Intervention de Jean-Philippe Diguet

Réunion du mercredi 30 juin 2021 à 11h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Jean-Philippe Diguet, directeur de l'assurance de la Fédération nationale de la mutualité française :

Autant nous avons salué l'apport de la directive Solvabilité II en matière de gestion prospective des risques, autant nous avons jugé le cadre prudentiel en vigueur depuis 2015 inadapté aux activités assurantielles long terme, principalement l'assurance-vie et l'épargne retraite, en raison d'un mode de calcul des besoins en fonds propres fondé sur une vision à court terme, qui repose sur une probabilité de ruine de 0,5 % à moins d'un an. Il en résulte pour nos organismes un modèle d'autant plus exigeant que la volatilité des risques constatés est importante et induit de surcroît un effet pro-cyclique de marché. Les mouvements baissiers sur les taux et la forte volatilité d'actifs tels que les actions pénalisent la gestion financière des acteurs, au détriment des rendements servis aux assurés et aux adhérents.

Un exemple de cette inadaptation nous est fourni par la création par la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite Sapin II, de ces fonds de pensions à la française que nous appelons fonds de retraite professionnelle supplémentaire (FPRS) et des mutuelles ou unions de retraite professionnelle supplémentaire (MRPS et URPS). Ces véhicules sont destinés à loger des activités de retraite sous l'ancien cadre prudentiel, dit Solvabilité I. Les exigences de marge ou de capital qu'il fixe sont moins volatiles, puisqu'elles sont non pas fondées sur un bilan en valeur de marché mais calculé en fonction d'un pourcentage des engagements envers les adhérents. Entre 2019 et 2020, le nombre d'entités ayant rejoint ce type de véhicules est passé de deux à dix, dont les institutions de prévoyances et un certain nombre de mutuelles.

Cela montre que les acteurs de l'épargne retraite recherchent un modèle prudentiel plus pérenne et moins volatil pour améliorer la gestion des placements et le rendement dont bénéficient les adhérents.

La crise que nous avons connue au mois de mars 2020 fournit un autre exemple du caractère inadapté de la norme prudentielle Solvabilité II aux enjeux de l'épargne retraite et de l'assurance vie. L'effondrement – inédit depuis des décennies – des marchés a entraîné une baisse de l'ordre de 40 points de la couverture des exigences réglementaires. Nos acteurs couvrent les exigences de capital en moyenne à hauteur de 200 % mais, pendant la crise, certains ont alors pu approcher le seuil de 100 %. S'ils l'avaient franchi, ils auraient dû, dans des délais réduits, soumettre à l'ACPR des mesures potentiellement préjudiciables à l'intérêt des adhérents pour ramener la couverture au-delà de 100 %.

En effet, si un organisme capitalistique peut accroître ses capitaux dans des délais très brefs en recherchant des capitaux sur les marchés, c'est plus difficile et plus coûteux pour des organismes mutualistes. Si la situation des marchés financiers s'était dégradée davantage, nos organismes auraient donc dû arbitrer en défaveur de la détention des actifs qui concentrent les exigences de capitaux, comme les actions, qui représentent entre 10 et 15 % des actifs détenus par nos adhérents mais entre 30 et 50 % des exigences de capitaux liées à l'ensemble de leurs placements. Cela aurait donc incité nos organismes à se délester de leurs actions au moment le moins propice pour le faire.

Nous souhaitons donc éviter que la révision de la directive Solvabilité II n'accroisse les exigences de capital pour nos organismes « branche longue » alors que l'Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles ( European insurance and occupational pensions authority ou EIOPA) propose une augmentation de l'ordre de 30 à 40 points de couverture, ce qui correspond à une hausse des exigences de fonds propres de près d'un quart, soit environ un milliard d'euros pour notre secteur. Nous avons présenté à la Commission européenne, à la direction générale du trésor et à l'AMICE des propositions pour éviter que n'augmentent les exigences en capital qui seraient préjudiciables à nos membres, à leurs adhérents et au financement de notre économie.

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