Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 9 juin 2021 à 15h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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La commission, réunie en commission d'évaluation des politiques publiques, entend M. Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer.

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Pour cette commission d'évaluation des politiques publiques consacrée à la mission Outre-mer, nous allons d'abord entendre M. Olivier Serva, rapporteur spécial. Il s'est intéressé à la politique contractuelle entre l'État et les collectivités territoriales.

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En 2020, la mission outre-mer présente une consommation en recul par rapport à la loi de finances initiale pour 2020. La consommation des crédits s'élève à 2,38 milliards en autorisations d'engagement, soit une baisse de 6 % par rapport au montant prévisionnel, et à 2,33 milliards en crédits de paiement, soit une baisse de 2,4 %. Des annulations de crédits sont intervenues en quatrième loi de finances rectificative, pour 65,5 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 127,3 millions d'euros de crédits de paiement. Je ne peux que déplorer cette situation, qui découle notamment de la crise sanitaire. Qu'il s'agisse du programme Emploi outre-mer ou du programme Conditions de vie outre-mer, l'épidémie de COVID-19 a indirectement provoqué une moindre consommation des crédits inscrits en loi de finances initiale.

Pour le programme Emploi outre-mer, les crédits prévus pour la compensation d'exonération des charges patronales, qui sont portés par l'action Soutien aux entreprises, ont été nettement moins mobilisés que les hypothèses initiales. Il faut voir là l'effet du dispositif mis en place à raison pour soutenir l'activité partielle ouverte par la loi de finances rectificative du 20 mars 2020. Les salaires n'ayant pas été versés par les employeurs, il n'y a eu dans ce cas ni versement de charges sociales, ni compensation.

Pour le programme Conditions de vie outre-mer, l'on peut notamment imputer le retard de consommation des enveloppes votées à l'arrêt des chantiers pendant les périodes de confinement et au report des réunions d'attributions de financement.

J'en viens aux activités de l'opérateur de la mission, l'agence de l'outre-mer pour la mobilité (LADOM), dont les activités ont naturellement été bouleversées en 2020. L'État a ajusté ses versements à la baisse en cours de gestion, soit 27,9 millions d'euros en autorisations d'engagement et 30,9 millions en crédits de paiement, au lieu de respectivement 57 millions d'euros et 58,2 millions d'euros votés.

Monsieur le ministre, je saisis cette occasion pour vous soumettre une question portant sur un des dispositifs mis en œuvre par LADOM, celui de l'aide à la continuité funéraire. L'aide obsèques, qui permet le remboursement sous condition du billet d'avion d'un proche, a été réformée par la loi de finances pour 2021, en élargissant son accès aux frères et sœurs des défunts, au cas d'une dernière visite à un proche, et pour les déplacements entre territoires ultramarins. Cela est une excellente chose. J'ai cependant reçu une alerte de la part du directeur général de LADOM, m'indiquant qu'il n'était pas capable d'appliquer ces aides faute d'arrêté et de décret d'application. Monsieur le ministre, où en sommes-nous ?

Cet état des lieux serait incomplet si je ne présentais pas la mobilisation des crédits de la mission pour répondre à l'urgence de la crise sanitaire, participation qu'on estime à 12,98 millions d'euros en autorisations d'engagement et 11,4 millions d'euros en crédits de paiement, principalement portés par le programme Conditions de vie outre-mer. Je pense aux mesures sanitaires et sociales, ainsi qu'aux dépenses en faveur de la poursuite de la continuité territoriale, là où le trafic commercial avait été interrompu, pour 10,5 millions d'euros en AE et 9,6 millions en CP.

Les crédits de la mission ont également été mobilisés pour des subventions supplémentaires aux associations prenant en charge la situation des étudiants ultramarins.

Je pense aussi, sur le programme Emploi outre-mer, au renforcement des actions du Gouvernement pour venir en aide aux entreprises. Je salue ainsi la réévaluation de 20 millions d'euros du prêt de développement outre-mer.

Je regrette toutefois, au regard des crédits restant non exécutés en fin d'année, que le redéploiement de crédits en faveur des entreprises n'ait pas été plus conséquent. Je regrette également que des dispositifs spécifiques de grande ampleur n'aient pas été élaborés.

Cela étant dit, permettez-moi, chers collègues, de partager avec vous quelques inquiétudes, certaines déjà exprimées l'an passé. Elles concernent l'évaluation du montant des compensations de charges patronales, les difficultés de consommation des crédits de la mission et la fragmentation des moyens mis en œuvre par l'État en faveur des outre-mer.

S'agissant tout d'abord de l'évaluation du montant des compensations de charges sociales, dont les crédits sont portés par l'action 1 du programme Emploi outre-mer, ils représentent 83 % des crédits du programme, et 93 % si l'on exclut les crédits de titre 2. J'évoquais tout à l'heure la moindre exécution des crédits prévue en 2020. Certes, l'année 2020 fut exceptionnelle. Pour autant, la question du différentiel entre l'exécution et la prévision, qu'il soit à la hausse ou à la baisse, n'a rien d'exceptionnel : j'en avais déjà fait le constat l'année dernière.

La Cour des comptes, dans sa note d'exécution budgétaire pour 2020, qualifie la fiabilité des informations fournies par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) à la direction générale des outre-mer (DGOM) comme insuffisante, ce en quoi je rejoins tout à fait l'avis des magistrats de la Cour. Monsieur le ministre, quels sont les projets du Gouvernement en la matière ?

Le deuxième sujet est lié aux difficultés récurrentes de consommation des crédits de la mission Outre-mer. Certes, cette consommation est en progrès en 2020, mais il reste une marge de progrès. Il est également à espérer que ce progrès s'inscrive dans la durée. Je souhaite que la possibilité donnée à titre expérimental, en 2021, au responsable du programme de bénéficier de 70 % des crédits annuels dès janvier 2021 donne lieu à une pérennisation. Nous ferons le point à l'occasion du prochain projet de loi de finances.

Le troisième sujet concerne la fragmentation du budget alloué par l'État aux politiques ultramarines. Celui-ci ne rassemble pas moins de 90 programmes relevant de 30 missions. Parmi ces 90 programmes, la mission outre-mer est bien malingre : elle ne porte que 12 % des crédits de paiement totaux. Cette fragmentation nuit à la bonne lisibilité du dispositif d'ensemble.

J'en viens maintenant à mon thème d'évaluation, à savoir l'exécution des contrats de convergence et de transformation (CCT), dispositifs de contractualisation créés par la loi de programmation relative à l'égalité réelle dans les outre-mer du 28 février 2017, dite loi EROM. La délégation aux outre-mer que je préside avait présenté en février 2017 une première évaluation de l'application de la loi EROM. Il était important de renouveler l'exercice en prenant particulièrement pour exemple le CCT de Mayotte.

Je ne puis que regretter l'adoption tardive des différents CCT, en décalage avec le calendrier prévu par la loi EROM. Cette adoption est intervenue en juillet 2019 pour la plupart d'entre eux, soit avec un an de retard sur le calendrier initial.

Je relève toutefois trois éléments très positifs : la concertation citoyenne, la transversalité et le pluralisme. La concertation citoyenne, car les contrats ont utilisé les diagnostics rendus par les assises de l'outre-mer. La transversalité, car les CCT abordent des politiques publiques nombreuses, plus nombreuses que les contrats de plan État-régions. Le pluralisme, car les établissements de coopération intercommunale ont été associés à l'écriture, au financement et à la mise en œuvre des contrats.

Toutefois, je formule quelques recommandations après avoir auditionné près d'une dizaine d'acteurs et d'institutions, parties prenantes aux CCT en général et au CCT de Mayotte en particulier.

J'ai été alerté sur le caractère rigide de l'enveloppe du CCT, qui interdit, sur les quatre ans du CCT, d'effectuer des abondements de crédits de programmes sous-utilisés vers des programmes présentant de nouveaux besoins. Je le déplore, et cela devrait être corrigé.

Monsieur le ministre, est-il possible de corriger les CCT actuels, pour une meilleure efficacité de l'argent public de manière à répondre aux besoins des populations qui, nécessairement sur quatre ou cinq ans, évoluent ?

En auditionnant le conseil départemental de Mayotte ainsi que les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), je me suis également rendu compte que les relations des services de l'État avec les collectivités territoriales et les EPCI présentaient des marges d'amélioration.

Enfin, je me suis intéressé au fonctionnement de la nouvelle plateforme d'ingénierie de Mayotte. Je demande la généralisation de ce dispositif aux autres territoires ultramarins depuis longtemps. Il s'agit de remédier aux difficultés de gestion administrative que rencontrent certaines collectivités territoriales qui nuisent aux opérations de montage de projets. La préfecture de Mayotte constate un effet très positif de cette plateforme effective depuis dix mois. Je signale toutefois la demande de certains EPCI pour que l'appui soit non seulement donné aux mairies mais aussi aux EPCI.

Monsieur le ministre, ce sera ma dernière question : avez-vous l'intention de généraliser ce dispositif qui a d'ores et déjà fait ses preuves ?

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Sébastien Lecornu, ministre des Outre-mer

Le Printemps de l'évaluation est un exercice essentiel pour mesurer l'efficacité des politiques publiques que nous menons et la bonne consommation des crédits budgétaires votés par le Parlement.

Cet exercice est d'autant plus à propos pour le ministère dont j'ai la charge, car il a eu longtemps la réputation de ne pas consommer pleinement les crédits votés par le Parlement, période aujourd'hui révolue.

La période de crise a incontestablement bouleversé la mise en œuvre des politiques publiques, mais elle a également révélé la résilience des territoires et des économies ultramarins. Évidemment, cette crise a aussi montré que l'État sait être présent : 5,7 milliards d'euros ont été mobilisés pour les entreprises et les salariés ultramarins, que ce soit à La Réunion, qui a bénéficié de plus d'1,6 milliard d'euros de mesures économiques d'urgence, ou en Nouvelle-Calédonie, avec un prêt de 240 millions d'euros accordé par l'Agence française de développement garanti par l'État.

Outre la traditionnelle exécution des crédits budgétaires, la commission, par la voix de son rapporteur spécial, a choisi de s'intéresser aux contrats de convergence et de transformation et aux contrats de développement, qui constituent le principal outil contractuel entre l'État et les collectivités ultramarines. Comme vous le savez, ces contrats visent à contribuer au développement économique et à la transition écologique et énergétique de nos territoires ultramarins. Je reviendrai sur la genèse, l'état d'avancement de ces contrats et leur articulation avec le plan de relance.

La mission Outre-mer n'est qu'une petite partie du budget global de l'État pour les outre-mer, qui s'étend sur 31 missions et 94 programmes. Il atteint au global 19,6 milliards d'euros en autorisation d'engagement et 19,2 milliards d'euros en crédits de paiement. Sur ces 31 missions, quatre dépassent le milliard d'euros : les missions Outre-mer, Relations avec les collectivités territoriales, Écologie, développement et mobilité durables et Solidarité, insertion et égalité des chances.

Par ailleurs, deux missions consacrent des dépenses de personnel importantes à l'outre-mer : 4,7 milliards d'euros sont alloués au paiement des traitements des agents de l'éducation nationale et un peu plus d'un milliard d'euros aux dépenses de personnel des forces de sécurité intérieure.

J'en viens à la consommation des crédits en 2020. S'agissant du programme 123, la totalité des crédits disponibles a été engagée, soit 745 millions d'euros en autorisations d'engagement et 603 millions d'euros en crédits de paiement. C'est la première fois en cinq ans que le ministère arrive à ce résultat, après plusieurs exercices marqués par une forte sous-consommation des crédits. Cela ne signifie pas pour autant que le ministère a dépensé l'intégralité des crédits votés en loi de finances initiale, car le Parlement vote également un gel de ces crédits de 4 %, qui ampute le budget de mon ministère dès le début de l'année d'un peu moins de 100 millions d'euros.

À cela s'ajoutent les lois de finances rectificatives. Certaines annulent des crédits, cela a été dit, mais d'autres en rajoutent : c'est par exemple les 82 millions d'euros supplémentaires qu'il vous sera proposé de voter dans les prochains jours pour le budget de mon ministère, dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2021, au profit de la Nouvelle Calédonie.

Le gel en début d'année et les annulations en fin d'année sont des aléas que nous connaissons tous les ans. En 2020, la différence tient à ce que le ministère des Outre-mer a su dépenser tous les crédits qu'il avait à sa disposition, un bon résultat obtenu malgré les conséquences adverses de la crise sanitaire, qui ont eu un impact sur certaines politiques publiques, comme la continuité territoriale. LADOM, par exemple, a divisé par deux le nombre de formations financées en 2020.

Je vois deux raisons principales à cette bonne consommation des crédits. La première est la modification de certains paramètres internes qui constituaient de véritables points bloquants, comme la date de mise à disposition des crédits, la fréquence et le niveau du dialogue avec les préfets de chaque territoire. À partir de 2020, les crédits ont été délégués plus tôt sur le terrain et les échanges se sont accélérés entre le ministère et les préfets afin d'identifier le plus en amont possible les blocages.

La seconde raison tient à des éléments structurels, comme l'appui à l'ingénierie pour soutenir les collectivités territoriales dans leur conduite de projet et la mise en œuvre territorialisée du plan logement outre-mer (PLOM), qui a contribué à l'augmentation significative du nombre de logements financés en 2020. La tendance est favorable en 2021 : la consommation des crédits est supérieure à celle de 2020 sur la même période.

Au-delà des actions correctrices en 2020, nous avons renforcé l'appui à l'ingénierie dans le cadre du plan de relance et lancé l'expérimentation des contrats de redressement en outre-mer (COROM) dans les départements et régions d'outre-mer (DROM) pour aider les communes volontaires à redresser leurs finances locales. Un premier COROM a été signé à Cayenne, moins de six mois après l'adoption du dispositif en loi de finances, et les autres sont en cours de finalisation.

S'agissant du programme 138, sur la base de la loi de finances rectificative de fin d'année, la consommation des crédits disponibles est quasiment intégrale. Cela illustre l'effort de fiabilisation réalisé par le Gouvernement dans le cadre des procédures budgétaires. J'apporterai des précisions de fond sur deux dispositifs en particulier. L'exonération des cotisations patronales (dite exonération Lodéom) est plus faible qu'anticipé. Il ne faut pas y voir le signe d'un moindre effort de l'État vers les économies ultramarines. Cela s'explique par la transformation de beaucoup de salaires versés par les entreprises en chômage partiel versé par l'État. Le niveau de soutien a donc été maintenu, voire renforcé : au 1,4 milliard d'euros versés au titre de l'exonération Lodéom s'ajoutent en 2020 près de 560 millions d'euros de chômage partiel, dont 155 millions d'euros pour la Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélemy, 45,4 millions pour la Guyane, près de 210 millions d'euros pour La Réunion, 116 millions d'euros pour la Martinique et 29 millions pour Mayotte. Ce niveau de soutien des salariés et des entreprises des outre-mer était inédit et évidemment nécessaire. S'y sont ajoutés les mécanismes spécifiques du fonds de solidarité et des prêts garantis par l'État.

5,7 milliards d'euros de mesures économiques d'urgence ont été mobilisés par l'État pour les entreprises ultramarines depuis le début de la crise, dont 3,4 milliards d'euros de prêts garantis par l'État, 850 milliards d'euros d'indemnisation par le fonds de solidarité, 767 millions d'euros de report ou d'annulation de charges fiscales et sociales.

Ce programme finance également le service militaire adapté (SMA). En raison de la crise, le SMA n'a pu accueillir que 4 200 jeunes cette année, pour une cible de 6 000 jeunes. Toutefois, l'insertion professionnelle qui est le but de ce dispositif républicain s'est globalement maintenue.

