Le débat budgétaire aurait dû s'inscrire cette année dans le cadre plus large d'une révision de la loi de programmation militaire. Ce n'est malheureusement pas le cas : le Gouvernement a choisi de se borner à faire la liste des livraisons de matériel sans jamais interroger la doctrine. On parle de quantité plus que de qualité. Pourtant, un peu de sincérité aurait dû vous conduire à dire si les orientations prises en 2017 étaient validées par les faits. Un bilan d'étape était nécessaire puisque l'histoire s'est considérablement accélérée. Les alliances que vous jugiez les plus solides ont été singulièrement mises à mal, les certitudes stratégiques ont été ébranlées, les ruptures technologiques se sont banalisées, et le contexte global a continué à se tendre.
La LPM répondait-elle aux besoins ? Il existe un déficit de réflexion collective et de discussion. Pour le Gouvernement, la représentation nationale n'a pas à contribuer aux décisions stratégiques. Il postule qu'il doit nous dissimuler les limites de ses choix, dans l'espoir que nous ne les verrons pas. Eh bien, nous les voyons. Nous avons ouvert votre boîte noire budgétaire, nous avons bien vu que la magie des années électorales opère.
Ce budget présente une hausse, certes, mais elle est largement engloutie par l'augmentation des restes à payer. Surtout, l'indépendance du pays n'est pas votre boussole. La prolongation du partenariat du ministère des armées et de nos industriels avec les GAFAM en témoigne. Les trous capacitaires devant nous, en particulier dans la marine, le montrent aussi, de même que l'investissement insuffisant pour assurer la protection de nos territoires d'outre‑mer et de notre zone maritime. Notre dépendance à l'export d'armement et la façon dont cela obère notre capacité à satisfaire nos propres besoins sont également devenues évidentes. Le niveau de disponibilité des appareils est encore trop bas compte tenu des efforts engagés. La déloyauté de nos partenaires et la naïveté de ceux qui lient notre destinée aux leurs sont devenues si énormes que plus personne n'en doute, qu'on parle de l'Australie, de l'Allemagne ou des États-Unis. Les chiffres sont inaptes à dire ces choses, mais le Gouvernement a tort de compter sur eux pour dissimuler ses insuffisances.