Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 23 février 2022 à 9h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • commerçant
  • détaxe
  • législature
  • recevabilité
  • touriste

La réunion

Source

La commission entend la présentation du bilan de son activité sous la XVe législature, puis examine le rapport sur la recevabilité financière des initiatives parlementaires et la recevabilité organique des amendements à l'Assemblée nationale (M. Éric Woerth, président).

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Mes chers Collègues, l'ordre du jour de notre réunion appelle tout d'abord le bilan, traditionnellement présenté par le président de la commission des finances, de l'activité de la commission au cours de la législature et la présentation du rapport sur la recevabilité financière des initiatives parlementaires et la recevabilité organique des amendements à l'Assemblée nationale – l'article 40 est toujours une question importante pour les parlementaires.

En ce qui concerne notre activité, nous nous sommes réunis en commission à un peu plus de 550 reprises depuis le 29 juin 2017, que ce soit pour mener à bien des travaux législatifs ou des travaux d'évaluation et de contrôle ou pour procéder à des auditions. C'est donc une fréquence légèrement supérieure à celle de la précédente législature, au cours de laquelle nous avions tenu 525 réunions.

Fait plus intéressant, la durée globale de ces réunions a connu une croissance bien plus importante : elle a crû de 47 %. Nous avons siégé 1 040 heures de réunion, soit une durée moyenne de réunion de près de 2 heures, contre 710 heures et 30 minutes sous la précédente législature, ce qui correspondait à une durée moyenne des réunions de l'ordre d'une heure et 20 minutes.

Alors que nous avions examiné 48 textes sous la précédente législature, nos travaux législatifs ont porté sous la quinzième législature sur 62 textes : 20 projets de lois de finances, 5 autres projets de loi examinés au fond, 19 projets de loi examinés pour avis et, enfin, 18 propositions de lois. Sur les 43 textes examinés au fond, 27 ont eu un parcours législatif complet, jusqu'à la promulgation de la loi. Sur les 27 textes examinés au fond par la commission et qui sont devenus des lois promulguées, 13 ont fait l'objet d'une navette conclusive – dont 9 après accord en commission mixte paritaire (CMP) – les CMP ont donc plutôt bien fonctionné –, et 14 d'un dernier mot donné à l'Assemblée. Ces chiffres démontrent le caractère constructif de la navette avec le Sénat dans un nombre significatif de cas. Ils montrent également que nous avons aussi examiné un nombre significatif de textes qui n'ont pas abouti : il s'agit essentiellement de propositions de loi, très majoritairement des groupes d'opposition.

Au total, nous avons examiné en commission 14 653 amendements, soit plus du double des 6 665 amendements examinés au cours de la précédente législature par la commission. Près de 90 % de ces amendements portaient sur les projets de loi de finances. Nous avons adopté un peu moins de 15 % de ces amendements ; ce sont quand même au total 2 200 amendements qui ont été adoptés par la commission.

Ces travaux législatifs ne représentent qu'environ la moitié des réunions que nous avons tenues. Notre commission est effectivement le lieu privilégié de l'évaluation et du contrôle des politiques publiques. Nous avons, au travers du Printemps de l'évaluation, examiné tous les ans à compter de l'année 2018, 45 rapports spéciaux qui rendent compte des travaux d'évaluation et de contrôle approfondis menés par chacun de nos rapporteurs spéciaux sur des thèmes sélectionnés à l'avance. Par ailleurs, 26 rapports de missions d'information ont été présentés en commission, auxquels il convient d'ajouter les 3 rapports de la mission d'évaluation et de contrôle (MEC), et 5 rapports d'information sur l'application des mesures fiscales. Nous avons également entendu 19 communications de rapporteurs spéciaux ou responsables de groupes de travail qui rendaient compte de leurs travaux sous une forme plus concise que celle d'un rapport d'information. Enfin, la Cour des comptes nous aura remis au cours de la législature, en incluant les rapports qu'elle nous présentera aujourd'hui et demain, 27 enquêtes menées en application du 2° de l'article 58 de la loi organique relative aux lois de finances. Ce sont donc au total 275 travaux d'évaluation et de contrôle qui ont été débattus en commission au cours de la législature, donnant lieu à autant de documents écrits.

