres personnels judiciaires.

Le coût du ministère public ne peut s'appréhender au travers d'une approche de sa performance, qui consisterait à mesurer ce coût à l'aune de sa seule activité qui concerne les enquêtes pénales. Depuis douze mois, j'œuvre pour donner des moyens à la justice. J'ai souhaité renforcer significativement les moyens humains des parquets dans le cadre de la justice pénale de proximité. Le recrutement d'emplois publics permet d'apporter des réponses judiciaires visibles à cette délinquance de proximité qui, dans les territoires, dégrade les conditions de vie des habitants. Dans ce cadre, 700 emplois publics (juristes assistants et renforts de greffe) viennent en renfort du ministère public. C'est un apport de moyens humains historique et inégalé.

Les parquets ont significativement élargi le recrutement des délégués du procureur pour renforcer les réponses pénales de proximité. J'ai ainsi doublé le budget qui leur était alloué. Cette action est venue renforcer et accélérer la dynamique entreprise avec la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. Le taux de vacance de postes de magistrats, qui s'élevait à plus de 6 % en 2017, est aujourd'hui quasiment nul.

De nombreux efforts ont permis de constituer de véritables équipes chargées d'assister les magistrats. La loi de programmation a prévu entre 2018 et 2022 un renfort de l'assistance des magistrats par les greffiers à hauteur de 288 emplois. 80 assistants spécialisés sur 107 sont en fonction dans les parquets, et 241 des 636 juristes assistants sont affectés aux parquets.

La question de l'attractivité des parquets est essentielle. Dans son rapport de 2018, l'Inspection générale de la justice préconisait de pérenniser le comblement de la vacance des postes, ce qui a été fait ; et de prévoir une assistance aux magistrats par le recrutement de greffiers, secrétaires, juristes assistants et chefs de cabinets – action que j'ai entreprise avec le recrutement de 914 emplois publics. En outre, la revalorisation de l'indemnisation des astreintes des magistrats est intervenue en juillet 2020, et une indemnité intermédiaire, entre l'indemnité de base et l'indemnité d'intervention, a été créée : il s'agit de l'indemnité d'intervention sans déplacement.

La direction des services judiciaires s'est engagée dans des travaux destinés à doter la France d'un système structuré d'évaluation de la charge de travail des magistrats et à créer un référentiel d'activités des magistrats du parquet. La justice nécessite également des moyens de support. Nous avons engagé des moyens importants pour accompagner l'accroissement des moyens humains.

La justice porte un plan ambitieux de transformation numérique, qui doit permettre aux magistrats de la justice pénale et aux parquets de gagner en productivité et en efficacité. Je pense en particulier à la procédure pénale numérique, chantier de plus de 30 millions d'euros. La numérisation permet une automatisation du traitement dès la transmission par les forces de l'ordre, et cela au profit de tous les acteurs de la chaîne pénale. Le partage de l'information en temps réel accélère le traitement d'une affaire au bénéfice du justiciable. Nous enregistrons les premières avancées concrètes et opérationnelles grâce aux premiers déploiements.

La crise sanitaire a été un facteur d'accélération de l'équipement informatique individuel. L'ensemble des magistrats est aujourd'hui doté en ordinateurs ultra-portables.

Le coût du ministère public comporte également la part de frais de justice dont il est l'ordonnateur dans le cadre de la conduite des enquêtes. Depuis 2017, les dépenses relatives à la conduite de la politique pénale et à l'instruction s'inscrivent en hausse régulière. En 2020, plus de 300 millions d'euros ont été affectés à l'action pénale. L'année 2021 marque une hausse historique des frais de justice de plus de 26 %.

Les magistrats du parquet ont bénéficié d'un plan « véhicules » spécifique, comportant 42 véhicules supplémentaires en 2019 et 38 en 2020. Ils peuvent en outre bénéficier d'affectations de biens saisis et gérés par l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC), ainsi que d'un centre d'appels « permanence parquet » dans 35 juridictions, pour un montant total d'environ 3,7 millions d'euros.

Les juridictions spécialisées (parquet national antiterroriste, parquet financier, juridiction nationale chargée de la lutte contre la criminalité organisée, parquet européen) ont généré des coûts supplémentaires, afin de mettre la justice française au niveau de réponse attendue dans des domaines qui constituent des menaces aiguës pour la France.

S'agissant du parquet national financier, les effectifs de magistrats ont été régulièrement revus à la hausse. Pour 2021, la circulaire de localisation des emplois prévoit 18 magistrats. Le parquet national antiterroriste compte 27 magistrats, ce qui représente une augmentation notable des effectifs par rapport à ceux issus du parquet de Paris.