Il faut y voir la capacité du SMA et de ses volontaires à s'adapter à toute situation. Les régiments ont ainsi augmenté la durée de la formation, pour neutraliser les périodes de confinement. Là aussi, la résilience des territoires est à souligner.

Les contrats de convergence et de transformation, dits CCT, et les contrats de développement ont été créés par la loi EROM du 28 février 2017. Ils doivent être la déclinaison opérationnelle des plans de convergence, qui constituent des documents stratégiques. Ils constituent de manière très pragmatique le support des mesures et des financements communs entre l'État et collectivités territoriales, et au sein de l'État, entre différents ministères Les CCT de la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, Mayotte, La Réunion, Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis-et-Futuna ont été signés pendant l'été 2019 et celui de Saint-Martin un an plus tard, en raison du cyclone Irma. Les contrats des DROM ont tous été signés entre l'État, la collectivité territoriale unique ou le conseil régional et le conseil départemental, sans oublier les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) Quant aux contrats polynésiens et calédoniens, leurs négociations ont été décalées du fait des échéances électorales en Polynésie française et référendaires en Nouvelle-Calédonie. Le dernier contrat a été signé le 30 mars 2021 avec la Polynésie française.

Chaque contrat est différent, car il reflète les besoins et les atouts de chaque territoire, Tous ces contrats présentent un effort financier de l'État supérieur aux contrats de plan État – régions (CPER) précédents sur une durée plus courte. Ils manifestent donc la meilleure mobilisation de l'État dans les territoires ultramarins, encore renforcée par les récents accords de relance, qui viennent s'ajouter aux CCT. Les opérations inscrites dans ces contrats sont variées et adaptées aux territoires. Ces opérations sont riches et diverses, qu'il s'agisse du pont du Larivot en Guyane, des opérations anti-sismiques dans les Antilles, des infrastructures d'enseignement en Martinique et à Mayotte, ou de la tenue d'un colloque sur les langues océaniennes à Wallis-et-Futuna.

L'avancement des CCT varie selon les cas : il a atteint 10 % environ à la fin de l'année 2020 dans les Antilles, moins de 40 % à La Réunion, 56 % à Saint-Pierre-et-Miquelon.

L'année 2020 constitue la première année de démarrage complet de la plupart de ces nouveaux contrats. Or, la pandémie qui a marqué cette année et le report des élections municipales ont pesé sur les capacités à conduire les chantiers d'investissement. Le niveau d'engagement reste toutefois très bon, soit un taux de consommation de 94 % des autorisations d'engagement prévues pour 2020 : c'est le signe que la volonté politique et la capacité à lancer les projets n'ont pas faibli.

Il s'agit de résultats globaux, qui reflètent évidemment mal les grandes disparités entre territoires. Les dispositifs de relance de l'économie et les mesures correctrices en profondeur pour améliorer la consommation de nos crédits sont de nature à améliorer la performance de ces dispositifs dès 2021.

J'insiste une nouvelle fois, sur la spécificité du budget des outre-mer. Il comprend moins de 15 % des dépenses de l'État en outre-mer. Les CCT, qui agrègent les budgets de plusieurs ministères, prennent donc tout leur sens.

Une part importante des crédits de mon ministère sont utilisés par d'autres acteurs publics : les bailleurs sociaux, pour les crédits en faveur du logement, et les collectivités locales, pour les CCT ou bien le fonds exceptionnel d'investissement.

Améliorer la consommation de nos crédits, c'est donc aussi répondre aux enjeux majeurs de la structuration du champ du logement social, de l'amélioration de la capacité d'ingénierie des collectivités et plus globalement du redressement des finances locales.

Tous ces chantiers sont en cours et ont déjà commencé à porter leurs fruits en 2020, pour un résultat que l'on peut espérer encore meilleur en 2021.

Pour répondre aux questions posées par le rapporteur spécial, s'agissant de l'application des nouvelles mesures de continuité territoriale introduites dans la loi de finances pour 2021, le décret et l'arrêté d'application de ces mesures nouvelles seront publiés d'ici la fin du mois de juin, puisque les consultations obligatoires avec les collectivités territoriales ont enfin été réalisées.

S'agissant de la qualité des prévisions de l'Acoss pour l'exonération Lodeom, vous soulevez un sujet très important qui occupe beaucoup les services de mon ministère, de Bercy et de l'Acoss. Un travail commun est en cours pour améliorer la qualité de la prévision. Je précise toutefois que les dépenses sont automatiques. Dès lors qu'une entreprise est éligible, l'exonération est de droit. La qualité des prévisions de l'Acoss a un impact sur la gestion budgétaire du ministère, mais n'a pas d'impact sur les entreprises ultramarines, qui touchent quoi qu'il arrive ce qu'il leur est dû.

L'ajustement que vous avez demandé pour pallier la rigidité de l'enveloppe CCT a été effectué via le plan de relance : nous avons en effet abondé les CCT de 20 millions d'euros. À la fin du mois de mai, 13 millions d'euros avaient déjà été engagés. Des ajustements et de nouvelles priorisations ont été réalisés à cette occasion afin de tenir compte des projets les plus mûrs. Nous verrons si les nouvelles équipes électorales souhaitent une priorisation différente des projets. Nous serons en tout cas à l'écoute des projets du territoire.

Je me réjouis de votre avis positif sur les plateformes d'ingénierie au profit des collectivités territoriales. Elles apportent une aide centrale aux acteurs qui mènent des projets concrets, comme les collectivités territoriales ou les bailleurs sociaux. Beaucoup de crédits ne sont en effet pas engagés en raison de problématiques d'ingénierie technique, liées au foncier par exemple, ou d'ingénierie financière, liées à la commande publique. Il nous faudra également reconcentrer des moyens dans les préfectures. Je n'oublie pas l'action de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) et de l'Agence française de développement (AFD) dans l'accompagnement des collectivités en matière d'ingénierie. Enfin, le droit commun, s'agissant du programme « Action cœur de ville » notamment, s'applique également de plein droit dans un certain nombre de communes des territoires ultramarins

Je retiendrai en conclusion un message essentiel : nous arrivons enfin à mieux consommer nos crédits.

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Je souhaite revenir sur un sujet essentiel : l'insertion professionnelle et sociale des jeunes ultramarins. La scolarité est très inégale selon les territoires ultramarins ; il en va de même pour les conditions d'insertion des jeunes sur le marché du travail.

Je souhaite souligner les spécificités ultramarines par rapport à l'hexagone en la matière, et ainsi vous interroger sur les moyens que l'État met en place pour favoriser l'insertion professionnelle des jeunes ultramarins. Ces territoires regorgent de talents, mais ceux-ci rencontrent parfois des difficultés liées aux transports locaux, à la continuité territoriale, pour poursuivre leurs déplacements dans l'hexagone, en Europe ou à l'international – ceux-ci sont d'ailleurs plus cohérents avec les bassins géographiques d'emploi.

Le service militaire adapté (SMA) est un outil indispensable à la prise en charge des jeunes en décrochage, mais celui-ci manque de moyens financiers et humains. Enfin, le tissu économique local, composé pour une grande majorité de très petites entreprises (TPE) et d'artisans, ne permet pas une insertion locale satisfaisante des jeunes. L'apprentissage y est particulièrement difficile à développer.

Depuis le début de la crise sanitaire, la situation des jeunes vis-à-vis de l'apprentissage et de l'emploi demeure-t-elle aussi difficile ? Comment celle-ci pourrait-elle être améliorée ?

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Le budget de l'outre-mer s'élève à 2,43 milliards d'euros, une toute petite partie du budget total consacré aux outre-mer, soit 12 %, ce que je trouve dommage. La part du budget est tout à fait insuffisante, il faudrait que cela change. Le budget consacré à l'outre-mer est-il suffisant pour améliorer les conditions de vie en outre-mer ?

Un effort très important a été consenti dans le cadre du programme128 Emploi outre-me r. Le basculement du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) outre-mer vers l'exonération des charges patronales a été réalisé dans d'excellentes conditions.

En revanche, les conditions de logement ne se sont pas clairement améliorées, c'est un grand chantier que vous connaissez, monsieur le ministre. 80 % de la population est éligible au logement social en outre-mer, contre 66 % en métropole ; mais seulement 15 % de la population en bénéficie. Plus de 62 000 demandes sont en instance. Il reste encore en outre-mer de très nombreux quartiers dont l'insalubrité est importante.

Le nouveau PLOM 2022-2022 doit être davantage territorialisé, en impliquant davantage les communes et les EPCI dans le cadre de la politique du logement. Les dispositifs et outils dont dispose la puissance publique doivent être repensés et recentrés à partir des réalités locales et des besoins de la population. Le Fonds régional d'aménagement foncier et urbain (FRAFU) dispose de 30 millions d'euros en crédits de paiement ; c'est très insuffisant, il en faudrait le triple.

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Dans son rapport rendu en avril dernier, la Cour des comptes a souligné l'amélioration du pilotage budgétaire de la mission Outre-mer avec une plus grande consommation des crédits pour l'exercice 2020. Je souhaite à mon tour vous interroger au sujet de la ligne budgétaire unique (LBU) dédiée au logement en outre-mer. Votre rapport annuel de performance se satisfait d'une consommation élevée des crédits pour 2020, qui marque il est vrai une inversion de tendance par rapport aux années précédentes. Je rappelle qu'on évalue à 100 000 le nombre de logements insalubres en outre-mer. À la lecture du rapport d'exécution du budget, l'on se rend toutefois compte qu'un certain nombre d'actions ont été sous-exécutées, en particulier en Guadeloupe s'agissant du logement social, de l'aménagement urbain et de la résorption de l'habitat insalubre, alors que les besoins sont importants. Cela s'explique notamment par la mise à l'arrêt de certains chantiers pendant les confinements et par les retards pris dans les procédures administratives. Aussi, monsieur le ministre, quelles actions pouvez-vous engager pour relancer la construction et le secteur du bâtiment en outre-mer, éventuellement grâce à des dispositifs nouveaux introduits dans le prochain projet de loi de finances ?

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Le groupe socialiste et apparentés salue le rapport de la Cour des comptes qui a formulé quatre recommandations. Nous soutenons en particulier la recommandation portant sur la visibilité des crédits relatifs à la réforme des aides économiques mises en place par le projet de loi de finances pour 2019. Nous vous demandons, monsieur le ministre, de permettre aux parlementaires d'avoir enfin une visibilité minimale sur ces crédits, dont la réforme a été votée depuis déjà deux ans.

Nous souhaiterions disposer d'un point d'étape sur le PLOM, dont la mise en œuvre a tardé. Les politiques publiques liées au logement sont importantes et pourtant leurs crédits sont fluctuants. Ils ne suffiront pas pour répondre aux besoins criants de nos familles, notamment à La Réunion. Le dernier rapport de la fondation Abbé Pierre fait état de 100 000 Réunionnais en situation de mal-logement. Or chacun sait que sans logement, aucun de projet de vie n'est possible.

La mission Outre-mer ne constitue que la partie émergée de l'iceberg : 88 % des dépenses de l'État dans les outre-mer sont inscrites sur d'autres missions. J'attire donc votre attention, monsieur le ministre, sur le système de santé : l'adaptation du coefficient géographique est urgente car les dotations en santé sont inférieures à La Réunion, par rapport à la moyenne nationale, alors que les besoins de ce territoire sont plus importants. Je pense aussi aux politiques publiques en faveur de l'enseignement, tendant à éviter les sorties du système scolaire sans diplôme, ce qui concerne trois fois plus des jeunes de ce territoire que la moyenne nationale

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Je concentrerai mon propos sur la formation et l'insertion des jeunes. Nous disposons, sur la mission Outre-mer, de 251 millions d'euros affectés à l'insertion et à la qualification professionnelle. Ces crédits financent plusieurs dispositifs éprouvés, comme le service militaire adapté (SMA), ainsi que la subvention pour charge de l'agence de l'outre-mer pour la mobilité (LADOM), et des dispositifs plus innovants, comme Cadres avenir.

Je souhaite mettre en avant les difficultés inhérentes à la crise sanitaire. Tout d'abord, après le confinement, sommes-nous en capacité d'atteindre les objectifs en matière d'insertion ?

Ensuite, nos étudiants ultramarins ont beaucoup souffert des conséquences de la crise de la COVID-19, certains d'entre eux ont eu des difficultés à suivre leur cursus. Pouvez-vous vérifier que les objectifs en matière d'accompagnement et de mobilité des étudiants seront atteints ? En cette période, comment mieux accompagner les étudiants pour leur permettre d'atteindre leur objectif professionnel ?

Enfin, il existe une corrélation entre les offres d'emploi des territoires et les parcours de formation des étudiants. LADOM n'intervient pas encore en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française. Avez-vous une orientation nous permettant d'espérer bientôt obtenir l'intervention de LADOM sur ces territoires ?

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le ministre Sébastien Lecornu

Je commencerai par répondre aux remarques sur le périmètre de mon ministère. Nous sommes arrivés à la conclusion qu'il serait extrêmement dommageable de créer un grand ministère des outre-mer en amputant chaque ministère de la part de ses budgets alloués à l'outre-mer. Même si cela paraît séduisant, cela serait une très mauvaise idée pour les outre-mer. Faire grossir budgétairement le ministère des outre-mer pour qu'il porte l'intégralité du budget des outre-mer aurait des effets délétères : cela déresponsabiliserait définitivement tous les autres ministères de ce qui se passe en outre-mer. Certes, cela ne répond pas à toutes les questions légitimes sur la bonne coordination des crédits en interministériel.

Si vous me permettez de résumer vos interventions, j'y vois trois grands thèmes : le logement (à la fois le logement social et le développement économique via la filière du bâtiment et des travaux publics) ; l'insertion, le chômage et la jeunesse ; et enfin les aides économiques.

Pour ce qui concerne les aides économiques, la plupart des dispositifs de droit commun ont été contournés par des dispositifs exceptionnels en raison de la crise sanitaire. Nous ne pouvons donc pas prendre les années 2020 et 2021 comme années de référence. Certains salaires n'ayant pas été versés, certaines exonérations n'ont par exemple pas été calculées.

Je poursuis avec l'insertion professionnelle des jeunes. Des chiffres supplémentaires relatifs aux territoires pourront être communiqués aux députés qui le souhaiteraient, étant entendu que la compétence en ce domaine est partagée avec les collectivités territoriales, sans parler des dispositifs particuliers propres aux territoires du Pacifique.

Tous les territoires d'outre-mer accueillent le SMA. Le taux d'insertion des jeunes via le SMA est resté très bon malgré la crise, car nous avons fait le choix de réduire le nombre de jeunes dans les régiments, sans modifier l'encadrement, et de conserver la qualité de l'insertion et du lien avec le monde économique. 76 % des 4 192 jeunes formés par le SMA en 2020 ont été insérés dans le milieu professionnel. 83 % de la cohorte 2020 a trouvé un emploi, qui est durable à 59 %, et sur leur territoire dans 70 % des cas... J'ai lancé des travaux sur l'avenir de Mayotte, dix ans après la départementalisation de ce territoire, sachant qu'un projet de loi relatif à Mayotte est en préparation : le SMA compte parmi l'un des outils majeurs qu'il serait possible de mobiliser à Mayotte.

