Intervention de Robin Reda

Réunion du vendredi 22 octobre 2021 à 15h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRobin Reda, suppléant Mme Émilie Bonnivard, rapporteure spéciale (Tourisme) :

Si les chiffres du tourisme sont plus qu'inquiétants au niveau mondial, puisque les pertes pendant la crise sont estimées à plus de 4 000 milliards de dollars, ceux de la France pour l'été 2021 laissent entrevoir les prémices d'une sortie de crise. Au cours de cette période, en effet, 10,6 milliards d'euros de recettes touristiques ont été générées. Si elles sont inférieures de 30 % à celles enregistrées au cours de l'été 2019, elles sont supérieures de 25 % à celles de l'été 2020. Dans les autres pays européens, ces recettes progressent dans de moindres proportions : en Espagne et en Italie, par exemple, elles restent en recul de 53 % par rapport à 2019. La crise entraîne un report plus important des touristes issus des pays voisins : ainsi, en France, plus de 30 % des recettes sont le fait des touristes néerlandais.

Tirons les leçons de cette crise, et investissons encore davantage dans la promotion afin de fidéliser nos différentes clientèles ! Bien qu'encourageants globalement, ces résultats demeurent en effet fragiles et très disparates selon les secteurs et les niveaux de dépendance à la clientèle étrangère.

La situation de Paris et de l'Île-de-France demeure par exemple très dégradée : le non-retour des clientèles étrangères, notamment asiatiques et nord-américaines, à fort pouvoir d'achat, plombe clairement le tourisme dans la capitale. Les six premiers mois de 2021 ont été très difficiles, puisque Paris a connu une baisse de fréquentation de 78 % par rapport à 2019.

Comment enrayer cette tendance ? En investissant vite dans une politique de promotion ambitieuse à l'égard de ces clientèles. Des destinations concurrentes se positionnent en effet actuellement sur nos marchés émetteurs de façon très offensive. Or le budget post-crise attribué à Atout France pour 2022 n'est absolument pas à la hauteur de la relance. Après les milliards investis pour sauver les entreprises du tourisme, il faut mettre les bouchées doubles en matière de promotion dès la reprise. Or, en 2022, Atout France ne consacrera que 6 millions à la promotion du tourisme, contre 27 millions pour la Grèce par exemple. Si la France investira 2 millions dans la promotion de la saison d'hiver, notre premier concurrent, l'Autriche, y consacrera 17 millions. C'est pourquoi Émilie Bonnivard proposera en séance publique d'augmenter de 20 millions d'euros le budget de promotion pour 2022. Il s'agit d'un investissement limité, mais son effet de levier sur la reprise est direct et massif.

Il est également essentiel que le Gouvernement éclaire la représentation nationale sur les négociations sanitaires avec les pays émetteurs dont les vaccins ne sont pas homologués par les autorités européennes. Je pense à la Chine, pour l'Île-de-France, et à la Russie, pour le littoral et la montagne.

Par ailleurs, un risque majeur pèse sur notre première clientèle étrangère : je veux parler de l'historique clientèle britannique, que la crise sanitaire, le Brexit, le retour des passeports et des relations diplomatiques délicates risquent de fragiliser. Qu'entend faire le Gouvernement à l'égard de cette clientèle particulièrement génératrice de recettes mais en fort en recul ?

Un secteur central de l'économie touristique n'a pas repris et fait face à des contraintes fortes : il s'agit du tourisme d'affaires et de l'événementiel, avec les foires, congrès et autres salons essentiels à l'écosystème touristique urbain. L'État doit mettre en place un plan de relance de cette filière. Une réponse ambitieuse pourrait se traduire par la création d'un fonds doté de 70 millions d'euros, financé par l'État et les régions. Un tel montant n'est pas aberrant dans la mesure où l'Italie et l'Allemagne aspirent actuellement totalement ce marché, de manière également très offensive.

Dans le secteur de l'hôtellerie et de la restauration, le remboursement des prêts garantis par l'État (PGE) doit faire l'objet d'une attention particulière, tant la reprise reste encore en demi-teinte. Si cela s'avère nécessaire, le Gouvernement devra demander à la Commission européenne un assouplissement de leur durée d'amortissement.

La rapporteure spéciale note qu'il est difficile de commenter le budget alloué au tourisme en 2022 alors que le Gouvernement n'a pas encore dévoilé le contenu de son plan de reconquête et de transformation du tourisme, qu'il devrait présenter dans le courant du mois de novembre. Ce plan sur cinq à dix ans devra comprendre cinq axes : la formation, la valorisation de notre patrimoine culturel et naturel, la montée en gamme de l'offre, les infrastructures et la numérisation. Si un tel plan, qui sera vraisemblablement engagé en 2022, est positif sur la forme, comment sera-t-il financé ? Sur quel budget ? Dans quelle mission ? Pour quel montant ? Nous espérons disposer, d'ici à la séance, de davantage d'éléments sur ce plan qui n'est pas intégré au projet de loi de finances pour 2022 – il nécessitera probablement un projet de loi de finances rectificative.

En raison de toutes ces incertitudes et d'un budget de promotion insuffisant, Émilie Bonnivard ne peut donner un avis favorable aux crédits consacrés au tourisme.

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