La commission entend Mme Séverine Salgado, directrice générale de la Fédération nationale de la mutualité française, et MM. Jean-Philippe Diguet, directeur de l'assurance et Yannick Lucas, directeur des affaires publiques, sur la révision de la directive Solvabilité II.
Nous poursuivons ce cycle d'audition sur la révision de la directive Solvabilité II, au cours duquel nous avons auditionné M. Jean-Paul Faugère, président de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), Mme Florence Lustman, présidente de la Fédération française de l'assurance, Mme Marie-Laure Dreyfuss, déléguée générale du centre technique des institutions de prévoyance, ainsi que les représentants des groupes Agrica et Malakoff Humanis et, ce matin, Mme Cornélia Federkeil, secrétaire générale de l'Association des assureurs mutualistes et plusieurs représentants d'Aéma Groupe.
Nous recevons maintenant trois interlocuteurs qui pourront nous en présenter les conséquences pour les groupes mutualistes.
Cette audition intervient dans un contexte singulier à plus d'un titre mais aussi dans un climat qui appelle à préserver, voire restaurer, la confiance envers les assureurs. La directive Solvabilité II vise à garantir cette confiance et à renforcer le cadre dans lequel nous exerçons nos métiers. Cela dit, en tant que mutualistes, nous insisterons sur l'enjeu de la proportionnalité des mesures.
Plus de 250 mutuelles dans le domaine de la santé et une dizaine de celles qui interviennent dans le champ de la prévoyance – principalement l'épargne-retraite – adhèrent à la Fédération nationale de la mutualité française. La moitié d'entre elles sont soumises à la directive Solvabilité II, les autres y dérogent car le montant des primes qu'elles collectent est inférieur au seuil de 5 millions d'euros. L'ensemble des organismes représentent 20 milliards d'euros de primes en santé et prévoyance et couvrent 32 millions de Français. Par ailleurs, nous collectons 2 milliards d'euros de primes d'épargne retraite ; sont couverts 1,5 million d'adhérents.
Nos membres sont donc spécialisés dans l'assurance de personnes, dans les domaines de la santé ou des « branches longues ». Nous représentons de nombreuses mutuelles dites de taille intermédiaire pour lesquelles le régime mis en place par la directive Solvabilité II est inadapté en raison de la charge et des lourdes procédures qu'il implique.
Nous n'avons donc cessé de nous battre pour une matérialisation concrète du principe de proportionnalité, afin d'alléger toutes les obligations lourdes et coûteuses auxquelles seraient soumis nos membres. Nous menons ce combat auprès des institutions européennes par l'intermédiaire de l'Association des assureurs mutuels et coopératifs en Europe (AMICE), qui représente 30 % du marché assurantiel en Europe.
Notre action a permis d'obtenir pour nos membres le cumul de certaines fonctions que distingue la directive, ce qui évite des recrutements et des surcoûts. Nous avons ainsi obtenu que les organismes dont le bilan inférieur est à 500 millions d'euros soient exemptés de reporting trimestriel.
Le cadre prudentiel n'en demeure pas moins une source de coûts pour nos organismes, que nous estimons à une centaine de millions d'euros en phase préparatoire, auxquels s'ajoutent des charges récurrentes, notamment de reporting.
Nous avons toujours dit que le cadre fixé par la directive Solvabilité II était bénéfique, et même indispensable, une gestion prospective des risques étant particulièrement nécessaire à notre métier. Cependant, il peut être inadapté pour les branches d'assurance dites longues et pour certains des organismes.
Autant nous avons salué l'apport de la directive Solvabilité II en matière de gestion prospective des risques, autant nous avons jugé le cadre prudentiel en vigueur depuis 2015 inadapté aux activités assurantielles long terme, principalement l'assurance-vie et l'épargne retraite, en raison d'un mode de calcul des besoins en fonds propres fondé sur une vision à court terme, qui repose sur une probabilité de ruine de 0,5 % à moins d'un an. Il en résulte pour nos organismes un modèle d'autant plus exigeant que la volatilité des risques constatés est importante et induit de surcroît un effet pro-cyclique de marché. Les mouvements baissiers sur les taux et la forte volatilité d'actifs tels que les actions pénalisent la gestion financière des acteurs, au détriment des rendements servis aux assurés et aux adhérents.
