L'année 2020 fut une année extraordinairement exigeante pour les femmes et les hommes du ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion, à qui je veux une nouvelle fois rendre hommage.
Tout en retraçant l'exécution du budget 2020, je dresserai le bilan de la politique d'inclusion par les compétences, que cette majorité porte depuis 2017 et que la crise a rendue plus que jamais nécessaire.
Concrètement, les crédits alloués en 2020 au ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion ont été répartis en deux volets.
D'une part, les crédits de la mission Travail et emploi constituent le budget socle de mon ministère. Ce budget a été très fortement renforcé face à la crise : les crédits ouverts sont passés de 13 à 18 milliards d'euros en autorisations d'engagement au fil des quatre lois de finances rectificatives successives. Ces lois ont été conçues pour préparer la « relance inclusive » de notre économie.
D'autre part, l'on retrouve les crédits exceptionnels de la mission Plan d'urgence, dont une partie – près de 23 milliards d'euros sur les 71 milliards d'euros ouverts – a été allouée au ministère du travail. Ces crédits ont permis de protéger les emplois face au choc de la crise grâce au dispositif d'activité partielle.
Globalement, malgré la crise économique et sociale, la gestion dynamique de nos crédits a permis, pour la mission Travail et emploi, un taux d'exécution proche de 100 % des crédits ouverts. En effet, les effets conjugués de la crise se sont partiellement compensés. D'une part, des dépenses moindres ont été observées sur certains dispositifs, comme les aides destinées aux entreprises inclusives ou l'allocation de solidarité spécifique (ASS). D'autre part, la sur-mobilisation de certains dispositifs a engendré des surcoûts, comme les fonds d'urgence et d'appui à la transformation pour les entreprises inclusives (FDI), les parcours contractualisés d'accompagnement vers l'emploi et l'autonomie (PACEA), les aides exceptionnelles à l'embauche et à l'alternance ou encore l'aide à la formation du Fonds national de l'emploi (FNE-Formation).
Tout d'abord, dès la première loi de finance rectificative de mars 2020, un dispositif exceptionnel d'activité partielle a été mis en place, qui a permis de répondre, en urgence, à la crise sanitaire, en protégeant des millions de salariés. Dans le cadre de la nouvelle mission Plan d'urgence, 22,6 milliards d'euros de crédits ont été ouverts au fil des lois de finances rectificatives successives. Ils ont permis de financer, en 2020 et au début de l'année 2021, l'activité partielle engagée en 2020, pour un montant global de près de 30 milliards d'euros. Près de 9 millions de salariés ont ainsi vu leurs indemnités d'activité partielle prises en charge, au plus fort de la crise. Si la prise en charge a d'abord été intégrale jusqu'au 1er juin 2020, elle a ensuite été abaissée à 85 %, sauf pour les entreprises fermées administrativement et celles des secteurs dits protégés. Ces dernières ont, en effet, continué de bénéficier d'un taux de prise en charge à 100 %, les salariés étant indemnisés à hauteur de 84 % de leur rémunération nette, jusqu'à 4,5 SMIC.
Je rappelle que les dépenses d'activité partielle sont prises en charge aux deux tiers par l'État et à hauteur d'un tiers par l'Unédic. Au total, les dépenses de l'État en 2020 se sont élevées à 17,8 milliards d'euros. En cumulant les contributions de l'État et de l'Unédic, cela correspond donc à des dépenses totales de près de 27 milliards d'euros en 2020 sur ce dispositif. Les crédits non consommés en 2020 à cause d'un taux de recours à l'activité partielle plus faible qu'anticipé lors du deuxième confinement et reportés sur 2021 permettront notamment de financer le revenu minimum garanti pour les « permittents », les indemnités d'activité partielle 2020 restant à payer en 2021 et une partie du coût des indemnités d'activité partielle de 2021.
L'activité partielle protégeait encore près de trois millions de salariés au mois d'avril dernier, et c'est la raison pour laquelle nous avons établi une stratégie de sortie de ce dispositif très progressive, en lien avec les partenaires sociaux.
