Depuis cinq ans, Bruno Le Maire est le meilleur propagandiste de la politique du Gouvernement, mais chacun sait que propagande ne vaut pas vérité.
Ce budget dépense à la fois insuffisamment et mal. Il dépense mal, parce que vous avez de nouveau le regard tourné vers la question sacro-sainte du déficit. Vous nous avez d'ailleurs annoncé que, si Emmanuel Macron était réélu, il y aurait une baisse historique des dépenses publiques, de l'ordre de 0,7 % d'ici à 2027, et que les projets de loi de finances fixeraient désormais une sorte d'équivalent de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) des projets de loi de financement de la sécurité sociale – dont on connaît pourtant les résultats en termes de santé publique.
Deuxièmement, vous ne dépensez pas assez, dans la lignée de ce qui a été fait depuis deux ans – je parle des sommes réellement engagées, pas de celles qui ont été annoncées – dans le cadre du plan d'urgence et du plan de relance face au covid. Nous avons dépensé 6 % de notre PIB – quand les Américains investissaient 25 % du leur –, pour un résultat que vous décrivez de façon idéaliste : la relance économique serait là, on aurait retrouvé le niveau de chômage d'avant la crise. Or le nombre d'inscrits à Pôle emploi a augmenté de 5 % en deux ans ! En fait, les 6 % de croissance sont l'effet d'un rebond mécanique ; la réalité, ce sont les 300 000 suppressions d'emplois survenues depuis deux ans, dont 112 000 résultent de plans sociaux, sans parler de l'augmentation de la pauvreté. Selon les économistes Olivier Blanchard et Jean Pisani-Ferry, il faudrait 60 milliards d'euros supplémentaires pour traiter la seule question de la demande et des citoyens les moins favorisés. De plus, pour combler notre retard sur la stratégie nationale bas-carbone, il faudrait 15 à 18 milliards d'euros par an.
Pourquoi dépensez-vous mal ? Parce que vous continuez de réduire les recettes par des baisses d'impôt dont vous faites mine de penser qu'elles vont profiter à tous les Français, alors que tous les chiffres montrent que, jusqu'à présent, ce sont surtout les plus riches qui en ont bénéficié. Vous avez tout de même réussi l'exploit d'augmenter de 100 % le patrimoine des 500 plus grosses fortunes de France, avec une hausse de 30 % pour la seule année 2021 – un record absolu ! En outre, vous continuez de consacrer de l'argent aux entreprises, ce qui est très bien, mais sans condition, de sorte que, l'an dernier, seul 1,4 % de cet argent est allé aux salaires : il a surtout enrichi les actionnaires, qui ont touché 51 milliards d'euros de dividendes.
Enfin, ce budget comprend, pour un tiers – Laurent Saint-Martin estimant à 17 milliards d'euros, au bout du compte, le montant des nouvelles dépenses –, des éléments que l'on découvrira au fur et à mesure. C'est un problème de plus pour un budget qui ne saurait résoudre les problèmes de notre pays ni la crise à venir.