Afin d'accompagner la montée en puissance de ces parquets spécialisés, la direction des services judiciaires a augmenté progressivement les moyens – mouvement qui se poursuivra dans le cadre de la localisation des emplois en 2021.

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L'année 2020 a vu une augmentation de 4 % des crédits de paiement en loi de finances initiale par rapport à celle de 2019, pour les porter à 7,5 milliards d'euros. Les crédits consommés lors de l'exercice 2020 sont en hausse de 2,5 % et le plafond d'emplois a presque été entièrement consommé.

La majorité a tenu bon sur ses priorités. Le Gouvernement a tenu ses engagements, et renforcé le volet justice de proximité en recrutant 914 agents contractuels supplémentaires. Ceux-ci mettent en place des procédures avec les élus locaux, communiquent sur les activités des services judiciaires.

Deux recommandations formulées par la Cour des comptes ont été mises en œuvre par le Gouvernement : créer un indicateur de contexte de la récidive et faire figurer l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués parmi les opérateurs du ministère de la justice dans les documents budgétaires à l'attention du Parlement.

De nouvelles améliorations doivent être apportées. La Cour des comptes a notamment recommandé d'établir un suivi plus fin des dépenses informatiques afin de mieux piloter les investissements. Pouvez-vous nous indiquer comment sera appliquée cette recommandation et quels sont les moyens engagés par le ministère pour équiper l'ensemble de son personnel d'outils informatiques ?

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Les éléments que j'ai mentionnés sont notamment issus des rapports de la Cour des comptes et de la Commission européenne pour l'efficacité de la justice (CEPEJ). Normalement, le rapport annuel de performance doit fonctionner en miroir avec le projet annuel de performance que vous avez présenté au Parlement. Le fait qu'un certain nombre d'indicateurs ne soient pas renseignés, alors que j'alerte sur le sujet depuis plusieurs années, est un problème. Vous n'avez pas répondu à cette question.

Il existe une difficulté à s'interroger de l'intérieur dans nos institutions. Notre collègue François Cornut-Gentille a publié un rapport sur le département de la Seine Saint Denis qui montre des difficultés de coordination entre les services de l'État, par exemple entre le ministère de l'intérieur et le ministère de la justice. Tout le monde s'accorde à dire qu'il faut des moyens supplémentaires pour la justice, mais ceux-ci ne résolvent pas tout ; il faut aussi une transformation interne. Nous pensions que le secrétariat général apporterait un plus, mais nous avons l'impression d'une stagnation.

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Vous avez mis en avant l'accélération de la numérisation des procédures, mais la justice reste encore l'un des derniers royaumes du papier. Elle reste encore très sous-équipée en matériels informatiques performants et en applicatifs dédiés, malgré le déploiement de 18 000 ordinateurs ultra-portables. De plus, il n'est pas possible d'extraire la moindre statistique sur l'état d'avancement d'une réponse pénale donnée, ce qui alimente la rumeur d'une justice lente et laxiste. Les élus locaux disposent des chiffres des forces de l'ordre, mais pas de ceux de la justice, qu'ils attendent beaucoup. En outre, il n'y a pas de permanence informatique au ministère de la justice le week-end, alors que la justice ne s'arrête pas le week-end.

Pouvez-vous nous en dire plus sur les pistes et avancées que vous prévoyez dans les domaines de l'informatisation et de la numérisation ?

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Nous saluons l'accroissement des moyens alloués à la mission Justice. Je souscris pour autant aux observations concernant les indicateurs manquants, dont l'absence empêche d'analyser la façon dont seront utilisés les crédits. Envisagez-vous de mettre en route ce travail important ?

Par ailleurs, est-ce à dessein que nous savons si peu de choses sur le programme des prisons et des centres éducatifs fermés ? Quels sont les critères qui président à la programmation de la création de ces places de prison ? Il a été dit que des problèmes de foncier étaient à l'origine des retards du dispositif, mais je tiens à rappeler que dans certains territoires, des réserves foncières ont été proposées, mais que les places de prison n'ont pas été actées. Le choix vous revient. En tant que législateur, je suis soucieuse de l'impartialité des décisions prises par le Gouvernement.

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La crise sanitaire a hélas remis le fléau des féminicides dans la lumière. En 2020, le ministère de l'intérieur en a décompté 90, contre 146 l'année précédente. Ces chiffres trompeurs ne doivent pas masquer l'insoutenable réalité. Depuis ce début d'année, le nombre de victimes repart à la hausse.

Il y a deux jours, les procureurs de la République ont demandé que des moyens supplémentaires soient dédiés à cette grande cause nationale, ce qui leur permettrait par exemple de vérifier qu'une mesure d'interdiction d'entrer en contact est respectée et de solliciter le parquet si tel n'est pas le cas.

