Mes chers Collègues, l'ordre du jour de notre réunion appelle tout d'abord le bilan, traditionnellement présenté par le président de la commission des finances, de l'activité de la commission au cours de la législature et la présentation du rapport sur la recevabilité financière des initiatives parlementaires et la recevabilité organique des amendements à l'Assemblée nationale – l'article 40 est toujours une question importante pour les parlementaires.
En ce qui concerne notre activité, nous nous sommes réunis en commission à un peu plus de 550 reprises depuis le 29 juin 2017, que ce soit pour mener à bien des travaux législatifs ou des travaux d'évaluation et de contrôle ou pour procéder à des auditions. C'est donc une fréquence légèrement supérieure à celle de la précédente législature, au cours de laquelle nous avions tenu 525 réunions.
Fait plus intéressant, la durée globale de ces réunions a connu une croissance bien plus importante : elle a crû de 47 %. Nous avons siégé 1 040 heures de réunion, soit une durée moyenne de réunion de près de 2 heures, contre 710 heures et 30 minutes sous la précédente législature, ce qui correspondait à une durée moyenne des réunions de l'ordre d'une heure et 20 minutes.
Alors que nous avions examiné 48 textes sous la précédente législature, nos travaux législatifs ont porté sous la quinzième législature sur 62 textes : 20 projets de lois de finances, 5 autres projets de loi examinés au fond, 19 projets de loi examinés pour avis et, enfin, 18 propositions de lois. Sur les 43 textes examinés au fond, 27 ont eu un parcours législatif complet, jusqu'à la promulgation de la loi. Sur les 27 textes examinés au fond par la commission et qui sont devenus des lois promulguées, 13 ont fait l'objet d'une navette conclusive – dont 9 après accord en commission mixte paritaire (CMP) – les CMP ont donc plutôt bien fonctionné –, et 14 d'un dernier mot donné à l'Assemblée. Ces chiffres démontrent le caractère constructif de la navette avec le Sénat dans un nombre significatif de cas. Ils montrent également que nous avons aussi examiné un nombre significatif de textes qui n'ont pas abouti : il s'agit essentiellement de propositions de loi, très majoritairement des groupes d'opposition.
Au total, nous avons examiné en commission 14 653 amendements, soit plus du double des 6 665 amendements examinés au cours de la précédente législature par la commission. Près de 90 % de ces amendements portaient sur les projets de loi de finances. Nous avons adopté un peu moins de 15 % de ces amendements ; ce sont quand même au total 2 200 amendements qui ont été adoptés par la commission.
Ces travaux législatifs ne représentent qu'environ la moitié des réunions que nous avons tenues. Notre commission est effectivement le lieu privilégié de l'évaluation et du contrôle des politiques publiques. Nous avons, au travers du Printemps de l'évaluation, examiné tous les ans à compter de l'année 2018, 45 rapports spéciaux qui rendent compte des travaux d'évaluation et de contrôle approfondis menés par chacun de nos rapporteurs spéciaux sur des thèmes sélectionnés à l'avance. Par ailleurs, 26 rapports de missions d'information ont été présentés en commission, auxquels il convient d'ajouter les 3 rapports de la mission d'évaluation et de contrôle (MEC), et 5 rapports d'information sur l'application des mesures fiscales. Nous avons également entendu 19 communications de rapporteurs spéciaux ou responsables de groupes de travail qui rendaient compte de leurs travaux sous une forme plus concise que celle d'un rapport d'information. Enfin, la Cour des comptes nous aura remis au cours de la législature, en incluant les rapports qu'elle nous présentera aujourd'hui et demain, 27 enquêtes menées en application du 2° de l'article 58 de la loi organique relative aux lois de finances. Ce sont donc au total 275 travaux d'évaluation et de contrôle qui ont été débattus en commission au cours de la législature, donnant lieu à autant de documents écrits.
Nous avons également donné notre avis par trois fois sur des projets de décrets d'avance et sept fois sur des propositions de nomination à des emplois ou fonctions par le Président de la République.
La commission a innové au cours de la quinzième législature, de trois manières, qui marquent un tournant que j'espère structurant pour la vie et les activités futures de notre commission.