Ensuite, les mois de juillet et août ont vu le lancement du plan de relance, pour préparer le rebond de notre économie en donnant les compétences nécessaires aux entreprises. Dans ce cadre, le plan « 1 jeune, 1 solution » a consisté à proposer une solution adaptée à chaque jeune arrivant sur le marché du travail en 2020 ou qui était d'ores et déjà sans emploi et sans formation. Depuis son lancement, ce plan a été régulièrement enrichi de nouveaux services, et il dépasse aujourd'hui le montant inégalé de 9 milliards d'euros. Après le lancement de l'opération « 1 jeune, 1 mentor », il y a deux semaines, un nouvel espace a été ouvert la semaine dernière sur le site 1jeune1solution.gouv.fr, qui recensait en fin de semaine 40 000 offres de « jobs d'été ».
Grâce à la mobilisation exceptionnelle des entreprises, cet effort sans précédent a produit des résultats dès 2020, notamment l'embauche de 1,6 million de jeunes en CDI ou en CDD de plus de trois mois, dont 1,2 million entre les mois d'août et décembre 2020, soit un niveau quasiment équivalent à 2018 et 2019 – et la signature de plus de 500 000 contrats d'apprentissage en 2020, ce qui est un record historique.
Et, avant même notre ambition de faire entrer un million de jeunes éloignés de l'emploi dans un parcours d'accompagnement ou d'insertion en 2021, plus de 600 000 jeunes ont été accompagnés pendant l'année 2020, que ce soit au travers des parcours contractualisés d'accompagnement vers l'emploi et l'autonomie, de la garantie jeunes, des écoles de la deuxième chance, de l'accompagnement intensif des jeunes (AIJ) ou encore des prépas apprentissage. Tous ces dispositifs ont, en effet, été fortement sollicités dès l'année 2020, malgré le contexte de la crise sanitaire.
Parmi ces jeunes, 442 000 ont pu bénéficier en 2020 d'un parcours en PACEA ou en garantie jeunes grâce à l'engagement des missions locales, que je veux saluer, soit un résultat conforme aux objectifs fixés. C'est sur la base de ces bons résultats que nous avons choisi de faire du principe de la garantie jeunes et de la mobilisation des missions locales les piliers de notre action en faveur de la jeunesse pour l'année 2021.
Par ailleurs, 18 500 jeunes ont pu bénéficier d'un parcours emplois compétences en 2020, soit un résultat légèrement en deçà de la cible des 20 000 entrées. Sur l'année 2020, les PEC se sont caractérisés par un taux d'insertion dans l'emploi à six mois de 57 %, soit une hausse de 8 points par rapport à 2018, et ce malgré la crise. En 2021, nous poursuivrons cet effort, en mettant en place pour les jeunes 60 000 nouveaux PEC, pour un nouvel objectif de 80 000 entrées au total.
Monsieur le rapporteur pour avis, je peux vous assurer qu'il n'y a pas de pénurie de contrats aidés. Je ne saurais expliquer le contraste entre la remarquable mobilisation des entreprises et les dispositifs de type service civique ou PEC, habituellement mobilisés par des collectivités territoriales ou des associations, qui peinent à atteindre leurs cibles. Nous avons levé tous les obstacles dont on nous avait parlé ; pourtant ces dispositifs ne décollent pas. Je constate une sur-consommation des PEC tous publics et une sous-consommation des PEC jeunes et des PEC quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), la situation étant légèrement plus favorable dans les zones de revitalisation rurale. Je ne comprends pas. Nous avons prévu un taux de prise en charge de 80 %, donné des assurances sur le renouvellement, déplafonné le nombre d'heures… Les collectivités devraient s'engager à nos côtés comme les entreprises l'ont déjà fait. J'ai aussi invité les préfets à mobiliser l'insertion par l'activité économique, qui peut être une réponse bien adaptée à l'heure où nous voulons cibler les jeunes dans le cadre des PEC. J'invite les associations et les collectivités territoriales à nous faire part des difficultés résiduelles rencontrées ou à se mobiliser pour l'emploi des jeunes.
L'exécution budgétaire 2020 en témoigne : les dispositifs que nous avons choisi de développer en 2021 sont ceux qui fonctionnent bien, et qui ont fait l'objet d'un fort taux de réalisation en 2020, parce qu'ils sont bien identifiés par les jeunes, et qu'ils correspondent bien à leurs besoins.
L'exécution budgétaire 2020 s'est également inscrite dans la poursuite puis le renforcement de stratégies pluriannuelles visant à rendre la relance de notre économie réellement inclusive.
