Intervention de Christian Charpy

Réunion du mercredi 12 janvier 2022 à 9h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Christian Charpy, président de la première chambre de la Cour des comptes :

Je vous remercie, mesdames, messieurs les députés, pour les appréciations que vous portez sur notre rapport et pour vos nombreuses questions, auxquelles je vais tâcher de répondre.

M. le président de la commission des finances souhaitait savoir dans quelle mesure les crédits du PIA ont permis de compenser l'absence de crédits budgétaires. Il ne s'agit pas d'un phénomène majoritaire ; il y a eu quelques cas, mais la proportion serait assez faible. Notre constat ne sera pas forcément le même lorsque nous aurons à examiner les crédits du plan de relance.

Les dotations non consommables sont des dotations que l'État donne à ses opérateurs mais qu'ils ne peuvent pas consommer, ce qui conduit l'État à leur verser un intérêt fictif. Cela part d'une idée assez étrange qui est que l'État n'est pas capable de s'autoréguler en cessant de geler les crédits. Il s'agit d'ailleurs de la critique principale adressée au FII évoqué par M. le rapporteur général Laurent Saint-Martin. Le FII devait recevoir 10 milliards d'euros de titres mais nous n'avons pas su les trouver car seuls des titres existants d'EDF ont été versés. Ces titres devaient générer un rendement annuel de 2,5 %. L'avantage est que cela permet d'afficher un investissement de 10 milliards d'euros sur l'innovation quand dans la réalité on ne lui attribue que 250 millions d'euros par an. La mécanique était extrêmement lourde et, comme l'a montré la Cour dès le départ, nous avons mis beaucoup de temps à dépenser peu d'argent. Là aussi, le principe semble que l'État ne serait pas capable de résister à la direction du budget sur les gels de crédits. Pourtant, avec le PIA 4, il a été possible de mettre en place un programme budgétaire exempté de gel de crédits. Nous sommes capables de sanctuariser des crédits quand il y a une volonté ; il n'est pas nécessaire de passer par des dotations non consommables.

Quant aux fonds de fonds et aux investissements à l'étranger, un fonds qui bénéficie du PIA est soumis à l'obligation d'investir en France pour un montant correspondant au moins à une fois et demie celui de la participation publique reçue. Dans les faits, cette obligation est sans doute respectée mais son contrôle n'est pas aisé car les fonds de fonds interviennent un peu partout. Faut-il, par ailleurs, permettre à des investisseurs étrangers d'investir en France ? Je n'y vois pas d'inconvénient– après tout, nous sommes dans une économie ouverte –, mais il faut s'assurer de ne pas en faire trop de ce point de vue.

Quant à l'écosystème de l'investissement et d'innovation, évoqué par M. le rapporteur général et plusieurs d'entre vous, notre sentiment est que le PIA a permis de l'améliorer. Des dispositifs existaient auparavant, mais, grâce aux opérateurs, la coopération est aujourd'hui meilleure entre les chercheurs, les industriels et les financiers. Nous évoquons un certain nombre d'exemples dans le rapport qui concernent notamment les laboratoires d'excellence (« Labex ») et les équipements d'excellence (« Equipex »). Il faut garder à l'esprit que les projets de financement et d'investissement sont plus complexes à mettre en œuvre que les dépenses de guichet. Plus les projets sont complexes, plus leur mise en œuvre prend du temps, notamment parce qu'il faut être attentif au respect de certains critères.

La professionnalisation des opérateurs a fait l'objet d'une remarque de M. le député Pupponi. Au début du processus, le PIA a été confié, nous semble-t-il, à un trop grand nombre d'opérateurs, mais le champ des intervenants a été resserré de manière appropriée. Ainsi connaissons-nous désormais trois opérateurs principaux : la Caisse des dépôts et consignations, qui a fait l'objet d'un contrôle spécifique de notre part dont les conclusions sont plutôt satisfaisantes ; Bpifrance, également un opérateur majeur, qui communique bien sur ses résultats ; l'ADEME, dans un rôle très spécifique.

Cette accumulation et cet enchevêtrement de plans comportent, ne nous le cachons pas, une part de communication et de recyclage, et il ne peut être reproché à un gouvernement qui se fixe de nouvelles priorités de réorienter une partie des crédits existants ou de reprendre certaines méthodes.

Toutefois, les objectifs de France Relance et de France 2030, qui n'ont pas fait l'objet d'un examen spécifique à ce stade, sont radicalement différents. France Relance avait pour double objectif de relancer et de transformer l'économie. La relance de l'économie à laquelle était consacrée près de la moitié des crédits a plutôt bien fonctionné. France 2030 est un véritable plan d'investissement consacré aux technologies d'avenir. Un pilotage unique et renforcé de ces différents plans me semble suffisant. On ne saurait avoir d'un côté un secrétaire général à la relance, d'un autre un secrétaire général pour le plan France 2030 et d'un autre encore un secrétaire général pour l'investissement chargé des PIA. La difficulté réside davantage dans le partage des responsabilités entre les ministères et l'instance chargée de ce pilotage unique. Le commissariat général à l'industrie avait été critiqué – peut-être était-ce lié à la personnalité de ses dirigeants – pour sa gestion un peu trop impérieuse et centralisatrice. Le SGPI a été davantage centré sur la coordination pour laisser plus de place aux ministères. Les reproches qui sont formulés aujourd'hui suggèrent qu'il faut sans doute trouver un équilibre entre ces deux modèles avec un pilotage interministériel et une prise en main vigoureuse pour assurer l'avancement des projets.

À mon sens, la personne chargée des plans d'investissement futurs ne pourrait avoir accompli l'ensemble de sa carrière dans le secteur privé – ce jugement est peut-être lié au fait que je suis moi-même un fonctionnaire de longue date. Il faut un mélange entre une culture des résultats, que l'on retrouve dans le secteur concurrentiel, et une culture du secteur public pour gérer les ministères. Nous trouverons certainement des personnes de qualité.

En termes de comparaisons internationales, les exemples majeurs sont le plan d'investissement de la Commission européenne pour l'Europe, connu sous le nom de plan Juncker, et le plan Invest EU qui suivent la même démarche. Des secteurs prioritaires ont été identifiés puis financés sous la forme de dotations en fonds propres ou de garanties. La manière dont la Banque européenne d'investissement (BEI) évalue l'« additionnalité » de ces financements est un exemple à suivre en France.

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