S'agissant des taux d'insertion des jeunes en général, les territoires ultramarins restent très fortement touchés par le chômage, avec néanmoins des signes plus positifs qu'en France hexagonale. S'agissant des jeunes actifs de moins de 25 ans, les outre-mer comptent 531 555 demandeurs d'emploi de catégorie A, soit une baisse de 0,9 % sur trois mois. Par rapport au premier trimestre 2020, la hausse constatée de 2,5 % est inférieure à celle constatée dans l'hexagone, qui y est de 7,9 %. Je rappelle que les outre-mer ont connu des confinements différents, avec des effets par conséquent différents sur l'emploi. Rappelons-nous à quel point la saison touristique de la période de Noël a pu être sauvée, alors que les stations de ski étaient fermées. Les cycles économiques, correspondant à des cycles sanitaires, ont été différents en outre-mer et dans l'hexagone. Grâce au plan de relance, 500 millions d'euros ont été investis dans l'emploi et la formation en outre-mer dont près de 200 millions d'euros pour des aides d'accompagnement personnalisé pour les jeunes. Les aides à l'embauche rencontrent un franc succès dans les outre-mer, avec 3 144 aides accordées à des jeunes de moins de 26 ans et 362 emplois francs depuis le début de l'année. Le nombre de contrats aidés, relevant des Parcours emploi compétences (PEC jeunes), est également en augmentation en 2021, avec 9 504 contrats, soit 12 % de l'enveloppe nationale, et 5 117 contrats initiative emploi (CIE) « jeunes », soit 11 % de l'enveloppe nationale. Pour renforcer l'attractivité des PEC jeunes, des adaptations en outre-mer prévoient une prise en charge financière par l'État qui peut atteindre jusqu'à 80 %.

Nous constatons un accroissement inédit des entrées en apprentissage dans les outre-mer : elles concernent 11 000 jeunes de moins de trente ans en 2020, contre 6 500 en 2019. Le plan d'investissement dans les compétences abonde de près de 40 millions d'euros supplémentaires les crédits octroyés aux régions ultramarines. Ces financements permettront la prise en charge de 5 675 parcours de formation supplémentaires. Enfin, le plan de relance a significativement accru les crédits alloués au projet initiatives jeunes pour la reprise d'entreprises par les jeunes de moins de 30 ans. Nous avons donc des raisons d'être optimistes sur ce sujet, où nous mobilisons 9 millions d'euros contre 500 000 euros précédemment.

S'agissant du logement, force est de constater que la territorialisation du PLOM pour laquelle vous vous êtes mobilisés collectivement, fonctionne. La consommation intégrale des crédits du ministère consacrés au logement dès 2020, soit 215 millions d'euros, montre qu'elle porte ses fruits. Grâce au PLOM, Action Logement et CDC Habitat ont respectivement multiplié par cinq et par trois leurs activités en outre-mer entre 2019 et 2020. Près de 11 800 logements ont ainsi pu être réhabilités ou construits en 2020 ; il s'agit de 8 100 logements pour la seule ligne budgétaire qui dépend de mon ministère. Les directions de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DEAL) signalent actuellement 50 % de projets de plus qu'en 2020, qui seront financés par la ligne budgétaire unique.

Au total, l'exécution 2020 de la ligne budgétaire unique est supérieure à celle de 2019 : 215 millions d'euros en autorisations d'engagement contre 188 millions d'euros, et 178 millions d'euros en crédits de paiement soit une consommation intégrale, contre 169 millions d'euros. Ces moyens ont permis le financement de la construction et de la réhabilitation de 8 100 logements en 2020, contre 7 300 logements en 2019. Les partenaires du PLOM, Action Logement et CDC Habitat, ont permis de financer conjointement à la ligne budgétaire unique 11 800 logements entre 2019 et 2020.

Le logement n'est donc pas un problème d'argent. Nous faisons face avant tout à des problématiques d'ingénierie et d'accès au foncier. Nous entrons dans la phase difficile : tout ce qui a été facile à construire l'a été. Nous nous heurtons à des contraintes foncières très tendues, à des problématiques d'ingénierie propres aux outre-mer, et parfois à des problèmes de gouvernance des acteurs du logement social. Ainsi les projets sont mis en échec ou sont anormalement longs. Nous dépendons parfois, dans certains territoires, de la gouvernance et des acteurs locaux Je souhaite qu'une fois les élections terminées, nous puissions disposer d'une gouvernance locale fluide et aboutir à un plan pluriannuel de construction de logements, pour présenter à nos citoyens des plans de développement propres à chaque territoire ultramarin, en prenant en compte la question de l'impact environnemental, ou encore des approvisionnements en matières premières nécessaires à la construction. La ministre Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement, et moi-même sommes mobilisés à vos côtés.

La commission, réunie en commission d'évaluation des politiques publiques, entend M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

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Nous débutons la discussion relative à la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales, qui comporte plusieurs rapports spéciaux. Nous traiterons des programmes Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l'aquaculture et Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture, ainsi que du compte d'affectation spéciale Développement agricole et rural, puis du programme Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation.

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L'année 2020 a été marquée par la crise sanitaire, qui a par exemple eu des conséquences sur les modes de consommation alimentaire aussi bien que sur les ventes de bois, et donc sur les recettes de l'Office national des forêts (ONF) et des communes forestières. Elle a aussi été marquée par des épisodes de sécheresse sans précédent, notamment dans le Nord, jusqu'alors épargné, qui ont eu des répercussions graves sur les activités agricoles, forestières et agroalimentaires.

Dans ce contexte, je tiens à saluer le travail du ministère de l'agriculture et de l'alimentation qui, pour la troisième année consécutive, a assuré une exécution globalement conforme à l'autorisation parlementaire.

Cet effort de sincérité budgétaire se traduit par une consommation des crédits de paiement ouverts par la loi de finances initiale à hauteur de 98 % et de 95,4 % en tenant compte des mouvements intervenus en gestion, dont les lois de finances rectificatives. La fin de gestion pour 2017 présentait une surconsommation de 153 % en crédits de paiement.

Sur le programme 149, qui porte les principaux dispositifs d'intervention réguliers ou d'urgence en faveur des professionnels des cultures, de l'élevage, de la forêt, de la pêche et de l'aquaculture, je ferai quatre observations.

La provision pour aléas de 174,8 millions d'euros a joué un véritable rôle d'amortisseur, couvrant plus de la moitié des refus d'apurement notifiés par la Commission européenne et de l'indemnisation des calamités.

S'agissant des aides exceptionnelles en réponse à la pandémie, trois filières – viticulture, chevreaux et cidre – ont bénéficié d'enveloppes spécifiques pour 43,6 millions d'euros. Cinq autres filières devraient être soutenues en 2021, dont la filière brassicole à hauteur de 4,5 millions d'euros, portant le total à 159 millions d'euros.

Je me réjouis que l'ambition forte en matière de transition agro-écologique ait été maintenue : 144,2 millions d'euros ont été alloués aux mesures agro-environnementales et climatiques et aux aides à la conversion vers la production biologique. Cependant, une nouvelle fois, le fonds de structuration « avenir bio » n'est pas parvenu à consommer les 8 millions d'euros dont nous l'avions doté après l'avoir précédemment fait passer de 4 à 6 millions d'euros. L'agence qui le gère manque de ressources humaines pour instruire les dossiers. Cela est dommage car il s'agit de projets collectifs structurants, comme des huileries ou des malteries.

Monsieur le ministre, pourriez-vous nous indiquer quelles sont vos démarches pour résoudre cette sous-consommation chronique du fonds et éviter que le même problème d'instruction ne se pose avec le plan de relance ?

Par ailleurs, le Gouvernement a indiqué que l'objectif de 15 % de surface agricole utile (SAU) cultivée en bio d'ici 2022 serait inatteignable et a fixé un nouvel objectif de 18 % d'ici 2027. Quelles sont les mesures envisagées pour satisfaire cette ambition ? Comment intégrez-vous les modèles intermédiaires, comme celui de l'agriculture raisonnée ou du pâturage quasi-exclusif ?

Enfin, l'exécution des crédits en matière forestière est bonne. Toutefois, la situation de l'ONF est particulièrement préoccupante : en 2020, confrontées à la triple crise de la sécheresse, des scolytes et du covid-19, ses ventes de bois se sont repliées de 37,7 millions d'euros. Dans ce contexte difficile, 95 équivalents temps plein travaillé (ETPT) ont été supprimés, alors que l'Assemblée nationale avait, en première lecture, voté en faveur de leur maintien. Je suis inquiète quant à la nouvelle trajectoire de baisse envisagée par le futur contrat d'objectifs et de performances (COP) pour les années 2021 à 2026 : l'on parle de 500 postes. Comment l'ONF pourra-t-il relever les défis climatiques et effectuer le juste approvisionnement des scieries françaises ? Quelles pistes envisagez-vous pour le futur COP ? Pouvez-vous préciser la trajectoire des ETPT pour les cinq années à venir ?

L'exécution du programme 215, chargé des moyens humains et de fonctionnement du ministère, est également maîtrisée. Monsieur le ministre, quel est l'état de votre réflexion sur le devenir de l'Institut national de formation des personnels du ministère de l'agriculture (INFOMA) : maintien de la quasi-régie ou évolution vers un service à compétence nationale ?

En ce qui concerne le compte d'affectation spéciale Développement agricole et rural (CAS-DAR), qui a occupé nos débats sur le projet de loi de finances pour 2021, nos interrogations demeurent. Pour la septième année consécutive, le CAS enregistre un solde positif de 13,2 millions d'euros ; son solde cumulé est donc de 93,2 millions d'euros. Il faut trouver les voies et moyens d'une instruction des dossiers plus performante, c'est-à-dire recourant davantage aux appels à projets et, surtout, ciblant davantage les dossiers à forte plus-value.

Enfin, l'audit de l'Inspection générale des finances (IGF) et du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), annoncé il y a près de quinze mois, est apparemment terminé. Pouvez-vous rendre public son contenu ?

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J'en viens à notre évaluation de l'efficacité des soutiens publics aux filières de la pêche et de l'aquaculture – un secteur qui représente près de 15 000 emplois et de 2 milliards d'euros de chiffre d'affaires – au regard de leurs deux principaux objectifs : faire respecter la législation européenne et française par les entreprises concernées ; fournir une aide aux professionnels dans un contexte marqué aussi bien par les menaces sur certaines espèces que par la réduction des quotas de prélèvement en raison de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne.

Les concours du fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP) comportaient 6,4 milliards d'euros sur la période de 2014 à 2020, dont 588 millions d'euros pour la France. L'enveloppe du même fonds, dont l'intitulé a été élargi à l'aquaculture, (FEAMPA) pour les années 2021 à 2027 s'élèvera à 6,1 milliards d'euros, dont 567 millions d'euros pour notre pays. Les contreparties de l'État et des régions atteindront 165,2 millions d'euros. Dès lors, les moyens annuels sont d'environ 108 millions d'euros.

Il importe que la prochaine programmation permette une simplification drastique : la dématérialisation et les options simplifiées y pourvoiront, mais il faudra privilégier les petites filières et entreprises qui, souvent, manquent d'ingénierie pour monter leurs dossiers.

S'agissant de l'État, trois ministères interviennent : le nôtre, si vous le permettez, ou en tout cas celui dont les crédits nous réunissent cet après-midi, mais aussi ceux de la transition écologique et de la mer.

Le programme 149 de la mission Agriculture comporte une action 28 Pêche et aquaculture. En 2020, elle n'a consommé que 34,5 millions d'euros sur les 50,6 millions d'euros ouverts par la loi de finances initiale, notamment du fait du redéploiement de 10,6 millions d'euros vers d'autres leviers de la mission. Cette importante sous-exécution est malheureusement la norme, puisque onze des quatorze derniers exercices ont connu une telle situation – et même une mobilisation d'à peine 50 % en 2009, 2011, 2016 et 2018.

Toujours est-il que les moyens de la direction des pêches maritimes et de l'aquaculture (DPMA) poursuivent des objectifs majeurs, qui correspondent pour plus des trois quarts à l'application de la politique commune des pêches (PCP) et au cofinancement du FEAMP : le suivi scientifique des données (4,8 millions d'euros, avec trois attributaires de marché et cinq bénéficiaires de subventions), le contrôle des pêches (5,4 millions d'euros, même si l'essentiel est assuré par la direction des affaires maritimes), l'appui technique (1,9 million d'euros, dont les cotisations de la France à divers organismes internationaux), les interventions socio-économiques (6,1 millions d'euros, c'est-à-dire le soutien au comité national des pêches maritimes et des élevages marins et aux caisses de garantie des pêcheurs contre les intempéries et avaries, dont la réforme est étudiée), les aides matérielles (2,1 millions d'euros, par exemple pour l'acquisition d'équipements de manutention et de transport du poisson) et, bien sûr, la part nationale adossée aux aides européennes, avec un taux commun de 75 % (mais de 50 % à 100 % selon les cas).

Je serai bref sur les moyens du programme Affaires maritimes, d'abord parce qu'ils relèvent de la mission que suit M. Saïd Ahamada et que pilote Mme Annick Girardin, ministre de la mer, ensuite parce qu'ils traitent de l'économie, la sûreté et la biodiversité maritimes au sens large. Cependant, notons que la DPMA mobilise les services déconcentrés de la DAM, ainsi que ses navires, et assume 6 millions d'euros d'allègements fiscaux en faveur des pêcheurs.

Un effort de 50 millions d'euros a été consenti par la mission Plan de relance au bénéfice des pêcheurs, pisciculteurs, conchyliculteurs, astaciculteurs, pénéiculteurs, coraliculteurs et algoculteurs. Cette enveloppe comporte trois volets, prenant la forme d'un guichet ou d'appels à projets, qui devraient accompagner environ 470 entreprises. Plusieurs lignes, accessibles par téléprocédure, sont closes et témoignent d'une forte appétence. Par exemple, alors que 15 millions d'euros sont disponibles pour les aides à l'innovation des bateaux (performance énergétique, conditions de travail, sélectivité des captures, etc.), 25 millions d'euros ont été demandés.

Notre rapport aborde enfin les financements des régions – qui ont clairement joué le jeu face à la crise et distribué plus de 5 millions d'euros d'aides en 2020, contre moins d'un million d'euros en 2019 – et ceux de l'Établissement national des invalides de la marine (ENIM), le régime de sécurité sociale des marins. À la faveur d'une vingtaine d'auditions et d'un déplacement, il y a deux semaines, à Boulogne-sur-Mer, nous avons pu constater la très forte attente que placent les professionnels du secteur dans l'action des pouvoirs publics. L'engagement du Gouvernement doit être salué, mais les chefs d'entreprise et leurs salariés butent sur le terrain face à des difficultés techniques qu'il devient urgent de surmonter, tant les deux crises du covid-19 et du Brexit se cumulent.

Monsieur le ministre, j'ai quatre questions à vous poser.

Pourriez-vous faire un point précis sur le fond et les conséquences financières de l'accord trouvé le mercredi 2 juin dernier avec les Britanniques concernant les zones de pêche et les échanges de quotas ? Je pense au difficile rassemblement des preuves d'antériorité, notamment pour les petits bateaux sans balise AIS et ceux ayant changé de propriétaire.

Quelle lecture faites-vous de l'organisation et des activités de France filière pêche, interprofession insuffisamment reconnue à notre sens ?

Concernant les caisses de garantie des pêcheurs en cas d'intempéries et d'avaries, pouvez-vous nous rappeler les sommes en jeu et indiquer les pistes pour améliorer ce système ?

Quel est votre sentiment sur l'appropriation du plan de relance par les professionnels de l'aquaculture ? Plus généralement, quelle est votre ambition en matière d'installation de fermes piscicoles ?

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Représentant 19,2 % des crédits consommés par la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales, le programme 206 Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation est, en montant, le plus modeste des trois programmes de celle-ci. Il n'en concerne pas moins l'ensemble des Français, et traite d'enjeux cruciaux pour la santé des animaux, des végétaux et des humains.

Je dirai quelques mots d'une exécution budgétaire perturbée par la pandémie, avant d'en venir aux contrôles sanitaires et phytosanitaires aux frontières à l'heure du Brexit.