Tout d'abord, nous avons développé le champ de l'évaluation des politiques publiques, en mettant en place un Printemps de l'évaluation, au moment de l'examen du projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année antérieure, laquelle loi de règlement s'appellera bientôt loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes. Dans ce cadre, chaque rapporteur spécial mène des travaux de contrôle dont il rend compte en commission. Le Printemps de l'évaluation me semble désormais une pratique bien établie dans la séquence de l'examen de la loi de règlement.
Une autre innovation de la commission des finances a été de se réapproprier la réflexion économique générale, souvent trop absente de nos débats budgétaires et fiscaux. Pour cela, nous avons mis en place un cycle régulier d'auditions intitulé « Au cœur de l'économie », qui associe systématiquement ces deux partenaires que sont l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) et la Banque de France, ainsi que d'autres experts, et qui permettent d'aborder les questions de conjoncture économique ainsi que des problèmes économiques d'actualité.
Enfin, les travaux de la mission d'information relative à la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances (MILOLF), que nous avons ressuscitée pour tenter de réformer la LOLF après vingt ans d'application, nous ont permis d'aboutir au dépôt d'une proposition de loi organique modifiant la LOLF coproduite par le rapporteur général et moi-même, adoptée et devenue la loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques. Cette réforme restructure le temps de l'année budgétaire, renforce une approche pluriannuelle, établit une meilleure distinction des dépenses d'investissement et de fonctionnement, etc.
Il faut souhaiter que ces innovations perdurent au cours des prochaines législatures, notamment ces rendez-vous économiques, grâce aux partenariats existants, pour que notre commission remplisse intégralement sa mission. Au travers de ces innovations et de ses activités plus traditionnelles, la commission aura ainsi participé à l'exercice des missions constitutionnelles qui incombent à l'Assemblée nationale.
Je vous propose d'en venir maintenant au rapport dit de l'article 40.
Respectant une coutume désormais bien établie par mes prédécesseurs, Pierre Méhaignerie à la fin de la douzième législature, Jérôme Cahuzac à la fin de la treizième législature et Gilles Carrez à la fin de la quatorzième législature, je vous propose aujourd'hui d'autoriser la publication d'un rapport sur les règles de la recevabilité financière et les règles de la recevabilité organique, lesquelles sont toutes deux contrôlées à titre prépondérant, en vertu des dispositions du Règlement de l'Assemblée nationale, par le président de la commission des finances.
Les principes posés à l'origine pour apprécier la recevabilité financière, déjà exposés, en 1971, par le président Jean Charbonnel dans le premier rapport d'information d'un président de la commission des finances sur ce sujet, ont certes été ensuite développés et précisés sur de nombreux points, au fur et à mesure que de nouveaux amendements soulevaient de nouvelles questions, mais la ligne directrice – il faut vraiment le garder à l'esprit – de tous les présidents de la commission des finances qui se sont succédé a toujours été d'appliquer un raisonnement juridique et évidemment pas un raisonnement politique, même si tous ont entendu les mêmes critiques. Je n'y ai pas dérogé.
Il est en effet fondamental que les critères d'appréciation de la recevabilité, aussi bien au regard de l'article 40 de la Constitution qu'au regard de la LOLF, soient à la fois les plus objectifs et les plus prévisibles possible, de telle sorte que l'initiative parlementaire ne se heurte pas à des irrecevabilités inattendues et imprévisibles. En dernier ressort, le Conseil constitutionnel peut être juge de cette appréciation, dans le cadre de sa saisine sur les lois définitivement adoptées par le Parlement. Le Conseil constitutionnel a d'ailleurs joué à plusieurs reprises un rôle dans la définition du périmètre et de l'application de l'article 40.
Il importe également que ces critères d'appréciation soient gouvernés par le souci constant de préserver, dans toute la mesure autorisée par les exigences constitutionnelles et organiques, l'initiative parlementaire. Elle doit être le cœur du débat.
Il est enfin tout aussi fondamental que ces critères d'appréciation soient connus et compris des parlementaires, tant il en va des conditions de l'exercice d'un droit individuel parfaitement fondamental dans l'exercice de notre mandat : la faculté de proposer une modification de la loi. C'est d'ailleurs le souhait de faire connaître au mieux la jurisprudence gouvernant l'appréciation de la recevabilité des amendements par le président de la commission des finances qui a conduit à la publication régulière de rapports d'information sur le sujet.
