Représentant 19,2 % des crédits consommés par la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales, le programme 206 Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation est, en montant, le plus modeste des trois programmes de celle-ci. Il n'en concerne pas moins l'ensemble des Français, et traite d'enjeux cruciaux pour la santé des animaux, des végétaux et des humains.
Je dirai quelques mots d'une exécution budgétaire perturbée par la pandémie, avant d'en venir aux contrôles sanitaires et phytosanitaires aux frontières à l'heure du Brexit.
En 2020, le programme 206 a consommé un montant de 555,6 millions d'euros en crédits de paiement et de 557,6 millions d'euros en autorisations d'engagement, soit une progression de 9,2 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 5 millions d'euros en crédits de paiement par rapport à 2019. Insuffisamment doté en loi de finances pour 2019, il avait fait l'objet, en loi de finances initiale pour 2020, d'une revalorisation de 8,2 % tant en autorisations d'engagement qu'en crédits de paiement, pour atteindre un montant de 579,6 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 579,1 millions d'euros en crédits de paiement.
Une légère sous-consommation des montants inscrits en loi de finances initiale est due à la crise sanitaire. Ainsi le taux de consommation des autorisations d'engagement n'atteint-il que 96,2 % et celui des crédits de paiement 95,9 %.
L'activité de contrôle et de surveillance sanitaire de la direction générale de l'alimentation (DGAL) a effectivement été ralentie par les circonstances. Afin de préserver l'approvisionnement alimentaire du pays et sa sécurité sanitaire, la DGAL, dans le cadre d'un plan de continuité d'activité, a accordé la priorité à certains contrôles, tels les contrôles sanitaires en abattoir et les contrôles à l'import. Ces efforts ont permis d'éviter tout accroissement des risques en matière de sécurité alimentaire et sanitaire. Il conviendra néanmoins de s'assurer que l'ensemble des contrôles qui n'ont pu être réalisés en 2020 auront été effectués en 2021.
L'année 2020 aura également été marquée, s'agissant de la santé des végétaux, par la lutte contre deux organismes nuisibles, xylella fastidiosa et le capricorne asiatique, qui ont fait l'objet de mesures de surveillance et de lutte visant à leur éradication. Quant à la santé des animaux, nonobstant la régression du nombre de foyers préexistants, une recrudescence des nouveaux cas de tuberculose bovine confirme la nécessité de toujours accorder une attention particulière à cette maladie ; la DGAL y veille. L'épisode de grippe aviaire est arrivé en fin d'année et n'a pas encore eu d'impact financier significatif, que ce soit dans les Landes ou à Marmont-Pachas, petite commune de ma circonscription.
J'en viens à l'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), opérateur rattaché au programme, pour appeler une nouvelle fois votre attention, monsieur le ministre, sur ses ressources. Pleinement investie dans la lutte contre la pandémie dans le cadre de ses travaux d'expertise et de recherche, l'ANSES a vu l'année dernière ses recettes de fiscalité affectée diminuer de 26 %, soit 8,3 millions d'euros. Cette attrition rigidifie un budget qui ne lui laissait déjà que très peu de marges de manœuvre, tandis que la stabilité de la subvention pour charges de service public ne permet pas de compenser l'augmentation mécanique de certaines dépenses, telles celles de personnel sous l'effet du glissement vieillesse technicité. En outre, le maintien de l'Anses au niveau d'excellence scientifique qui est le sien, la mise à jour de son système d'information et d'importantes opérations immobilières nécessitent des investissements majeurs. Je l'ai déjà dit l'an dernier : il convient au minimum de sanctuariser ses ressources financières et humaines. Un examen de l'opportunité d'augmenter le montant de la subvention pour charges de service public me paraît même justifié.
J'en viens aux contrôles sanitaires et phytosanitaires aux frontières à l'heure du Brexit. Dans un contexte d'économie ouverte, l'inspection vétérinaire et phytosanitaire aux frontières joue un rôle décisif pour assurer la sécurité et la qualité sanitaires des aliments, des animaux et des végétaux, et ainsi la santé du consommateur. Les contrôles dont font l'objet les importations des pays tiers, réalisés à la frontière, au premier point d'entrée dans l'Union européenne, visent à garantir, en application d'une série de normes exigeantes édictées au niveau européen, le plus haut niveau de sécurité sanitaire. Il y est procédé dans des installations spécifiques.