En 2020, le programme 206 a consommé un montant de 555,6 millions d'euros en crédits de paiement et de 557,6 millions d'euros en autorisations d'engagement, soit une progression de 9,2 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 5 millions d'euros en crédits de paiement par rapport à 2019. Insuffisamment doté en loi de finances pour 2019, il avait fait l'objet, en loi de finances initiale pour 2020, d'une revalorisation de 8,2 % tant en autorisations d'engagement qu'en crédits de paiement, pour atteindre un montant de 579,6 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 579,1 millions d'euros en crédits de paiement.

Une légère sous-consommation des montants inscrits en loi de finances initiale est due à la crise sanitaire. Ainsi le taux de consommation des autorisations d'engagement n'atteint-il que 96,2 % et celui des crédits de paiement 95,9 %.

L'activité de contrôle et de surveillance sanitaire de la direction générale de l'alimentation (DGAL) a effectivement été ralentie par les circonstances. Afin de préserver l'approvisionnement alimentaire du pays et sa sécurité sanitaire, la DGAL, dans le cadre d'un plan de continuité d'activité, a accordé la priorité à certains contrôles, tels les contrôles sanitaires en abattoir et les contrôles à l'import. Ces efforts ont permis d'éviter tout accroissement des risques en matière de sécurité alimentaire et sanitaire. Il conviendra néanmoins de s'assurer que l'ensemble des contrôles qui n'ont pu être réalisés en 2020 auront été effectués en 2021.

L'année 2020 aura également été marquée, s'agissant de la santé des végétaux, par la lutte contre deux organismes nuisibles, xylella fastidiosa et le capricorne asiatique, qui ont fait l'objet de mesures de surveillance et de lutte visant à leur éradication. Quant à la santé des animaux, nonobstant la régression du nombre de foyers préexistants, une recrudescence des nouveaux cas de tuberculose bovine confirme la nécessité de toujours accorder une attention particulière à cette maladie ; la DGAL y veille. L'épisode de grippe aviaire est arrivé en fin d'année et n'a pas encore eu d'impact financier significatif, que ce soit dans les Landes ou à Marmont-Pachas, petite commune de ma circonscription.

J'en viens à l'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), opérateur rattaché au programme, pour appeler une nouvelle fois votre attention, monsieur le ministre, sur ses ressources. Pleinement investie dans la lutte contre la pandémie dans le cadre de ses travaux d'expertise et de recherche, l'ANSES a vu l'année dernière ses recettes de fiscalité affectée diminuer de 26 %, soit 8,3 millions d'euros. Cette attrition rigidifie un budget qui ne lui laissait déjà que très peu de marges de manœuvre, tandis que la stabilité de la subvention pour charges de service public ne permet pas de compenser l'augmentation mécanique de certaines dépenses, telles celles de personnel sous l'effet du glissement vieillesse technicité. En outre, le maintien de l'Anses au niveau d'excellence scientifique qui est le sien, la mise à jour de son système d'information et d'importantes opérations immobilières nécessitent des investissements majeurs. Je l'ai déjà dit l'an dernier : il convient au minimum de sanctuariser ses ressources financières et humaines. Un examen de l'opportunité d'augmenter le montant de la subvention pour charges de service public me paraît même justifié.

J'en viens aux contrôles sanitaires et phytosanitaires aux frontières à l'heure du Brexit. Dans un contexte d'économie ouverte, l'inspection vétérinaire et phytosanitaire aux frontières joue un rôle décisif pour assurer la sécurité et la qualité sanitaires des aliments, des animaux et des végétaux, et ainsi la santé du consommateur. Les contrôles dont font l'objet les importations des pays tiers, réalisés à la frontière, au premier point d'entrée dans l'Union européenne, visent à garantir, en application d'une série de normes exigeantes édictées au niveau européen, le plus haut niveau de sécurité sanitaire. Il y est procédé dans des installations spécifiques.

Alors que l'organisation, en France, de ces contrôles avait peu évolué depuis la création, en 2010, du service d'inspection vétérinaire et phytosanitaire aux frontières (SIVEP), le Brexit a bouleversé la donne. L'accord de commerce et de coopération conclu le 24 décembre dernier ne prévoit pas d'équivalence des réglementations sanitaires et phytosanitaires. Il est donc nécessaire depuis le 1er janvier 2021 de contrôler les marchandises en provenance du Royaume-Uni, et, pour d'évidentes raisons géographiques, la France est leur principal point d'entrée dans l'Union européenne.

La préparation à cette perspective ne s'est pas faite sans difficultés. Il fut ainsi particulièrement complexe d'estimer ce que serait le volume des flux à contrôler – et, depuis le 1er janvier, les flux constatés ne semblent ni au niveau des estimations qui avaient été faites ni stabilisés.

Le SIVEP a aussi dû changer d'échelle. Ainsi, cinq nouveaux postes de contrôle frontaliers ont été agréés et les effectifs ont quadruplé : alors que le SIVEP comptait 88,5 équivalents temps plein (ETP) en postes de contrôle frontaliers et 6 ETP au service central en 2010, ce sont 420 postes qui étaient pourvus au 31 mars 2021. Je salue cet effort de recrutement sans précédent, à la hauteur de l'enjeu, tout en recommandant que le service se dote d'indicateurs permettant de mesurer l'efficacité et l'efficience de son activité de contrôle.

De nombreuses formations nécessaires ont pu être dispensées grâce à la réactivité et à la compétence de l'École nationale des services vétérinaires et de l'Institut national de formation des personnels du ministère de l'agriculture. Les responsables de ces deux écoles m'ont toutefois confirmé la réalité des difficultés de recrutement et d'un important turn-over. La France est notamment confrontée à une véritable pénurie de vétérinaires, si bien qu'il a fallu prendre un décret pour permettre, pendant une période de deux ans, à des vétérinaires n'ayant pas la nationalité française d'exercer des missions de contrôle à l'importation. De manière générale, il me semble qu'il conviendrait de renforcer l'attractivité de ces postes. Qu'envisage le Gouvernement à cet égard, monsieur le ministre ? Il me semble qu'il serait opportun, une fois stabilisés les flux de marchandises en provenance du Royaume-Uni, de proposer des contrats d'une durée supérieure à deux ans.

Je me permets également d'appeler votre attention sur les gestionnaires des points d'entrée sur le territoire, qui ont dû investir des montants importants pour accueillir dans leurs locaux ces nouveaux contrôles. La Société d'exploitation des ports du détroit a ainsi investi près de 19 % de son chiffre d'affaires de l'an dernier. Quant à Eurotunnel, son modèle économique repose sur la rapidité et la fluidité d'accès au continent européen ; à la suite de la mise en place des contrôles et en raison de certains délais d'attente, la société craint donc pour sa compétitivité face à d'autres acteurs européens. Il n'appartient pas au ministère français de l'agriculture et de l'alimentation de prendre en charge ni les surcoûts ni les manques à gagner engendrés par la mise en œuvre du Brexit, mais des compensations ne pourraient-elles être envisagées au niveau européen ?

Ont également retenu mon attention les redevances perçues au titre des contrôles sanitaires et phytosanitaires. Alors que le droit européen prévoit que leur produit permette de couvrir les frais engendrés par la réalisation des contrôles officiels, la DGAL estime qu'il n'atteint que 10 % à 15 % des montants engagés. Quelles pistes d'évolution, monsieur le ministre, vous paraissent envisageables pour que le montant des redevances tienne compte du coût réel des contrôles ?

Enfin, il semble que le logiciel Traces, utilisé par les postes de contrôle des différents pays, ne permette pas la plus grande transparence quant aux contrôles effectués dans les postes des différents pays membres de l'Union européenne, ce qui compromet la possibilité de construire des stratégies de contrôle à l'échelle européenne. Je le déplore, mais peut-être l'engagement du Gouvernement permettra-t-il d'y remédier…

Pour terminer, je tiens à souligner que tous les interlocuteurs auditionnés au cours de ce travail ont salué la disponibilité et l'écoute dont ont fait preuve les services du ministère de l'agriculture et de l'alimentation au cours de cette préparation au Brexit.

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Les commissions d'évaluation des politiques publiques s'inscrivent cette année dans un contexte unique pour notre agriculture, qui a subi les effets combinés de plusieurs crises.

À la crise liée à l'épidémie de coronavirus, nous avons répondu par un plan de relance agricole de plus d'un milliard d'euros pour renforcer notre souveraineté alimentaire. Je distingue plusieurs enjeux : le renouvellement des générations, alors que la moitié des agriculteurs partira à la retraite avant 2026, la transition verte et numérique, pour adapter notre agriculture et le secteur agroalimentaire aux enjeux de demain, la préservation d'un modèle agricole familial – la ferme France porte des produits bruts sans bénéficier de la valeur ajoutée, à l'exemple des pommes de terre transformées en chips en Belgique –, quand les grandes monocultures épuisent nos sols et affaiblissent la vitalité de nos territoires et menacent notre souveraineté. Un sol met trente ans à reconstituer sa valeur agronomique.

Il faut par ailleurs accélérer la transition agroécologique. Partout, la demande des consommateurs est forte, les méthodes ont progressé et la distribution des produits doit être améliorée. L'agriculture peut être un formidable outil pour le climat : si l'on augmente de 0,4 % par an la quantité de dioxyde de carbone retenue par les sols, l'on stoppe sa progression dans l'atmosphère.

La forêt française, qui représente 400 000 emplois directs, n'est pas épargnée par les menaces environnementales – fragilisation et dépérissement des arbres –, mais les territoires se sont adaptés à ces diverses contraintes, par exemple par la diversification et les mélanges et le recours à de nouvelles méthodes de plantation. Les usages du bois sont au cœur des équilibres environnementaux, sociaux et économiques.

À la propagation du virus d' influenza aviaire, le ministère a immédiatement répondu par la détection, l'accompagnement et l'indemnisation des élevages concernés, avec des acomptes rapides. Le sud-ouest a été très touché avec plus de 3,5 millions de volailles abattues, confirmant que la filière est mise à rude épreuve depuis 2015. Nous devons réfléchir à toujours mieux protéger les élevages de nouvelles crises, en analysant le déclenchement des maladies dans la faune sauvage, les terrains favorables à la propagation des virus et les bonnes pratiques pour les endiguer.

Après la vague de froid spectaculaire d'avril dernier qui a gelé plusieurs cultures, le Gouvernement a pris une série de mesures dont le budget est estimé à plus d'un milliard d'euros. Nous pouvons saluer un système de solidarité unique dans notre pays.

Le budget de la mission augmente de plus de 300 millions d'euros dans le premier projet de loi de finances rectificative pour 2021 : cela souligne la volonté du Gouvernement.

Par ailleurs, la proposition de loi pour préserver le foncier agricole a reçu il y a quelques jours un large soutien de la part de l'Assemblée et a été saluée devant la commission de la défense nationale et des forces armées par M. le préfet Stéphane Bouillon, Secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale.

Monsieur le ministre, je suis heureux que notre pays soit celui qui protège et qui progresse vers des modèles agricoles vertueux. Face aux deux dernières crises qui ont particulièrement ébranlé nos éleveurs et nos agriculteurs, l' influenza aviaire et le gel, pouvez-vous dresser un bilan de l'action du ministère et des enseignements tirés de ces épisodes ?

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Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Je fais partie de ceux qui prennent les commissions d'évaluation des politiques publiques très au sérieux. L'exécution budgétaire de l'année 2020 a été marquée par la prédominance des conséquences de la crise sanitaire sur le rythme et le niveau de consommation des crédits. Le programme 215 a vu sa consommation diminuer, alors que le programme 149, particulièrement sensible aux crises et aléas, a été extrêmement mis sous tension, avec en outre des besoins relatifs à la compensation des exonérations de cotisations sociales pour l'embauche de travailleurs occasionnels et demandeurs d'emploi (TO-DE). C'est la première fois depuis trois ans que le programme 149 a dû faire l'objet d'une ouverture de crédits par la loi de finances rectificative de fin de gestion, à hauteur de près de 26 millions d'euros en autorisations d'engagement et 50 millions d'euros en crédits de paiement. Dans le cadre du budget actuel, la poursuite des efforts de sincérisation et de régulation du programme 149 est l'ancre que nous suivons.

Le programme 206 a également été très fortement sollicité par les différentes crises liées à la santé animale ou végétale. Ce programme est essentiel car il donne la priorité à la protection des consommateurs, de l'alimentation et de notre agriculture.

S'agissant du programme 215, la crise sanitaire a entraîné à la fois des économies, des surcoûts d'adaptation et le décalage de certains projets, par exemple immobiliers.

À tout cela doit s'ajouter le plan de relance, au titre duquel le Gouvernement a décidé d'octroyer un volet agricole et forestier très important, à hauteur de près de 1,2 milliard d'euros. Sa mise en œuvre rencontre un franc succès dans les territoires et je m'en réjouis.

Le premier projet de loi de finances rectificative pour 2021 sollicite l'ouverture de crédits additionnels à hauteur de 350 millions d'euros, ce qui est inhabituel pour le ministère. Cela s'explique par les soutiens accordés au titre de la crise sanitaire, d' influenza aviaire et du gel.

Madame Cattelot a soulevé la question du bio. Nous avons renforcé les crédits du fonds de structuration « avenir bio » de près de 50 %, tout comme nous avons prolongé le crédit d'impôt bio. Les autorisations d'engagement ont bien été consommées en intégralité comme chaque année, mais un décalage se fait ressentir dans les crédits de paiement.

Plus généralement, vous m'avez demandé comment atteindre les objectifs en bio. D'abord, nous renforçons les dispositifs existants. Ensuite, nous lui donnons une vraie ambition dans la politique agricole commune (PAC). Enfin, nous renforçons ses budgets dans ce dernier cadre : nous les augmentons de près de 36 %, les faisant passer de 250 millions d'euros à 340 millions d'euros.

Une campagne de communication a conduit certains à se dévêtir et à brandir des pancartes arborant « – 66 % de bio ». Ce chiffre est faux, comme je l'ai dit au président de la Fédération nationale d'agriculture biologique (FNAB), qui n'a pas su me démontrer l'inverse de ce qu'il colporte. De manière factuelle et transparente, l'aide au bio augmente de 36 %. En revanche, la FNAB préférerait allouer ces aides aux personnes déjà installées en bio, là où l'État a fait depuis 2017, comme beaucoup de ses voisins, le choix politique de consacrer l'essentiel de ses aides aux conversions. Ce débat existe et il peut être démocratiquement posé mais nous avons tous intérêt à raisonner sur des bases réelles.

Des annonces seront bientôt faites au conseil d'administration dans le cadre de la finalisation du COP de l'ONF. L'objectif est de lui apporter de la visibilité et des perspectives. Nous sommes en train de finaliser les arbitrages à ce sujet. Il nous faut à la fois atteindre un retour progressif à l'équilibre et préserver cet office, qui est une entité fondamentalement précieuse pour les forêts françaises et pour notre Nation. Je remercie ses agents et suis à leurs côtés.

Après les remarques de la Cour des comptes, nous réfléchissons effectivement à une évolution du statut de l'INFOMA et analysons deux pistes possibles : la création d'un service à compétence nationale ou l'intégration au sein du secrétariat général du ministère. Les réflexions sont amenées à se poursuivre dans le cadre de l'ouverture à l'automne d'une réflexion plus générale sur les ressources humaines du ministère.

Le CAS-DAR est un outil très important. En dépit de la tendance à la réduction du nombre de comptes spéciaux, la Cour des comptes n'a pas réitéré la recommandation de le supprimer – sous le contrôle de M. le président, cela est suffisamment rare pour être mentionné. Nous devrions recevoir à la fin du mois de juin la conclusion de la mission du CGAER. Elle montre, à ce stade, tout l'intérêt du dispositif. Nous vous transmettrons évidemment ses conclusions en amont du prochain projet de loi de finances et nous les rendrons publiques. Le CAS-DAR est un outil absolument essentiel, notamment dans le financement de la recherche et du développement. Il est alimenté par un prélèvement sur le chiffre d'affaires des exploitants et finance donc logiquement des projets agricoles : la crise de la betterave illustre l'importance d'une vision de long terme.