Ce rapport intervient au terme d'une législature qui aura été marquée par l'inflation du nombre d'amendements soumis à l'appréciation de leur recevabilité par le président de la commission des finances. Deux chiffres suffiront à l'illustrer : alors que sous la précédente législature, un peu plus de 46 000 amendements avaient ainsi été contrôlés, et un peu moins de 8 000 d'entre eux déclarés irrecevables, soit 17,4 % des amendements renvoyés pour examen, ce sont plus de 97 000 amendements qui auront été contrôlés au cours de la présente législature, et plus de 27 000 d'entre eux déclarés irrecevables, soit 27,8 % des amendements renvoyés pour examen. Il faut toutefois ajouter que certains textes concentrent fortement les amendements irrecevables : je pense en particulier aux projets de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), où la combinaison des règles sur les « cavaliers sociaux » et des exigences de l'article 40 de la Constitution aboutissent à une proportion de 40 % d'amendements irrecevables. À l'inverse, pour beaucoup d'autres textes, le taux d'irrecevabilité est bien plus faible. En outre, il ne faut pas oublier que, sur chaque texte, tous les amendements ne sont pas renvoyés pour examen de la recevabilité financière. Sous cette législature, près de 200 000 amendements auront été déposés en séance publique, mais seuls 64 000 d'entre eux ont été renvoyés pour examen de recevabilité et 16 500 déclarés irrecevables. Le taux d'irrecevabilité global sur l'ensemble des amendements s'établit donc à 8 % pour la séance publique. Pour les commissions, nous aurons vu au total un peu plus de 33 000 amendements, mais cela n'est également qu'une partie de l'ensemble des amendements déposés en commission. Les présidents de commission renvoient désormais systématiquement les amendements sur lesquels ils ont un doute.
Déclarer irrecevables plus de 27 000 amendements au cours de la législature donne au contrôle une coloration différente de celle qui était la sienne au temps où ces déclarations d'irrecevabilité ne touchaient que quelques centaines d'amendements. Toutefois, on ne saurait se contenter de déplorer cette croissance peu maîtrisée du nombre d'amendements et ses effets procéduraux sans relever certains éléments positifs.
Tout d'abord, la jurisprudence n'a rien perdu de son intelligibilité et permet de concilier efficacement le respect des exigences constitutionnelles et la volonté de favoriser, dans toute la mesure du possible, l'initiative parlementaire.
En deuxième lieu, alors que le contrôle de la recevabilité est explicitement partagé entre les différents présidents des commissions saisies au fond et le président de la commission des finances sur délégation du Président de l'Assemblée nationale en fonction du stade de la discussion, la pratique de la consultation du président de la commission des finances par ses homologues des autres commissions avant l'examen en commission permet d'éviter les risques de divergences d'appréciation dès la commission et donne aux textes adoptés par les commissions une sorte de brevet de recevabilité financière.
La croissance très significative du nombre d'amendements pour lesquels les présidents des autres commissions ont saisi pour avis le président de la commission des finances sous cette législature mérite d'être relevée, puisque ce sont plus de 13 000 amendements qui ont ainsi été renvoyés par les sept autres commissions permanentes et les commissions spéciales, contre un peu moins de 4 000 tout au long de la précédente législature. Les commissions qui ont peu l'occasion de légiférer, comme la commission de la défense et la commission des affaires étrangères, ont pris l'habitude, comme les autres, de consulter le président de la commission des finances. De façon générale, le sens des avis du président de la commission des finances est suivi par les autres présidents de commission. Ces différents éléments sont autant de facteurs contribuant à une unification harmonieuse de la recevabilité financière, à tous les stades de la procédure parlementaire, unification qui se combine d'ailleurs avec une lecture désormais très largement – à défaut de l'être totalement –convergente à l'Assemblée nationale et au Sénat ; plusieurs réunions se sont tenues en ce sens avec le président de la commission des finances du Sénat. Enfin, les députés qui le souhaitent obtiennent toujours des explications précises et détaillées quant aux raisons de l'irrecevabilité des amendements qu'ils ont déposés. Ils obtiennent une réponse de manière écrite ou orale, et, lorsque je suis consulté, je propose souvent une rédaction qui permet aux amendements déposés de passer le tamis de l'article 40.
