La commission examine les conclusions de la mission d'information sur la consommation de tabac et le rendement de sa fiscalité pendant le confinement (M. Éric Woerth et Mme Zivka Park, rapporteurs).
Mes chers collègues, notre commission a créé en juin 2020 une mission d'information relative à l'évolution de la consommation du tabac et du rendement de la fiscalité applicable aux produits du tabac pendant le confinement et aux enseignements pouvant en être tirés.
Éric Woerth et Zivka Park, tous deux co-rapporteurs de cette mission d'information, nous présentent ce matin les conclusions de leur travail ainsi que leurs propositions. Je leur cède la parole.
Cette mission d'information est assez originale. Le premier confinement a entraîné la fermeture des frontières terrestres et contraint les déplacements des individus. Cette situation a rapatrié la consommation de tabac chez les buralistes, ce qui nous a permis de mesurer l'ampleur de la consommation parallèle de tabac, licite ou illicite, pour l'ensemble des produits du tabac. Les travaux que nous avons menés trouvent aussi leur origine dans la hausse significative des ventes de tabac réalisées au sein du réseau des buralistes lors du premier confinement. Notre objectif était d'analyser ce phénomène.
Nous avons mené quatorze auditions et effectué un déplacement en Moselle. Nous avons pu rencontrer l'ensemble des acteurs intéressés par la question du marché du tabac et de la lutte contre le tabagisme.
Nous avons dressé un premier constat : la consommation du tabac analysée sous le seul prisme de l'évolution des ventes de cigarettes auprès du réseau des buralistes est en décalage avec la réalité. Si nous voulons combattre le tabagisme, il doit être tenu compte de la réalité de la consommation de tabac en France.
À la faveur des politiques de santé publique ambitieuses menées en France, le prix du tabac tous produits confondus a progressé de 80 % depuis 2010 et dépasse désormais le prix de dix euros pour certains paquets. Le prix du tabac étant librement fixé par les producteurs, très encadrés, la hausse des tarifs résulte d'un alourdissement de la fiscalité du tabac répercuté sur les prix. Rappelons que la fiscalité du tabac représente plus de 80 % du prix du paquet. Il existe également un prix de vente minimum.
Cette augmentation du prix a engendré une baisse significative des ventes au sein du réseau des buralistes. Tous produits confondus, ces ventes ont diminué de près de 30 % entre 2010 et 2020. L'an passé, 46 000 tonnes de tabac ont été vendues par les débitants de tabac contre près de 64 800 tonnes dix ans auparavant.
Le marché parallèle permet aux consommateurs d'adopter des stratégies de contournement afin d'éluder l'impôt. Il recouvre des comportements légaux et illégaux. Nous notons aussi le développement des réseaux de contrebande, qui, selon l'administration des douanes, se rapprochent des réseaux de trafic de stupéfiants.
Plusieurs études ont proposé des estimations de l'ampleur de ce marché que nous tentons d'évaluer depuis longtemps. Certains des chiffres avancés ont été contestés. L'observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) et Santé publique France indiquent qu'environ 20 % des achats de tabac sont régulièrement réalisés en dehors des bureaux de tabac. Dans le cadre d'une étude annuelle financée par Philip Morris, KPMG indique que 30 % des cigarettes manufacturées en France sont issues du marché parallèle.
Le marché parallèle de tabac génère un double affaiblissement.
Le premier affaiblissement concerne les politiques de santé publique et de lutte contre de tabagisme. Ainsi, le taux de prévalence tabagique pour les personnes âgées de plus de quinze ans s'élevait à 28 % en 2020 selon la Commission européenne, soit un niveau supérieur à la moyenne européenne, qui s'établit à 25 %.
Le deuxième affaiblissement est d'ordre financier. Le rendement de la fiscalité du tabac s'élève à 16 milliards d'euros en 2019, dont plus de 12,6 milliards d'euros étaient issus des droits de consommation affectés à la sécurité sociale. Selon les études précitées, les pertes de recettes fiscales générées par le marché parallèle sont comprises entre 2 et 6 milliards d'euros.
En dehors de ce double affaiblissement, un affaiblissement d'ordre économique existe également pour le réseau des buralistes lui-même. Le marché parallèle constitue une forme de concurrence totalement déloyale pour les débitants de tabac.
Au premier trimestre 2020, nous avons été confinés et les frontières ont été fermées, ce qui a drastiquement réduit les sources d'approvisionnement du marché parallèle. En revanche, les buralistes ont pu capter l'intégralité de la demande de tabac. Le premier confinement a ainsi permis d'observer le marché parallèle en situation réelle. Entre les mois de mars et de juin 2020, les ventes tous produits confondus réalisées au sein du réseau des buralistes ont bondi de 5,5 % sur l'ensemble du territoire métropolitain par rapport aux ventes réalisées à la même période en 2019.
Les ventes supplémentaires observées au deuxième trimestre 2020 concernent principalement le tabac à rouler. Les volumes mis à la consommation ont progressé de presque 27 % par rapport au deuxième trimestre 2019.
L'évolution du niveau des ventes est contrastée selon les territoires. Dans les départements frontaliers, nous avons observé une augmentation des achats de 22 % entre le deuxième trimestre 2019 et le deuxième trimestre 2020. Dans certains départements comme l'Ariège, les Pyrénées-Atlantiques ou le Bas-Rhin, les hausses de ventes de tabac sont comprises entre 40 % et 70 %.
À l'inverse, les ventes de tabac ont diminué de 35 % à Paris par rapport au deuxième trimestre 2019 en raison de la baisse de la fréquentation touristique et de la fermeture de certains débits de tabac. Cette baisse a peut-être été également causée par l'exode de près de 20 % des Parisiens, qui ont rejoint d'autres régions françaises.
Ces chiffres montrent bien que la fermeture des frontières a entraîné un retour des consommateurs vers les buralistes. À cet égard, nous n'avons pas observé de variation des ventes similaire lors du deuxième confinement, puisque les frontières étaient ouvertes.
Au total, durant l'année 2020, la baisse des ventes de tabac au sein du réseau des buralistes s'est donc poursuivie, atteignant -0,5 % par rapport à 2019. Cette baisse est toutefois moins importante qu'attendu eu égard à l'évolution des prix du tabac en 2019 et 2020.