Comme vous le savez, monsieur Pellois, je ne suis pas responsable des questions de pêche. S'agissant de l'accord trouvé avec le Royaume-Uni le 2 juin, la ministre de la mer me charge de vous annoncer qu'il est à ce stade difficile d'évaluer ses conséquences financières. C'est d'ailleurs pour prévenir les difficultés qui pourraient en résulter que l'État a mis en place un plan d'accompagnement doté de 100 millions d'euros.

Je crois que la création de valeur se fait beaucoup au travers de la filière. France filière pêche fait partie des instances indispensables de concertation et d'action collective.

Concernant les caisses de garantie des pêcheurs en cas d'intempérie et avarie, il s'agit d'un enjeu budgétaire de 6 millions d'euros par an. Les contrôles se renforcent.

S'agissant du plan de relance et de son appropriation par les professionnels, je témoigne du nombre important de projets reçus, qui traduit une grande appétence pour ce dispositif.

J'en viens maintenant au programme 206 et aux interrogations du rapporteur Michel Lauzzana sur la situation financière de l'ANSES, dont le ministère est le premier contributeur avec 60 % du total des subventions. Mon sentiment est que la santé financière de l'ANSES est satisfaisante mais que nous devons être vigilants sur sa trésorerie, au-delà de cet exercice 2020 marqué par l'effet du covid.

S'agissant des redevances sanitaires et phytosanitaires, la question de l'évaluation du montant de la redevance, qui ne couvre que 44 % des frais de fonctionnement de l'année 2017, ne peut être posée sans que la situation soit stabilisée avec le Royaume-Uni. Quant à la certification à l'export, les textes actuels ne sont effectivement pas satisfaisants et des réflexions sont en cours pour mieux adapter le dispositif des redevances.

Les moyens tant humains que financiers du SIVEP ont été considérablement renforcés. Je partage cependant votre analyse de la difficulté à recruter certains professionnels, notamment des vétérinaires. Cela renvoie au débat sur la formation des vétérinaires, l'un des sujets importants sur lesquels je travaille. Nous avons pu ouvrir un nombre assez significatif de postes, non sans quelques difficultés de recrutement ; cela devra faire l'objet d'un véritable retour d'expérience.

Plateforme de certification en ligne développée par la Commission européenne, le logiciel Traces est utilisé par près de 42 000 utilisateurs dans 85 pays. Nous sommes conscients de ses problèmes – par exemple, certains problèmes de compatibilité avec d'autres systèmes, un manque de vision globale – et nous y travaillons.

S'agissant de l'indemnisation par l'État de l'occupation des infrastructures construites à la suite du Brexit, je prendrai l'exemple du port décentralisé de Calais. En contrepartie de la réalisation de travaux et de l'occupation des locaux par le SIVEP, le Gouvernement a pris la décision de verser une redevance d'un montant de 430 000 euros par an pendant 20 ans. Elle sera financée par le budget du ministère chargé des transports.

Je répondrai enfin aux questions de M. le rapporteur pour avis Sempastous. Dans les deux cas de l'influenza aviaire et du gel, le retour d'expérience est constitué par la prévention, l'adaptation et les indemnisations. Dans le cas de l'influenza aviaire, nous avons pris des décisions d'indemnisation le plus rapidement possible, y compris avec un système d'avance. Ainsi, nous avons déjà pu indemniser des éleveurs à hauteur de 18 millions d'euros. Au total, le montant des aides, amont ou aval, sera de près de 90 millions d'euros, y compris des dépenses liées aux protections sanitaires. Aujourd'hui, il s'agit plutôt de gérer le retour d'expérience, avec un certain nombre de groupes de travail, en lien avec les professionnels du secteur, pour adapter les dispositifs et se prémunir de nouvelles crises d'influenza aviaire.

Le gel renvoie aux questions de la protection – plus de 200 millions d'euros sont consacrés, dans le cadre du plan de relance –, de l'adaptation de nos cultures, de la gestion des risques et de l'assurance-récolte. Nous avons d'ores et déjà déployé des systèmes d'aides conséquents à hauteur de près de 1 milliard d'euros comprenant des aides d'urgence, des exonérations et des compensations en travaillant sur des systèmes d'avance. Nous déployons toute notre énergie pour apporter le soutien le plus complet possible aux agriculteurs.

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Je salue votre engagement, monsieur le ministre, depuis votre prise de fonctions ; vos propos de ce jour sur le bio prouvent notre ambition. Les soutiens apportés aux filières, dont la viticulture, ainsi que les initiatives de valorisation des circuits courts et des produits locaux ont été significatifs en 2020.

S'agissant des aléas climatiques et singulièrement du gel, un premier paquet sera voté vendredi dans le cadre du premier projet de loi de finances rectificative pour 2021, qui complétera les exonérations de taxe foncière sur les propriétés non bâties, les allègements de cotisations et le fonds d'urgence.

Concernant le deuxième paquet et les calamités, qu'en est-il pour les agriculteurs subissant moins de 50 % de pertes de récoltes ? Je pense aux céréaliers et aux arboriculteurs. De même, les critères pour accéder au fonds exceptionnel, qui permet des avances ou la couverture des intérêts bancaires, ne sont pas encore connus. Pouvez-vous nous apporter des réponses à ce sujet ?

S'agissant du futur budget, pensez-vous pouvoir défendre l'ouverture de la déduction pour épargne de précaution pour les agriculteurs soumis à l'impôt sur les sociétés ? Cela est de plus en plus fréquent. Notre majorité y est favorable.

Par ailleurs, depuis le dépôt du rapport de la mission d'information commune de notre commission et de la commission des affaires économiques relative aux chambres d'agriculture et à leur financement, nous n'avons toujours pas connaissance de la convention d'objectifs qui devrait être signée entre votre ministère et l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA), alors que l'échéance de décembre 2020 avait été annoncée. Qu'en est-il ?

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La présente réunion concerne le projet de loi de règlement pour 2020 et l'évaluation des politiques publiques, non le premier projet de loi de finances rectificative pour 2021.

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Je salue votre travail, monsieur le ministre – votre grande chance, ce sont vos prédécesseurs. Quand les prédécesseurs sont médiocres, cela est positif pour le successeur.

Vous êtes confronté à la difficulté de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (EGALIM), qui fut une illusion et une déception. Le prix du lait est moins bon aujourd'hui qu'avant la loi EGALIM et les coûts pour la production sont beaucoup plus élevés.

Je souhaite également vous interroger sur la méthanisation. Elle constitue une forte attente pour les agriculteurs, qui sont inquiets quant à un certain nombre de projets portés par madame Barbara Pompili, ministre de la transition écologique. J'espère que vous saurez les défendre et n'ai pas de raison d'en douter à ce stade.

La production de porc est satisfaisante actuellement car les exportations vers la Chine ont repris. L'un des sujets de discussion avec la Chine concerne la régionalisation sanitaire pour l'export dans le contexte angoissant de la peste porcine africaine. Il ne faut pas qu'un seul éventuel cas dans notre pays bloque l'intégralité de nos échanges.

Que faites-vous pour lutter contre la concurrence déloyale d'un certain nombre de nos amis européens ? L'Allemagne, en particulier, maintenant devenue la grande puissance agricole européenne et faisant travailler dans des proportions considérables des personnes venues de l'est du continent, utilise la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) pour subventionner son agriculture.

Enfin, le plan de relance comprend des bonnes choses sur la thématique du bien-être animal dans les abattoirs. J'aurais souhaité également que le plan de relance se soucie du bien-être des ouvriers de ces abattoirs. L'on en compte deux de plus de 3 000 salariés, dans ma circonscription, et leurs employés souffrent de troubles musculo-squelettiques.

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Je réagirai d'abord aux propos de l'intervenant précédent. Je salue l'œuvre du ministre comme celle de MM. Stéphane Travert et Didier Guillaume, ses prédécesseurs. Un bon ministre s'accompagne de bons députés qui font des retours : la bonne politique agricole est partagée entre les ministres et les élus sur le terrain.

J'évoquerai la situation des betteraviers. Nous avons pris l'année dernière des décisions exceptionnelles en autorisant le retour des néonicotinoïdes sur les betteraves souffrant de jaunisse, ce qui a été pris médiatiquement comme un recul. J'y étais personnellement favorable car les alternatives étaient pires que cette solution. Quel est le bilan de cette mesure ? Comment la réintroduction des néonicotinoïdes a-t-elle affecté le rendement, le fonctionnement de la filière, l'indemnisation ? Quelles actions sont mises en œuvre pour dépasser les néonicotinoïdes à l'avenir ? Que cela dit-il enfin du plan pour les abeilles qui se dessine ?

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La Cour des comptes constate que la multiplication des épisodes météorologiques observés ces dernières années, notamment les sécheresses, met régulièrement sous tension le fonds national de gestion des risques agricoles (FNGRA). L'État a alimenté son budget de manière conséquente en 2020 et pourrait être amené à renouveler cet effort en 2021. Insuffisamment dotée par la loi de finances initiales (174,8 millions d'euros), la provision pour aléas, après abondement par la loi de finances rectificative de fin de gestion, a permis de couvrir ces dépenses.

Face à la gradation continue des sécheresses depuis la fin des années 1980, l'État donne parfois l'impression d'un manque d'anticipation. Nous pensons également à la réintroduction temporaire des néonicotinoïdes pour la betterave sucrière en réaction à la baisse de rendement causée par les attaques de pucerons, un hiver doux et humide puis un printemps ensoleillé et enfin un été sec. Nous devons tout faire pour éviter ce type de réaction aux crises agricoles. Il est temps de renforcer et d'adapter les moyens budgétaires dédiés aux aléas climatiques afin de préserver les revenus des agriculteurs et d'accompagner leur transition agroécologique. Quelles mesures budgétaires le Gouvernement envisage-t-il à cette fin ?

S'agissant de la forêt, vous n'avez pas livré votre opinion personnelle sur la baisse sensible des effectifs de l'ONF.

Enfin, qu'envisagez-vous pour améliorer l'attractivité des vétérinaires ?

Je partage ce qui a été dit sur la filière des pommes de terre.

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le ministre Julien Denormandie

Je commencerai par réagir aux propos de M. Le Fur. Plusieurs groupes, dont le vôtre, ont la conviction ou font semblant de l'avoir que la violence se banalise dans notre société. Je trouve à la fois choquant et irresponsable qu'un député de la République puisse asséner des termes tels que « médiocrité » à l'encontre d'anciens ministres, par ailleurs absents – ce qui signale la faiblesse subjuguante des propos. Peut-être la force républicaine dont vos amis et vous-mêmes vous prévalez n'est-elle que du flan ?

S'agissant des agriculteurs subissant moins de 50 % de pertes de récoltes, beaucoup de sujets sont encore en cours d'arbitrage. Notre principe est de trouver d'abord les solutions pour les agriculteurs les plus touchés, avec des avances au seuil de 70 % et le fonds d'urgence. Les exonérations, en revanche, concernent tout le monde. S'y ajoutera un fonds de compensation exceptionnelle des pertes de production, dont les avances sont ouvertes pour le secteur des fruits à noyau et seront élargies à d'autres cultures. Un nouveau régime sera notifié à la Commission européenne concernant les pertes de production dans l'aval, dont celles des coopératives.

La déduction pour épargne de précaution est un sujet incroyablement compliqué, qui peut-être ne relève pas du printemps de l'évaluation. Il nous faut avancer dans le détail et avec méthode. J'en reparlerai avec vous avec grand plaisir.

Nous n'avons pu avancer selon le calendrier initialement prévu avec les chambres d'agriculture car nous les avons très fortement mobilisées dans le cadre du déploiement des aides en réaction à la crise liée à l'épidémie de covid-19 et du plan de relance.

Personne ne remet en cause la loi EGALIM. Elle n'est simplement pas allée assez loin ; c'est l'objet du rapport que j'ai confié à M. Serge Papin et des travaux de MM. Thierry Benoit et Grégory Besson-Moreau. La proposition de loi EGALIM II arrive en commission la semaine prochaine et dans l'hémicycle à la fin du mois de juin. Elle vise à aller au bout de la logique de la loi EGALIM sur les questions de contractualisation, de pluriannualité, de transparence des marges, de non négociabilité des prix agricoles, d'origine et de renforcement du règlement des différends. C'est la mère des batailles : les agriculteurs veulent vivre de leur travail.

Il n'y a pas de problème quant à la méthanisation : le ministère de la transition écologique et moi-même la défendons. L'un de ses écueils concerne le contrôle des structures : un incident en Bretagne a jeté l'opprobre sur toute une filière alors qu'il ne saurait en être question. Une réflexion doit également être menée sur la concurrence entre les utilisations du foncier agricole sur certains territoires. Il est de notre responsabilité, au sein du monde agricole, de nous fixer un certain nombre de règles en matière d'utilisation du foncier et des ressources, notamment pour l'élevage en été. Il n'est pas possible d'utiliser plus de 15 % de la production agricole dans une fin de méthanisation : de gros travers ont été observés en Allemagne. La question est moins celle de la norme que de l'organisation par les acteurs locaux.

S'agissant de la peste porcine africaine et du zonage, nous nous sommes mis d'accord sur un texte, qui a été négocié pendant de long mois, à la faveur de nombreux contacts avec la partie chinoise, mais qui n'a toujours pas été signé, en partie pour des raisons protocolaires. J'ai très bon espoir que cette signature aboutisse, mais nous restons incroyablement vigilants à ce sujet.

Je me bats, comme il y a dix jours encore, pour que les clauses sociales soient intégrées à la nouvelle PAC. Je souhaite que le socle social en soit une conditionnalité, mais certains pays européens ne partagent pas cette ligne. Il faut éviter à nos agriculteurs une concurrence déloyale.

Nous conduisons, dans le cadre du plan de relance, des investissements qui concourent à l'amélioration des conditions de travail dans les abattoirs. Ce volet fonctionne très bien, avec des dizaines de dossiers déposés. Ne perdons pas de vue que la plupart des abattoirs gagnent très peu d'argent. De nombreuses collectivités territoriales sont d'ailleurs à leur capital.

M. Turquois m'a interrogé sur les betteraves. Les craintes que nous avions sur les rendements se sont confirmées. Nous avons reçu 8 000 demandes d'indemnisation, ouvertes entre le 8 mars et le 23 avril. Les paiements s'échelonneront entre la mi-juin et cet été. Nous investissons 7 millions d'euros et avons mis en place un plan national de recherche et d'investissement en faveur des alternatives aux néonicotinoïdes. 18 projets sont déposés : les premiers retours sur leur pertinence sont très encourageants et nous suivons de manière très précise les évolutions de ce programme de recherche, au moyen du comité créé par la loi et piloté par M. Besson-Moreau. Plusieurs solutions devront nécessairement être combinées.

Enfin, monsieur Bricout, vous évoquez les aléas climatiques. Nous les subissons aujourd'hui de plein fouet. Il nous faut retirer cette épée de Damoclès pour assurer le renouvellement des générations et notre souveraineté agricole. Nous avons pour cela plusieurs leviers d'action. Tout d'abord, le plan de relance investit 200 millions d'euros dans la protection (filets paragrêle et irrigation). L'état des matériels n'a pas suffi face au récent gel : sur cette enveloppe, nous avons décidé d'investir plus de 30 millions d'euros dans la recherche et le développement. Nous procédons ensuite à l'adaptation de nos cultures : cela couvre des sujets relatifs à l'agronomie et à la recherche (semences, sélection variétale). Enfin, nous sommes confrontés à la question de la gestion du risque avec l'assurance des récoltes. Je suis favorable à une refonte complète du dispositif. Nous avons mené une réflexion pour inventer un nouveau système, qui comprendrait une part de solidarité nationale – à l'image des surprimes sur les polices d'assurance des habitations – et nécessiterait de mettre en place des pools d'assureurs au lieu des deux seules compagnies qui interviennent aujourd'hui sur ce marché, voire d'envisager une réassurance de l'État. J'espère vous présenter une architecture dans le projet de loi de finances pour 2022. Les Espagnols se sont posé les mêmes questions avec trente à quarante ans d'avance et ont mis dix ans à créer un système.