Un exemple de cette inadaptation nous est fourni par la création par la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite Sapin II, de ces fonds de pensions à la française que nous appelons fonds de retraite professionnelle supplémentaire (FPRS) et des mutuelles ou unions de retraite professionnelle supplémentaire (MRPS et URPS). Ces véhicules sont destinés à loger des activités de retraite sous l'ancien cadre prudentiel, dit Solvabilité I. Les exigences de marge ou de capital qu'il fixe sont moins volatiles, puisqu'elles sont non pas fondées sur un bilan en valeur de marché mais calculé en fonction d'un pourcentage des engagements envers les adhérents. Entre 2019 et 2020, le nombre d'entités ayant rejoint ce type de véhicules est passé de deux à dix, dont les institutions de prévoyances et un certain nombre de mutuelles.
Cela montre que les acteurs de l'épargne retraite recherchent un modèle prudentiel plus pérenne et moins volatil pour améliorer la gestion des placements et le rendement dont bénéficient les adhérents.
La crise que nous avons connue au mois de mars 2020 fournit un autre exemple du caractère inadapté de la norme prudentielle Solvabilité II aux enjeux de l'épargne retraite et de l'assurance vie. L'effondrement – inédit depuis des décennies – des marchés a entraîné une baisse de l'ordre de 40 points de la couverture des exigences réglementaires. Nos acteurs couvrent les exigences de capital en moyenne à hauteur de 200 % mais, pendant la crise, certains ont alors pu approcher le seuil de 100 %. S'ils l'avaient franchi, ils auraient dû, dans des délais réduits, soumettre à l'ACPR des mesures potentiellement préjudiciables à l'intérêt des adhérents pour ramener la couverture au-delà de 100 %.
En effet, si un organisme capitalistique peut accroître ses capitaux dans des délais très brefs en recherchant des capitaux sur les marchés, c'est plus difficile et plus coûteux pour des organismes mutualistes. Si la situation des marchés financiers s'était dégradée davantage, nos organismes auraient donc dû arbitrer en défaveur de la détention des actifs qui concentrent les exigences de capitaux, comme les actions, qui représentent entre 10 et 15 % des actifs détenus par nos adhérents mais entre 30 et 50 % des exigences de capitaux liées à l'ensemble de leurs placements. Cela aurait donc incité nos organismes à se délester de leurs actions au moment le moins propice pour le faire.
Nous souhaitons donc éviter que la révision de la directive Solvabilité II n'accroisse les exigences de capital pour nos organismes « branche longue » alors que l'Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles ( European insurance and occupational pensions authority ou EIOPA) propose une augmentation de l'ordre de 30 à 40 points de couverture, ce qui correspond à une hausse des exigences de fonds propres de près d'un quart, soit environ un milliard d'euros pour notre secteur. Nous avons présenté à la Commission européenne, à la direction générale du trésor et à l'AMICE des propositions pour éviter que n'augmentent les exigences en capital qui seraient préjudiciables à nos membres, à leurs adhérents et au financement de notre économie.
Cet éclairage montre, une fois encore, à quel point le sujet, s'il est technique, n'en affecte pas moins très directement le financement de notre économie, et m'inspire quelques questions.
Pouvez-vous dresser un panorama plus global de l'allocation des actifs détenus par les mutuelles ? Cela nous permettra de mieux saisir leur poids sur les marchés et dans l'économie réelle.
Par ailleurs, considérez-vous que les normes prudentielles de Solvabilité II vous ont permis d'être mieux préparés au choc de la crise et de faire preuve de résilience face à la chute des marchés financiers ? J'observe au passage qu'ils se sont vite et complètement rétablis.
En outre, la révision de la directive va-t-elle vous conduire à écarter certaines catégories d'actifs ?
