Intervention de la ministre Élisabeth Borne

Réunion du mercredi 9 juin 2021 à 15h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

la ministre Élisabeth Borne :

Nous sommes extrêmement prudents, monsieur Holroyd, sur la manière dont nous faisons évoluer les taux de prise en charge de l'activité partielle. Les aides mises en place sont un investissement pour protéger les emplois et les compétences ; il s'agit de ne pas les supprimer trop vite.

Dans les secteurs non protégés, la règle était : un reste à charge de 15 % pour les entreprises et une prise en charge à hauteur de 84 % de la rémunération nette pour les salariés. Depuis le 1er juin, le reste à charge est passé à 25 % et la prise en charge pour le salarié est inchangée. Comme cette évolution était prévue depuis le mois de novembre dernier, que 56 branches ont signé des accords d'activité partielle de longue durée et que 830 000 salariés sont déjà couverts par des accords d'entreprise ou des décisions unilatérales prises en application d'un accord de branche, il nous a semblé raisonnable de penser que les entreprises qui en avaient besoin, soit celles qui anticipaient une reprise plus progressive de leur activité, avaient eu le temps de se saisir du dispositif d'activité partielle longue durée. Nous passerons à l'aide de droit commun à partir du mois de juillet, un reste à charge de 40 % et la prise en charge à hauteur de 72 % de la rémunération nette pour les salariés. Je n'ai pas noté de réaction depuis le 1er juin.

Nous sommes très prudents pour les secteurs protégés. Nous avons maintenu une prise en charge à 100 % sur tout le mois de juin. Nous passerons à partir du mois de juillet à 15 % de reste à charge, avec une prise en charge inchangée pour le salarié. Nous avons en outre invité toutes les branches qui n'avaient pas encore signé d'accord d'activité partielle de longue durée à le faire. Je me réjouis que la branche des hôtels, cafés, restaurants ait pu signer un accord d'activité partielle de longue durée qui permettra à toutes les entreprises du secteur qui pourraient en avoir besoin de mobiliser facilement l'activité partielle de longue durée, par exemple certains hôtels qui sont dépendants du tourisme international, dont l'activité ne reprendra que plus lentement. Ensuite, le reste à charge passera à 25 % au mois d'août, et nous reviendrons au droit commun à partir de la rentrée.

S'agissant du dispositif territoires zéro chômeur de longue durée, nous avons continué en 2020 à accompagner la montée en charge de cette expérimentation dont l'objet est de redéployer les dépenses liées à la privation d'emploi vers le financement, sans surcoût pour la collectivité, d'emplois en contrat à durée indéterminée. Les dix premiers territoires expérimentateurs employaient au 31 décembre 2020 759 salariés, correspondant à 674 ETP, au travers de treize entreprises à but d'emploi. La dépense s'est élevée à 14 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement. Étaient inscrits en LFI 28,5 millions d'euros en AE et en CP. Comme vous le savez, nous avons souhaité prolonger et élargir cette expérimentation. Brigitte Klinkert et moi-même avons signé il y a quelques jours l'arrêté d'homologation du cahier des charges, et sa publication est imminente, si elle n'a déjà eu lieu ; pour sa part, le décret sera publié d'ici la fin du mois de juin.

S'agissant du plan jeunes, je crois que nous pouvons déjà nous réjouir de ne pas avoir constaté le même effondrement qu'au lendemain de la crise de 2008-2009. En effet, le taux d'embauche des jeunes en CDD de plus de trois mois ou en CDI entre août 2020 et avril 2021 est identique à ce qu'il était un au cours de la même période avant la crise.

Je souhaite que l'on accélère le développement des contrats d'apprentissage sur les niveaux infra-bac, bac et jusqu'à bac+ 2. Les réseaux de centres de formation d'apprentis nous disent rencontrer des difficultés à recruter des jeunes. Je pense que le problème tient à la manière dont on se représente les métiers concernés. Peut-être ceux qui sont chargés de l'orientation et les parents n'incitent-ils pas forcément les jeunes à se tourner vers ces métiers. Nous devons tous délivrer ce message : il existe de beaux métiers, avec des perspectives professionnelles, dans l'artisanat, le bâtiment et l'industrie. Ce sont des secteurs en tension, et les CFA, en tout cas ceux de CMA France, nous le disent : beaucoup d'entreprises cherchent des jeunes qui puissent s'engager dans cette voie d'apprentissage. Nous devons tous faire d'un changement de regard sur ces métiers notre priorité. On peut réussir dans la vie sans forcément faire des études supérieures très longues ; cela va sans doute de pair avec un élargissement des possibilités de formation tout au long de la vie et de reconversion. C'est un enjeu culturel.

S'agissant des autres dispositifs du plan « 1 jeune, 1 solution », nous avons accompagné l'an dernier plus de 600 000 jeunes, et nous visons l'objectif d'en accompagner un million cette année. La garantie jeunes, à cet égard, est un dispositif formidable. Toutefois, monsieur Bricout, le taux d'insertion des jeunes n'était pas de 70 % en 2019, il était de 35 %. Les études faites montraient qu'en l'absence d'accompagnement seuls 20 % auraient trouvé un emploi ; nous passons donc à 35 % à six mois et à 50 % au bout d'un an. C'est un bon résultat, et il n'y a pas eu de baisse. Je vous remercie d'ailleurs, monsieur Bricout, d'avoir relevé l'efficacité de ce dispositif – j'entends parfois le groupe dont vous êtes membre prôner autre chose. Merci de l'avoir expérimenté ; pour notre part, nous comptons le généraliser. C'est, j'en suis vraiment convaincue, la bonne approche : les jeunes doivent être soutenus quand ils rencontrent des difficultés financières, mais notre responsabilité est de les aider à retrouver estime de soi et confiance.

Je sais que l'éducation nationale fait beaucoup d'efforts pour faire connaître les métiers. Nous pourrons continuer, car, en effet, bien souvent, les jeunes ne connaissent pas les métiers vers lesquels ils pourraient s'orienter. C'est l'objet de tous ces dispositifs qui permettent de découvrir des métiers, d'élaborer son projet professionnel, d'être accompagné pour le réaliser. Je rappelle d'ailleurs que nous avons revalorisé la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle – cela n'avait pas été fait depuis les années quatre-vingt –, pour la porter à 500 euros par mois. Ainsi pouvons-nous offrir un soutien financier dans le cadre de l'ensemble des dispositifs que nous déployons. Cela préfigure la garantie jeunes universelle.

Il est légitime de déployer des dispositifs nombreux car tous les jeunes ne se ressemblent pas. Nous devons en revanche disposer d'une bannière unique pour que le système soit lisible du point de vue du jeune – c'est la réflexion que nous menons autour de la garantie jeunes universelle. Il appartient alors aux conseillers qui accompagnent le jeune de trouver les bons dispositifs. Nous avons besoin de garder cette variété de dispositifs. Je pense qu'un jeune doit pouvoir entrer en garantie jeunes, puis passer en prépa apprentissage, si cela peut l'aider à entrer en apprentissage. Il peut aussi avoir besoin, un temps, d'un encadrement plus important et passer dans un centre de l'EPIDE. Nous devons faire notre affaire de cette complexité, ce ne doit pas être une complexité pour le jeune et les acteurs sur le terrain.

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