Au premier trimestre 2020, nous avons été confinés et les frontières ont été fermées, ce qui a drastiquement réduit les sources d'approvisionnement du marché parallèle. En revanche, les buralistes ont pu capter l'intégralité de la demande de tabac. Le premier confinement a ainsi permis d'observer le marché parallèle en situation réelle. Entre les mois de mars et de juin 2020, les ventes tous produits confondus réalisées au sein du réseau des buralistes ont bondi de 5,5 % sur l'ensemble du territoire métropolitain par rapport aux ventes réalisées à la même période en 2019.
Les ventes supplémentaires observées au deuxième trimestre 2020 concernent principalement le tabac à rouler. Les volumes mis à la consommation ont progressé de presque 27 % par rapport au deuxième trimestre 2019.
L'évolution du niveau des ventes est contrastée selon les territoires. Dans les départements frontaliers, nous avons observé une augmentation des achats de 22 % entre le deuxième trimestre 2019 et le deuxième trimestre 2020. Dans certains départements comme l'Ariège, les Pyrénées-Atlantiques ou le Bas-Rhin, les hausses de ventes de tabac sont comprises entre 40 % et 70 %.
À l'inverse, les ventes de tabac ont diminué de 35 % à Paris par rapport au deuxième trimestre 2019 en raison de la baisse de la fréquentation touristique et de la fermeture de certains débits de tabac. Cette baisse a peut-être été également causée par l'exode de près de 20 % des Parisiens, qui ont rejoint d'autres régions françaises.
Ces chiffres montrent bien que la fermeture des frontières a entraîné un retour des consommateurs vers les buralistes. À cet égard, nous n'avons pas observé de variation des ventes similaire lors du deuxième confinement, puisque les frontières étaient ouvertes.
Au total, durant l'année 2020, la baisse des ventes de tabac au sein du réseau des buralistes s'est donc poursuivie, atteignant -0,5 % par rapport à 2019. Cette baisse est toutefois moins importante qu'attendu eu égard à l'évolution des prix du tabac en 2019 et 2020.
L'une des conséquences du confinement a également été d'améliorer le rendement de la fiscalité du tabac. En 2020, en France continentale, 18 milliards d'euros ont été collectés au titre des droits de consommation et de la TVA, soit une hausse de 2 milliards d'euros par rapport à 2019.
Pour calculer l'ampleur du marché parallèle, nous avons tenu compte des deux hausses du prix du tabac de cinquante centimes ayant été réalisées en novembre 2019 et en mars 2020. En mobilisant les hypothèses d'élasticité de la demande au prix généralement admises pour mesurer les effets d'une hausse de la fiscalité du tabac, nous avons simulé la manière dont auraient dû évoluer les ventes au deuxième trimestre 2020 par rapport au deuxième trimestre 2019 si aucune mesure sanitaire n'avait été prise, et nous avons comparé ces chiffres aux ventes effectivement réalisées.
En fonction des hypothèses retenues, nous constatons que sur le deuxième trimestre 2020, entre 1 700 et 2 100 tonnes de tabac supplémentaires ont été vendues par rapport au volume de ventes qui aurait dû être observé si les restrictions sanitaires n'avaient pas été instaurées. Ces montants, correspondant au marché parallèle, représentent entre 14 % et 17 % de la consommation de tabac total sur le deuxième trimestre 2020, et entre 16 et 20 % des volumes de tabac qui auraient dû être vendus en temps normal au sein du réseau des buralistes.
Plus spécifiquement, nous estimons que le marché parallèle de cigarettes manufacturées est compris entre 9 et 12 % de la consommation totale de ce même produit, et entre 10 et 13 % des volumes de vente de cigarettes manufacturées réalisées au sein du réseau des buralistes.
Nous avons constaté que le marché parallèle de tabac à rouler est de plus grande ampleur. En appliquant nos calculs, nous estimons qu'entre 29 et 32 % de la consommation totale de tabac fine coupe à rouler est issue du marché parallèle, ce qui correspond à plus de 40 % des ventes réalisées en temps normal au sein du réseau des buralistes.
Enfin, entre 26 et 28 % du tabac consommé dans les départements frontaliers est issu du marché parallèle, ce qui représente 37 à 39 % des ventes réalisées par les buralistes situés dans les départements frontaliers.
Ces chiffres sont cohérents avec les estimations réalisées par l'OFDT et Santé publique France, et se situent en retrait par rapport aux estimations de KPMG, qui n'utilise pas la même méthode.
En conséquence, les pertes de recettes fiscales générées par le marché parallèle sont comprises entre 2,5 et 3 milliards d'euros par an. Au titre des droits de consommation, affectés à la sécurité sociale, les pertes sont comprises entre 2 et 2,4 milliards d'euros. Concernant la TVA, abondant le budget général, ces pertes sont comprises entre 0,5 et 0,6 milliard d'euros.