Intervention de Mireille Aubry

Réunion du mercredi 30 juin 2021 à 9h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Mireille Aubry, responsable du groupe de travail de l'Association des assureurs mutualistes relatif à la directive Solvabilité II :

En ce qui concerne la crise sanitaire, auditionné par votre commission, le vice-président de l'ACPR se félicitait du fait que, grâce à Solvabilité II, les assureurs étaient bien préparés, si bien que le ratio de couverture n'a chuté que d'une vingtaine de points entre le début et la fin de l'année 2020, avec un pic à 30 points à la fin du mois de mars, alors que les conditions financières étaient les plus terribles. Le secteur a bien absorbé la crise. Un modèle entièrement fondé sur les risques a permis d'intégrer tous les impacts sur tous les éléments du bilan des assureurs, qu'il s'agisse de l'actif ou du passif ; c'est la grande force de Solvabilité II. N'oublions pas que la crise sanitaire a eu des effets bien au-delà des frais de santé et des arrêts de travail, qui relèvent plutôt de l'assurance des personnes. Elle a entraîné des pertes d'exploitation et n'a pas été sans conséquence sur les crédits, elle a conduit à l'annulation d'événements, toutes choses qui relèvent plutôt de l'assurance de dommage et de responsabilité, alors que nous n'y aurions pas forcément pensé.

Tous ces éléments ont été mesurés et ont permis une surveillance rapprochée et de qualité. La directive Solvabilité II comporte trois piliers, respectivement d'ordre quantitatif, relatif à la gouvernance interne et prenant la forme d'un dialogue avec le superviseur. Les rencontres avec l'autorité de contrôle ont été régulières.

La résilience vient aussi du modèle d'affaires lui-même. La diversification des risques est au cœur de l'assurance et permet l'absorption de difficultés par des techniques classiques.

Même si les mutuelles ont fait face aux crises dans le passé sans la directive Solvabilité II, cette dernière a fourni un très bon complément, car le contexte de risque systémique met au défi les techniques d'assurance.

Quant à la situation des comptes des assureurs mutualistes, des efforts ont été faits, mais il y a des évolutions de sinistralité qui impliquent de tenir compte, par exemple, de l'évolution de la fréquence et des coûts moyens des risques climatiques.

L'AMICE, dont nous sommes membres, regroupe des mutuelles de dix-neuf pays. Elle comporte un groupe de travail sur les normes prudentielles, dont je suis la co-présidente ; nous collaborons étroitement, avons répondu à des centaines de consultation depuis les premières réflexions sur la directive Solvabilité II et sommes régulièrement sollicités pour participer à d'autres groupes, intervenir dans des séminaires ou collecter des données. Nous sommes l'une des parties prenantes les plus importantes.

Il existe effectivement des corrélations potentielles entre le statut d'assureur mutualiste et le long terme. Les mutuelles sont là pour durer au service de leurs sociétaires et n'ont pas d'actionnaires qui pourraient décider d'abandonner ou de privilégier telle activité de manière opportuniste : elles alignent leurs intérêts sur les besoins des assurés. J'en veux pour preuve l'importance des réserves et des fonds propres, dont les mutuelles sont très économes : c'est la condition de leur indépendance, surtout lorsqu'elles ne font pas appel aux marchés financiers. Leur gestion doit donc accompagner leur croissance : leurs excédents leur autorisent une certaine patience stratégique et des ambitions sereines.

Quelles sont nos propositions concrètes pour l'évaluation des risques ? Certains éléments techniques sont difficiles à résumer. Pour évaluer les risques et mobiliser suffisamment de fonds propres en regard des crises exceptionnelles susceptibles d'intervenir tous les deux cents ans, l'on construit un bilan économique, avec des actifs valorisés suivant les données transparentes et rafraîchies des marchés, ainsi que des passifs inscrivant tous les engagements souscrits envers les assurés, jusqu'à l'extinction des dernières garanties, de sorte que soient constituées des prévisions. L'assurance est en effet caractérisée par le fait de percevoir et de mettre de côté des primes avant de payer des prestations, à la différence du modèle bancaire d'emprunts à court terme et de placements à long terme – ce qui pose des problèmes structurels de liquidité dans leurs bilans. La valeur économique de ces provisions se calcule en « probabilisant » tous les engagements, en fonction de statistiques sur les sinistres et en les projetant – sur des dizaines d'années pour certaines rentes – et nous actualisons avec une courbe des taux dite sans risque.

Les fonds propres s'obtiennent par différence entre les actifs valorisés au mieux, c'est-à-dire le patrimoine détenu par l'assureur, et les engagements : toute désynchronisation a des conséquences. La courbe d'actualisation a donc été abondamment définie dans la directive Solvabilité II : elle est construite avec une partie liquide pour les vingt premières maturités en euros mesurées grâce aux échanges de marché et aux taux dits swap et, pour des raisons de stabilité, un point d'ancrage ultime est fixé à horizon de soixante ans, de sorte qu'une extrapolation donne une vision moyenne entre les deux.

La révision de la directive Solvabilité II manifeste une volonté de l'autorité de contrôle de donner plus d'effet ( twist ) à cette partie extrapolée et d'introduire dans le calcul des fonds propres quelques données financières – même si elles sont moins nombreuses – après la période de vingt ans, le but étant surtout de tirer la courbe vers le bas. La volatilité artificielle induite pour les passifs longs est contestable car les assureurs doivent aussi se préparer à une remontée des taux. Nous ne souhaitons donc pas toucher au point d'ancrage ultime.

Au-delà de cette question du bilan, qui se lit au numérateur du ratio de solvabilité, il faut corrélativement évaluer le risque, notamment de taux, à son dénominateur : la directive Solvabilité II n'envisageait pas le territoire négatif, et la révision proposée est très conservatrice et très coûteuse. En territoire négatif, la volatilité se réduit énormément : ce n'est pas étonnant, vu les politiques monétaires. Nous voudrions évidemment que ce soit pris en compte.

Les risques associés aux actions de long terme sont d'un autre ordre qu'une telle volatilité. Des critères avaient été établis pour analyser les portefeuilles : tous ne sont pas très bien faits, par excès de prudence ou en raison de mauvaises définitions. L'écart au taux de référence ( spread ) est aussi une composante importante de la courbe.

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