Il en va ainsi du déploiement de la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté. Nous avons ainsi fait preuve d'agilité, pour soutenir les entreprises inclusives face aux conséquences de la pandémie. Elles se sont largement investies dans le combat contre le virus et ont démontré leur capacité à relever des défis industriels, et à explorer de nouveaux gisements d'emplois, notamment dans la production de masques. Après avoir mobilisé de l'activité partielle durant le confinement du printemps dernier, les structures d'insertion par l'activité économique et les entreprises adaptées ont ainsi bénéficié de la réaffectation d'aides aux postes, qui ont été libérées. Ces crédits, correspondant à une contribution aux salaires des salariés des entreprises inclusives, ont été réassignés à de nouveaux objectifs : la transformation et la modernisation des entreprises en vue de créer de nouveaux emplois.
C'est ainsi que s'est construit le plan de relance pour l'inclusion dès le mois d'août dernier, avec Mme la ministre déléguée à l'insertion Brigitte Klinkert. D'un montant total de 320 millions d'euros, ce plan a été composé de deux volets très complémentaires : d'une part, des aides d'urgence forfaitaires, d'autre part des aides à la transformation et au développement. Ce plan nous a permis de sécuriser les trajectoires de nombreuses personnes fragilisées par la crise, en finançant 3 500 projets inclusifs, porteurs de 45 500 créations d'emplois, dont 34 000 dans les structures d'insertion par l'activité économique et 11 500 dans les entreprises adaptées.
L'exécution budgétaire 2020 s'est donc adaptée au contexte de la pandémie, tout en conservant la trajectoire fixée par le Président de la République en 2018, lors du lancement de la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté. Les premiers résultats sont déjà perceptibles, puisque les effectifs dans l'insertion par l'activité économique sont de nouveau en hausse de + 4 % à fin février. Notre objectif est d'atteindre, d'ici la fin de l'année, 190 000 personnes accompagnées dans les structures d'insertion par l'activité économique. C'est la raison pour laquelle, le mois dernier, un nouvel effort de 150 millions d'euros a été annoncé en faveur des entreprises inclusives. Cette nouvelle enveloppe s'inscrit dans le cadre du deuxième volet du plan de relance pour l'inclusion, et des annonces du Premier ministre au mois d'octobre dernier, liées au renforcement de la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté.
Par ailleurs, les crédits ouverts en 2020 dans le cadre de l'acte II de la stratégie pauvreté, et reportés en 2021, visent à poursuivre le développement de l'emploi dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Ils prévoient notamment le doublement du nombre total des PEC dans ces quartiers et dans les zones de revitalisation rurale et le renforcement à 80 % du cofinancement par l'État de ces parcours.
L'exécution budgétaire 2020 a d'ailleurs déjà vu une intensification de l'action de l'État en direction des habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Les emplois francs ont, malgré la crise économique, atteint la cible fixée grâce à une forte dynamique retrouvée au troisième trimestre. En 2020, 22 200 emplois francs ont ainsi été signés, y compris des « emplois francs + », ces emplois « boostés » au moment de la mise en place de l'aide à l'embauche des jeunes.
Enfin, notre stratégie pluriannuelle de formation des jeunes en difficulté et des demandeurs d'emploi a poursuivi avec succès son déploiement dans le cadre du PIC. Je rappelle que ce sont 15 milliards d'euros, sur l'ensemble du quinquennat, que nous consacrons à la formation des jeunes et des demandeurs d'emploi peu ou pas qualifiés. Nous avons ainsi enregistré en 2020 plus d'un million d'entrées en formation de demandeurs d'emploi et de salariés en insertion. C'est une très bonne progression, alors que nous partions de seulement 660 000 demandeurs d'emploi formés en moyenne chaque année avant le lancement du PIC. Cette tendance est également à la hausse, par rapport à 2019, et devrait se confirmer en 2021 et 2022.
Par ailleurs, en 2020, près de sept personnes sur dix ont trouvé un emploi moins de six mois après leur sortie d'une formation préalable à l'embauche, et près de six sur dix après une formation certifiante ou professionnalisante. Ces bons résultats ont été atteints malgré la crise sanitaire, qui a entraîné la fermeture des organismes de formation pendant près de trois mois.
Enfin, pour mieux accompagner les demandeurs d'emploi, nous avons décidé d'augmenter notre objectif 2021 d'entrées en formation dans le cadre du plan « 1 jeune, 1 solution » pour mieux répondre aux besoins en compétences des secteurs stratégiques. Au total, nous offrons 100 000 formations supplémentaires aux métiers d'avenir en 2021 et 2022, soit un effort supplémentaire de 700 millions d'euros. Nous avons bien adapté nos pactes régionaux pour tenir compte du contexte de la crise et des nouvelles priorités ; j'avais proposé l'été dernier aux régions de réfléchir à ces avenants qui ont été signés avec l'ensemble d'entre elles, pour intégrer cet effort supplémentaire en faveur des jeunes mais aussi pour mieux cibler les formations à la lumière de la crise sanitaire.