L'une des conséquences du confinement a également été d'améliorer le rendement de la fiscalité du tabac. En 2020, en France continentale, 18 milliards d'euros ont été collectés au titre des droits de consommation et de la TVA, soit une hausse de 2 milliards d'euros par rapport à 2019.
Pour calculer l'ampleur du marché parallèle, nous avons tenu compte des deux hausses du prix du tabac de cinquante centimes ayant été réalisées en novembre 2019 et en mars 2020. En mobilisant les hypothèses d'élasticité de la demande au prix généralement admises pour mesurer les effets d'une hausse de la fiscalité du tabac, nous avons simulé la manière dont auraient dû évoluer les ventes au deuxième trimestre 2020 par rapport au deuxième trimestre 2019 si aucune mesure sanitaire n'avait été prise, et nous avons comparé ces chiffres aux ventes effectivement réalisées.
En fonction des hypothèses retenues, nous constatons que sur le deuxième trimestre 2020, entre 1 700 et 2 100 tonnes de tabac supplémentaires ont été vendues par rapport au volume de ventes qui aurait dû être observé si les restrictions sanitaires n'avaient pas été instaurées. Ces montants, correspondant au marché parallèle, représentent entre 14 % et 17 % de la consommation de tabac total sur le deuxième trimestre 2020, et entre 16 et 20 % des volumes de tabac qui auraient dû être vendus en temps normal au sein du réseau des buralistes.
Plus spécifiquement, nous estimons que le marché parallèle de cigarettes manufacturées est compris entre 9 et 12 % de la consommation totale de ce même produit, et entre 10 et 13 % des volumes de vente de cigarettes manufacturées réalisées au sein du réseau des buralistes.
Nous avons constaté que le marché parallèle de tabac à rouler est de plus grande ampleur. En appliquant nos calculs, nous estimons qu'entre 29 et 32 % de la consommation totale de tabac fine coupe à rouler est issue du marché parallèle, ce qui correspond à plus de 40 % des ventes réalisées en temps normal au sein du réseau des buralistes.
Enfin, entre 26 et 28 % du tabac consommé dans les départements frontaliers est issu du marché parallèle, ce qui représente 37 à 39 % des ventes réalisées par les buralistes situés dans les départements frontaliers.
Ces chiffres sont cohérents avec les estimations réalisées par l'OFDT et Santé publique France, et se situent en retrait par rapport aux estimations de KPMG, qui n'utilise pas la même méthode.
En conséquence, les pertes de recettes fiscales générées par le marché parallèle sont comprises entre 2,5 et 3 milliards d'euros par an. Au titre des droits de consommation, affectés à la sécurité sociale, les pertes sont comprises entre 2 et 2,4 milliards d'euros. Concernant la TVA, abondant le budget général, ces pertes sont comprises entre 0,5 et 0,6 milliard d'euros.
Tous produits confondus, le marché est donc sous-estimé de 14 à 17 %. L'ampleur de la consommation parallèle varie selon les régions mais aussi selon la nature des produits du tabac.
Il est vrai qu'en cette période nous avons perdu quelques repères. Toutefois, une perte de recettes fiscales comprise entre 2,5 et 3 milliards d'euros représente un manque à gagner très important pour l'État et la sécurité sociale. Avec Zivka Park, nous formulons des recommandations.
Nous considérons en premier lieu qu'il convient de mieux tenir compte des effets réels produits par l'évolution de la fiscalité du tabac sur le marché parallèle. Les chiffres que nous avançons sont une bonne base d'appréciation de la réalité.
Nous pensons que pour disposer d'informations exhaustives, il convient de corriger les indicateurs proposés par le Gouvernement dans le cadre des évaluations préalables annexées aux projets de loi de financement de la sécurité sociale pour évaluer les effets d'une hausse de prix sur d'éventuels comportements de contournement.
Nous estimons également que les administrations devraient développer des outils de suivi annuel du marché parallèle. Nous avons d'ores et déjà proposé à la direction générale des douanes et droits indirects de partager avec l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) ses données sur l'évolution des ventes de tabac durant le confinement, afin de développer une analyse plus précise des activités de contrebande. Ce rapprochement est en cours et nous espérons qu'il produira des résultats.
Nous formulons également diverses préconisations pour limiter l'ampleur du marché parallèle.
Le marché parallèle est alimenté par les écarts de prix du tabac entre la France et ses voisins européens. Le droit de l'Union européenne encadre partiellement la structure et les taux des accises applicables aux tabacs. Néanmoins ces obligations laissent une grande latitude aux États pour déterminer leur politique fiscale. Ainsi le prix d'un paquet de cigarettes, pouvant atteindre plus de 10 euros en France, s'élève à environ 5 euros en Espagne, au Luxembourg et en Italie. En dehors de l'Union européenne, nous devons également citer la Principauté d'Andorre, où le prix moyen d'un paquet de cigarettes s'élève à 3,50 euros.
La Commission européenne a procédé au cours de l'année 2020 à une évaluation de la directive 2011/64/UE portant sur la structure et les taux d'accise applicables aux tabacs manufacturés, et a souligné l'impact modéré de cette dernière sur la santé publique. Une proposition de révision sera soumise aux États membres d'ici la fin de l'année. Nous considérons que la France doit peser pour favoriser une harmonisation plus forte de la fiscalité du tabac. La présidence française du Conseil de l'Union européenne au premier semestre 2022 pourrait être une bonne occasion pour cela.
Il convient néanmoins de garder à l'esprit qu'une directive portant sur la fiscalité indirecte ne peut être adoptée qu'à l'unanimité des États membres. Or les sensibilités aux questions de santé publique divergent. Nous considérons que certains ajustements peuvent être réalisés pour faciliter les négociations, en tenant notamment compte du niveau de vie de chaque pays européen pour déterminer la fiscalité minimale à appliquer.