Enfin, quel regard portez-vous sur le modèle « ESG » (économique, social et de gouvernance) de responsabilité et ses conséquences sur vos choix d'allocation d'actifs et sur votre résilience ?
Il y a toujours une part d'arbitraire dans la fixation de seuils, mais quelles considérations justifieraient de remonter à 25 millions d'euros le seuil, actuellement fixé à 5 millions d'euros de chiffre d'affaires, d'application de la directive ?
Par ailleurs, pouvez-vous présenter un état des lieux du débat européen et le positionnement de vos principaux homologues à l'étranger ? Vous avez évoqué l'AMICE, mais comment se positionne le secteur mutualiste dans les autres États membres de l'Union européenne ?
Enfin, disposez-vous de données chiffrées sur l'impact des propositions de l'EIOPA sur vos membres et sur les assurés ?
La directive Solvabilité II est un élément rassurant pour vos adhérents, mais nous voyons bien qu'elle pose aussi un problème de compétitivité, notamment en matière d'investissement. Où situer le curseur pour parvenir à un équilibre et quelles sont vos espérances de ce point de vue ?
Par ailleurs, quel serait l'impact sur vos membres de la réforme des retraites, notamment celui du décalage de l'âge de départ à la retraite ?
Ensuite, intégrez-vous dans vos projections économiques l'impact des changements attendus dans le monde du travail, et dans l'économie en général, à la suite de la crise sanitaire ? Plus spécifiquement, voyez-vous votre organisation évoluer, en lien avec le développement du télétravail ?
Comment appréhendez-vous cette révision de la directive ? La percevez-vous comme une intrusion qui ne serait pas nécessaire – puisque vous, secteur mutualiste, avez bien résisté à la crise, et qu'elle pourrait avoir des conséquences sur vos orientations stratégiques et vos investissements – ou bien pensez-vous qu'elle introduit des obligations que vous « devez » à vos sociétaires et qu'il peut être rassurant de mettre en place ?
Quant aux charges administratives de reporting significatives qui résultent de la directive, quelles en sont les conséquences sur votre gouvernance, votre organisation et vos choix stratégiques ? Les petites structures peuvent-elles en supporter toutes les conséquences ?
Enfin, quel serait l'impact d'une réforme des retraites sur votre fonctionnement ?
Les règles prudentielles jouent-elles vraiment un rôle procyclique, et dans quelle mesure ? Quel est l'impact des taux bas sur le marché obligataire et la viabilité du modèle de l'assurance-vie ? Quelles réponses peuvent être apportées par l'adaptation des règles prudentielles ?
J'ai cru comprendre que vous vous opposiez à l'audit externe obligatoire du bilan de Solvabilité II en raison de surcoûts pour les organismes. Avez-vous chiffré ces surcoûts ?
Enfin, si le seuil d'application de la directive venait à être relevé à 25 millions d'euros de chiffre d'affaires, contre 5 millions aujourd'hui, combien de mutuelles seraient toujours concernées ?
Nos intervenants s'accordent à dire que la directive est inadaptée, notamment pour les branches d'assurance-vie et d'épargne-retraite. Vous avez dit avoir fait un ensemble de propositions. Pouvez-vous nous indiquer celles qui sont essentielles ?
Ensuite, je n'ai pas compris pourquoi le fait de se désengager en actions améliorerait le ratio réglementaire.
Enfin, permettez-moi d'être taquin, détenez-vous dans votre portefeuille des actions, par exemple, d'AXA ?
Dans quelle mesure les acteurs mutualistes ont-ils été affectés par la crise sanitaire ? La directive Solvabilité II a-t-elle été un fardeau dans ce contexte ?
L'Autorité européenne des assurances affirme que les propositions de révision de la directive permettraient de mieux encadrer la relativité du ratio de solvabilité. Qu'en pensez-vous ? Elle propose également de relever le seuil d'application de la directive de 5 à 25 millions d'euros de chiffre d'affaires. Cela vous semble-t-il suffisant ? À défaut, quel montant proposez-vous ?
