Intervention de Sophie Errante

Réunion du mercredi 16 février 2022 à 10h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSophie Errante, présidente de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations :

Je vous prie de bien vouloir excuser l'absence des autres députés membres de la commission de surveillance, Gilles Carrez et de Denis Sommer. La présente audition ne se déroule pas dans les conditions prévues pour notre audition annuelle devant la commission des finances et celle des affaires économiques. Celle-ci n'aura pas lieu avant la prochaine législature, après l'arrêté des comptes et l'accord sur le versement à l'État, d'ici à septembre ; ces sujets seront donc traités par nos futurs collègues.

Le fait que la grande institution qu'est la Caisse des dépôts soit placée « de la manière la plus spéciale sous la surveillance et la garantie du Parlement » vaut en effet depuis plus de deux cents ans et, surtout, est unique au monde. Cette situation est à la fois très intéressante et à l'origine d'une certaine complexité.

Au cours de ce mandat, nous avons fait énormément de choses, avec Éric Lombard. Nous avons engagé des transformations fondamentales qui ne sont pas encore terminées. Il s'agissait de transposer les dispositions de la loi PACTE, qui induisait une remise en question et une modernisation de la gouvernance, en tout cas celle des grands projets. Dans ce cadre, les sujets clés ont été la prise de participation majoritaire dans le groupe La Poste, puis l'adoption du budget et le passage sous la supervision de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), en évitant la banalisation – car la Caisse des dépôts n'est pas une institution comme une autre, ni une banque comme les autres.

Nous avons donc vraiment changé de paradigme en matière stratégique et budgétaire. Nous avons aussi dû analyser les nouvelles compétences au fur et à mesure des décrets, dans un contexte atypique de changement d'ampleur du groupe, devenu l'une des institutions publiques dont le bilan, qui avoisine 1 250 milliards d'euros, est le plus important.

Nous avons décidé l'opération avec La Poste en toute indépendance, avec l'éclairage d'un conseil indépendant. Le projet industriel ne s'est pas terminé une fois que le bilan comptable a été arrêté. L'opération représente le début de la transformation. Ce qui constitue le plus gros actif de la Caisse des dépôts est exposé à des éléments conjoncturels adverses : les taux bas, la concurrence sur GeoPost, le déclin irréversible du courrier et la montée en puissance encore à confirmer des relais de croissance dans la branche courrier. La réussite d'une telle opération ne pourra être mesurée qu'avec le temps, à moyen ou long terme, même si les résultats sont très satisfaisants.

Au moment de l'adoption du budget, la commission de surveillance a joué son rôle et cette nouvelle compétence lui a permis d'approfondir sa connaissance de l'établissement public et de faire valoir ses positions et recommandations. Le dialogue a été exigeant mais constructif ; la Cour des comptes a d'ailleurs salué en 2021 le chemin parcouru et le nouveau dialogue instauré.

Depuis la supervision de l'ACPR, nous avons pris le relais des parlementaires lors du vote de la loi PACTE pour réaffirmer devant l'Autorité que la Caisse des dépôts ne peut être banalisée. Face à la demande par l'ACPR d'un pilier 2, c'est-à-dire d'une mobilisation de fonds propres supplémentaires au-delà des obligations réglementaires, la commission de surveillance a engagé des discussions approfondies pour défendre la singularité du modèle de la Caisse. Je tiens à remercier le président du comité d'audit et des risques (CAR), Gilles Carrez, et le président du comité du fonds d'épargne, Jean-Yves Perrot, pour leur grande implication dans ce dossier.

La commission de surveillance a changé, elle aussi, pour s'adapter au renforcement de ses prérogatives, aux enjeux d'aujourd'hui et au nouveau périmètre du groupe. J'ai ainsi souhaité la création de deux comités spécialisés.

Le premier est un comité stratégique, lieu privilégié de dialogue, mais aussi de débat entre commissaires et dirigeants des directions et des filiales, permettant des délibérations éclairées et équilibrées. Nous sommes ainsi parvenus à inciter la Caisse des dépôts à faire davantage ressortir l'empreinte extrafinancière de sa stratégie dans ses plans à moyen terme. Rappelons que la commission de surveillance a toujours soutenu la stratégie de la direction générale, qu'il s'agisse de la stratégie à moyen terme ou des dossiers d'investissement, dont pas moins de quatre-vingts, représentant chacun au moins 150 millions d'euros, ont été examinés et approuvés par son comité des investissements entre 2019 et 2021.