Nous avons également donné notre avis par trois fois sur des projets de décrets d'avance et sept fois sur des propositions de nomination à des emplois ou fonctions par le Président de la République.

La commission a innové au cours de la quinzième législature, de trois manières, qui marquent un tournant que j'espère structurant pour la vie et les activités futures de notre commission.

Tout d'abord, nous avons développé le champ de l'évaluation des politiques publiques, en mettant en place un Printemps de l'évaluation, au moment de l'examen du projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année antérieure, laquelle loi de règlement s'appellera bientôt loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes. Dans ce cadre, chaque rapporteur spécial mène des travaux de contrôle dont il rend compte en commission. Le Printemps de l'évaluation me semble désormais une pratique bien établie dans la séquence de l'examen de la loi de règlement.

Une autre innovation de la commission des finances a été de se réapproprier la réflexion économique générale, souvent trop absente de nos débats budgétaires et fiscaux. Pour cela, nous avons mis en place un cycle régulier d'auditions intitulé « Au cœur de l'économie », qui associe systématiquement ces deux partenaires que sont l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) et la Banque de France, ainsi que d'autres experts, et qui permettent d'aborder les questions de conjoncture économique ainsi que des problèmes économiques d'actualité.

Enfin, les travaux de la mission d'information relative à la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances (MILOLF), que nous avons ressuscitée pour tenter de réformer la LOLF après vingt ans d'application, nous ont permis d'aboutir au dépôt d'une proposition de loi organique modifiant la LOLF coproduite par le rapporteur général et moi-même, adoptée et devenue la loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques. Cette réforme restructure le temps de l'année budgétaire, renforce une approche pluriannuelle, établit une meilleure distinction des dépenses d'investissement et de fonctionnement, etc.

Il faut souhaiter que ces innovations perdurent au cours des prochaines législatures, notamment ces rendez-vous économiques, grâce aux partenariats existants, pour que notre commission remplisse intégralement sa mission. Au travers de ces innovations et de ses activités plus traditionnelles, la commission aura ainsi participé à l'exercice des missions constitutionnelles qui incombent à l'Assemblée nationale.

Je vous propose d'en venir maintenant au rapport dit de l'article 40.

Respectant une coutume désormais bien établie par mes prédécesseurs, Pierre Méhaignerie à la fin de la douzième législature, Jérôme Cahuzac à la fin de la treizième législature et Gilles Carrez à la fin de la quatorzième législature, je vous propose aujourd'hui d'autoriser la publication d'un rapport sur les règles de la recevabilité financière et les règles de la recevabilité organique, lesquelles sont toutes deux contrôlées à titre prépondérant, en vertu des dispositions du Règlement de l'Assemblée nationale, par le président de la commission des finances.

Les principes posés à l'origine pour apprécier la recevabilité financière, déjà exposés, en 1971, par le président Jean Charbonnel dans le premier rapport d'information d'un président de la commission des finances sur ce sujet, ont certes été ensuite développés et précisés sur de nombreux points, au fur et à mesure que de nouveaux amendements soulevaient de nouvelles questions, mais la ligne directrice – il faut vraiment le garder à l'esprit – de tous les présidents de la commission des finances qui se sont succédé a toujours été d'appliquer un raisonnement juridique et évidemment pas un raisonnement politique, même si tous ont entendu les mêmes critiques. Je n'y ai pas dérogé.

Il est en effet fondamental que les critères d'appréciation de la recevabilité, aussi bien au regard de l'article 40 de la Constitution qu'au regard de la LOLF, soient à la fois les plus objectifs et les plus prévisibles possible, de telle sorte que l'initiative parlementaire ne se heurte pas à des irrecevabilités inattendues et imprévisibles. En dernier ressort, le Conseil constitutionnel peut être juge de cette appréciation, dans le cadre de sa saisine sur les lois définitivement adoptées par le Parlement. Le Conseil constitutionnel a d'ailleurs joué à plusieurs reprises un rôle dans la définition du périmètre et de l'application de l'article 40.

Il importe également que ces critères d'appréciation soient gouvernés par le souci constant de préserver, dans toute la mesure autorisée par les exigences constitutionnelles et organiques, l'initiative parlementaire. Elle doit être le cœur du débat.

