Pour reprendre votre expression, monsieur le président, le présent projet de loi de finances accompagne la sortie de crise. Il ne laisse pas filer la dépense, il ne revient pas brutalement à l'austérité ; nous réduisons les dispositifs de soutien – la preuve, la mission Plan d'urgence face à la crise sanitaire connaît une sous-consommation de 8 milliards d'euros –, mais nous ne taillons pas massivement dans les dépenses publiques dès 2022, car cela tuerait la croissance, laquelle est la meilleure protection que l'on puisse apporter aux Français, pour leur niveau de vie et pour réduire la dette.
Je suis tout à fait prêt à saisir à nouveau le Haut Conseil des finances publiques ; nous n'avons rien à cacher, nous sommes totalement transparents. J'ai expliqué les raisons pour lesquelles ne figurent dans cette première version ni le plan d'investissement ni les mesures destinées aux jeunes les plus éloignés de l'emploi, mais, je le répète, je suis tout disposé à une seconde saisine.
Concernant la sortie de crise, la situation économique est bien meilleure qu'anticipé : la croissance de retour – plus de 6 % selon les instituts statistiques – est l'une des meilleures de la zone euro. L'objectif est désormais une croissance qui puisse durer : il ne s'agit pas de revenir à la croissance molle d'avant la crise. C'est cet objectif, celui du plan d'investissement, que nous essayons de faire partager à nos partenaires européens.
Concernant la réduction de la dépense, vous connaissez, monsieur le président, ma religion à ce sujet, celle-là même que vous avez présentée avec Laurent Saint-Martin : il faut changer les règles. Il y a des invariants : la croissance, les réformes de structure. Il y a une conviction forte : aucune augmentation d'impôts. Il y a enfin une méthode : la pluriannualité des dépenses. Pourquoi ? Parce qu'un volume global de dépenses sur cinq ans nous obligera tous à faire des choix démocratiques entre telle dépense et telle autre. Je propose depuis deux ans que la règle de pluriannualité des dépenses soit constitutionnelle. J'ai vu que l'un des candidats à l'élection présidentielle, Xavier Bertrand, reprenait cette proposition ce matin dans Les Échos ; tant mieux ! Si elle fait florès et si chacun, en particulier dans cette commission où siègent des spécialistes des comptes publics, comprend que la meilleure façon de tenir la dépense est de s'engager sur cinq ans, nous aurons fait tous ensemble œuvre utile – je tiens à vous en remercier, monsieur le président, ainsi que M. le rapporteur général.
Monsieur le rapporteur général, la dette va passer de 116 % du PIB en 2021 à 114 % en 2022. Sa réduction se ralentira ensuite puisque nous n'aurons plus le même niveau de croissance. Cela rend nécessaire de repasser sous les 3 % de déficit, dont je ne fais pas un fétiche, mais qui est le chiffre à partir duquel le ratio de dette sur PIB commence à baisser. Voilà pourquoi nous avons fixé à 2027 l'objectif de retour sous les 3 % de déficit.
La règle des 60 % de dette publique, qui pouvait avoir du sens à l'époque où un pays était à 55 % d'endettement public et un autre à 70 %, est obsolète aujourd'hui quand un État membre se rapproche des 70 % tandis qu'un autre, l'Italie, atteint presque les 170 %. Il faut donc imaginer – nous y travaillons avec nos partenaires européens, sur le fondement des propositions de la Commission et de manière sereine – la meilleure façon de réduire l'endettement public de chacun des membres de la zone euro sans que la règle s'impose comme un couperet à tous au même moment, ce qui est devenu tout simplement hors de portée. Une bonne politique de finances publiques tient compte de la réalité, et non des rêves de chacun.
D'autre part, il ne peut pas y avoir de zone monétaire commune sans règles communes. Ceux qui pensent que l'on peut s'affranchir de toutes les règles, alors que nous sommes dix-neuf et que nous avons été bien contents de profiter de la solidarité pendant la crise, se trompent. Certaines règles sont dépassées – les 60 % de dette publique –, d'autres restent nécessaires – les 3 % de déficit –, mais, de manière générale, nous avons besoin de règles communes, respectées par tous. La solidarité vaut quand les choses vont mal, mais aussi quand elles vont bien.
La dette covid s'élèvera à 165 milliards d'euros et elle sera isolée : nous avons prévu 1,9 milliard d'euros en crédits de paiement pour commencer l'amortissement en 2022, et nous vous proposons que 6 % des recettes fiscales nouvelles soient affectées chaque année au remboursement de cette dette, afin de tenir l'objectif d'une fin d'amortissement en 2042. Vous voyez que nous ne voulons pas laisser toutes les recettes fiscales partir dans de nouvelles dépenses.
S'agissant enfin des deux éléments qui doivent être étudiés dans la suite de l'examen du projet de loi de finances, le plan d'investissement et les mesures de soutien aux jeunes, je vous confirme qu'ils seront introduits par voie d'amendement en première lecture à l'Assemblée nationale.
Monsieur Holroyd, je partage entièrement votre objectif d'affecter les recettes nouvelles à la réduction du déficit – et le surcroît de recettes nouvelles à l'amortissement de la dette, comme je l'ai dit. On ne peut pas parler de cagnotte quand il y a encore 4,8 % de déficit et 114 % de dette publique : il y a des comptes à rééquilibrer.
Madame Louwagie, au gruyère, je préfère le comté – ce qui paraît aller de soi pour un ministre des finances ! Dans le comté, il n'y a pas de trous ; dans notre PLF non plus. Simplement, deux objets sont mis à part, sur étagère ; nous les étudierons plus tard, pour des raisons sur lesquelles je ne reviens pas. Il y a dans ce budget une sincérité à laquelle nous tenons.