À l'aube d'un projet de loi de finances rectificative, et au moment où nous évaluons les financements déployés, constatez-vous un manque de corrélation entre l'augmentation des moyens déployés et son effectivité territoriale ? Estimez-vous que les moyens doivent être transférés dans la gestion des dossiers portant sur les violences conjugales, du fait de l'augmentation du nombre de cas, corrélée à la libération de la parole ?

Vous avez récemment rencontré la Conférence nationale des procureurs de la République (CNPR). Pouvez-vous nous dire ce qui est ressorti de cette rencontre ?

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Dans ma circonscription, l'agrandissement et l'amélioration de l'École nationale d'administration pénitentiaire sont en cours. Malheureusement, le nombre de postulants est insuffisant pour remplir les promotions. Quelles sont les mesures que vous avez prises ou que vous comptez prendre pour améliorer le recrutement des surveillants de prison ?

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Éric Dupont-Moretti, ministre

Vous demandez, monsieur Hetzel, que les indicateurs de performance soient renseignés. Ils le sont. Nous pouvons progresser encore, mais la grève des avocats et la crise sanitaire ne nous ont pas beaucoup aidés. Il faut le prendre en considération.

Vous avez parlé de la justice civile pour dire que nous n'avions rien fait sur la résorption des délais de jugement. Cela est faux, puisque nous sommes en train d'embaucher 1 000 personnes et que j'ai fait élaborer 47 mesures techniques – des mesures de gestion qui nous permettent d'espérer une réduction de moitié des délais de jugement.

S'agissant des prisons, vous parlez souvent de 2 000 places, mais il n'y a pas une seule adresse que vous pourriez communiquer. Pas un centime n'avait été budgétisé pour cela. Nous avons un programme de 15 000 places, dont 7 000 sont en cours de construction. Pour les 8 000 places restantes, nous avons signé et nous avons des adresses. Le critère est avant tout un critère technique de faisabilité, de construction, lié parfois à des questions environnementales ou encore de proximité des habitations. Nous rencontrons plus de députés qui ne veulent pas de prison dans leur circonscription que de députés qui en veulent.

En ce qui concerne les violences conjugales, les procureurs ont en effet exprimé une véritable difficulté. Dans le cadre de circulaires, j'ai demandé que l'on examine la situation des personnes ayant été condamnées ou contre qui des plaintes avaient été déposées, pour éviter les drames que nous avons connus. Nous ne pouvons pas réécrire l'histoire et le risque zéro n'existe pas, mais il faut être le plus vigilant possible. La crainte des procureurs est que les juristes assistants envoyés pour aider les parquets se voient confier cet exercice que j'ai demandé dans des circulaires que les procureurs ont eux-mêmes qualifiées de « légitimes » et que cela déséquilibre notre justice pénale de proximité. Je travaille à ce que d'autres juristes assistants soient envoyés au parquet pour les aider dans cette tâche. Nous ne pouvons pas leur demander de travailler davantage sans leur donner les moyens d'effectuer ce travail.

Comme je l'ai indiqué dans mon propos liminaire, l'ensemble des magistrats et plus de 50 % des greffes sont aujourd'hui dotés d'ordinateurs ultra-portables. Nous avons fait en sorte qu'il y ait une bonne répartition sur le territoire national et de ne pas prioriser certaines juridictions.

Dans le plan de transformation numérique ministériel, des priorités ont été définies au sein des projets en cours, afin d'aller à l'essentiel. La procédure pénale numérique a été identifiée comme une priorité absolue. Il s'agit d'une réforme spécifique de nature à impacter directement le quotidien des agents des ministères de la justice et de l'intérieur ainsi que celui des Français.

Avec plus de 500 millions d'euros engagés sur le plan de transformation numérique, il faut renforcer le suivi et le contrôle de la dépense. C'est pourquoi j'ai opéré le renforcement de la fonction « finances » du service numérique du ministère. En 2021 et 2022, nous poursuivrons l'effort budgétaire sur le numérique : plus de 50 millions d'euros sont ainsi programmés dans le cadre du plan de relance et du fonds de transformation de l'action publique.

Le procureur dispose mensuellement des indicateurs qui concernent son parquet, et le procureur général pour l'ensemble des parquets de la cour. Le système peut être amélioré. J'ai d'ailleurs demandé une inspection conjointe pour régler spécifiquement ces questions.

S'agissant du métier de surveillants, je rappelle le plan de recrutement massif engagé sur toute la durée du quinquennat. En 2021, 711 recrutements nets permettront de réduire significativement le taux de vacance des surveillants. L'attractivité s'améliore. En 2020, nous avons rattrapé les retards de recrutement à hauteur de 80 ETP.