De plus, le droit de l'Union européenne encadre les seuils d'importation de tabac pouvant être institués par les États membres. Ces seuils, prévus par les dispositions de la directive 2008/118/CE relative au régime général d'accise, s'imposent aux particuliers souhaitant acheter des cigarettes dans un autre pays de l'Union européenne et ne peuvent être inférieurs à 800 cigarettes par personne. Lors de la discussion de la troisième loi de finances rectificative pour 2020, nous avons, à l'initiative du Gouvernement, abaissé ce seuil à 200 cigarettes par personne. L'instauration de seuils non conformes au droit de l'Union européenne génère donc un risque important de contentieux pour la France.
Toutefois, la Commission européenne prévoit également de déposer une proposition de révision de la directive de 2008 d'ici la fin de l'année. Nous voyons bien que l'action concernant l'harmonisation fiscale doit être menée au niveau de l'Union européenne. Il est probable que la Commission européenne propose de créer des seuils impératifs alignés sur le droit français, ce qui aurait pour effet d'éteindre temporairement le risque contentieux.
Nous considérons pour notre part qu'il est nécessaire de limiter la circulation intracommunautaire de produits du tabac. Nous souhaitons donc que la France défende un alignement du droit européen sur le droit français. Nous souhaitons également aller plus loin, avec la création d'une plateforme européenne de notification des achats réalisés par les particuliers dans un autre pays et dépassant les seuils d'importation autorisés. Les services douaniers pourraient alors consulter cette base de données pour mieux cibler leurs contrôles.
Le cas d'Andorre est également particulier. Une convention fixe des seuils d'importation de produits du tabac en franchise de droits supérieurs aux seuils applicables pour les autres États tiers à l'Union européenne. Un ressortissant français peut ainsi ramener 300 cigarettes de la Principauté, contre 200 en provenance d'un autre pays tiers. La Présidence française du Conseil de l'Union européenne doit être une occasion de relancer les discussions avec Andorre pour modifier la convention liant la Principauté et l'Union européenne sur ce sujet.
Nous sommes également conscients que la réduction des seuils minimaux d'importation nécessitera l'accord de l'ensemble des États membres. Sans contester le droit pour les autres pays de déterminer librement leur politique fiscale, nous considérons que la France doit se doter des moyens afin de se prémunir contre le dumping fiscal et sanitaire exercé par certains de ses voisins. Nous n'excluons donc pas, quand bien même cette solution serait contraire au droit européen, de recourir à une option plus radicale qui consisterait à prohiber l'importation de tabac en provenance d'autres États.
Au niveau national, plusieurs leviers peuvent également être mobilisés pour limiter le commerce parallèle de tabac.
D'un point de vue opérationnel, les contrôles douaniers répondent à des problématiques différentes selon les territoires. À la frontière luxembourgeoise, le travail transfrontalier permet ainsi aux consommateurs de fractionner leurs achats. Près de l'Espagne et d'Andorre, les achats transfrontaliers prennent davantage la forme d'un tourisme fiscal. Au cours des auditions que nous avons menées, certaines associations nous ont même parlé de bus permettant d'effectuer des allers-retours quotidiens dans les zones transfrontalières afin d'acheter du tabac à moindre coût.
Nous recommandons ainsi de renforcer les moyens de contrôle de l'administration des douanes proportionnellement aux recettes supplémentaires perçues sur la vente des produits de tabac à la suite d'une hausse de prix.
Aussi, les services de l'État n'ont pas développé une coopération aussi approfondie en matière de lutte contre le trafic de tabac qu'en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants. Outre les enjeux de santé publique, le tabac relève d'une problématique fiscale et n'est pas un produit dont la détention est prohibée. Nous proposons donc de créer des comités départementaux de lutte contre le trafic de tabac, réunissant, sous l'égide du préfet, l'ensemble des services de l'État concourant à cette politique publique.
En raison de la hausse du prix du tabac, la profitabilité du trafic de cigarettes est croissante. Selon les douanes, les réseaux de trafiquants de drogue développent progressivement des activités de contrebande de tabac. Nous proposons ainsi d'instaurer un régime de sanctions aussi dissuasif pour les faits de contrebande de tabac que pour le trafic de stupéfiants, en veillant toutefois à respecter la hiérarchie des peines.
Un article a été publié ce matin concernant une saisie de 30 000 cartouches de cigarettes effectuée dans un quartier de reconquête républicaine de La Courneuve. Nous voyons bien que les services de police, de gendarmerie et des douanes travaillent quotidiennement et de manière assez fine sur ce sujet. Cette saisie est à saluer.
Enfin, le marché parallèle de tabac porte préjudice à nos buralistes, dont le réseau ne cesse de s'éroder depuis le début des années 2000. Les débitants bénéficient de plusieurs types d'aides, attribuées en fonction du chiffre d'affaires ou sur demande adressée à l'administration des douanes. En 2018, un protocole d'accord sur la transformation du réseau des buralistes a été signé, prévoyant notamment la création d'un fonds de transformation doté de 100 millions d'euros sur la période 2018-2022.
Ce fonds effectue sa montée en charge et a été plutôt bien reçu par les différents buralistes que nous avons rencontrés. Ce fonds nous semble constituer un instrument approprié afin de soutenir les buralistes dans leur démarche de diversification de leurs activités. Nous préconisons donc de prolonger le fonds au-delà de 2022, d'augmenter ses moyens à due proportion des conséquences des hausses futures du prix du tabac sur la consommation, et de majorer le montant des aides versées pour les débits situés dans les départements frontaliers et affectés par le marché parallèle.
Je remercie les co-rapporteurs pour leur travail très complet. L'idée d'analyser la période totalement atypique du confinement afin de regarder de près les ventes parallèles de tabac est excellente.
Savons-nous mesurer l'équation entre la hausse des prix, que nous décidons, et le transfert vers les ventes à la sauvette ou les ventes licites dans d'autres pays ? On pourrait imaginer que c'est le cas puisque nous disposons de la recette fiscale globale.
Du point de vue du produit fiscal, la hausse des prix est-elle intéressante ? J'entends bien que cette fiscalité comportementale a d'autres vertus que la seule recherche de produit fiscal.
