Intervention de Olivier Serva

Réunion du mercredi 9 juin 2021 à 15h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Serva, rapporteur spécial (Outre-mer) :

En 2020, la mission outre-mer présente une consommation en recul par rapport à la loi de finances initiale pour 2020. La consommation des crédits s'élève à 2,38 milliards en autorisations d'engagement, soit une baisse de 6 % par rapport au montant prévisionnel, et à 2,33 milliards en crédits de paiement, soit une baisse de 2,4 %. Des annulations de crédits sont intervenues en quatrième loi de finances rectificative, pour 65,5 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 127,3 millions d'euros de crédits de paiement. Je ne peux que déplorer cette situation, qui découle notamment de la crise sanitaire. Qu'il s'agisse du programme Emploi outre-mer ou du programme Conditions de vie outre-mer, l'épidémie de COVID-19 a indirectement provoqué une moindre consommation des crédits inscrits en loi de finances initiale.

Pour le programme Emploi outre-mer, les crédits prévus pour la compensation d'exonération des charges patronales, qui sont portés par l'action Soutien aux entreprises, ont été nettement moins mobilisés que les hypothèses initiales. Il faut voir là l'effet du dispositif mis en place à raison pour soutenir l'activité partielle ouverte par la loi de finances rectificative du 20 mars 2020. Les salaires n'ayant pas été versés par les employeurs, il n'y a eu dans ce cas ni versement de charges sociales, ni compensation.

Pour le programme Conditions de vie outre-mer, l'on peut notamment imputer le retard de consommation des enveloppes votées à l'arrêt des chantiers pendant les périodes de confinement et au report des réunions d'attributions de financement.

J'en viens aux activités de l'opérateur de la mission, l'agence de l'outre-mer pour la mobilité (LADOM), dont les activités ont naturellement été bouleversées en 2020. L'État a ajusté ses versements à la baisse en cours de gestion, soit 27,9 millions d'euros en autorisations d'engagement et 30,9 millions en crédits de paiement, au lieu de respectivement 57 millions d'euros et 58,2 millions d'euros votés.

Monsieur le ministre, je saisis cette occasion pour vous soumettre une question portant sur un des dispositifs mis en œuvre par LADOM, celui de l'aide à la continuité funéraire. L'aide obsèques, qui permet le remboursement sous condition du billet d'avion d'un proche, a été réformée par la loi de finances pour 2021, en élargissant son accès aux frères et sœurs des défunts, au cas d'une dernière visite à un proche, et pour les déplacements entre territoires ultramarins. Cela est une excellente chose. J'ai cependant reçu une alerte de la part du directeur général de LADOM, m'indiquant qu'il n'était pas capable d'appliquer ces aides faute d'arrêté et de décret d'application. Monsieur le ministre, où en sommes-nous ?

Cet état des lieux serait incomplet si je ne présentais pas la mobilisation des crédits de la mission pour répondre à l'urgence de la crise sanitaire, participation qu'on estime à 12,98 millions d'euros en autorisations d'engagement et 11,4 millions d'euros en crédits de paiement, principalement portés par le programme Conditions de vie outre-mer. Je pense aux mesures sanitaires et sociales, ainsi qu'aux dépenses en faveur de la poursuite de la continuité territoriale, là où le trafic commercial avait été interrompu, pour 10,5 millions d'euros en AE et 9,6 millions en CP.

Les crédits de la mission ont également été mobilisés pour des subventions supplémentaires aux associations prenant en charge la situation des étudiants ultramarins.

Je pense aussi, sur le programme Emploi outre-mer, au renforcement des actions du Gouvernement pour venir en aide aux entreprises. Je salue ainsi la réévaluation de 20 millions d'euros du prêt de développement outre-mer.

Je regrette toutefois, au regard des crédits restant non exécutés en fin d'année, que le redéploiement de crédits en faveur des entreprises n'ait pas été plus conséquent. Je regrette également que des dispositifs spécifiques de grande ampleur n'aient pas été élaborés.

Cela étant dit, permettez-moi, chers collègues, de partager avec vous quelques inquiétudes, certaines déjà exprimées l'an passé. Elles concernent l'évaluation du montant des compensations de charges patronales, les difficultés de consommation des crédits de la mission et la fragmentation des moyens mis en œuvre par l'État en faveur des outre-mer.

