J'ai moi aussi plaisir à participer à cette audition, certainement la dernière de ce quinquennat. Si nous devions en avoir d'autres, il faudrait y voir un mauvais signe : cela signifierait que nous vous aurions demandé de vous réunir pour examiner un projet de loi de finances rectificative, sans doute lié à la pandémie, ce que nul n'espère.
Le niveau du déficit de l'État, en 2021, s'améliore significativement par rapport à nos dernières prévisions. Il s'établit à 171 milliards d'euros, soit une baisse de 7 milliards par rapport à l'exercice 2020. Certes, cela demeure un niveau historiquement élevé, qui s'explique par la politique du « quoi qu'il en coûte » et des mesures d'ampleur pour lutter contre la crise sanitaire et ses conséquences économiques.
Les très bons chiffres sur le front économique – croissance, vigueur de l'emploi – témoignent de la pertinence de ces choix et de l'utilité de ces dépenses qui sont autant d'investissements ayant permis le fort rebond de notre économie.
Surtout, ce déficit de 171 milliards marque une amélioration de 34 milliards par rapport à la prévision du second projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2021, qui était de 205 milliards. Cela résulte à la fois de l'amélioration de la situation économique – selon les dernières estimations, la croissance pourrait atteindre 6,7 % plutôt que 6,25 % – et de dépenses inférieures à nos prévisions, principalement du fait de la force de la reprise économique.
Par rapport aux prévisions de ce second PLFR, faites à l'automne, les recettes de l'État sont en hausse de 19,7 milliards d'euros. Le rendement de l'impôt sur les sociétés connaît une très nette augmentation, de 9,9 milliards, en raison du niveau très élevé de l'acompte de décembre. Cela illustre la situation favorable des entreprises. C'est une bonne surprise, qui peut s'expliquer en partie par une prise en compte seulement partielle par les entreprises de la baisse du taux de l'impôt sur les sociétés. Ces chiffres sont très révélateurs de la reprise économique et de la croissance ainsi que d'un retour de la profitabilité des entreprises, dont les bénéfices sont plus importants que ce que nous avions imaginé. Dans le même temps, la vigueur de la consommation des ménages nous a amenés à réviser à la hausse de 3,6 milliards les recettes de la TVA pour l'État, lesquelles augmentent au total de 5 milliards – 1,4 milliard étant affecté à d'autres bénéficiaires, parmi lesquelles les collectivités territoriales. Enfin, le dynamisme des revenus de l'emploi s'est traduit par un rendement de l'impôt sur le revenu supérieur de 1,6 milliard à la prévision : là aussi, c'est le signe de la reprise de l'emploi.
L'amélioration des recettes traduit le succès de la politique économique que nous menons. Comme nous nous y étions engagés, le surplus de recettes fiscales engrangées grâce à la croissance a été intégralement alloué à la réduction du déficit.
Dans le même temps, les dépenses ont été inférieures de 9 milliards aux prévisions. Le niveau d'activité plus élevé nous a permis de consacrer aux dispositifs de soutien 2,3 milliards de moins que prévu. J'avais indiqué lors de la discussion du second PLFR que 10 milliards d'euros au titre des mesures d'urgence ne seraient pas consommés. Nous avions alors proposé l'annulation de 2 milliards, mais la sous-consommation s'est révélée plus importante de 2,3 milliards. C'est notamment dû au fait que le dispositif d'activité partielle a été moins sollicité – 300 millions d'euros de dépenses non effectuées ; de la même manière, les prises de participation d'urgence dans les entreprises en difficulté ont été moins importantes que prévu – 1,8 milliard d'euros de dépenses non effectuées.
Les dépenses ordinaires du budget de l'État – la fameuse norme de dépenses pilotables – sont aussi inférieures aux prévisions, de 2,9 milliards d'euros, alors qu'habituellement la sous-consommation s'élève à 1 milliard environ. Cela s'explique par le fait que les appels en garantie au titre des PGE ont été très faibles au cours de l'année 2021, les mesures de protection des entreprises ayant permis de limiter leur sinistralité ; de la même manière, les crédits de la mission Travail et emploi ont été moins consommés, les exonérations de cotisations sociales à compenser étant moins importantes que prévu du fait de la reprise de l'activité économique ; en outre, le décaissement du plan d'investissement dans les compétences a été légèrement décalé dans le temps du fait d'un effet d'éviction causé par les mesures d'urgence ou de relance.