Vous avez rappelé la baisse du seuil d'importation de cigarettes en provenance des autres pays de l'Union européenne à 200 cigarettes en août 2020. Un débat avait eu lieu car cette baisse était contraire au droit européen. Cette mesure a-t-elle produit des effets ? Considérez-vous que le risque de contentieux est toujours élevé aujourd'hui, malgré les perspectives de révision de la directive de 2008 ?
Vos travaux ont également permis d'estimer l'ampleur totale du marché parallèle de tabac. Savez-vous distinguer aujourd'hui ce qui relève des achats illicites et ce qui relève des achats légaux ? Ces deux types de comportements évoluent-ils de manière similaire ? Disposez-vous d'études à ce sujet ?
Concernant la proposition d'augmenter les crédits du fonds de transformation au-delà de 2022, nous serons tous d'accord, sur le principe, pour soutenir les buralistes. La vraie question structurelle concerne la durée de cette aide. Ce fonds doit-il devenir une aide pérenne ou devons-nous ouvrir ce débat année après année ?
Concernant la forme et la méthodologie, avez-vous identifié des difficultés pouvant nuancer vos constats, tels que la potentielle hausse ou baisse de la consommation de tabac pendant le confinement ? Disposez-vous d'enquêtes qualitatives sur ce point ? Un certain nombre de Français ont-ils profité du confinement pour arrêter de fumer ?
Grâce à votre travail, nous avons dorénavant une idée beaucoup plus fiable sur ce que nous pouvons appeler l'effet pervers de l'augmentation de la fiscalité du tabac.
Vous avez montré un déplacement de la consommation des cigarettes vers le tabac à rouler. Ce déplacement a une incidence en termes de santé publique car le but de l'augmentation de la fiscalité est d'engendrer une baisse de la consommation du tabac.
Je voudrais témoigner que, dans le Lot-et-Garonne, qui n'est pas un département frontalier, des bus sont affrétés pour aller en Andorre. Ce tourisme fiscal vers l'Andorre est très important et concerne également l'alcool.
Dans votre deuxième proposition, vous parlez de la prise en compte du niveau de vie de chaque membre de l'Union européenne. Cet élément est-il destiné à faire accepter par l'Europe les différentes mesures contre la consommation de tabac ?
Ma deuxième question porte sur la baisse de la consommation de 30 % entre 2010 et 2020. Cette baisse a-t-elle eu lieu par paliers ou a-t-elle été parallèle à l'augmentation de la fiscalité du tabac ? Autrement dit, est-ce que l'effet de l'augmentation de la fiscalité du tabac s'épuise quelque peu dans le temps ? N'existe-t-il pas des phénomènes pervers sur ce point ? Il y a quelques mois, le Président a présenté la stratégie décennale de lutte contre le cancer, qui vise une baisse très importante du nombre de cancers évitables. Or 40 % de ces cancers évitables viennent du tabac, soit quasiment le double de ceux engendrés par la consommation d'alcool. Cette baisse des cancers évitables peut-elle passer uniquement par la fiscalité ?
Je vous remercie pour ce travail qui nous éclaire et pourra contribuer à nos prises de position sur la fiscalité du tabac.
Nous pouvons nous demander si l'existence de marchés parallèles légaux n'est pas de nature à susciter des comportements illégaux.
Souvent, concernant les consommations d'alcool et de tabac, les décisions prises en matière de fiscalité sont justifiées par des objectifs de santé publique. Nous pouvons nous reposer la question de ces objectifs.
Avez-vous une position concernant les marchés duty free, qui proposent de l'alcool et du tabac ?
Concernant la contrefaçon, le marché des médicaments a évolué en raison des commandes par internet. Les commandes de tabac par internet ont-elles évolué également ?
Avez-vous pu estimer le niveau de connaissance — ou de méconnaissance — des utilisateurs concernant les infractions et les sanctions relatives aux achats illégaux de tabac ?
Ce rapport est intéressant et comprend une belle synthèse. Le commerce parallèle est préjudiciable pour la conduite des politiques de santé publique, engendre des conséquences pour le réseau des buralistes et cause des impacts sur les comptes publics.
Vous avez évoqué la coordination des contrôles entre les différents services de l'État. Existe-t-il une coordination des contrôles entre la France et ses voisins ?
Quels sont les éléments que vous avez pu recueillir concernant la Suisse ? Les départements frontaliers proches de la Suisse sont en effet moins touchés par le marché parallèle.
Vous avez rencontré le secrétariat général des affaires européennes (SGAE) et le représentant permanent de la France auprès de l'Union européenne Philippe Léglise-Costa. Vous avez évoqué les deux directives qui seront rectifiées. Je voudrais savoir si vous avez des éléments un peu plus précis et, surtout, quelle est la position de la France.
Vous avez beaucoup évoqué la diversification des activités des buralistes. Il existe un accord 2018-2021. Nous avons effectivement prolongé le fonds pour l'année 2022. Vous proposez de le prolonger encore. Pourquoi ne proposez-vous pas un nouvel accord de transformation ou plutôt d'accompagnement à la diversification ?
Il est écrit un peu partout que fumer tue. Bien que le nombre de fumeurs en France continue de diminuer, les décès liés à la consommation de tabac augmentent. La popularité du tabagisme n'a cessé de diminuer depuis les années 1970 pour les hommes et les années 1980 pour les femmes. Des politiques ambitieuses de lutte contre le tabagisme se sont succédé, telles que la loi Veil en 1976 et la loi Evin en 1991. Pourtant le tabagisme est la principale cause de décès évitable. En France, entre 75 000 et 90 000 décès liés au tabac sont recensés chaque année, soit un décès sur huit.
S'il est considéré que la fiscalité du tabac est bien l'outil le plus efficace pour éradiquer le tabagisme, ne pensez-vous pas qu'il y a urgence à harmoniser la fiscalité européenne sur les produits de tabac ? Une telle harmonisation permettrait enfin de répondre aux obligations de santé publique.
Par ailleurs, la baisse continue des effectifs des douanes ne contribue-t-elle pas à l'augmentation du trafic de contrebande ?
Je tiens à remercier sincèrement nos deux co-rapporteurs pour la qualité de leur rapport et des auditions auxquelles nous avons pu assister, nous ayant permis d'estimer que le marché parallèle de tabac est compris entre 14 % et 17 % de la consommation totale de tabac en France. Ce chiffre me semble important à connaître, de même que le fait que la consommation parallèle s'élève à près de 30 % dans les départements frontaliers.