Sur le terrain, nous avons veillé à renforcer les moyens des agents pilotant les politiques de l'emploi et de la formation pour faire face à la hausse de charge liée à la crise. Nos services ont été confrontés à un surcroît exceptionnel d'activité, lié en particulier à l'instruction des dossiers d'activité partielle puis aux besoins en accompagnement des entreprises. Le recrutement de plus de 300 agents occasionnels a ainsi été réalisé dans les anciennes DIRECCTE – devenues directions régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS) –, à compter du mois d'avril 2020.
Par ailleurs, Pôle emploi a dû gérer la montée en charge de l'accompagnement intensif des jeunes (AIJ) tout comme la hausse du nombre de demandeurs d'emploi. Le recrutement de 2 150 ETP supplémentaires a ainsi été autorisé, venant s'ajouter à une première augmentation de 1 000 ETP par rapport à 2019 déjà prévue dans la loi de finances initiale pour 2020, afin de renforcer l'accompagnement des demandeurs d'emploi.
Je suis convaincue, madame la rapporteure spéciale, que nous devons être très attentifs aux moyens du ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion, en maintenant des effectifs exceptionnels mais aussi en faisant un état des lieux, une revue des missions. Le ministère porte des politiques absolument cruciales, qui se révéleront essentielles en sortie de crise. Or, depuis plusieurs années, il contribue à l'effort de maîtrise des dépenses publiques et de réduction des effectifs. Je pense que nous sommes arrivés à un moment où cela devient compliqué… Je soulignerai, dans mes discussions avec mes collègues de Bercy, qu'il importe de donner des moyens suffisants à nos services dans la période que nous traversons.
Mesdames et messieurs les députés, l'exécution du budget 2020 aura permis de protéger les emplois face au choc de la crise en installant l'activité partielle, et de préparer le rebond de notre économie, en amorçant le déploiement du plan de relance. Notre politique d'inclusion par les compétences, engagée dès 2017, a ainsi été accélérée et concentrée sur les secteurs stratégiques, au bénéfice des jeunes, des plus fragiles et des demandeurs d'emploi peu ou pas qualifiés.
Madame la rapporteure spéciale, je répondrai enfin à votre question sur l'accès des personnes en situation de handicap aux parcours emploi compétences. Elles bénéficient de la prise en charge prévue pour les jeunes jusqu'à 30 ans – elles représentent ainsi 8 % des PEC jeunes attribués à ce jour. Les collectivités ou les associations qui recrutent un jeune en situation de handicap peuvent également solliciter le financement de l'adaptation au poste auprès de l'Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (AGEFIPH). Ces aides viennent en complément de la prise en charge du salaire. Il est important de faire connaître ce soutien de l'AGEFIPH, tout le monde n'est pas forcément au courant. Par ailleurs, nous avons décidé de prolonger l'aide à l'embauche pour les travailleurs handicapés jusqu'à la fin de l'année ; le Premier ministre l'a annoncé il y a dix jours. Une opération de communication très large est engagée, avec l'envoi de mails à 70 000 entreprises. Il faut effectivement être mobilisés en faveur de l'emploi des personnes en situation de handicap ; nous y travaillons conjointement avec Sophie Cluzel.
Il est encore trop tôt pour parler de l'exécution du budget 2021, même si nous pouvons prévoir une consommation très dynamique sur certains dispositifs, comme l'activité partielle, dont nous faisons évoluer les conditions de manière très progressive, ou les aides exceptionnelles que nous avons prolongées dans le cadre du plan « 1 jeune, 1 solution ». Cela étant, dès l'année 2020, nous avons tous été, collectivement, au rendez-vous de l'augmentation des moyens d'inclusion de tous dans l'emploi, par la formation et la révolution des compétences.
Grâce au déploiement de notre stratégie de vaccination, nous pouvons tabler sur un retour au niveau d'activité d'avant-crise au premier trimestre 2022, c'est-à-dire plus tôt que ce que nous avions initialement anticipé. La souplesse de l'exécution du budget 2020 y aura largement contribué.