Je commencerai par réagir aux propos de M. Le Fur. Plusieurs groupes, dont le vôtre, ont la conviction ou font semblant de l'avoir que la violence se banalise dans notre société. Je trouve à la fois choquant et irresponsable qu'un député de la République puisse asséner des termes tels que « médiocrité » à l'encontre d'anciens ministres, par ailleurs absents – ce qui signale la faiblesse subjuguante des propos. Peut-être la force républicaine dont vos amis et vous-mêmes vous prévalez n'est-elle que du flan ?
S'agissant des agriculteurs subissant moins de 50 % de pertes de récoltes, beaucoup de sujets sont encore en cours d'arbitrage. Notre principe est de trouver d'abord les solutions pour les agriculteurs les plus touchés, avec des avances au seuil de 70 % et le fonds d'urgence. Les exonérations, en revanche, concernent tout le monde. S'y ajoutera un fonds de compensation exceptionnelle des pertes de production, dont les avances sont ouvertes pour le secteur des fruits à noyau et seront élargies à d'autres cultures. Un nouveau régime sera notifié à la Commission européenne concernant les pertes de production dans l'aval, dont celles des coopératives.
La déduction pour épargne de précaution est un sujet incroyablement compliqué, qui peut-être ne relève pas du printemps de l'évaluation. Il nous faut avancer dans le détail et avec méthode. J'en reparlerai avec vous avec grand plaisir.
Nous n'avons pu avancer selon le calendrier initialement prévu avec les chambres d'agriculture car nous les avons très fortement mobilisées dans le cadre du déploiement des aides en réaction à la crise liée à l'épidémie de covid-19 et du plan de relance.
Personne ne remet en cause la loi EGALIM. Elle n'est simplement pas allée assez loin ; c'est l'objet du rapport que j'ai confié à M. Serge Papin et des travaux de MM. Thierry Benoit et Grégory Besson-Moreau. La proposition de loi EGALIM II arrive en commission la semaine prochaine et dans l'hémicycle à la fin du mois de juin. Elle vise à aller au bout de la logique de la loi EGALIM sur les questions de contractualisation, de pluriannualité, de transparence des marges, de non négociabilité des prix agricoles, d'origine et de renforcement du règlement des différends. C'est la mère des batailles : les agriculteurs veulent vivre de leur travail.
Il n'y a pas de problème quant à la méthanisation : le ministère de la transition écologique et moi-même la défendons. L'un de ses écueils concerne le contrôle des structures : un incident en Bretagne a jeté l'opprobre sur toute une filière alors qu'il ne saurait en être question. Une réflexion doit également être menée sur la concurrence entre les utilisations du foncier agricole sur certains territoires. Il est de notre responsabilité, au sein du monde agricole, de nous fixer un certain nombre de règles en matière d'utilisation du foncier et des ressources, notamment pour l'élevage en été. Il n'est pas possible d'utiliser plus de 15 % de la production agricole dans une fin de méthanisation : de gros travers ont été observés en Allemagne. La question est moins celle de la norme que de l'organisation par les acteurs locaux.
S'agissant de la peste porcine africaine et du zonage, nous nous sommes mis d'accord sur un texte, qui a été négocié pendant de long mois, à la faveur de nombreux contacts avec la partie chinoise, mais qui n'a toujours pas été signé, en partie pour des raisons protocolaires. J'ai très bon espoir que cette signature aboutisse, mais nous restons incroyablement vigilants à ce sujet.
Je me bats, comme il y a dix jours encore, pour que les clauses sociales soient intégrées à la nouvelle PAC. Je souhaite que le socle social en soit une conditionnalité, mais certains pays européens ne partagent pas cette ligne. Il faut éviter à nos agriculteurs une concurrence déloyale.
Nous conduisons, dans le cadre du plan de relance, des investissements qui concourent à l'amélioration des conditions de travail dans les abattoirs. Ce volet fonctionne très bien, avec des dizaines de dossiers déposés. Ne perdons pas de vue que la plupart des abattoirs gagnent très peu d'argent. De nombreuses collectivités territoriales sont d'ailleurs à leur capital.
M. Turquois m'a interrogé sur les betteraves. Les craintes que nous avions sur les rendements se sont confirmées. Nous avons reçu 8 000 demandes d'indemnisation, ouvertes entre le 8 mars et le 23 avril. Les paiements s'échelonneront entre la mi-juin et cet été. Nous investissons 7 millions d'euros et avons mis en place un plan national de recherche et d'investissement en faveur des alternatives aux néonicotinoïdes. 18 projets sont déposés : les premiers retours sur leur pertinence sont très encourageants et nous suivons de manière très précise les évolutions de ce programme de recherche, au moyen du comité créé par la loi et piloté par M. Besson-Moreau. Plusieurs solutions devront nécessairement être combinées.
Enfin, monsieur Bricout, vous évoquez les aléas climatiques. Nous les subissons aujourd'hui de plein fouet. Il nous faut retirer cette épée de Damoclès pour assurer le renouvellement des générations et notre souveraineté agricole. Nous avons pour cela plusieurs leviers d'action. Tout d'abord, le plan de relance investit 200 millions d'euros dans la protection (filets paragrêle et irrigation). L'état des matériels n'a pas suffi face au récent gel : sur cette enveloppe, nous avons décidé d'investir plus de 30 millions d'euros dans la recherche et le développement. Nous procédons ensuite à l'adaptation de nos cultures : cela couvre des sujets relatifs à l'agronomie et à la recherche (semences, sélection variétale). Enfin, nous sommes confrontés à la question de la gestion du risque avec l'assurance des récoltes. Je suis favorable à une refonte complète du dispositif. Nous avons mené une réflexion pour inventer un nouveau système, qui comprendrait une part de solidarité nationale – à l'image des surprimes sur les polices d'assurance des habitations – et nécessiterait de mettre en place des pools d'assureurs au lieu des deux seules compagnies qui interviennent aujourd'hui sur ce marché, voire d'envisager une réassurance de l'État. J'espère vous présenter une architecture dans le projet de loi de finances pour 2022. Les Espagnols se sont posé les mêmes questions avec trente à quarante ans d'avance et ont mis dix ans à créer un système.