Ainsi, les pertes de recettes fiscales générées par ce marché parallèle de tabac sont comprises entre 2,5 et 3 milliards d'euros par an. Ce montant représente une manne financière non négligeable pour l'État.
Évidemment, je vous rejoins quant au fait que la politique de lutte contre le tabagisme doit gagner en cohérence, notamment en tenant compte des effets réels de la hausse des prix du tabac sur le marché parallèle. La politique de hausse du prix du tabac doit évidemment être davantage liée aux moyens déployés pour lutter contre la contrebande et la contrefaçon, ainsi qu'aux dispositifs d'aide bénéficiant aux buralistes engagés dans une démarche de diversification de leurs activités.
Nous sommes convaincus que la révision des deux directives européennes encadrant le régime d'accises des produits du tabac doit représenter une occasion de réduire les écarts des prix pratiqués au sein de l'Union européenne mais aussi de limiter la circulation intracommunautaire des produits du tabac. J'espère que la France s'engagera afin que le droit français soit retenu dans le cadre de la révision de ces deux directives européennes.
Enfin, pour la bonne santé de nos finances publiques, vous formulez quatre propositions tendant à la fois à renforcer les contrôles et à réduire la profitabilité du trafic du tabac. Je souhaite que ces propositions trouvent une concrétisation rapide. Avez-vous des éléments de comparaison européenne ?
Les analyses chiffrées de votre rapport ainsi que le taux de prévalence tabagique français doivent nous interroger sur une meilleure prévention ainsi que l'accompagnement des alternatives tabagiques, présentant des risques nettement réduits pour la santé des consommateurs.
Je remercie les rapporteurs pour ce travail concernant la fiscalité du tabac. Le problème de fond, avant d'être budgétaire, relève de la santé publique. La question est de savoir si notre système fiscal contribue à diminuer la prévalence tabagique. Or il existe une anomalie française. En effet, les taux de prévalence sont plus élevés que la moyenne européenne et nous ne sommes pas sûrs que ces taux évoluent dans le bon sens, notamment chez les jeunes.
Il me semble que deux aspects ne sont pas évoqués dans le rapport, le développement des e-cigarettes et du tabac à chauffer.
La fiscalité des e-cigarettes est de droit commun. Nous n'agissons donc pas en matière fiscale. Rappelons que l'organisation mondiale de la santé (OMS) était opposée à la cigarette électronique tandis qu'une partie de nos pneumologues étaient favorables, considérant que cette dernière était moins nuisible à la santé.
Le même débat existe actuellement en Europe concernant le tabac à chauffer. Par les hasards de notre système fiscal, le tabac à chauffer est dans la rubrique « autres ». Nous n'avons jamais réfléchi à la fiscalité sur le tabac à chauffer et au fait de favoriser sa consommation ou non. Le problème se situe en amont. Le tabac à chauffer est-il bénéfique en termes de santé publique ? Cette question est très discutée. L'OMS est défavorable tandis que certains spécialistes sont divisés. J'ai essayé de lancer le débat l'année dernière. Je continuerai cette année afin que nous définissions une position sur ce point.
Vous êtes prudents dans l'analyse que vous formulez sur l'ampleur de la consommation parallèle de tabac. J'ai davantage confiance dans les études de type Nielsen, qui suivent la consommation des ménages et évoquent plutôt une proportion de consommation parallèle entre 25 % et 30 %. Géographiquement, la consommation est extrêmement diversifiée. Nous voyons bien sûr que le problème est plus présent à proximité des frontières.
À partir de Toulouse, un tourisme alcoolique et tabagique existe à destination d'Andorre. Le même problème se présente dans l'Est avec un tourisme à destination du Luxembourg. Chez moi, environ un tiers de la consommation vient du Luxembourg, sans parler de l'alcool et du carburant. Notons également l'achat de tabac par des sites internet tels qu'Amazon.
Je félicite à mon tour les rapporteurs pour l'excellent travail, notamment pour l'analyse de la situation pendant la période de la crise sanitaire liée au Covid-19. Votre travail nous éclaire aussi sur le changement de comportement des consommateurs pendant la période de la crise sanitaire. Les consommateurs ont-ils été plus nombreux pendant la période de la crise sanitaire et du confinement ?
J'interviens comme mes collègues sur la question de santé publique. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2018 a prévu une augmentation du prix du paquet de cigarettes à dix euros afin de diminuer le nombre de consommateurs. Nous devrions mener des actions plus importantes dans le but de réduire la consommation et, ainsi, entraîner une baisse des dépenses de la sécurité sociale. Des actions ou incitations pédagogiques pourraient viser à diminuer la consommation de tabac. Nous nous apercevons que la consommation a au contraire augmenté pendant le confinement.
Les commerces ruraux, offrant de nombreux services, sont indispensables. La transmission des buralistes est aujourd'hui un véritable enjeu. Avez-vous travaillé sur cette question ?
Je voudrais remercier les rapporteurs pour le travail effectué, très important et documenté. Votre rapport est aussi l'occasion de montrer le rôle stratégique joué par les buralistes.
Notre collègue Alain Bruneel disait que le rapport montre une augmentation de la consommation de tabac pendant la période de crise sanitaire liée au Covid-19. Je n'ai pas lu cette information dans votre rapport. Ce dernier montre surtout l'existence de ce double problème du marché parallèle, asséché durant la période, et des achats à l'étranger.
Les achats de tabac dans les pays frontaliers posent la question de notre relation avec les pays voisins. Concernant le territoire dont je suis député, l'Allemagne et le Luxembourg sont peu coopératifs avec les autorités françaises pour effectuer des contrôles lors des passages aux frontières. Je vous remercie d'avoir mentionné ce problème.
Vous présentez des propositions très concrètes. Je note la septième proposition visant à renforcer annuellement les moyens de contrôle de l'administration des douanes. Nous avons besoin de réarmer nos douanes, de telle sorte qu'elles puissent effectuer ce travail. Les douaniers se concentrent aujourd'hui sur les stupéfiants. Or la question du tabac est, elle aussi, essentielle.