S'agissant du plan de relance, sur les 100 milliards, le niveau d'engagement au 31 décembre 2021 est supérieur à ce que nous espérions : 72 milliards au lieu de 70. Si l'on considère les crédits spécifiquement portés par le budget de l'État au titre de la relance, le taux d'engagement atteint 80 % et non 72 %, ce qui explique aussi la rapidité et la force de la reprise.
Le niveau de déficit budgétaire tient aussi à une amélioration du solde des comptes spéciaux, de 5,9 milliards d'euros. Il s'agit de crédits non utilisés du compte Participations financières de l'État pour 1,3 milliard, du report, à cause d'un coup d'État, de l'opération de refinancement de la dette du Soudan pour 700 millions, de moindres prêts aux entreprises en difficulté pour un milliard sur le fonds de transition, et d'une moindre indemnisation du soutien au commerce extérieur, là aussi significative de l'amélioration de la situation économique.
Cette baisse de 34 milliards d'euros du déficit de l'État explique une diminution importante du déficit public en 2021. Le chiffre précis sera communiqué le 29 mars par l'INSEE, mais il devrait se rapprocher de 7 %, soit plus d'un point de moins que prévu. Cette réduction importante doit être mise en relation avec le déficit constaté en 2020, supérieur à 9 % : c'est la preuve que nous respectons notre trajectoire de redressement.
De la même façon que ce qui précède, l'amélioration de la prévision du déficit public s'explique essentiellement par un rendement des prélèvements obligatoires meilleur que prévu : 19,7 milliards de recettes supplémentaires pour l'État et 27,5 milliards si l'on tient compte des recettes de TVA fléchées vers les collectivités territoriales et la sécurité sociale mais aussi des 6 milliards d'euros de cotisations sociales supplémentaires perçues, en raison tant du dynamisme du marché de l'emploi que des reprises de provisions plus importantes dans le cadre des plans d'apurement de la dette sociale contractés à l'occasion de la crise.
Il est encore trop tôt pour tirer des conclusions sur le niveau de déficit en 2022 et sur le caractère pérenne de certaines de ces tendances. Toutefois, nous savons que la force de l'investissement renforce notre potentiel de croissance. La révision à 6,7 % de la croissance pour 2021 ne modifie pas la prévision de 4 % pour 2022. L'ensemble des mesures que nous avons prises, y compris des mesures coûteuses comme les dispositifs de protection contre l'augmentation des prix de l'énergie, ne remet pas en cause la prévision de déficit public à 5 % en 2022. Nous continuerions ainsi à respecter notre trajectoire de redressement progressif de nos comptes publics sans étouffer la croissance ni la reprise d'activité.
Nous souhaitons conserver cette trajectoire jusqu'en 2027. Notre majorité est celle qui a sorti la France de la procédure pour déficit public excessif en 2018, qui a ramené le déficit public sous 3 % en 2018, pour trois années consécutives, et qui a engagé la baisse de la dette publique. En 2018 et 2019, notre déficit était le plus faible depuis vingt ans, avec, pour la première fois, une diminution du ratio de dette. Nous avons ensuite dû apporter une réponse à la crise, mais les chiffres démontrent que cela ne nous empêchera pas de retrouver le chemin du redressement et de la soutenabilité. La dette, qui s'est établie fin 2020 à 115,7 %, va baisser en 2021 et en 2022 pour retrouver des niveaux qui sont certes importants mais qui la rendent soutenable.
Je ne reviens pas sur les baisses d'impôts ni sur les priorités que nous avons financées dans le cadre de cet exercice budgétaire : nous avons eu l'occasion d'en débattre lors de l'examen des différents textes financiers. Disons simplement que nous souhaitons que les acquis en matière de fiscalité – que nous avons fait baisser de 52 milliards d'euros, moitié pour les ménages et moitié pour les entreprises – soient conservés.