Il est enfin tout aussi fondamental que ces critères d'appréciation soient connus et compris des parlementaires, tant il en va des conditions de l'exercice d'un droit individuel parfaitement fondamental dans l'exercice de notre mandat : la faculté de proposer une modification de la loi. C'est d'ailleurs le souhait de faire connaître au mieux la jurisprudence gouvernant l'appréciation de la recevabilité des amendements par le président de la commission des finances qui a conduit à la publication régulière de rapports d'information sur le sujet.

Ce rapport intervient au terme d'une législature qui aura été marquée par l'inflation du nombre d'amendements soumis à l'appréciation de leur recevabilité par le président de la commission des finances. Deux chiffres suffiront à l'illustrer : alors que sous la précédente législature, un peu plus de 46 000 amendements avaient ainsi été contrôlés, et un peu moins de 8 000 d'entre eux déclarés irrecevables, soit 17,4 % des amendements renvoyés pour examen, ce sont plus de 97 000 amendements qui auront été contrôlés au cours de la présente législature, et plus de 27 000 d'entre eux déclarés irrecevables, soit 27,8 % des amendements renvoyés pour examen. Il faut toutefois ajouter que certains textes concentrent fortement les amendements irrecevables : je pense en particulier aux projets de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), où la combinaison des règles sur les « cavaliers sociaux » et des exigences de l'article 40 de la Constitution aboutissent à une proportion de 40 % d'amendements irrecevables. À l'inverse, pour beaucoup d'autres textes, le taux d'irrecevabilité est bien plus faible. En outre, il ne faut pas oublier que, sur chaque texte, tous les amendements ne sont pas renvoyés pour examen de la recevabilité financière. Sous cette législature, près de 200 000 amendements auront été déposés en séance publique, mais seuls 64 000 d'entre eux ont été renvoyés pour examen de recevabilité et 16 500 déclarés irrecevables. Le taux d'irrecevabilité global sur l'ensemble des amendements s'établit donc à 8 % pour la séance publique. Pour les commissions, nous aurons vu au total un peu plus de 33 000 amendements, mais cela n'est également qu'une partie de l'ensemble des amendements déposés en commission. Les présidents de commission renvoient désormais systématiquement les amendements sur lesquels ils ont un doute.

Déclarer irrecevables plus de 27 000 amendements au cours de la législature donne au contrôle une coloration différente de celle qui était la sienne au temps où ces déclarations d'irrecevabilité ne touchaient que quelques centaines d'amendements. Toutefois, on ne saurait se contenter de déplorer cette croissance peu maîtrisée du nombre d'amendements et ses effets procéduraux sans relever certains éléments positifs.

Tout d'abord, la jurisprudence n'a rien perdu de son intelligibilité et permet de concilier efficacement le respect des exigences constitutionnelles et la volonté de favoriser, dans toute la mesure du possible, l'initiative parlementaire.

En deuxième lieu, alors que le contrôle de la recevabilité est explicitement partagé entre les différents présidents des commissions saisies au fond et le président de la commission des finances sur délégation du Président de l'Assemblée nationale en fonction du stade de la discussion, la pratique de la consultation du président de la commission des finances par ses homologues des autres commissions avant l'examen en commission permet d'éviter les risques de divergences d'appréciation dès la commission et donne aux textes adoptés par les commissions une sorte de brevet de recevabilité financière.

La croissance très significative du nombre d'amendements pour lesquels les présidents des autres commissions ont saisi pour avis le président de la commission des finances sous cette législature mérite d'être relevée, puisque ce sont plus de 13 000 amendements qui ont ainsi été renvoyés par les sept autres commissions permanentes et les commissions spéciales, contre un peu moins de 4 000 tout au long de la précédente législature. Les commissions qui ont peu l'occasion de légiférer, comme la commission de la défense et la commission des affaires étrangères, ont pris l'habitude, comme les autres, de consulter le président de la commission des finances. De façon générale, le sens des avis du président de la commission des finances est suivi par les autres présidents de commission. Ces différents éléments sont autant de facteurs contribuant à une unification harmonieuse de la recevabilité financière, à tous les stades de la procédure parlementaire, unification qui se combine d'ailleurs avec une lecture désormais très largement – à défaut de l'être totalement –convergente à l'Assemblée nationale et au Sénat ; plusieurs réunions se sont tenues en ce sens avec le président de la commission des finances du Sénat. Enfin, les députés qui le souhaitent obtiennent toujours des explications précises et détaillées quant aux raisons de l'irrecevabilité des amendements qu'ils ont déposés. Ils obtiennent une réponse de manière écrite ou orale, et, lorsque je suis consulté, je propose souvent une rédaction qui permet aux amendements déposés de passer le tamis de l'article 40.