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Vous insistez beaucoup sur l'assurance des récoltes. Elle est assez simple à mettre en place dans le monde céréalier, mais cela est plus compliqué pour l'élevage, qui utilise une partie au moins de la récolte pour les animaux.

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le ministre Julien Denormandie

La grande culture et la viticulture sont assurées à 30 %, l'arboriculture à 6 % et l'élevage à 1 %. Si nous réussissons à mener à bien cette réforme avant la fin du quinquennat, elle constituerait la réforme historique et structurante du monde agricole. Aujourd'hui, les agriculteurs ne s'assurent pas parce qu'ils n'y trouvent pas assez d'attractivité, non par irresponsabilité. Après la grande sécheresse de 2016, moins d'assurés ont paradoxalement été recensés : la franchise était tellement élevée que des agriculteurs assurés n'ont pas été indemnisés et ont été découragés.

Les systèmes d'assurance régis par les règles européennes établissent des indemnisations basées sur les moyennes olympiques, c'est-à-dire les moyennes de production des cinq dernières années. Puisque nous subissons des sécheresses de plus en plus fréquentes, notre moyenne olympique est de plus en plus basse et le référentiel des indemnisations diminue. En déplacement en Ardèche et dans la Drôme, j'ai rencontré le propriétaire d'un champ de fruits à noyau qui n'était couvert que pour 20 % du potentiel de production.

Il ne faut pas dénigrer l'intérêt de l'assurance. Notre objectif est d'accompagner un plus grand nombre d'agriculteurs vers l'assurance. Il faut rendre les assurances plus viables grâce à des cotisations moins chères. Contre toute intuition, la généralisation de l'assurance ne change rien. Il faut donc refondre entièrement le système d'assurance et lui trouver un nouveau modèle. La martingale, c'est de reconnaître qu'il n'y a pas de martingale : une égale représentativité des différents secteurs aboutirait à un régime tout autant déficitaire.

Enfin, l'élevage se repose sur l'indemnisation des calamités agricoles. Certains dispositifs ont perdu du sens agronomique : le comité national de gestion des risques en agriculture (CNGRA) se fonde sur la pousse d'herbe définie dans les règles européennes et non sur le potentiel fourrager.

La commission, réunie en commission d'évaluation des politiques publiques, entend Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.

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Nous achevons nos commissions d'évaluation des politiques publiques de cette après-midi par la discussion relative à la mission Travail et emploi. Nous allons tout d'abord entendre Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, rapporteure spéciale. Elle a choisi comme thème d'évaluation la politique d'inclusion par les compétences.

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En 2020, le montant des crédits de paiement consommés par la mission Travail et emploi a progressé de plus de 545 millions d'euros pour s'établir à 14,737 milliards d'euros. J'y vois le signe de la réactivité et de la mobilisation du Gouvernement face à une crise sanitaire qui fut également un choc sans précédent sur l'emploi.

Comment résumer un exercice budgétaire si atypique ?

Les programmes 102 Accès et retour à l'emploi et 103 A ccompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi ont naturellement été affectés par les mesures prises pour faire à la pandémie, notamment lors du premier confinement. Des sous-consommations que j'annonçais déjà il y a un an se sont confirmées, mais le ministère a su faire preuve de réactivité en prenant par ailleurs des mesures de soutien aux acteurs concernés. C'est particulièrement le cas du secteur de l'insertion par l'activité économique : la sous-exécution des aides au poste à hauteur de 193 millions d'euros en raison du placement en activité partielle des salariés a été plus que compensée par un plan de soutien aux structures de l'insertion par l'activité économique d'un montant de 223 millions d'euros. De même, un plan de soutien aux entreprises adaptées a été mis en place, à hauteur de 106 millions d'euros. Je suis sûre, madame la ministre, que vous saurez réitérer un tel redéploiement si, d'aventure, cette année encore, le besoin s'en faisait sentir.

Au-delà des mesures de soutien évoquées, ces marges de manœuvre ont contribué au financement d'un certain nombre de mesures nouvelles, telles l'aide à l'embauche des jeunes de moins de 26 ans, d'un montant global de 174 millions d'euros, et l'aide exceptionnelle à l'apprentissage, d'un montant de 630 millions d'euros. Je crois, madame la ministre, que nous pourrions réfléchir ensemble à une mesure salariale incitant les jeunes à rester dans l'entreprise après la fin de leur apprentissage, et, symétriquement, les entreprises à garder leur apprenti grâce à une aide à l'embauche.

Le principal impact de la crise sur le programme 155 Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail fut probablement le recrutement de renforts – 336 équivalents temps plein – au sein des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) pour la gestion du dispositif d'activité partielle ; cela a permis de traiter les dossiers avec une réactivité plus que nécessaire dans la période traversée. Je souhaite, afin que les entreprises ne soient pas pénalisées, que ces renforts soient maintenus jusqu'au retour à la normale.

Je me permets, madame la ministre, d'appeler votre attention sur le fait que les services d'administration centrale, telles la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) et la direction générale du travail, n'ont, eux, bénéficié d'aucun renfort. Il convient pourtant d'être particulièrement attentifs aux moyens de la DGEFP, qui assume la responsabilité du pilotage des dispositifs de la politique de l'emploi dans un contexte d'une particulière gravité. La crise sanitaire a par ailleurs eu un impact sur les recrutements de la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES), à qui un plafond d'emploi en baisse de 3,5 % a en outre été notifié. Il conviendrait plutôt de sanctuariser les moyens humains de cette direction, dont les travaux sont indispensables à notre connaissance de l'emploi en France et au suivi des dispositifs déployés – je vous invite d'ailleurs, chers collègues, à visiter son site internet, source de savoir.

J'en viens à mon thème d'évaluation : la politique d'inclusion par les compétences. Le Gouvernement a fait du retour à l'emploi des personnes les plus éloignées de l'emploi sa priorité. Tant la multiplicité des dispositifs mobilisés que l'ampleur sans précédent de l'effort financier consenti – plus de 13 milliards d'euros sur la durée du quinquennat pour le seul plan d'investissement dans les compétences – justifiaient que je m'y arrête. Je me suis plus particulièrement intéressée aux entreprises adaptées, aux parcours emploi compétences, à la garantie jeunes, aux pactes régionaux d'investissement dans les compétences et à la prépa apprentissage.

Le nouveau modèle de l'entreprise adaptée se caractérise par une modernisation du modèle économique, dans une optique plus inclusive et avec un changement d'échelle. La mobilisation du fonds d'accompagnement à la transformation des entreprises adaptées (FATEA) en 2020 marque le début d'une appropriation effective des enjeux de la réforme de 2018 par les entreprises adaptées. Plus concrètement, les équivalents temps plein (ETP) notifiés n'ont cessé d'augmenter depuis 2018 afin de parvenir à réaliser l'objectif d'un doublement du nombre de salariés embauchés dans les entreprises adaptées en 2022, conformément à l'accord « Cap vers l'entreprise inclusive » conclu par le ministère et le secteur. En revanche, le déploiement des expérimentations, comme le CDD tremplin et l'entreprise adaptée de travail temporaire, est peut-être inférieur aux attentes, et l'expérimentation de l'entreprise adaptée pro-inclusive n'a, pour sa part, pas pu être mise en œuvre du fait de la crise. Ces dispositifs doivent cependant être maintenus, car, j'en suis sûre, ils prendront tout leur sens lorsque la crise sera derrière nous.

En ce qui concerne les parcours emploi compétences (PEC), le saut qualitatif par rapport aux contrats aidés antérieurs se confirme. L'accompagnement et la formation des bénéficiaires sont réels, et leur taux d'insertion dans l'emploi est en constante amélioration depuis 2018 : 49 % en 2018, 53 % en 2019, 57 % en 2020. Je crains toutefois le risque d'une éviction des personnes en situation de handicap, catégorie transverse aux autres, qui ne bénéficie pas en tant que telle d'un taux de prise en charge renforcé, contrairement aux bénéficiaires des PEC jeunes ou des PEC liés aux quartiers prioritaires de la politique de la ville ou des zones de revitalisation rurale. Nous devons, je le comprends, porter une attention particulière à notre jeunesse, mais pouvez-vous nous dire, madame la ministre, si des évolutions sont envisageables à cet égard.

En ce qui concerne la garantie jeunes, je salue la qualité de cet accompagnement intensif des jeunes les plus éloignés de l'emploi. En attendant la mise en place d'une garantie jeunes universelle, dont vous pourrez peut-être, madame la ministre, nous préciser le calendrier, je note avec satisfaction les assouplissements prévus par le décret du 26 mai 2021, à l'heure où le Gouvernement prévoit, dans le cadre du plan « un jeune, une solution », de porter à 200 000 le nombre de bénéficiaires.

Ainsi, un jeune n'aura plus nécessairement besoin de se déclarer fiscalement autonome pour bénéficier de la garantie jeunes. Le conseiller de la mission locale pourra, à titre exceptionnel, attester lui-même de sa situation de précarité et de rupture vis-à-vis de sa famille. Le plafond de ressources pourra également être évalué sur les trois ou les six derniers mois, selon l'appréciation la plus favorable pour chaque jeune. Enfin, la durée de ce parcours sera désormais modulable et pourra aller de neuf à dix-huit mois, afin de s'adapter aux besoins d'accompagnement de chaque jeune, et la garantie jeunes sera désormais ouverte aux jeunes en situation de handicap jusqu'à l'âge de 30 ans. Un dernier critère devrait également pouvoir évoluer, qui tient à la qualité de NEET – ni en emploi, ni en formation, ni en stage. Vous conviendrez, madame la ministre, qu'un jeune n'a pas abouti dans son projet professionnel s'il vit de « petits boulots ». Il doit donc pouvoir intégrer la garantie jeunes. Pouvez-vous, madame la ministre, nous dire si vous prévoyez une évolution sur ce point ?

J'appelle par ailleurs votre attention sur les missions locales. Les laisser disposer d'une enveloppe financière souple d'utilisation serait bienvenu pour leur permettre de répondre aux besoins immédiats et urgents. Le dispositif du fonds d'aide aux jeunes (FAJ) ne correspond pas aujourd'hui à la réalité de terrain. Enfin, l'idée de mettre en place un « sas » avant l'entrée en garantie jeunes, pour diverses raisons valables, me semblerait aussi une bonne approche ; je me tiens, madame la ministre, à votre disposition pour échanger à ce sujet.

En ce qui concerne les pactes régionaux d'investissement, qui ont fait l'objet d'avenants dans le cadre du plan de relance, l'année 2020 a permis de constater que l'essentiel des engagements régionaux ont été tenus. Ce nouvel outil de politique contractuelle porte la double ambition d'accroître les volumes de formation proposés aux jeunes et aux demandeurs d'emploi et de transformer durablement l'offre de formation en proposant des parcours « sans couture » de qualité susceptibles d'améliorer le taux d'insertion ou de retour à l'emploi. Grâce aux pactes régionaux, les parcours de consolidation des compétences clés ont été amplifiés, pour permettre aux publics peu ou pas qualifiés de pouvoir ensuite s'engager dans un parcours qualifiant conduisant à l'emploi.

Il faudra également, madame la ministre, se pencher sur le plan d'investissement dans les compétences (PIC) pour les entreprises adaptées, qui ne démarre pas bien car il est trop complexe. Il conviendrait de réfléchir à un changement d'opérateur ou de gouvernance. Je pourrai vous faire des propositions à ce sujet.

Autre dispositif du PIC, la prépa apprentissage, objet de deux appels à projet successifs, a bénéficié, au 31 décembre 2020, à 21 241 jeunes répartis entre environ 1 000 sites d'accueil. Ce sont 64 % des bénéficiaires ayant suivi la totalité du parcours qui sont en « sortie positive ». Sans doute ce beau succès pourrait-il utilement gagner en notoriété grâce à une communication plus affirmée. Peut-être ce dispositif pourrait-il être ouvert aux jeunes dès l'âge de 15 ans ; on peut être en troisième et décrocher, et il faut attendre l'âge de 16 ans. Je suis convaincue par ce dispositif qu'il faut pérenniser et déployer plus largement : ce début de semaine je suis allée au CFA de la CMA du Tarn, pour rencontrer les jeunes engagés dans le parcours de la prépa apprentissage spéciale sport, et le résultat est vraiment significatif ; de même pour la prépa inclusive avec les personnes en situation d'handicap. On ne peut que se réjouir de l'existence de dispositifs pareils !

Avant de terminer, je souhaiterais, madame la ministre, dire un mot de l'Établissement pour l'insertion dans l'emploi (EPIDE), objet, à la demande de notre commission des finances, d'une enquête de la Cour des comptes. J'appelle particulièrement votre attention sur les relations financières déséquilibrées de l'EPIDE avec la Caisse des dépôts et consignations. Compte tenu des difficultés de l'établissement à se faire entendre par la Caisse, une intervention à haut niveau semble nécessaire. Êtes-vous donc disposée, madame la ministre, à intervenir vous-même auprès du directeur général de la Caisse en vue de la renégociation du protocole relatif à l'immobilier de l'EPIDE ?

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L'exercice est complexe, puisqu'il me faut parler d'un budget sensiblement plus important que ce qu'il était en loi de finances initiale, renforcé sous l'effet de la crise sanitaire, ce qui a permis de répondre à un certain nombre de nécessités et de besoins. Je ne reviens pas sur la question du droit individuel à la formation et du compte personnel de formation : vous m'avez répondu tout à l'heure en commission des affaires sociales. On peut cependant regretter de ne pas savoir quelle sera l'affectation des sommes prévues.

Je souhaite appeler votre attention sur le financement du dispositif parcours emploi compétences, destiné à des personnes éloignées de l'emploi qui rencontrent des difficultés sociales et professionnelles, qui leur permet de s'engager dans une expérience professionnelle, en étant accompagnées tout au long de leur parcours tant par leur employeur que par le service public de l'emploi. Certains employeurs, en particulier les collectivités territoriales, semblent rencontrer des difficultés pour obtenir son financement. Il semble que l'enveloppe budgétaire consacrée au dispositif soit totalement consommée et qu'un certain nombre de contrats ne puissent être financés, en particulier chez les plus de vingt-six ans. Pourriez-vous présenter un point d'étape sur ce dispositif ?

Je souhaiterais également un point d'étape sur le PIC. Du fait des évolutions liées à la crise sanitaire, ce dispositif vise-t-il toujours les objectifs qui lui ont été assignés au départ ?

Ce sont 495 000 contrats d'apprentissage qui ont été signés et je m'en réjouis. Je m'interroge néanmoins sur la réalité de ces chiffres. Sur les nouveaux contrats, 80 000 semblent provenir de la transformation de contrats de professionnalisation en contrats d'apprentissage. Par ailleurs, un certain nombre de questions demeurent quant à la pérennité de ces chiffres, qu'expliquent pour partie les aides allouées. Il conviendrait que nous puissions en savoir plus sur les prochains budgets. Pouvez-vous, madame la ministre, nous éclairer à ce sujet ?