Vos propositions relèvent du bon sens. Que comptez-vous effectuer pour qu'elles soient mises en œuvre ? Un certain nombre d'entre elles dépendent du législateur mais d'autres relèvent du pouvoir exécutif. Que comptez-vous effectuer pour que nous puissions mettre le Gouvernement face à ces responsabilités sur les questions éminemment pertinentes soulevées dans votre rapport ?
Je salue l'unanimité quant à la nécessité de lutter contre le commerce transfrontalier des produits du tabac.
Certains pays frontaliers, à l'instar du Luxembourg, appliquent la fiscalité que vous avez décrite. Ce dumping fiscal, en favorisant le commerce transfrontalier, a pour conséquence de réduire l'efficacité des politiques publiques, notamment des politiques de santé publique menées en France. Cette situation contribue à expliquer la forte prévalence tabagique observée dans le grand Est, supérieure de quatre points à la moyenne nationale. Cette forte prévalence se traduit par un coût humain injustifiable. Évidemment, une partie des recettes fiscales françaises est aussi obérée à hauteur de plusieurs milliards d'euros par an.
Ces distorsions de concurrences sont parallèlement massivement exploitées par les fabricants de tabac qui sur-approvisionnent délibérément ces zones frontalières, contournant ainsi les politiques fiscales entreprises en France. En 2019, l'industrie du tabac a ainsi approvisionné le Luxembourg à hauteur de plus de 5 millions de cigarettes. Si cet approvisionnement était uniquement destiné au marché intérieur, chaque Luxembourgeois, enfant comme adulte, fumeur comme non-fumeur, devrait fumer 23 cigarettes par jour, soit plus d'un paquet au quotidien. J'ai eu l'occasion d'évoquer ce sujet, et notamment le contrôle des zones frontalières, avec Philippe Léglise-Costa. Je souscris à l'idée que les pays frontaliers ne nous aident ni pour les trafics de tabac ni pour les trafics d'héroïnes qui inondent tout l'Est de la France.
Face à cette politique de prédation fiscale et sanitaire, et dans la perspective de la révision de la directive européenne, mettre en œuvre une stratégie de négociation européenne devient urgent. Avez-vous commencé à parler de ces propositions auprès de nos représentants français à la Commission européenne ? Où en sont les négociations avec les autres États membres ? Quelles sont les positions des uns et des autres concernant ce sujet ?
Puisque nous évoquons le commerce illicite, l'OMS nous rappelle que le développement de ce commerce illicite provient essentiellement des fabricants eux-mêmes. Pensez-vous que l'augmentation du prix du paquet de cigarettes, par exemple à 15 euros, pourrait réduire la consommation ou, au contraire, développer le marché parallèle ?
L'alliance contre le tabac nous donne trois chiffres importants. D'abord, le tabagisme entraîne 75 000 décès par an, ce qui en fait la première cause de mortalité évitable en France. Ensuite, le coût annuel du tabac pour chaque citoyen français s'élève à 1 800 euros. Enfin, si les recettes du tabac sont de 16 milliards d'euros par an, le montant annuel des soins de santé liés au tabagisme est de 26 milliards d'euros.
Peut-on vraiment parler de rendement de la fiscalité applicable aux produits du tabac ? Que représentent les 2 à 3 milliards d'euros du marché parallèle rapportés à tous les chiffres que je viens d'énoncer ?
Je vous remercie pour ce travail très intéressant. Avez-vous évalué dans quelle mesure le principe d'interdiction de vente de tabac aux mineurs était respecté ? Par ailleurs, avez-vous effectué une estimation de la vente de tabac sur internet ? Quels sont les réseaux permettant aujourd'hui d'acheter du tabac sur internet ?
Je vous remercie pour toutes ces questions.
Je rappelle que, dans notre rapport, nous ne prenons pas position sur la dangerosité du tabac. Le tabac est évidemment dangereux pour la santé et il faut tenter de baisser sa consommation en France.
Nous ne nous prononçons pas davantage sur les responsabilités de chaque acteur dans le marché parallèle. Il est beaucoup dit que les cigarettiers approvisionnent ce marché. Nous n'en avons strictement aucune idée. Cette question n'est pas l'objet de notre rapport.
Concernant les questions du rapporteur général, nous ne disposons pas d'une mesure de l'élasticité des marchés parallèles par rapport à l'augmentation des prix. En effet, nous ne disposons pas d'une vision claire du marché parallèle dans le temps puisque notre étude se concentre sur un moment précis de la vie du pays. Nous avons essayé de neutraliser les deux augmentations préalables des prix du tabac en 2019 et 2020. L'élasticité mesurée par la direction de la sécurité sociale entre une augmentation de prix et la baisse de consommation du tabac indique que, lorsque nous augmentons de 10 % le prix du tabac, nous obtenons de façon linéaire une baisse de consommation de 6 % à 8 % chez les buralistes. Notre étude étant liée à un phénomène ponctuel, il serait assez difficile de la poursuivre pour établir une estimation du marché parallèle dans le temps.
Concernant la baisse du seuil d'importation à 200 cigarettes en France, les douanes nous disent qu'il est trop tôt pour en tirer des conclusions. En revanche, il nous a été indiqué que les saisies de petite quantité ont diminué, alors que les saisies de plus de dix cartouches ont progressé. La raison en est peut-être que le marché s'organise.
Nous ne pouvons pas non plus distinguer les achats illicites et licites. KPMG a réalisé l'enquête « ramasse-paquets », qui étudie les paquets jetés sur la voie publique. Il relève de petites différences entre ce qui est vendu de manière licite et illicite. Je ne sais pas si c'est très opérationnel.
Le fonds de transformation doit être prolongé en 2022. Je pense que le fonds durera tant que les buralistes n'auront pas trouvé un modèle économique de substitution à une vente de tabac qui diminue. J'ignore si la consommation de tabac cessera un jour, c'est en tout cas l'un des objectifs du Gouvernement. Nous devons évidemment aboutir à un nouveau modèle économique pour les buralistes, qui assurent un lien social.