S'agissant tout d'abord de l'évaluation du montant des compensations de charges sociales, dont les crédits sont portés par l'action 1 du programme Emploi outre-mer, ils représentent 83 % des crédits du programme, et 93 % si l'on exclut les crédits de titre 2. J'évoquais tout à l'heure la moindre exécution des crédits prévue en 2020. Certes, l'année 2020 fut exceptionnelle. Pour autant, la question du différentiel entre l'exécution et la prévision, qu'il soit à la hausse ou à la baisse, n'a rien d'exceptionnel : j'en avais déjà fait le constat l'année dernière.

La Cour des comptes, dans sa note d'exécution budgétaire pour 2020, qualifie la fiabilité des informations fournies par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) à la direction générale des outre-mer (DGOM) comme insuffisante, ce en quoi je rejoins tout à fait l'avis des magistrats de la Cour. Monsieur le ministre, quels sont les projets du Gouvernement en la matière ?

Le deuxième sujet est lié aux difficultés récurrentes de consommation des crédits de la mission Outre-mer. Certes, cette consommation est en progrès en 2020, mais il reste une marge de progrès. Il est également à espérer que ce progrès s'inscrive dans la durée. Je souhaite que la possibilité donnée à titre expérimental, en 2021, au responsable du programme de bénéficier de 70 % des crédits annuels dès janvier 2021 donne lieu à une pérennisation. Nous ferons le point à l'occasion du prochain projet de loi de finances.

Le troisième sujet concerne la fragmentation du budget alloué par l'État aux politiques ultramarines. Celui-ci ne rassemble pas moins de 90 programmes relevant de 30 missions. Parmi ces 90 programmes, la mission outre-mer est bien malingre : elle ne porte que 12 % des crédits de paiement totaux. Cette fragmentation nuit à la bonne lisibilité du dispositif d'ensemble.

J'en viens maintenant à mon thème d'évaluation, à savoir l'exécution des contrats de convergence et de transformation (CCT), dispositifs de contractualisation créés par la loi de programmation relative à l'égalité réelle dans les outre-mer du 28 février 2017, dite loi EROM. La délégation aux outre-mer que je préside avait présenté en février 2017 une première évaluation de l'application de la loi EROM. Il était important de renouveler l'exercice en prenant particulièrement pour exemple le CCT de Mayotte.

Je ne puis que regretter l'adoption tardive des différents CCT, en décalage avec le calendrier prévu par la loi EROM. Cette adoption est intervenue en juillet 2019 pour la plupart d'entre eux, soit avec un an de retard sur le calendrier initial.

Je relève toutefois trois éléments très positifs : la concertation citoyenne, la transversalité et le pluralisme. La concertation citoyenne, car les contrats ont utilisé les diagnostics rendus par les assises de l'outre-mer. La transversalité, car les CCT abordent des politiques publiques nombreuses, plus nombreuses que les contrats de plan État-régions. Le pluralisme, car les établissements de coopération intercommunale ont été associés à l'écriture, au financement et à la mise en œuvre des contrats.

Toutefois, je formule quelques recommandations après avoir auditionné près d'une dizaine d'acteurs et d'institutions, parties prenantes aux CCT en général et au CCT de Mayotte en particulier.

J'ai été alerté sur le caractère rigide de l'enveloppe du CCT, qui interdit, sur les quatre ans du CCT, d'effectuer des abondements de crédits de programmes sous-utilisés vers des programmes présentant de nouveaux besoins. Je le déplore, et cela devrait être corrigé.

Monsieur le ministre, est-il possible de corriger les CCT actuels, pour une meilleure efficacité de l'argent public de manière à répondre aux besoins des populations qui, nécessairement sur quatre ou cinq ans, évoluent ?

En auditionnant le conseil départemental de Mayotte ainsi que les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), je me suis également rendu compte que les relations des services de l'État avec les collectivités territoriales et les EPCI présentaient des marges d'amélioration.

Enfin, je me suis intéressé au fonctionnement de la nouvelle plateforme d'ingénierie de Mayotte. Je demande la généralisation de ce dispositif aux autres territoires ultramarins depuis longtemps. Il s'agit de remédier aux difficultés de gestion administrative que rencontrent certaines collectivités territoriales qui nuisent aux opérations de montage de projets. La préfecture de Mayotte constate un effet très positif de cette plateforme effective depuis dix mois. Je signale toutefois la demande de certains EPCI pour que l'appui soit non seulement donné aux mairies mais aussi aux EPCI.

Monsieur le ministre, ce sera ma dernière question : avez-vous l'intention de généraliser ce dispositif qui a d'ores et déjà fait ses preuves ?

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