J'ai pu constater que le recours à l'apprentissage par les entreprises se faisait de plus en plus fréquemment au niveau post-bac. Pourtant, à ce niveau d'études, le taux d'insertion dans l'emploi est sensiblement le même avec ou sans recours à l'apprentissage. N'est-ce pas là l'occasion de financer différemment ce type d'études ?

Enfin, France compétences a une charge de travail tout à fait importante. Il me semble aujourd'hui nécessaire d'accompagner France compétences dans son développement et de renforcer ses effectifs, car beaucoup de dossiers souffrent de délais de réponse relativement longs.

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élisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion

L'année 2020 fut une année extraordinairement exigeante pour les femmes et les hommes du ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion, à qui je veux une nouvelle fois rendre hommage.

Tout en retraçant l'exécution du budget 2020, je dresserai le bilan de la politique d'inclusion par les compétences, que cette majorité porte depuis 2017 et que la crise a rendue plus que jamais nécessaire.

Concrètement, les crédits alloués en 2020 au ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion ont été répartis en deux volets.

D'une part, les crédits de la mission Travail et emploi constituent le budget socle de mon ministère. Ce budget a été très fortement renforcé face à la crise : les crédits ouverts sont passés de 13 à 18 milliards d'euros en autorisations d'engagement au fil des quatre lois de finances rectificatives successives. Ces lois ont été conçues pour préparer la « relance inclusive » de notre économie.

D'autre part, l'on retrouve les crédits exceptionnels de la mission Plan d'urgence, dont une partie – près de 23 milliards d'euros sur les 71 milliards d'euros ouverts – a été allouée au ministère du travail. Ces crédits ont permis de protéger les emplois face au choc de la crise grâce au dispositif d'activité partielle.

Globalement, malgré la crise économique et sociale, la gestion dynamique de nos crédits a permis, pour la mission Travail et emploi, un taux d'exécution proche de 100 % des crédits ouverts. En effet, les effets conjugués de la crise se sont partiellement compensés. D'une part, des dépenses moindres ont été observées sur certains dispositifs, comme les aides destinées aux entreprises inclusives ou l'allocation de solidarité spécifique (ASS). D'autre part, la sur-mobilisation de certains dispositifs a engendré des surcoûts, comme les fonds d'urgence et d'appui à la transformation pour les entreprises inclusives (FDI), les parcours contractualisés d'accompagnement vers l'emploi et l'autonomie (PACEA), les aides exceptionnelles à l'embauche et à l'alternance ou encore l'aide à la formation du Fonds national de l'emploi (FNE-Formation).

Tout d'abord, dès la première loi de finance rectificative de mars 2020, un dispositif exceptionnel d'activité partielle a été mis en place, qui a permis de répondre, en urgence, à la crise sanitaire, en protégeant des millions de salariés. Dans le cadre de la nouvelle mission Plan d'urgence, 22,6 milliards d'euros de crédits ont été ouverts au fil des lois de finances rectificatives successives. Ils ont permis de financer, en 2020 et au début de l'année 2021, l'activité partielle engagée en 2020, pour un montant global de près de 30 milliards d'euros. Près de 9 millions de salariés ont ainsi vu leurs indemnités d'activité partielle prises en charge, au plus fort de la crise. Si la prise en charge a d'abord été intégrale jusqu'au 1er juin 2020, elle a ensuite été abaissée à 85 %, sauf pour les entreprises fermées administrativement et celles des secteurs dits protégés. Ces dernières ont, en effet, continué de bénéficier d'un taux de prise en charge à 100 %, les salariés étant indemnisés à hauteur de 84 % de leur rémunération nette, jusqu'à 4,5 SMIC.

Je rappelle que les dépenses d'activité partielle sont prises en charge aux deux tiers par l'État et à hauteur d'un tiers par l'Unédic. Au total, les dépenses de l'État en 2020 se sont élevées à 17,8 milliards d'euros. En cumulant les contributions de l'État et de l'Unédic, cela correspond donc à des dépenses totales de près de 27 milliards d'euros en 2020 sur ce dispositif. Les crédits non consommés en 2020 à cause d'un taux de recours à l'activité partielle plus faible qu'anticipé lors du deuxième confinement et reportés sur 2021 permettront notamment de financer le revenu minimum garanti pour les « permittents », les indemnités d'activité partielle 2020 restant à payer en 2021 et une partie du coût des indemnités d'activité partielle de 2021.

L'activité partielle protégeait encore près de trois millions de salariés au mois d'avril dernier, et c'est la raison pour laquelle nous avons établi une stratégie de sortie de ce dispositif très progressive, en lien avec les partenaires sociaux.

Ensuite, les mois de juillet et août ont vu le lancement du plan de relance, pour préparer le rebond de notre économie en donnant les compétences nécessaires aux entreprises. Dans ce cadre, le plan « 1 jeune, 1 solution » a consisté à proposer une solution adaptée à chaque jeune arrivant sur le marché du travail en 2020 ou qui était d'ores et déjà sans emploi et sans formation. Depuis son lancement, ce plan a été régulièrement enrichi de nouveaux services, et il dépasse aujourd'hui le montant inégalé de 9 milliards d'euros. Après le lancement de l'opération « 1 jeune, 1 mentor », il y a deux semaines, un nouvel espace a été ouvert la semaine dernière sur le site 1jeune1solution.gouv.fr, qui recensait en fin de semaine 40 000 offres de « jobs d'été ».

Grâce à la mobilisation exceptionnelle des entreprises, cet effort sans précédent a produit des résultats dès 2020, notamment l'embauche de 1,6 million de jeunes en CDI ou en CDD de plus de trois mois, dont 1,2 million entre les mois d'août et décembre 2020, soit un niveau quasiment équivalent à 2018 et 2019 – et la signature de plus de 500 000 contrats d'apprentissage en 2020, ce qui est un record historique.

Et, avant même notre ambition de faire entrer un million de jeunes éloignés de l'emploi dans un parcours d'accompagnement ou d'insertion en 2021, plus de 600 000 jeunes ont été accompagnés pendant l'année 2020, que ce soit au travers des parcours contractualisés d'accompagnement vers l'emploi et l'autonomie, de la garantie jeunes, des écoles de la deuxième chance, de l'accompagnement intensif des jeunes (AIJ) ou encore des prépas apprentissage. Tous ces dispositifs ont, en effet, été fortement sollicités dès l'année 2020, malgré le contexte de la crise sanitaire.

Parmi ces jeunes, 442 000 ont pu bénéficier en 2020 d'un parcours en PACEA ou en garantie jeunes grâce à l'engagement des missions locales, que je veux saluer, soit un résultat conforme aux objectifs fixés. C'est sur la base de ces bons résultats que nous avons choisi de faire du principe de la garantie jeunes et de la mobilisation des missions locales les piliers de notre action en faveur de la jeunesse pour l'année 2021.

Par ailleurs, 18 500 jeunes ont pu bénéficier d'un parcours emplois compétences en 2020, soit un résultat légèrement en deçà de la cible des 20 000 entrées. Sur l'année 2020, les PEC se sont caractérisés par un taux d'insertion dans l'emploi à six mois de 57 %, soit une hausse de 8 points par rapport à 2018, et ce malgré la crise. En 2021, nous poursuivrons cet effort, en mettant en place pour les jeunes 60 000 nouveaux PEC, pour un nouvel objectif de 80 000 entrées au total.

Monsieur le rapporteur pour avis, je peux vous assurer qu'il n'y a pas de pénurie de contrats aidés. Je ne saurais expliquer le contraste entre la remarquable mobilisation des entreprises et les dispositifs de type service civique ou PEC, habituellement mobilisés par des collectivités territoriales ou des associations, qui peinent à atteindre leurs cibles. Nous avons levé tous les obstacles dont on nous avait parlé ; pourtant ces dispositifs ne décollent pas. Je constate une sur-consommation des PEC tous publics et une sous-consommation des PEC jeunes et des PEC quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), la situation étant légèrement plus favorable dans les zones de revitalisation rurale. Je ne comprends pas. Nous avons prévu un taux de prise en charge de 80 %, donné des assurances sur le renouvellement, déplafonné le nombre d'heures… Les collectivités devraient s'engager à nos côtés comme les entreprises l'ont déjà fait. J'ai aussi invité les préfets à mobiliser l'insertion par l'activité économique, qui peut être une réponse bien adaptée à l'heure où nous voulons cibler les jeunes dans le cadre des PEC. J'invite les associations et les collectivités territoriales à nous faire part des difficultés résiduelles rencontrées ou à se mobiliser pour l'emploi des jeunes.

L'exécution budgétaire 2020 en témoigne : les dispositifs que nous avons choisi de développer en 2021 sont ceux qui fonctionnent bien, et qui ont fait l'objet d'un fort taux de réalisation en 2020, parce qu'ils sont bien identifiés par les jeunes, et qu'ils correspondent bien à leurs besoins.

L'exécution budgétaire 2020 s'est également inscrite dans la poursuite puis le renforcement de stratégies pluriannuelles visant à rendre la relance de notre économie réellement inclusive.

Il en va ainsi du déploiement de la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté. Nous avons ainsi fait preuve d'agilité, pour soutenir les entreprises inclusives face aux conséquences de la pandémie. Elles se sont largement investies dans le combat contre le virus et ont démontré leur capacité à relever des défis industriels, et à explorer de nouveaux gisements d'emplois, notamment dans la production de masques. Après avoir mobilisé de l'activité partielle durant le confinement du printemps dernier, les structures d'insertion par l'activité économique et les entreprises adaptées ont ainsi bénéficié de la réaffectation d'aides aux postes, qui ont été libérées. Ces crédits, correspondant à une contribution aux salaires des salariés des entreprises inclusives, ont été réassignés à de nouveaux objectifs : la transformation et la modernisation des entreprises en vue de créer de nouveaux emplois.

C'est ainsi que s'est construit le plan de relance pour l'inclusion dès le mois d'août dernier, avec Mme la ministre déléguée à l'insertion Brigitte Klinkert. D'un montant total de 320 millions d'euros, ce plan a été composé de deux volets très complémentaires : d'une part, des aides d'urgence forfaitaires, d'autre part des aides à la transformation et au développement. Ce plan nous a permis de sécuriser les trajectoires de nombreuses personnes fragilisées par la crise, en finançant 3 500 projets inclusifs, porteurs de 45 500 créations d'emplois, dont 34 000 dans les structures d'insertion par l'activité économique et 11 500 dans les entreprises adaptées.

L'exécution budgétaire 2020 s'est donc adaptée au contexte de la pandémie, tout en conservant la trajectoire fixée par le Président de la République en 2018, lors du lancement de la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté. Les premiers résultats sont déjà perceptibles, puisque les effectifs dans l'insertion par l'activité économique sont de nouveau en hausse de + 4 % à fin février. Notre objectif est d'atteindre, d'ici la fin de l'année, 190 000 personnes accompagnées dans les structures d'insertion par l'activité économique. C'est la raison pour laquelle, le mois dernier, un nouvel effort de 150 millions d'euros a été annoncé en faveur des entreprises inclusives. Cette nouvelle enveloppe s'inscrit dans le cadre du deuxième volet du plan de relance pour l'inclusion, et des annonces du Premier ministre au mois d'octobre dernier, liées au renforcement de la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté.

Par ailleurs, les crédits ouverts en 2020 dans le cadre de l'acte II de la stratégie pauvreté, et reportés en 2021, visent à poursuivre le développement de l'emploi dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Ils prévoient notamment le doublement du nombre total des PEC dans ces quartiers et dans les zones de revitalisation rurale et le renforcement à 80 % du cofinancement par l'État de ces parcours.

L'exécution budgétaire 2020 a d'ailleurs déjà vu une intensification de l'action de l'État en direction des habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Les emplois francs ont, malgré la crise économique, atteint la cible fixée grâce à une forte dynamique retrouvée au troisième trimestre. En 2020, 22 200 emplois francs ont ainsi été signés, y compris des « emplois francs + », ces emplois « boostés » au moment de la mise en place de l'aide à l'embauche des jeunes.

Enfin, notre stratégie pluriannuelle de formation des jeunes en difficulté et des demandeurs d'emploi a poursuivi avec succès son déploiement dans le cadre du PIC. Je rappelle que ce sont 15 milliards d'euros, sur l'ensemble du quinquennat, que nous consacrons à la formation des jeunes et des demandeurs d'emploi peu ou pas qualifiés. Nous avons ainsi enregistré en 2020 plus d'un million d'entrées en formation de demandeurs d'emploi et de salariés en insertion. C'est une très bonne progression, alors que nous partions de seulement 660 000 demandeurs d'emploi formés en moyenne chaque année avant le lancement du PIC. Cette tendance est également à la hausse, par rapport à 2019, et devrait se confirmer en 2021 et 2022.

Par ailleurs, en 2020, près de sept personnes sur dix ont trouvé un emploi moins de six mois après leur sortie d'une formation préalable à l'embauche, et près de six sur dix après une formation certifiante ou professionnalisante. Ces bons résultats ont été atteints malgré la crise sanitaire, qui a entraîné la fermeture des organismes de formation pendant près de trois mois.

Enfin, pour mieux accompagner les demandeurs d'emploi, nous avons décidé d'augmenter notre objectif 2021 d'entrées en formation dans le cadre du plan « 1 jeune, 1 solution » pour mieux répondre aux besoins en compétences des secteurs stratégiques. Au total, nous offrons 100 000 formations supplémentaires aux métiers d'avenir en 2021 et 2022, soit un effort supplémentaire de 700 millions d'euros. Nous avons bien adapté nos pactes régionaux pour tenir compte du contexte de la crise et des nouvelles priorités ; j'avais proposé l'été dernier aux régions de réfléchir à ces avenants qui ont été signés avec l'ensemble d'entre elles, pour intégrer cet effort supplémentaire en faveur des jeunes mais aussi pour mieux cibler les formations à la lumière de la crise sanitaire.

Sur le terrain, nous avons veillé à renforcer les moyens des agents pilotant les politiques de l'emploi et de la formation pour faire face à la hausse de charge liée à la crise. Nos services ont été confrontés à un surcroît exceptionnel d'activité, lié en particulier à l'instruction des dossiers d'activité partielle puis aux besoins en accompagnement des entreprises. Le recrutement de plus de 300 agents occasionnels a ainsi été réalisé dans les anciennes DIRECCTE – devenues directions régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS) –, à compter du mois d'avril 2020.

Par ailleurs, Pôle emploi a dû gérer la montée en charge de l'accompagnement intensif des jeunes (AIJ) tout comme la hausse du nombre de demandeurs d'emploi. Le recrutement de 2 150 ETP supplémentaires a ainsi été autorisé, venant s'ajouter à une première augmentation de 1 000 ETP par rapport à 2019 déjà prévue dans la loi de finances initiale pour 2020, afin de renforcer l'accompagnement des demandeurs d'emploi.

Je suis convaincue, madame la rapporteure spéciale, que nous devons être très attentifs aux moyens du ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion, en maintenant des effectifs exceptionnels mais aussi en faisant un état des lieux, une revue des missions. Le ministère porte des politiques absolument cruciales, qui se révéleront essentielles en sortie de crise. Or, depuis plusieurs années, il contribue à l'effort de maîtrise des dépenses publiques et de réduction des effectifs. Je pense que nous sommes arrivés à un moment où cela devient compliqué… Je soulignerai, dans mes discussions avec mes collègues de Bercy, qu'il importe de donner des moyens suffisants à nos services dans la période que nous traversons.

Mesdames et messieurs les députés, l'exécution du budget 2020 aura permis de protéger les emplois face au choc de la crise en installant l'activité partielle, et de préparer le rebond de notre économie, en amorçant le déploiement du plan de relance. Notre politique d'inclusion par les compétences, engagée dès 2017, a ainsi été accélérée et concentrée sur les secteurs stratégiques, au bénéfice des jeunes, des plus fragiles et des demandeurs d'emploi peu ou pas qualifiés.