Alors que l'organisation, en France, de ces contrôles avait peu évolué depuis la création, en 2010, du service d'inspection vétérinaire et phytosanitaire aux frontières (SIVEP), le Brexit a bouleversé la donne. L'accord de commerce et de coopération conclu le 24 décembre dernier ne prévoit pas d'équivalence des réglementations sanitaires et phytosanitaires. Il est donc nécessaire depuis le 1er janvier 2021 de contrôler les marchandises en provenance du Royaume-Uni, et, pour d'évidentes raisons géographiques, la France est leur principal point d'entrée dans l'Union européenne.
La préparation à cette perspective ne s'est pas faite sans difficultés. Il fut ainsi particulièrement complexe d'estimer ce que serait le volume des flux à contrôler – et, depuis le 1er janvier, les flux constatés ne semblent ni au niveau des estimations qui avaient été faites ni stabilisés.
Le SIVEP a aussi dû changer d'échelle. Ainsi, cinq nouveaux postes de contrôle frontaliers ont été agréés et les effectifs ont quadruplé : alors que le SIVEP comptait 88,5 équivalents temps plein (ETP) en postes de contrôle frontaliers et 6 ETP au service central en 2010, ce sont 420 postes qui étaient pourvus au 31 mars 2021. Je salue cet effort de recrutement sans précédent, à la hauteur de l'enjeu, tout en recommandant que le service se dote d'indicateurs permettant de mesurer l'efficacité et l'efficience de son activité de contrôle.
De nombreuses formations nécessaires ont pu être dispensées grâce à la réactivité et à la compétence de l'École nationale des services vétérinaires et de l'Institut national de formation des personnels du ministère de l'agriculture. Les responsables de ces deux écoles m'ont toutefois confirmé la réalité des difficultés de recrutement et d'un important turn-over. La France est notamment confrontée à une véritable pénurie de vétérinaires, si bien qu'il a fallu prendre un décret pour permettre, pendant une période de deux ans, à des vétérinaires n'ayant pas la nationalité française d'exercer des missions de contrôle à l'importation. De manière générale, il me semble qu'il conviendrait de renforcer l'attractivité de ces postes. Qu'envisage le Gouvernement à cet égard, monsieur le ministre ? Il me semble qu'il serait opportun, une fois stabilisés les flux de marchandises en provenance du Royaume-Uni, de proposer des contrats d'une durée supérieure à deux ans.
Je me permets également d'appeler votre attention sur les gestionnaires des points d'entrée sur le territoire, qui ont dû investir des montants importants pour accueillir dans leurs locaux ces nouveaux contrôles. La Société d'exploitation des ports du détroit a ainsi investi près de 19 % de son chiffre d'affaires de l'an dernier. Quant à Eurotunnel, son modèle économique repose sur la rapidité et la fluidité d'accès au continent européen ; à la suite de la mise en place des contrôles et en raison de certains délais d'attente, la société craint donc pour sa compétitivité face à d'autres acteurs européens. Il n'appartient pas au ministère français de l'agriculture et de l'alimentation de prendre en charge ni les surcoûts ni les manques à gagner engendrés par la mise en œuvre du Brexit, mais des compensations ne pourraient-elles être envisagées au niveau européen ?
Ont également retenu mon attention les redevances perçues au titre des contrôles sanitaires et phytosanitaires. Alors que le droit européen prévoit que leur produit permette de couvrir les frais engendrés par la réalisation des contrôles officiels, la DGAL estime qu'il n'atteint que 10 % à 15 % des montants engagés. Quelles pistes d'évolution, monsieur le ministre, vous paraissent envisageables pour que le montant des redevances tienne compte du coût réel des contrôles ?
Enfin, il semble que le logiciel Traces, utilisé par les postes de contrôle des différents pays, ne permette pas la plus grande transparence quant aux contrôles effectués dans les postes des différents pays membres de l'Union européenne, ce qui compromet la possibilité de construire des stratégies de contrôle à l'échelle européenne. Je le déplore, mais peut-être l'engagement du Gouvernement permettra-t-il d'y remédier…
Pour terminer, je tiens à souligner que tous les interlocuteurs auditionnés au cours de ce travail ont salué la disponibilité et l'écoute dont ont fait preuve les services du ministère de l'agriculture et de l'alimentation au cours de cette préparation au Brexit.