J'ai fait le choix de réaménager la structure de ce rapport traditionnel en consacrant désormais une partie entière aux questions de recevabilité qui se posent pour les textes législatifs relatifs aux collectivités territoriales. Compte tenu de la particularité du raisonnement appliqué – notamment grâce à la jurisprudence « bloc », qui permet d'envisager des transferts de charges au sein d'une même catégorie de collectivités –, il m'a semblé utile d'y consacrer des développements plus spécifiques, d'autant que le nombre d'amendements relatifs à ces collectivités fut supérieur au cours de cette législature à ce qu'il était au cours des précédentes. Pour les lois de finances, le rapport s'efforce également d'être plus détaillé et plus précis pour toutes les questions relatives aux amendements de crédits, dans la mesure où de tels amendements ont eu tendance à se multiplier lors de l'actuelle législature.

La règle fondamentale est relativement simple : une charge publique ne peut jamais être compensée, tandis qu'il est possible de gager la perte d'une recette publique par l'augmentation d'une autre recette publique.

Partant de ce principe, je voudrais évoquer quelques exemples d'évolution de la jurisprudence.

S'agissant des investissements engagés par les personnes publiques, tout amendement imposant de nouveaux investissements est a priori coûteux pour les finances publiques, donc irrecevable. Toutefois, adoptant une approche intégrant la contrainte d'amortissement de tout investissement, j'ai considéré que, s'il est toujours contraire à l'article 40 d'imposer à un organisme situé dans le champ de l'article 40 de renouveler la totalité de ses biens matériels en une seule fois, un amendement peut imposer des contraintes nouvelles lors du renouvellement du stock. Ainsi, s'il n'est pas possible de proposer par amendement parlementaire de remplacer une flotte entière de voitures par des voitures électriques, ce qui reviendrait à un remplacement de tout le stock, il est possible par la voie d'un amendement parlementaire de prévoir qu'à l'occasion du renouvellement de la flotte les voitures nouvellement acquises seront électriques. Le raisonnement retenu est le suivant : l'auteur de l'amendement se place sur le terrain d'une sujétion existante – assurer le renouvellement régulier du matériel, sans accélérer ce rythme de replacement –, pas sur le terrain d'une dépense supplémentaire. Une contrainte ne peut être imputée sur le stock mais elle peut l'être sur le flux sans méconnaître les exigences en matière de charge publique. Cela va dans le sens d'une liberté supplémentaire pour les parlementaires.

J'ai également retenu une approche qui privilégie le gage de la perte de recettes pour les amendements proposant une aide au paiement de cotisations sociales. En effet, par ce biais, ces amendements ne sont pas considérés comme devant être compensés par des dotations budgétaires, et ne sont donc pas constitutifs d'une charge. Cela permet d'éviter de limiter l'initiative des parlementaires.

Du côté des recettes publiques, la jurisprudence conduit tout d'abord à considérer que la proposition de modifier les caractéristiques de sanctions financières est toujours recevable. En effet, même si ces sanctions sont des sources de recettes, ce n'est pas leur objet premier : l'objectif est de dissuader les personnes d'adopter les comportements réprimés, et une sanction idéalement efficace, car respectée, ne rapporte rien.

C'est le développement de cette jurisprudence qui m'a permis, par exemple, d'accepter tous les amendements proposant d'assouplir l'obligation, instaurée par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) et faite aux communes, de disposer d'un pourcentage minimum de logements sociaux ou à défaut d'être redevables d'une pénalité. Au regard de la nature de cette pénalité, qui a pour objet sanctionner un comportement et non de procurer des ressources publiques, de tels amendements sont systématiquement recevables sans gage.