Madame la rapporteure spéciale, je répondrai enfin à votre question sur l'accès des personnes en situation de handicap aux parcours emploi compétences. Elles bénéficient de la prise en charge prévue pour les jeunes jusqu'à 30 ans – elles représentent ainsi 8 % des PEC jeunes attribués à ce jour. Les collectivités ou les associations qui recrutent un jeune en situation de handicap peuvent également solliciter le financement de l'adaptation au poste auprès de l'Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (AGEFIPH). Ces aides viennent en complément de la prise en charge du salaire. Il est important de faire connaître ce soutien de l'AGEFIPH, tout le monde n'est pas forcément au courant. Par ailleurs, nous avons décidé de prolonger l'aide à l'embauche pour les travailleurs handicapés jusqu'à la fin de l'année ; le Premier ministre l'a annoncé il y a dix jours. Une opération de communication très large est engagée, avec l'envoi de mails à 70 000 entreprises. Il faut effectivement être mobilisés en faveur de l'emploi des personnes en situation de handicap ; nous y travaillons conjointement avec Sophie Cluzel.

Il est encore trop tôt pour parler de l'exécution du budget 2021, même si nous pouvons prévoir une consommation très dynamique sur certains dispositifs, comme l'activité partielle, dont nous faisons évoluer les conditions de manière très progressive, ou les aides exceptionnelles que nous avons prolongées dans le cadre du plan « 1 jeune, 1 solution ». Cela étant, dès l'année 2020, nous avons tous été, collectivement, au rendez-vous de l'augmentation des moyens d'inclusion de tous dans l'emploi, par la formation et la révolution des compétences.

Grâce au déploiement de notre stratégie de vaccination, nous pouvons tabler sur un retour au niveau d'activité d'avant-crise au premier trimestre 2022, c'est-à-dire plus tôt que ce que nous avions initialement anticipé. La souplesse de l'exécution du budget 2020 y aura largement contribué.

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Serait-il possible de connaître le détail des emplois francs attribués en CDD et en CDI ?

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la ministre Élisabeth Borne

Je vous transmettrai ces chiffres, mais ce dispositif a vraiment trouvé son rythme de croisière.

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Dans le Val-d'Oise, notamment, cela a très bien fonctionné, en effet.

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Le plan « 1 jeune, 1 solution » est effectivement une réussite. Par ailleurs, un entrepreneur de ma circonscription des Français de l'étranger me disait que 30 % des effectifs avaient dû être licenciés au Royaume-Uni, et personne en France, grâce au chômage partiel. C'est, madame la ministre, grâce au travail des services de votre ministère, que nous avons pu y parvenir ; je les en remercie.

Ma première question porte précisément sur le chômage partiel. Vous avez récemment indiqué que le reste à charge allait progressivement évoluer pendant l'été pour atteindre 40 % en septembre. Pouvez-vous préciser les étapes de ce retour à la normale ?

S'agissant du programme 102 Accès et retour à l'emploi, pourriez-vous présenter un point d'étape des expérimentations mises en place dans le cadre du dispositif territoires zéro chômeur de longue durée ?

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Je rappelle ma question concernant France compétences, madame la ministre…

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Je salue également les efforts colossaux fournis par vous-même, madame la ministre, et par les agents de votre ministère, pour préserver l'emploi.

Nous avons ouvert en troisième loi de finances rectificative 2,1 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 284 millions d'euros en crédits de paiement pour le financement des aides exceptionnelles aux employeurs de jeunes en contrats de professionnalisation et d'apprentissage et pour l'embauche de jeunes de moins de 26 ans. Ces dispositifs, rassemblés sous le vocable « plan jeunes », devaient encourager l'emploi des jeunes arrivant sur le marché du travail. Quel bilan intermédiaire pouvons-nous en faire?

Par ailleurs, les périodes de crise cristallisent des problématiques profondes et existantes de longue date. Comment redonner le goût de l'effort et de la valeur travail ? Quelles mesures sont envisagées pour inciter nos demandeurs d'emploi à travailler plutôt qu'à percevoir des allocations ?

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S'agissant des emplois aidés, moins de 77 000 PEC ont été signés en 2020 – nous sommes loin des 100 000 visés en loi de finances initiale, et surtout du nombre de contrats signés lors du précédent quinquennat. Ne faudrait-il pas revenir en arrière, puisque cela semble marcher moins bien ? L'indicateur 3.1 du programme 102 Accès et retour à l'emploi montre pourtant que ces emplois ont une certaine pertinence, avec un taux d'insertion dans l'emploi de 57 % en 2020, et ce malgré la crise.

S'agissant de la garantie jeunes, dispositif créé sous le précédent quinquennat pour accompagner vers l'emploi les jeunes âgés de 16 à 25 ans sans emploi ni formation, l'on découvre à la lecture de l'indicateur 3.4 du même programme 102 que le taux de sortie vers l'emploi est passé de 76 % en 2019 à 35,4 % en 2020. Cela ne semble pas l'effet de la crise, puisque le projet annuel de performances pour 2020 fixait déjà une cible de 39,5 %, inférieure de 36,5 points à celle fixée pour l'année 2019. Comment expliquez-vous un tel effondrement et que comptez-vous faire pour y remédier ?

Enfin, vous avez mentionné l'adaptation du poste dans le cadre des PEC. Je pense qu'outre l'aide de l'AGEFIPH, un accompagnement humain est également nécessaire à l'adaptation du poste, du type des accompagnants des élèves en situation de handicap (AVS) qui existent dans l'éducation nationale.

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Les dispositifs pour l'emploi en général, pour l'emploi de jeunes en particulier, se multiplient avec l'objectif de répondre au mieux aux différentes situations, mais plusieurs intervenants sur le terrain se plaignent de la complexité qui s'ensuit, et se plaignent de ne pas connaître tous les dispositifs. Une simplification est-elle envisageable ?

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la ministre Élisabeth Borne

Nous sommes extrêmement prudents, monsieur Holroyd, sur la manière dont nous faisons évoluer les taux de prise en charge de l'activité partielle. Les aides mises en place sont un investissement pour protéger les emplois et les compétences ; il s'agit de ne pas les supprimer trop vite.

Dans les secteurs non protégés, la règle était : un reste à charge de 15 % pour les entreprises et une prise en charge à hauteur de 84 % de la rémunération nette pour les salariés. Depuis le 1er juin, le reste à charge est passé à 25 % et la prise en charge pour le salarié est inchangée. Comme cette évolution était prévue depuis le mois de novembre dernier, que 56 branches ont signé des accords d'activité partielle de longue durée et que 830 000 salariés sont déjà couverts par des accords d'entreprise ou des décisions unilatérales prises en application d'un accord de branche, il nous a semblé raisonnable de penser que les entreprises qui en avaient besoin, soit celles qui anticipaient une reprise plus progressive de leur activité, avaient eu le temps de se saisir du dispositif d'activité partielle longue durée. Nous passerons à l'aide de droit commun à partir du mois de juillet, un reste à charge de 40 % et la prise en charge à hauteur de 72 % de la rémunération nette pour les salariés. Je n'ai pas noté de réaction depuis le 1er juin.

Nous sommes très prudents pour les secteurs protégés. Nous avons maintenu une prise en charge à 100 % sur tout le mois de juin. Nous passerons à partir du mois de juillet à 15 % de reste à charge, avec une prise en charge inchangée pour le salarié. Nous avons en outre invité toutes les branches qui n'avaient pas encore signé d'accord d'activité partielle de longue durée à le faire. Je me réjouis que la branche des hôtels, cafés, restaurants ait pu signer un accord d'activité partielle de longue durée qui permettra à toutes les entreprises du secteur qui pourraient en avoir besoin de mobiliser facilement l'activité partielle de longue durée, par exemple certains hôtels qui sont dépendants du tourisme international, dont l'activité ne reprendra que plus lentement. Ensuite, le reste à charge passera à 25 % au mois d'août, et nous reviendrons au droit commun à partir de la rentrée.

S'agissant du dispositif territoires zéro chômeur de longue durée, nous avons continué en 2020 à accompagner la montée en charge de cette expérimentation dont l'objet est de redéployer les dépenses liées à la privation d'emploi vers le financement, sans surcoût pour la collectivité, d'emplois en contrat à durée indéterminée. Les dix premiers territoires expérimentateurs employaient au 31 décembre 2020 759 salariés, correspondant à 674 ETP, au travers de treize entreprises à but d'emploi. La dépense s'est élevée à 14 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement. Étaient inscrits en LFI 28,5 millions d'euros en AE et en CP. Comme vous le savez, nous avons souhaité prolonger et élargir cette expérimentation. Brigitte Klinkert et moi-même avons signé il y a quelques jours l'arrêté d'homologation du cahier des charges, et sa publication est imminente, si elle n'a déjà eu lieu ; pour sa part, le décret sera publié d'ici la fin du mois de juin.

S'agissant du plan jeunes, je crois que nous pouvons déjà nous réjouir de ne pas avoir constaté le même effondrement qu'au lendemain de la crise de 2008-2009. En effet, le taux d'embauche des jeunes en CDD de plus de trois mois ou en CDI entre août 2020 et avril 2021 est identique à ce qu'il était un au cours de la même période avant la crise.

Je souhaite que l'on accélère le développement des contrats d'apprentissage sur les niveaux infra-bac, bac et jusqu'à bac+ 2. Les réseaux de centres de formation d'apprentis nous disent rencontrer des difficultés à recruter des jeunes. Je pense que le problème tient à la manière dont on se représente les métiers concernés. Peut-être ceux qui sont chargés de l'orientation et les parents n'incitent-ils pas forcément les jeunes à se tourner vers ces métiers. Nous devons tous délivrer ce message : il existe de beaux métiers, avec des perspectives professionnelles, dans l'artisanat, le bâtiment et l'industrie. Ce sont des secteurs en tension, et les CFA, en tout cas ceux de CMA France, nous le disent : beaucoup d'entreprises cherchent des jeunes qui puissent s'engager dans cette voie d'apprentissage. Nous devons tous faire d'un changement de regard sur ces métiers notre priorité. On peut réussir dans la vie sans forcément faire des études supérieures très longues ; cela va sans doute de pair avec un élargissement des possibilités de formation tout au long de la vie et de reconversion. C'est un enjeu culturel.

S'agissant des autres dispositifs du plan « 1 jeune, 1 solution », nous avons accompagné l'an dernier plus de 600 000 jeunes, et nous visons l'objectif d'en accompagner un million cette année. La garantie jeunes, à cet égard, est un dispositif formidable. Toutefois, monsieur Bricout, le taux d'insertion des jeunes n'était pas de 70 % en 2019, il était de 35 %. Les études faites montraient qu'en l'absence d'accompagnement seuls 20 % auraient trouvé un emploi ; nous passons donc à 35 % à six mois et à 50 % au bout d'un an. C'est un bon résultat, et il n'y a pas eu de baisse. Je vous remercie d'ailleurs, monsieur Bricout, d'avoir relevé l'efficacité de ce dispositif – j'entends parfois le groupe dont vous êtes membre prôner autre chose. Merci de l'avoir expérimenté ; pour notre part, nous comptons le généraliser. C'est, j'en suis vraiment convaincue, la bonne approche : les jeunes doivent être soutenus quand ils rencontrent des difficultés financières, mais notre responsabilité est de les aider à retrouver estime de soi et confiance.

Je sais que l'éducation nationale fait beaucoup d'efforts pour faire connaître les métiers. Nous pourrons continuer, car, en effet, bien souvent, les jeunes ne connaissent pas les métiers vers lesquels ils pourraient s'orienter. C'est l'objet de tous ces dispositifs qui permettent de découvrir des métiers, d'élaborer son projet professionnel, d'être accompagné pour le réaliser. Je rappelle d'ailleurs que nous avons revalorisé la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle – cela n'avait pas été fait depuis les années quatre-vingt –, pour la porter à 500 euros par mois. Ainsi pouvons-nous offrir un soutien financier dans le cadre de l'ensemble des dispositifs que nous déployons. Cela préfigure la garantie jeunes universelle.

Il est légitime de déployer des dispositifs nombreux car tous les jeunes ne se ressemblent pas. Nous devons en revanche disposer d'une bannière unique pour que le système soit lisible du point de vue du jeune – c'est la réflexion que nous menons autour de la garantie jeunes universelle. Il appartient alors aux conseillers qui accompagnent le jeune de trouver les bons dispositifs. Nous avons besoin de garder cette variété de dispositifs. Je pense qu'un jeune doit pouvoir entrer en garantie jeunes, puis passer en prépa apprentissage, si cela peut l'aider à entrer en apprentissage. Il peut aussi avoir besoin, un temps, d'un encadrement plus important et passer dans un centre de l'EPIDE. Nous devons faire notre affaire de cette complexité, ce ne doit pas être une complexité pour le jeune et les acteurs sur le terrain.

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Pour abonder dans ce sens, je citerai un exemple issu de ma visite à la chambre des métiers et de l'artisanat du Tarn. Dans le cadre de la prépa apprentissage, une personne issue de la garantie jeunes est arrivée pour suivre son apprentissage en esthétique ; quelques semaines supplémentaires l'ont aidé à forger son projet, elle a finalement opté pour la boucherie et elle est passionnée par son métier.

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la ministre Élisabeth Borne

Cela montre à quel point il est difficile de trouver son parcours professionnel. Il est important de comprendre que l'on a le droit de bénéficier d'une formation tout au long de sa vie, d'autant plus dans une économie changeante. Il faut faire baisser la pression sur les jeunes, qui ont l'impression que toute leur vie se joue à seize ou dix-huit ans, et leur ouvrir des horizons. Ils doivent pouvoir opter pour le métier qui les tente à un moment donné, et ils pourront être ensuite accompagnés, par exemple dans le cadre du dispositif transitions collectives que nous avons construit avec les partenaires sociaux, s'ils ont besoin de se reconvertir.

Je me rends compte que je n'ai pas répondu à la question sur les ETP de France compétences. Ils ont été renforcés en 2021 par rapport à 2020. Les missions de France compétences sont très importantes, et je continuerai à porter le message de la nécessité de les renforcer.

L'EPIDE est lié à la Caisse des dépôts dans une filiale commune – cela n'est pas facile à gérer. Je souhaite que l'on donne des moyens à l'EPIDE, y compris pour que ses centres puissent accueillir des jeunes le week-end ; nous allons d'ailleurs revaloriser l'allocation des jeunes accueillis, pour la porter à 500 euros, pour éviter tout biais en défaveur de cet établissement.

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Le contrat de sécurisation professionnelle (CSP) donnait d'excellents résultats. J'ai l'impression que les résultats sont en baisse : le taux indiqué de retour à l'emploi est de 30 %. Je suis étonné de ces faibles résultats.

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la ministre Élisabeth Borne

Je n'ai pas reçu d'alerte des partenaires sociaux à ce sujet. Nous les avons sollicités pour faire évoluer le dispositif, notamment quant à l'accompagnement des salariés de l'automobile. Nous avons créé un fonds pour accompagner les reconversions, dont nous savons qu'elles seront nombreuses du fait des transitions écologique et numérique que connaît le secteur. Nous avons demandé aux partenaires sociaux de voir comment mieux accompagner la mobilité des salariés, mais je n'ai pas été alertée quant à une moindre efficacité du CSP. Je vais étudier le rapport et nous vous apporterons des précisions à ce sujet.

Par ailleurs, je souhaite que l'on puisse développer les plateformes territoriales en complément des CSP. Il est important de faire discuter ensemble les acteurs d'un territoire, les entreprises confrontées à des difficultés de recrutement et celles ayant des emplois menacés ou supprimés.