Monsieur Barrot, la pénurie de main-d'œuvre est l'une des deux grandes questions préoccupantes pour l'économie française, avec l'augmentation du coût des matières premières. Remédier à la première suppose d'accélérer le déploiement du mécanisme de formation et celui du PIC, le plan d'investissement dans les compétences, qui doit nous permettre de créer de nouvelles qualifications et formations pour ceux qui en ont besoin – Élisabeth Borne y œuvre. Il faut également maintenir les dispositifs de soutien à l'apprentissage, ce que le Premier ministre a décidé de faire en 2022 pour un demi-milliard d'euros – de l'argent bien employé. L'apprentissage est devenu en France une habitude et un succès, ce qui est une excellente nouvelle.
Il faudra aussi accompagner davantage, sur le modèle de la garantie jeunes, les jeunes les plus éloignés de l'emploi, sans diplôme, sans qualification, en rupture sociale. C'est difficile, mais c'est l'un des chantiers majeurs auxquels nous devrons nous atteler dans les semaines qui viennent.
En revanche, madame Pires Beaune, nous ne croyons pas au RSA pour les jeunes – même s'il est bon que nous ayons à ce sujet un débat démocratique. Selon nous, il faut des contreparties fortes et il faut accompagner avant de fournir un revenu, lequel ne doit être que le complément de l'accompagnement. Celui-ci, et le fait que les jeunes aient un emploi, sont la priorité absolue.
Quant à l'investissement, je veux vous rassurer : il n'y aura aucun saupoudrage. L'objectif est de privilégier quelques filières particulières, qui seront au cœur du plan d'investissement : l'hydrogène vert, pour lequel nous sommes remarquablement bien placés ; les semi-conducteurs, dont la pénurie peut, comme l'a montré la crise, ralentir le fonctionnement de certaines usines automobiles et d'autres usines industrielles partout en France ; les technologies liées à l'intelligence artificielle ; l'espace, domaine dans lequel nous devons rattraper notre retard en matière de lanceurs renouvelables.
Je vous confirme enfin que la baisse de l'impôt sur les sociétés profite à toutes les entreprises, les PME bénéficiant d'un taux réduit à 15 %. Quant à la baisse de l'impôt sur le revenu, elle a été concentrée sur les deux premières tranches, donc sur les contribuables les plus modestes.
Madame Magnier, l'effort budgétaire doit nous permettre, je l'ai dit, de parvenir à 3 % de déficit en 2027. Nous avons préféré cette date à celles de 2025 ou de 2028 et, plutôt qu'une trajectoire brutale, nous avons préféré un retour progressif à l'équilibre budgétaire pour ne pas risquer de casser la croissance. Celle-ci est, je le répète, l'une des plus fortes de la zone euro : il est essentiel de la préserver et de l'alimenter à long terme par le plan d'investissement.
Monsieur de Courson, vous avez dû mal m'écouter : je n'ai jamais prétendu avoir rétabli les comptes publics entre 2017 et 2021, seulement entre 2017 et 2019 – en 2020 et 2021, nous avons géré la crise économique la plus grave survenue depuis 1929.
Concernant le commerce extérieur, je partage votre analyse. Je dis depuis plusieurs semaines que le prochain défi que nous allons tous devoir nous atteler à relever est l'équilibre de la balance commerciale extérieure de la France, qu'il faut rétablir si nous voulons une nation économiquement puissante. Nous avons commencé à prendre des dispositions pour améliorer la compétitivité-coût : les mesures touchant les impôts de production, les charges sociales et l'ensemble des coûts qui pèsent sur les entreprises. Nous avons également entrepris d'améliorer la compétitivité hors coût, en maintenant le crédit d'impôt recherche, en soutenant l'innovation, en préparant le plan d'investissement. Tout cela devrait produire des résultats, mais je dis cela avec humilité : la dernière fois que la balance commerciale française n'a pas été dans le rouge, c'était il y a plus de vingt ans, en 2000, et depuis, elle connaît une lente et incessante dégradation. Soyons honnêtes : ce n'est pas en un an ou deux que l'on redressera la barre. Cela implique des choix stratégiques de long terme.
M. Dufrègne a justement salué notre stabilité, pour mieux la dénoncer – mais je prends cette attaque comme un compliment. Nous faisons en effet preuve de stabilité dans notre politique de l'offre, car je la crois bonne pour créer des emplois et pour la prospérité ; mais nous ne sommes pas « figés dans notre idéologie libérale » – Milton Friedman doit se retourner dans sa tombe en entendant traiter de libéral un ministre de l'économie qui a dépensé autant de milliards d'euros : ce n'est pas la position d'un libéral pur et dur. Je rappelle en outre que la « majorité des riches » a augmenté la prime d'activité des plus modestes, les primes défiscalisées, supprimé les charges salariales, revalorisé l'intéressement et la participation et permis à un salarié rémunéré au niveau du SMIC de toucher en moyenne 170 euros de plus par mois. J'appelle plutôt cela une politique de justice.
Enfin, monsieur Coquerel, quand vous me qualifiez de meilleur propagandiste, venant d'un connaisseur en la matière, le compliment vaut son pesant d'or ! Mais il ne s'agit pas de propagande : 750 000 emplois créés durant le quinquennat, chiffre de l'INSEE ; 6,3 % de croissance, chiffre de la Banque de France ; 6,2 % de croissance, chiffre de l'OCDE ; 6,1 %, chiffre du Fonds monétaire international ; taux de chômage de 8 %, source Pôle emploi ; gain de pouvoir d'achat de 1,4 % l'année dernière, chiffre de l'OFCE, l'Observatoire français des conjonctures économiques. Soit tout le monde est propagandiste, soit personne ne l'est ; je crois que cette dernière option est la bonne.