Je suis chargé depuis plusieurs années de dresser le bilan de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation, qui finance les actions de réparation et de solidarité en faveur du monde combattant, de maintien du lien entre l'armée et la Nation et d'indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie commis pendant la seconde guerre mondiale. Est-il nécessaire de vous rappeler l'importance de ces politiques ? L'actualité nous en a offert un cruel exemple avec la disparition, la semaine passée, du regretté Hubert Germain, dernier compagnon de la Libération.
Je dois évoquer d'abord la fusion des deux principaux programmes de la mission, qui en comportait trois. Cette nouvelle maquette semble compromettre les politiques menées. Je regrette en premier lieu que cette intégration ait été décidée sans concertation, ni avec le Parlement, ni avec les associations, et sans véritable justification. Même si les politiques poursuivies demeurent inchangées, leur inclusion au sein d'un unique programme nuit à leur lisibilité et suscite des inquiétudes dont je veux me faire le relais.
Ainsi, les associations craignent légitimement un affaiblissement du suivi des dépenses de réparation et, à terme, la dégradation de cette politique, pourtant essentielle, par le mécanisme de fongibilité des programmes. En outre, cette reprise de l'ensemble des politiques liées au monde combattant est attentatoire au droit d'amendement du Parlement : nous ne pourrons plus que ponctionner des crédits du programme 158, faiblement doté et destiné à la réparation envers les victimes de la seconde guerre mondiale, choix, à ce titre, très délicat. Je précise enfin que la banalisation du sujet par le ministère me paraît regrettable et en totale contradiction avec les préoccupations des principaux intéressés. Je vous proposerai donc un amendement visant à rétablir une maquette à trois programmes, sans toutefois reprendre la maquette précédente.
Je tiens ensuite, malgré tout, à reconnaître le travail effectué depuis le début du quinquennat : hausse des pensions versées aux conjoints de grands invalides ayant renoncé à leur activité professionnelle ; extension de l'octroi des mesures fiscales à davantage de conjoints survivants ; extension du bénéfice de la carte du combattant aux combattants de la guerre d'Algérie ; enfin, et c'est ce qui ressort de ce budget, rattrapage de la valeur du point d'indice de la pension militaire d'invalidité, dit point PMI. Cette hausse aura des conséquences bénéfiques à la fois pour les titulaires d'une PMI et pour ceux de la retraite du combattant. Le gain annuel s'élèvera pour la majorité des pensionnés à 175 euros, mais seulement à 18,20 euros pour les titulaires de la retraite du combattant. C'est un rattrapage, mais je considère, comme les associations d'ailleurs, qu'une véritable revalorisation est possible, avec un « coup de pouce » supplémentaire. J'en veux pour preuve la nouvelle baisse de 5,6 % des fonds dédiés à l'administration de la dette viagère, due à l'érosion du nombre de bénéficiaires.
Concernant les actions relatives à la mémoire et au lien entre l'armée et la jeunesse, qui relèvent de l'ancien programme 167, je salue la montée en charge de dispositifs qui ont prouvé leur efficacité, les crédits afférents augmentant de 13 %. Ainsi, la cible du service militaire volontaire (SMV) est de nouveau élargie, avec 300 bénéficiaires supplémentaires, et le dispositif sera ouvert à des régions jusqu'alors non couvertes. La volonté d'offrir sur tout le territoire la possibilité de recourir à cet outil d'insertion est appréciable.
Les plus jeunes ne sont pas mis de côté, puisqu'il y a un renfort des crédits destinés à la Journée défense et citoyenneté (JDC) – qui doit reprendre en présentiel dans un format classique – et à la mise en œuvre du plan Ambition armées-jeunesse, qui prévoit le doublement des classes de défense et sécurité globales (CDSG).
L'année 2022 devant être celle du retour à la normale, les crédits de mémoire sont en légère hausse. Ils sont de nature à financer la reprise des commémorations en présentiel et le maintien des différentes initiatives pédagogiques, mais aussi la valorisation et l'entretien des lieux de mémoire, dont le plan de rénovation se poursuit.
Les crédits de solidarité sont globalement en hausse de 3,24 %, assurant la prise en charge des anciens combattants précaires et des familles. Après d'importants efforts de rationalisation, l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG), principal opérateur de la mission, voit ses crédits augmenter – sachant que l'essentiel de ses dotations figure au sein de l'action Solidarité. Cependant, la crise sanitaire a réduit les recettes propres de l'Œuvre nationale du Bleuet de France, dont les pertes ne sont pas compensées.
Les crédits finançant les actions en faveur des rapatriés, qui se sont développées depuis 2020, sont également augmentés, afin d'assurer la prise en charge des intéressés. J'appelle toutefois votre attention sur la nécessité d'en prévoir la hausse dans le cas d'une adoption du projet de loi, annoncé par le Président de la République, portant reconnaissance aux harkis, à propos duquel aucun élément précis ne nous a été communiqué pour l'instant.
Malgré les gages offerts aux anciens combattants et un montant global permettant de maintenir à un niveau satisfaisant les services qui leur sont destinés, je considère que ce budget est attentatoire aux droits du Parlement et des anciens combattants en raison de la fusion des programmes et de la nouvelle économie réalisée grâce à la baisse du nombre de bénéficiaires des prestations. J'émets en conséquence un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation et proposerai d'y apporter des correctifs par amendement.