J'ai fait le choix de réaménager la structure de ce rapport traditionnel en consacrant désormais une partie entière aux questions de recevabilité qui se posent pour les textes législatifs relatifs aux collectivités territoriales. Compte tenu de la particularité du raisonnement appliqué – notamment grâce à la jurisprudence « bloc », qui permet d'envisager des transferts de charges au sein d'une même catégorie de collectivités –, il m'a semblé utile d'y consacrer des développements plus spécifiques, d'autant que le nombre d'amendements relatifs à ces collectivités fut supérieur au cours de cette législature à ce qu'il était au cours des précédentes. Pour les lois de finances, le rapport s'efforce également d'être plus détaillé et plus précis pour toutes les questions relatives aux amendements de crédits, dans la mesure où de tels amendements ont eu tendance à se multiplier lors de l'actuelle législature.
La règle fondamentale est relativement simple : une charge publique ne peut jamais être compensée, tandis qu'il est possible de gager la perte d'une recette publique par l'augmentation d'une autre recette publique.
Partant de ce principe, je voudrais évoquer quelques exemples d'évolution de la jurisprudence.
S'agissant des investissements engagés par les personnes publiques, tout amendement imposant de nouveaux investissements est a priori coûteux pour les finances publiques, donc irrecevable. Toutefois, adoptant une approche intégrant la contrainte d'amortissement de tout investissement, j'ai considéré que, s'il est toujours contraire à l'article 40 d'imposer à un organisme situé dans le champ de l'article 40 de renouveler la totalité de ses biens matériels en une seule fois, un amendement peut imposer des contraintes nouvelles lors du renouvellement du stock. Ainsi, s'il n'est pas possible de proposer par amendement parlementaire de remplacer une flotte entière de voitures par des voitures électriques, ce qui reviendrait à un remplacement de tout le stock, il est possible par la voie d'un amendement parlementaire de prévoir qu'à l'occasion du renouvellement de la flotte les voitures nouvellement acquises seront électriques. Le raisonnement retenu est le suivant : l'auteur de l'amendement se place sur le terrain d'une sujétion existante – assurer le renouvellement régulier du matériel, sans accélérer ce rythme de replacement –, pas sur le terrain d'une dépense supplémentaire. Une contrainte ne peut être imputée sur le stock mais elle peut l'être sur le flux sans méconnaître les exigences en matière de charge publique. Cela va dans le sens d'une liberté supplémentaire pour les parlementaires.
J'ai également retenu une approche qui privilégie le gage de la perte de recettes pour les amendements proposant une aide au paiement de cotisations sociales. En effet, par ce biais, ces amendements ne sont pas considérés comme devant être compensés par des dotations budgétaires, et ne sont donc pas constitutifs d'une charge. Cela permet d'éviter de limiter l'initiative des parlementaires.
Du côté des recettes publiques, la jurisprudence conduit tout d'abord à considérer que la proposition de modifier les caractéristiques de sanctions financières est toujours recevable. En effet, même si ces sanctions sont des sources de recettes, ce n'est pas leur objet premier : l'objectif est de dissuader les personnes d'adopter les comportements réprimés, et une sanction idéalement efficace, car respectée, ne rapporte rien.
C'est le développement de cette jurisprudence qui m'a permis, par exemple, d'accepter tous les amendements proposant d'assouplir l'obligation, instaurée par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) et faite aux communes, de disposer d'un pourcentage minimum de logements sociaux ou à défaut d'être redevables d'une pénalité. Au regard de la nature de cette pénalité, qui a pour objet sanctionner un comportement et non de procurer des ressources publiques, de tels amendements sont systématiquement recevables sans gage.
L'examen attentif de certaines recettes peut aussi conduire à considérer qu'elles ne sont pas des ressources publiques au sens des exigences constitutionnelles, et échappent donc au contrôle de la recevabilité financière. C'est dans ce cas l'examen au cas par cas de la recette en jeu qui peut permettre ce raisonnement. La redevance pour copie privée, en dépit de sa désignation par le terme de redevance, a été instituée à titre principal pour compenser les pertes de recettes des artistes, producteurs et éditeurs en raison de la reproduction de leurs œuvres sans versement de droits d'auteur. Si une partie des ressources tirées de la redevance pour copie privée finance des actions d'intérêt collectif, comme l'aide à la création, à la diffusion du spectacle vivant ou encore au développement de l'éducation artistique et culturelle, il s'agit d'actions financées uniquement par des ressources privées. Une suppression de cette redevance ou toute autre modification de ses caractéristiques en réduisant le produit ne sont dès lors pas considérées comme devant être gagées.