Comme tous les secteurs d'activité, nous avons pour l'heure très peu de recul sur l'impact du télétravail. Néanmoins, il est très clair que le travail à distance généralisé peut entraîner de nouvelles maladies, notamment des troubles musculo-squelettiques, ce qui peut avoir un impact sur les dépenses de santé, mais c'est encore impossible à estimer. S'il devait s'installer de manière pérenne, ce que nous pensons, il y aura un impact, à notre avis favorable, sur les relations de travail et sur l'absentéisme.
Lors de la deuxième vague de lois prises pour faire face à la crise sanitaire, le secteur purement assurantiel a été considéré comme une activité essentielle ; nous avons donc pu maintenir notre activité comme nous l'avions fait lors du premier confinement. Nous n'avons ainsi pas de retard de versement de prestations à déplorer.
Nos mutuelles représentent 65 milliards d'euros de placements, qui sont pour l'essentiel représentatifs des engagements envers nos assurés – dans notre jargon, des provisions. Ces sommes sont investies principalement en obligations, aussi bien étatiques que d'entreprises, mais aussi, pour moins de 10 %, en placements monétaires, pour 10 %, en immobilier et, pour environ 12 %, en actions. Nos placements sont essentiellement faits auprès d'acteurs européens, et, effectivement, il peut s'agir d'actions ou d'obligations d'AXA.
Nos mutuelles se sont engagées depuis plusieurs années dans une politique ESG visant à exclure certains secteurs, notamment ceux du tabac, de l'armement et du charbon thermique. La plupart des mutuelles ont entrepris une sélection des entreprises les plus performantes sur les critères ESG, notamment en matière d'impact climatique mais aussi de gouvernance. De nombreuses mutuelles ont également une approche thématique, visant à sélectionner les entreprises ayant un fort impact en termes sociaux, d'emplois ou climatique dans un secteur donné. Beaucoup intègrent dans leur politique de placement l'engagement actionnarial, c'est-à-dire le dialogue avec les entreprises concernant le suivi, le respect et la prise en compte de ces critères ESG. Un certain nombre de nos organismes ont adopté les principes pour l'investissement responsable des Nations unies. Ils multiplient également les investissements à impact, mais n'oublions pas que c'était déjà le cas, avec les organismes non assurantiels de la mutualité, qui gèrent plus de 2 800 établissements de soin répartis sur toute la France et sont étroitement liés à nos organismes assurantiels.
Se désengager en actions peut en effet réduire le coût en capital. La directive Solvabilité II prend en compte toutes les typologies de risques, ce qui est un avantage car le régime prudentiel qui précédait ne retenait que le risque assurantiel. Le régime fixé par la directive Solvabilité II ajoute le besoin en capital lié au risque de marché, qui se subdivise en un besoin en capital lié au risque obligataire, un autre lié au risque actions et un autre encore lié au risque immobilier. Les actions étaient jusqu'à présent « choquées » à 40 %, ce qui veut dire que, pour détenir une action valant 100, il fallait mobiliser 40 de capital. Les acteurs considéraient que les actions étaient pénalisées car l'exigence de capital était trop importante. Même avec une faible exposition en actions, de l'ordre de 10 à 15 %, cela nous coûte la moitié du besoin en capital lié à notre risque de marché. Voilà pourquoi, si l'on désinvestit en actions au profit d'investissements moins coûteux en capital, par exemple du monétaire, l'exigence de capital se réduit.