Le confinement a eu un effet à peu près neutre sur la consommation de tabac selon les statistiques. D'après Santé publique France, environ 55 % des fumeurs n'ont pas modifié leur consommation pendant le confinement, 19 % indiquent que leur consommation a diminué et 27 % que leur consommation a augmenté. Nous notons donc une petite augmentation, dont nous avons essayé de tenir compte.
M. Lauzzana et Mme Louwagie ont tous les deux mis en exergue ce fameux commerce parallèle tout à fait légal permettant de se rendre dans des territoires transfrontaliers pour acheter des produits de tabac 30 % à 40 % moins cher qu'en France. Nous avons dialogué avec les associations et les douaniers, qui ne peuvent pas connaître les horaires exacts de ces bus touristiques. Travailler avec les collectivités territoriales serait bénéfique afin d'augmenter les contrôles sur ces bus, dont nous savons qu'ils partent en grande majorité dans le but de permettre aux consommateurs d'acheter du tabac.
La question des commandes sur internet est revenue à plusieurs reprises. Si vous pouvez aujourd'hui commander des cigarettes électroniques sur internet, il est en revanche strictement interdit d'acheter du tabac en ligne. Lors de notre déplacement à Thionville, nous avons en revanche pu constater que les douaniers saisissent des colis entiers de cartouches de cigarettes, ou parfois juste quelques paquets, au sein des bureaux de poste. Nous savons que les douanes travaillent beaucoup avec des chiens qui reniflent ces paquets et parviennent à retrouver la majorité des produits de tabac envoyés par la poste. En tout cas, il est interdit de commercialiser des cigarettes en ligne puisqu'aujourd'hui, les seuls détenteurs du permis de vente de tabac sont les buralistes et les commerces de duty free. J'ajoute que nous n'avons pas étudié l'impact du duty free sur le marché car il est minime.
M. Lauzzana et Mme Rouaux ont eu raison de rappeler le problème de santé publique lié au tabac. Fumer tue. Une grande campagne de communication a été mise en place, notamment avec ces paquets neutres et visuels assez choquants afin d'expliquer les méfaits du tabac. Nous devons continuer et amplifier cette bataille de la communication. Nous devons surtout mettre cette communication en avant dans le cadre de l'Union européenne, avec notamment le plan cancer.
L'idée d'harmoniser le prix du paquet dans l'Union européenne par rapport au niveau de vie nous semble une première étape pour parvenir à un accord, qui n'est évidemment pas encore acquis.
Concernant le niveau de méconnaissance des sanctions, nous préconisons dans le rapport de mieux communiquer sur les sanctions encourues par les personnes transportant une quantité de cigarettes supérieure au seuil autorisé. Parfois, les douaniers sont confrontés à des gens de bonne foi. En revanche, certains dépassent le seuil tout en étant parfaitement au fait de la réglementation. Pour la saisie de 30 000 cartouches que j'évoquais précédemment, le réseau venait de Belgique. Les cartouches étaient déposées dans des box à Gonesse et vendues à La Courneuve. Ces réseaux sont bien installés mais, grâce au travail de nos forces de l'ordre, nous parvenons plus ou moins à les retrouver.
Nous n'avons pas une idée globale de la contrefaçon. Nous savons en revanche qu'il existe des usines, notamment en Belgique, en Espagne et en Algérie. Selon la direction générale des douanes et droits indirects, aucune usine n'est présente en France. Ces usines relèvent du grand banditisme et doivent être regardées de très près. Ces usines importent elles-mêmes et les produits sont retrouvés dans des marchés sauvages un peu partout. Il aurait été difficile d'effectuer une segmentation du marché parallèle. Néanmoins, la contrefaçon est comprise dans les chiffres que nous formulons puisque les personnes n'ayant pas pu consommer de cigarettes contrefaites pendant le confinement ont été contraintes d'acheter leurs cigarettes auprès du réseau des buralistes.
Concernant les douanes, la lutte contre le tabagisme est le parent pauvre du système de contrôle. Évidemment, les stupéfiants constituent une priorité par principe puisque leur consommation est illicite. La coordination entre les différents pays nous a semblé assez faible. Lors de nos discussions avec des douaniers sur le terrain ainsi qu'avec la direction générale des douanes et des droits indirects, il est apparu que ce débat intéresse surtout la France.
En Suisse, le prix du paquet est un peu moins élevé qu'en France, soit environ sept ou huit euros. Nous avons également noté de nombreux départs depuis les départements frontaliers de la Suisse vers d'autres régions durant le confinement, ce qui a produit des effets sur la consommation de tabac dans ces territoires au deuxième trimestre 2020. De la même manière, à Paris, nous remarquons plutôt une baisse de la consommation, en raison de la fermeture de certains buralistes et des déplacements d'un grand nombre d'habitants.
L'harmonisation des prix en Europe est évidemment au cœur de nos propositions. L'harmonisation des prix constitue peut-être un vœu pieux. Nous sommes suffisamment adultes pour savoir que la concrétisation de cette proposition n'est pas évidente. Nous notons tout de même que les administrations chargées de cette question en ont bien conscience. En revanche, nous notons également la faiblesse de l'argumentation française. Augmenter le prix du tabac n'est pas possible dans certains pays. Or l'unanimité est nécessaire. C'est pour cette raison que nous proposons la proportionnalité par rapport au niveau de vie. En tout cas, la Commission européenne n'a pas encore émis de proposition de révision. Les négociations n'ont pas encore officiellement débuté.
Nous n'avons pas du tout travaillé sur le vapotage et la e-cigarette, qui se situent en dehors du champ de notre étude. Nous n'avons pas non plus étudié le tabac à chauffer, qui représente des consommations très faibles. Nous ne portons évidemment aucun avis sur le risque sanitaire lié à ces produits. Nous ne sommes ni l'un ni l'autre compétents dans ce domaine et nous nous garderons bien de formuler un avis.
Pour compléter, nous avons rencontré un certain nombre d'associations. Ces dernières ne sont pas toutes d'accord à ce sujet. Cette question est à creuser mais ne faisait pas partie de l'objectif initial de notre rapport.