Le second est un comité RSE (responsabilité sociale des entreprises) et éthique, à la création duquel les commissaires ont abouti tout récemment après y avoir travaillé en 2021 ; c'était un souhait de l'ensemble des commissaires surveillants, plus particulièrement de notre collègue Claude Nahon. De fait, ces sujets doivent être pris en considération dans un groupe aussi pluriel et au rayonnement mondial – citons Egis, le groupe La Poste, Transdev, la Compagnie des Alpes et Icade.

Avec des parties prenantes aussi atypiques et diverses que le sont les collectivités, les bailleurs sociaux et les particuliers, le fil conducteur de l'exercice a été la défense de l'intérêt général et la protection des intérêts de la Caisse. Le défrichage des nouvelles prérogatives renforcées, enjeu de premier ordre, a permis de mettre la commission de surveillance sur les bons rails. Un travail régulier et constructif avec les directions de la Caisse et les membres du comité exécutif a aussi été l'occasion d'un apprentissage réciproque qui ne pouvait se faire en quelques semaines ou en quelques mois. Les réglages prennent du temps, surtout dans un groupe aussi divers. Il est important pour nous de trouver le bon degré d'exigence pour la conduite d'un groupe de cette puissance et de cette complexité.

En ce qui concerne le fonctionnement même de l'instance que je préside, j'ai laissé aux commissaires surveillants toute liberté pour s'exprimer et faire valoir leurs points de vue, si différents fussent-ils – nous n'avons pas tous la même expérience ni la même histoire. J'ai fait de la commission de surveillance un lieu de dialogue, d'écoute, de débats, parfois animés, voire vifs – c'est la vie des groupes – avec la direction générale et l'État, dans l'objectif sans cesse réaffirmé de protéger les intérêts patrimoniaux de la Caisse. La commission de surveillance est maintenant inscrite dans les meilleures pratiques de place. Un processus vertueux d'autoévaluation de notre instance est en cours.

Quelques mots, enfin, sur l'année 2021. Le plan de relance mobilise l'ensemble des équipes, auxquelles je souhaite rendre hommage, et d'importants moyens financiers, l'objectif étant de 26 milliards d'euros d'investissements en cinq ans. La commission de surveillance a été particulièrement attentive à ses impacts extrafinanciers et à l'empreinte de la Caisse des dépôts dans tous les territoires, au-delà des seuls volumes financiers.

Par le biais d'une commission de surveillance exceptionnelle, j'ai souhaité que nous nous prononcions sur le dossier majeur et sensible de l'entrée au capital du « nouveau Suez ». Dans le cadre du comité des investissements, nous avons étudié et approuvé le renforcement de la Caisse des dépôts dans le capital de GRTgaz, la cession d'une partie du capital d'Egis et l'évolution de la SCET (Services, conseil, expertises et territoires). La commission de surveillance a soutenu le groupe La Poste dans la transformation de son modèle par une stratégie de mutation de La Banque Postale en banque assurance et de développement de GeoPost à l'international, sans relâcher la vigilance quant aux effets des taux bas sur la profitabilité du groupe.

Beaucoup a été fait ; beaucoup reste à faire. Des questions demeurent de la part de l'instance dont je suis ici le porte-parole. Le groupe a toujours été, par construction, hétérogène, et il est complexe à appréhender. La durée du mandat, de trois ans, n'est pas simple non plus ; la raison n'en est pas connue – elle fera peut-être l'objet de questions lors de la prochaine législature. Pour préserver le modèle de la Caisse, il faut travailler à la meilleure façon d'appréhender la Caisse des dépôts par tous les parlementaires, au-delà des seuls commissaires aux finances et aux affaires économiques.

En cette période électorale, les candidats ont des idées à foison, qui pourraient impliquer la Caisse des dépôts. On entend parler de livrets dans tous les sens. Or, s'il faut peut-être s'interroger sur l'épargne réglementée, on ne peut le faire qu'en discutant avec la Caisse des dépôts.

Le rôle du Parlement et de la commission de surveillance au quotidien est de garantir que la Caisse puisse poursuivre son action au service de l'intérêt général et à long terme. C'est en vertu de ces principes simples que le groupe pourra continuer à servir nos concitoyens. Les futurs membres de la commission de surveillance sont peut-être parmi nous aujourd'hui, ainsi que son futur président ou sa future présidente ; Gilles Carrez, Denis Sommer et moi-même leur laisserons un bilan et des conseils plus étayés que ceux que je viens d'énoncer.

Ce mandat a été pour moi passionnant et passionné. Je souhaite évidemment que l'institution reste toujours plus proche, plus agile, plus rapide et au service de tous les Français, dans tous les territoires. Un grand merci !

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