Tous produits confondus, le marché est donc sous-estimé de 14 à 17 %. L'ampleur de la consommation parallèle varie selon les régions mais aussi selon la nature des produits du tabac.
Il est vrai qu'en cette période nous avons perdu quelques repères. Toutefois, une perte de recettes fiscales comprise entre 2,5 et 3 milliards d'euros représente un manque à gagner très important pour l'État et la sécurité sociale. Avec Zivka Park, nous formulons des recommandations.
Nous considérons en premier lieu qu'il convient de mieux tenir compte des effets réels produits par l'évolution de la fiscalité du tabac sur le marché parallèle. Les chiffres que nous avançons sont une bonne base d'appréciation de la réalité.
Nous pensons que pour disposer d'informations exhaustives, il convient de corriger les indicateurs proposés par le Gouvernement dans le cadre des évaluations préalables annexées aux projets de loi de financement de la sécurité sociale pour évaluer les effets d'une hausse de prix sur d'éventuels comportements de contournement.
Nous estimons également que les administrations devraient développer des outils de suivi annuel du marché parallèle. Nous avons d'ores et déjà proposé à la direction générale des douanes et droits indirects de partager avec l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) ses données sur l'évolution des ventes de tabac durant le confinement, afin de développer une analyse plus précise des activités de contrebande. Ce rapprochement est en cours et nous espérons qu'il produira des résultats.
Nous formulons également diverses préconisations pour limiter l'ampleur du marché parallèle.
Le marché parallèle est alimenté par les écarts de prix du tabac entre la France et ses voisins européens. Le droit de l'Union européenne encadre partiellement la structure et les taux des accises applicables aux tabacs. Néanmoins ces obligations laissent une grande latitude aux États pour déterminer leur politique fiscale. Ainsi le prix d'un paquet de cigarettes, pouvant atteindre plus de 10 euros en France, s'élève à environ 5 euros en Espagne, au Luxembourg et en Italie. En dehors de l'Union européenne, nous devons également citer la Principauté d'Andorre, où le prix moyen d'un paquet de cigarettes s'élève à 3,50 euros.
La Commission européenne a procédé au cours de l'année 2020 à une évaluation de la directive 2011/64/UE portant sur la structure et les taux d'accise applicables aux tabacs manufacturés, et a souligné l'impact modéré de cette dernière sur la santé publique. Une proposition de révision sera soumise aux États membres d'ici la fin de l'année. Nous considérons que la France doit peser pour favoriser une harmonisation plus forte de la fiscalité du tabac. La présidence française du Conseil de l'Union européenne au premier semestre 2022 pourrait être une bonne occasion pour cela.
Il convient néanmoins de garder à l'esprit qu'une directive portant sur la fiscalité indirecte ne peut être adoptée qu'à l'unanimité des États membres. Or les sensibilités aux questions de santé publique divergent. Nous considérons que certains ajustements peuvent être réalisés pour faciliter les négociations, en tenant notamment compte du niveau de vie de chaque pays européen pour déterminer la fiscalité minimale à appliquer.
De plus, le droit de l'Union européenne encadre les seuils d'importation de tabac pouvant être institués par les États membres. Ces seuils, prévus par les dispositions de la directive 2008/118/CE relative au régime général d'accise, s'imposent aux particuliers souhaitant acheter des cigarettes dans un autre pays de l'Union européenne et ne peuvent être inférieurs à 800 cigarettes par personne. Lors de la discussion de la troisième loi de finances rectificative pour 2020, nous avons, à l'initiative du Gouvernement, abaissé ce seuil à 200 cigarettes par personne. L'instauration de seuils non conformes au droit de l'Union européenne génère donc un risque important de contentieux pour la France.