Concernant la prévalence tabagique élevée, nous n'avons pas creusé entièrement la question des outils utilisés par les autres pays européens. Cependant, nous prenons l'exemple de la Grande-Bretagne dans notre rapport. Le prix du paquet de cigarettes est assez similaire à celui de la France. Pourtant, la prévalence tabagique chez les plus de 18 ans a baissé à 14 % en Grande-Bretagne tandis, qu'en France, elle est toujours de 24 %. Ce chiffre montre peut-être aussi que le marché parallèle se développe beaucoup plus facilement lorsqu'un pays n'est pas insulaire. L'aspect fiscalité-prix fonctionne sur la consommation du tabac mais est bien évidemment diminué lorsqu'il est possible d'acheter du tabac sur le marché parallèle.
Le tabagisme est mortel et engendre un coût pour toute la société. Les 2,5 à 3 milliards d'euros de fiscalité perdus en raison du marché parallèle ne représentent pas grand-chose eu égard à ce qui est dépensé pour soigner la population. Ce chiffre reste néanmoins important et doit être pris en considération. Ces milliards d'euros sont à récupérer afin d'être remis dans les caisses de l'État et de la sécurité sociale. Néanmoins, au-delà des recettes fiscales, le sujet du tabagisme constitue un réel enjeu de santé publique, dont nous devons nous saisir collectivement.
Selon la Commission européenne, les préconisations du protocole de l'OMS concernant la traçabilité sont parfaitement respectées. Le protocole de l'OMS ne dit pas que les livraisons à des marchés nationaux doivent être proportionnées à la consommation de ces pays mais que la quantité livrée doit être proportionnée à la quantité vendue. Aujourd'hui, le cadre du protocole de l'OMS est respecté. L'OMS souhaite que toute la chaine logistique, de la fabrication à la distribution de cigarettes, soit sous contrôle.
Par ailleurs, il est certain que les pays frontaliers de la France n'aident pas au contrôle. C'est pour cette raison que nous proposons des instances de contrôle dans les départements qui le souhaitent, à l'image des comités opérationnels départementaux antifraude (CODAF) créés en 2008.
L'augmentation du prix du tabac entraîne un besoin accru de contrôle aux douanes. Je ne suis pas favorable à la création d'une taxe affectée. Cependant, nous pourrions proportionner les moyens des douanes à ce besoin, puisqu'il existe une base physique et financière. Les moyens des douanes doivent être augmentés en fonction de la fraude potentielle, qui doit être mesurée. Nous pourrions déposer des amendements de crédit concernant les douanes et évoquer un certain nombre de sujets dans le cadre du projet de loi de finances. De nombreuses recommandations relèvent en revanche du pouvoir réglementaire, ou du droit de l'Union européenne.
L'interdiction de l'achat de tabac par les mineurs n'était pas non plus dans le champ de l'étude. Je ne saurais répondre à M. Chassaing sur cette question.
Vous avez identifié, durant le deuxième trimestre de l'année 2020, une augmentation des ventes de tabac de 22 % dans les départements frontaliers. Pourtant, dans le territoire frontalier avec la Belgique dont je suis députée, les buralistes ont évoqué un doublement de la demande. Je suis donc étonnée de la faiblesse de l'augmentation que vous observez dans ces départements.
Concernant l'harmonisation européenne des prix, un tableau intéressant, en page 31 du rapport, montre bien que hormis le décrochage français, la courbe est certes à la hausse mais reste assez regroupée. Avons-nous une idée de la convergence des prix au niveau de tous les pays de l'Union européenne ?
Par ailleurs, concernant les contrôles douaniers aux portes de l'Union européenne, nous avons le sentiment que des contrôles douaniers assez réguliers ont lieu en Suisse et en Andorre, plutôt effectués par les douanes d'autres pays que la France. Cependant, il semble que, pour la Belgique, les seuls contrôles sont du fait des Français. Disposez-vous d'informations relatives aux contrôles effectués en matière de trafic de tabac de contrefaçon dans les ports d'Anvers et de Rotterdam ?
Une carte de France, en page 44 du rapport, compare les ventes des deuxièmes trimestres des années 2019 et 2020. Dans certains départements des Hauts-de-France, l'augmentation de la consommation peut s'élever jusqu'à 40 %. Le ressenti peut être différent mais cette carte a été établie à partir de chiffres de ventes très précis.
Concernant les prix, il n'existe pas de convergence particulière.
Nous ne disposons pas d'informations au sujet des contrôles dans les ports d'Anvers et de Rotterdam.
Par ailleurs, les 22 % d'augmentation de la consommation évoquée pour les départements frontaliers constituent une moyenne. L'augmentation a été beaucoup plus forte dans certains départements et plus faible dans d'autres. Madame Cattelot, vous revenez à l'objectif initial de cette mission : établir un constat à partir de faits, de chiffres et par le biais d'une étude. C'est ce à quoi nous sommes parvenus.
La commission autorise, en application de l'article 145 du règlement de l'Assemblée nationale, la publication du rapport de la mission d'information.
Membres présents ou excusés
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du mercredi 29 septembre 2021 à 9 heures 30
Présents. - M. Éric Alauzet, M. Julien Aubert, Mme Émilie Bonnivard, M. Jean-Louis Bricout, M. Alain Bruneel, Mme Émilie Cariou, Mme Anne-Laure Cattelot, M. Philippe Chassaing, M. Charles de Courson, Mme Cécile Delpirou, M. Benjamin Dirx, M. Jean-Paul Dufrègne, M. Patrick Hetzel, M. Christophe Jerretie, M. Mohamed Laqhila, M. Michel Lauzzana, M. Marc Le Fur, M. Patrick Loiseau, Mme Véronique Louwagie, Mme Lise Magnier, Mme Catherine Osson, M. Xavier Paluszkiewicz, Mme Zivka Park, M. Hervé Pellois, Mme Christine Pires Beaune, M. François Pupponi, Mme Valérie Rabault, Mme Claudia Rouaux, M. Laurent Saint-Martin, M. Éric Woerth
Excusés. - M. Damien Abad, Mme Marie-Christine Dalloz, Mme Stella Dupont, Mme Frédérique Lardet, M. Olivier Serva