J'en viens aux questions plus techniques relatives à la révision de la directive. Nous accueillons évidemment très favorablement le relèvement du seuil d'application, car un grand nombre de nos membres sont des organismes qui sont de taille moyenne ou de taille intermédiaire. Nous avons une petite quarantaine de mutuelles dont le niveau de primes est compris entre 5 et 25 millions d'euros et qui sont donc assujetties à la directive Solvabilité II. Nous demandions pour notre part le plus fort relèvement. Si l'EIOPA a décidé de retenir ce seuil de 25 millions d'euros, cela s'explique, tout d'abord, par le fait que le seuil de 5 millions d'euros fixé il y a six ans, n'exonère aujourd'hui plus personne – les mutuelles sont des organismes vivants, dont le niveau de primes peut augmenter d'année en année de 1 à 2 %. Une mutuelle dont le niveau de primes était fixé à 4,9 millions d'euros se retrouve assujettie l'année suivante à Solvabilité II. Ensuite, l'EIOPA tenait à contenir la part des acteurs du marché auxquels le régime ne s'applique pas. Or un seuil supérieur à 25 millions d'euros aurait conduit, dans certains pays, à affranchir une proportion plus significative des acteurs. Telle est en tout cas notre analyse, et nous accueillons favorablement ce volet des propositions de l'EIOPA.
Nous attendions en revanche bien plus de simplifications des obligations de reporting, très lourdes pour les petits organismes. Nous demandions par exemple l'annulation des reportings redondants, tel le reporting du quatrième trimestre, qui ne précède que d'un mois le reporting annuel.
Au cœur de la révision de Solvabilité II, il y a la volonté de l'EIOPA de modifier tous les paramètres relatifs à l'univers des taux. L'EIOPA veut adapter cet univers prudentiel à un nouveau contexte, en prenant en compte les taux négatifs et les taux bas. La dernière proposition de l'EIOPA prévoit ainsi un aplatissement de, la courbe des taux. Or tout aplatissement se transforme pour les assureurs par une augmentation des engagements vis-à-vis des assurés, ce qui passe forcément par une diminution des fonds propres qui peuvent être éligibles aux exigences de capital.
L'EIOPA souhaite augmenter les chocs de taux, c'est-à-dire les exigences de capital par rapport aux taux, mais notre position historique est que le régime Solvabilité II n'est pas adapté aux branches longues et qu'il est suffisamment prudent. Nous avons ainsi indiqué à l'EIOPA et à la direction générale du trésor que cette révision ne pouvait entraîner une augmentation globale de coût en capital. Or, pour nos organismes, à ce stade, les mesures envisagées se traduiront par une diminution de la couverture de capital de l'ordre de 30 à 40 points, soit une augmentation de l'ordre de 25 % du capital exigé. Pour nos membres concernés, cela correspond à peu près à 5 milliards d'euros de fonds propres, soit un milliard d'euros de capital supplémentaire ; c'est assez pénalisant. Nous avons donc demandé que toutes les mesures compensatrices puissent être prises, notamment une baisse des exigences de capitaux liées à l'exposition en actions, et de pouvoir bénéficier d'un traitement préférentiel, non plus à 40 % mais à 22 %.
Ce dispositif existait déjà, mais c'est une telle usine à gaz que nos organismes ne peuvent pour le moment pas en bénéficier. Nous demandons donc une simplification de ce dispositif, pour que tous les acteurs de branche longue puissent en bénéficier dans la mesure où ils ne sont pas contraints par des impératifs de court terme. Ce que nous demandons également, c'est que ne soient pas simplement retenues pour ce choc à 22 % les actions représentatives des engagements des assurés mais également les actions représentatives des fonds propres des organismes assurantiels. Cette absence de distinction entre les différentes catégories d'actions devrait nous permettre d'augmenter la part de nos placements en actions et de garantir un meilleur retour à nos assurés dans un contexte de taux bas, les actions procurant des plus-values et, surtout, des dividendes.
Deuxième point, la marge pour risque est un paramètre fixé à 6 % qui augmente les provisions comptables dans l'univers Solvabilité II. Si nous comprenons que l'EIOPA souhaite adapter ce régime prudentiel à ce nouveau contexte de taux, alors il faut absolument baisser cette marge pour risque qui ne reflète plus la réalité des taux. Selon les études réalisées et communiquées au régulateur, ce chiffre devrait être de 3 %. C'est un levier fort pour réduire l'augmentation de capital sur les taux. L'impact serait une diminution de 15 à 20 % de la couverture de marge, ce qui permettrait de limiter l'augmentation de capitaux.