Je n'entrerai pas davantage dans les détails du rapport qui comprend beaucoup d'exemples, qui est construit comme un outil de travail pour tous ceux, parlementaires, collaborateurs, qui sont conduits au quotidien à « pratiquer l'article 40 ». Une bonne connaissance de la jurisprudence relative aux exigences de l'article 40 de la Constitution est de nature à favoriser le succès des initiatives parlementaires.
Il convient cependant de garder à l'esprit que la recevabilité s'apprécie, texte par texte, au regard du droit en vigueur et du droit proposé. Ainsi, un amendement recevable sur un projet de loi peut très bien ne plus l'être sur un autre projet de loi, soit que le droit en vigueur ait changé entre-temps, soit que la base la plus favorable constituée par le texte déposé ne soit plus la même.
Il faut également se garder de l'illusion que l'on pourrait toujours contourner la difficulté que représente l'irrecevabilité financière. Il existe parfois des solutions pour « recevabiliser » un amendement, mais il faut bien parfois, à l'inverse, constater que ce que l'on souhaiterait proposer ne peut l'être.
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle beaucoup de parlementaires ont souhaité ou souhaitent une abrogation de l'article 40 de la Constitution. Je me suis d'ailleurs moi-même prononcé à ce sujet, mais telle n'est pas la question en débat dans ce rapport.
J'appelle également votre attention sur le fait que ce rapport ne traite pas un autre grand motif d'irrecevabilité, souvent confondu avec l'irrecevabilité financière, l'irrecevabilité constatée en application de l'article 45 de la Constitution, qui a pris une importance nouvelle sous cette législature – au point que, par un raccourci rapide, certains confondent ces motifs d'irrecevabilité et m'imputent parfois à tort des décisions d'irrecevabilité relatives aux « cavaliers », qui sont pour le coup des prérogatives des présidents des commissions permanentes compétentes au fond ou, pour la séance, directement du Président de l'Assemblée nationale.
J'ajouterai enfin que ce rapport prend également en considération des éléments nouveaux. En effet, la présente législature a permis de mener à bien une réforme de la LOLF, au mois de décembre dernier, et, plus récemment encore une réforme de la LOLFSS, dont le Conseil constitutionnel est saisi.
La modification de ces deux textes organiques, dont l'entrée en vigueur produira ses effets au cours de la prochaine législature, conduira à des solutions relatives à la recevabilité organique des amendements parfois très différentes de celles qui s'appliquaient jusqu'à présent, comme en ce qui concerne le placement en première ou en seconde partie de la loi de finances des mesures fiscales proposées ou encore pour la création d'un prélèvement sur recettes ou l'affectation d'une recette fiscale, qui seront des mesures relevant du domaine exclusif des lois de finances.
Cette révision de la LOLF entraînera une possibilité d'amender les lois de finances en courant moins de risques d'irrecevabilité, du fait de la plus grande simplicité de la répartition des mesures entre la première et la seconde partie.
Il a semblé utile de faire état de ces évolutions à venir, même si la jurisprudence qu'il conviendra de construire à partir de ces nouveaux textes organiques ne peut pour l'heure qu'être esquissée. Il reviendra au futur président de la commission des finances de le faire.
Dans le cas des questions posées par la LOLFSS, quelques points demeurent en suspens, car le Conseil constitutionnel n'a pas encore rendu sa décision. Comme celle-ci devrait normalement intervenir dans les jours à venir, je vous propose, afin que le rapport soit le plus utile possible dans les années à venir, d'y apporter avant de le publier les quelques compléments qui s'imposeront en fonction de cette décision.
Pardonnez-moi l'aridité du propos, mais le sujet lui-même est aride – en attestent les nombreuses remarques plus ou moins aimables qui m'ont été adressées à l'occasion de l'exercice de mon office de juge de la recevabilité. Ce n'est cependant pas un sujet purement théorique ; il occupe d'ailleurs, en pratique, une part très importante du temps des administrateurs de la commission des finances que je remercie – non pour respecter la coutume ou par une sorte de réflexe mais très sincèrement – pour leur travail extrêmement précis et sérieux, et leurs raisonnements juridiques soigneusement construits. Chacun des 97 000 amendements qui m'ont été renvoyés a ainsi été regardé de manière précise, dans des délais serrés, parfois la nuit ou le week-end.