Intervention de Zivka Park

Réunion du mercredi 29 septembre 2021 à 9h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaZivka Park, co-rapporteure :

Toutefois, la Commission européenne prévoit également de déposer une proposition de révision de la directive de 2008 d'ici la fin de l'année. Nous voyons bien que l'action concernant l'harmonisation fiscale doit être menée au niveau de l'Union européenne. Il est probable que la Commission européenne propose de créer des seuils impératifs alignés sur le droit français, ce qui aurait pour effet d'éteindre temporairement le risque contentieux.

Nous considérons pour notre part qu'il est nécessaire de limiter la circulation intracommunautaire de produits du tabac. Nous souhaitons donc que la France défende un alignement du droit européen sur le droit français. Nous souhaitons également aller plus loin, avec la création d'une plateforme européenne de notification des achats réalisés par les particuliers dans un autre pays et dépassant les seuils d'importation autorisés. Les services douaniers pourraient alors consulter cette base de données pour mieux cibler leurs contrôles.

Le cas d'Andorre est également particulier. Une convention fixe des seuils d'importation de produits du tabac en franchise de droits supérieurs aux seuils applicables pour les autres États tiers à l'Union européenne. Un ressortissant français peut ainsi ramener 300 cigarettes de la Principauté, contre 200 en provenance d'un autre pays tiers. La Présidence française du Conseil de l'Union européenne doit être une occasion de relancer les discussions avec Andorre pour modifier la convention liant la Principauté et l'Union européenne sur ce sujet.

Nous sommes également conscients que la réduction des seuils minimaux d'importation nécessitera l'accord de l'ensemble des États membres. Sans contester le droit pour les autres pays de déterminer librement leur politique fiscale, nous considérons que la France doit se doter des moyens afin de se prémunir contre le dumping fiscal et sanitaire exercé par certains de ses voisins. Nous n'excluons donc pas, quand bien même cette solution serait contraire au droit européen, de recourir à une option plus radicale qui consisterait à prohiber l'importation de tabac en provenance d'autres États.

Au niveau national, plusieurs leviers peuvent également être mobilisés pour limiter le commerce parallèle de tabac.

D'un point de vue opérationnel, les contrôles douaniers répondent à des problématiques différentes selon les territoires. À la frontière luxembourgeoise, le travail transfrontalier permet ainsi aux consommateurs de fractionner leurs achats. Près de l'Espagne et d'Andorre, les achats transfrontaliers prennent davantage la forme d'un tourisme fiscal. Au cours des auditions que nous avons menées, certaines associations nous ont même parlé de bus permettant d'effectuer des allers-retours quotidiens dans les zones transfrontalières afin d'acheter du tabac à moindre coût.

Nous recommandons ainsi de renforcer les moyens de contrôle de l'administration des douanes proportionnellement aux recettes supplémentaires perçues sur la vente des produits de tabac à la suite d'une hausse de prix.

Aussi, les services de l'État n'ont pas développé une coopération aussi approfondie en matière de lutte contre le trafic de tabac qu'en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants. Outre les enjeux de santé publique, le tabac relève d'une problématique fiscale et n'est pas un produit dont la détention est prohibée. Nous proposons donc de créer des comités départementaux de lutte contre le trafic de tabac, réunissant, sous l'égide du préfet, l'ensemble des services de l'État concourant à cette politique publique.

En raison de la hausse du prix du tabac, la profitabilité du trafic de cigarettes est croissante. Selon les douanes, les réseaux de trafiquants de drogue développent progressivement des activités de contrebande de tabac. Nous proposons ainsi d'instaurer un régime de sanctions aussi dissuasif pour les faits de contrebande de tabac que pour le trafic de stupéfiants, en veillant toutefois à respecter la hiérarchie des peines.

Un article a été publié ce matin concernant une saisie de 30 000 cartouches de cigarettes effectuée dans un quartier de reconquête républicaine de La Courneuve. Nous voyons bien que les services de police, de gendarmerie et des douanes travaillent quotidiennement et de manière assez fine sur ce sujet. Cette saisie est à saluer.

Enfin, le marché parallèle de tabac porte préjudice à nos buralistes, dont le réseau ne cesse de s'éroder depuis le début des années 2000. Les débitants bénéficient de plusieurs types d'aides, attribuées en fonction du chiffre d'affaires ou sur demande adressée à l'administration des douanes. En 2018, un protocole d'accord sur la transformation du réseau des buralistes a été signé, prévoyant notamment la création d'un fonds de transformation doté de 100 millions d'euros sur la période 2018-2022.

Ce fonds effectue sa montée en charge et a été plutôt bien reçu par les différents buralistes que nous avons rencontrés. Ce fonds nous semble constituer un instrument approprié afin de soutenir les buralistes dans leur démarche de diversification de leurs activités. Nous préconisons donc de prolonger le fonds au-delà de 2022, d'augmenter ses moyens à due proportion des conséquences des hausses futures du prix du tabac sur la consommation, et de majorer le montant des aides versées pour les débits situés dans les départements frontaliers et affectés par le marché parallèle.

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