Plus accessoirement, mais dans une optique de plus long terme, du financement de l'économie, du grand âge, nous avons demandé une baisse du choc immobilier. Il est aujourd'hui fixé à 25 %, largement sur le fondement de données issues du marché britannique. C'est trop élevé par rapport à la réalité actuelle du marché immobilier européen. Nous avons donc demandé une baisse autour de 13 % ; même si c'est plus anecdotique pour le moment, à terme, cette baisse est nécessaire.
Dernier point, nous sommes farouchement opposés à un audit obligatoire. Pour nos organismes, comme pour tous les organismes assurantiels, un audit est déjà obligatoire sur la partie comptable. Pour les besoins prudentiels de Solvabilité II, nous devons déjà élaborer un bilan en valeur de marché aux normes du régime Solvabilité II. Ce bilan est réalisé à partir des éléments comptables, qui font déjà l'objet d'un audit par les commissaires aux comptes. Ils sont revus par un dispositif de contrôle interne, notamment par un dispositif de fonctions clés imposé par la directive, sans compter la supervision de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. Les éléments de contrôle sont suffisants pour permettre au superviseur d'avoir un avis sur la pertinence de nos états financiers au regard du régime prudentiel, d'autant que nos organismes utilisent pour la plupart la formule standard, qu'il est facile de soumettre à un audit. Aucun de nos organismes n'utilise de modèle interne.
Effectivement, un audit Solvabilité II représenterait un coût pour nous : peut-être une charge de 15 000 à 150 000 euros par membre, voire beaucoup plus pour les plus grandes entités. Cet impact de plusieurs millions d'euros ne se justifie pas.
Une réforme des retraites aura-t-elle des conséquences pour nos opérateurs ? Tout report de l'âge du départ en retraite entraînera des conséquences en matière d'engagements envers nos assurés, mais cela ne remet pas en cause la nécessité pour nos organismes de répondre à un besoin de retraite complémentaire des Français. Ce besoin demeurera, d'autant que nos acteurs spécialisés dans l'assurance retraite complémentaire peuvent verser de l'ordre de 100 à 200 euros de retraite complémentaire par mois – nous ne nous adressons pas à des grandes fortunes. Une réforme aura des conséquences techniques mais cela ne devrait pas remettre en cause l'intérêt de nos membres à proposer les solutions qu'ils proposent actuellement.
Je vous remercie pour ces réponses très claires à nos questions et pour vos exposés sur vos attentes à l'heure de la révision de cette directive qui, essayant d'embrasser des mondes un peu différents, peut pécher par sa généralité. Nous avons bien noté les différentes demandes du monde mutualiste, qui diffère de celui des assureurs traditionnels.
J'aimerais mettre l'accent sur les spécificités mutualistes et souligner une initiative de la mutualité française, qui a créé il y a quelques mois le premier fonds d'investissement à impact social. Hier se tenait la première réunion annuelle des souscripteurs. Nous avons réuni 45 mutuelles volontaires pour investir dans ce fonds à impact social. Nous avons levé un peu plus de 55 millions d'euros, et l'objectif de ce fonds est d'accompagner les entreprises, lors de l'incubation des projets ou en phase de développement de ces derniers.
Nous avons déjà sélectionné cinq entreprises que nous accompagnons dans le domaine de la santé et de la perte d'autonomie. Ainsi, nous accompagnons une entreprise qui a créé des exosquelettes, très légers et faciles d'utilisation pour revoir sa posture au travail. Un autre projet est un jeu qui permet de prévenir la perte d'autonomie et de susciter l'activité physique.
L'investissement dans les entreprises à impact, dans l'économie solidaire et sociale, est extrêmement important. Vos sociétaires demandent effectivement que vous n'investissiez pas que dans la pierre ou les marchés d'actions traditionnels. Cela répond à une demande sociétale forte, et il est important que certains acteurs s'intéressent à autre chose qu'aux marchés financiers, ou qu'ils s'y intéressent différemment, pour accompagner une économie plus solidaire et plus responsable socialement et en matière environnementale.