L'examen attentif de certaines recettes peut aussi conduire à considérer qu'elles ne sont pas des ressources publiques au sens des exigences constitutionnelles, et échappent donc au contrôle de la recevabilité financière. C'est dans ce cas l'examen au cas par cas de la recette en jeu qui peut permettre ce raisonnement. La redevance pour copie privée, en dépit de sa désignation par le terme de redevance, a été instituée à titre principal pour compenser les pertes de recettes des artistes, producteurs et éditeurs en raison de la reproduction de leurs œuvres sans versement de droits d'auteur. Si une partie des ressources tirées de la redevance pour copie privée finance des actions d'intérêt collectif, comme l'aide à la création, à la diffusion du spectacle vivant ou encore au développement de l'éducation artistique et culturelle, il s'agit d'actions financées uniquement par des ressources privées. Une suppression de cette redevance ou toute autre modification de ses caractéristiques en réduisant le produit ne sont dès lors pas considérées comme devant être gagées.

Je n'entrerai pas davantage dans les détails du rapport qui comprend beaucoup d'exemples, qui est construit comme un outil de travail pour tous ceux, parlementaires, collaborateurs, qui sont conduits au quotidien à « pratiquer l'article 40 ». Une bonne connaissance de la jurisprudence relative aux exigences de l'article 40 de la Constitution est de nature à favoriser le succès des initiatives parlementaires.

Il convient cependant de garder à l'esprit que la recevabilité s'apprécie, texte par texte, au regard du droit en vigueur et du droit proposé. Ainsi, un amendement recevable sur un projet de loi peut très bien ne plus l'être sur un autre projet de loi, soit que le droit en vigueur ait changé entre-temps, soit que la base la plus favorable constituée par le texte déposé ne soit plus la même.

Il faut également se garder de l'illusion que l'on pourrait toujours contourner la difficulté que représente l'irrecevabilité financière. Il existe parfois des solutions pour « recevabiliser » un amendement, mais il faut bien parfois, à l'inverse, constater que ce que l'on souhaiterait proposer ne peut l'être.

C'est d'ailleurs la raison pour laquelle beaucoup de parlementaires ont souhaité ou souhaitent une abrogation de l'article 40 de la Constitution. Je me suis d'ailleurs moi-même prononcé à ce sujet, mais telle n'est pas la question en débat dans ce rapport.

J'appelle également votre attention sur le fait que ce rapport ne traite pas un autre grand motif d'irrecevabilité, souvent confondu avec l'irrecevabilité financière, l'irrecevabilité constatée en application de l'article 45 de la Constitution, qui a pris une importance nouvelle sous cette législature – au point que, par un raccourci rapide, certains confondent ces motifs d'irrecevabilité et m'imputent parfois à tort des décisions d'irrecevabilité relatives aux « cavaliers », qui sont pour le coup des prérogatives des présidents des commissions permanentes compétentes au fond ou, pour la séance, directement du Président de l'Assemblée nationale.

J'ajouterai enfin que ce rapport prend également en considération des éléments nouveaux. En effet, la présente législature a permis de mener à bien une réforme de la LOLF, au mois de décembre dernier, et, plus récemment encore une réforme de la LOLFSS, dont le Conseil constitutionnel est saisi.

La modification de ces deux textes organiques, dont l'entrée en vigueur produira ses effets au cours de la prochaine législature, conduira à des solutions relatives à la recevabilité organique des amendements parfois très différentes de celles qui s'appliquaient jusqu'à présent, comme en ce qui concerne le placement en première ou en seconde partie de la loi de finances des mesures fiscales proposées ou encore pour la création d'un prélèvement sur recettes ou l'affectation d'une recette fiscale, qui seront des mesures relevant du domaine exclusif des lois de finances.

Cette révision de la LOLF entraînera une possibilité d'amender les lois de finances en courant moins de risques d'irrecevabilité, du fait de la plus grande simplicité de la répartition des mesures entre la première et la seconde partie.

Il a semblé utile de faire état de ces évolutions à venir, même si la jurisprudence qu'il conviendra de construire à partir de ces nouveaux textes organiques ne peut pour l'heure qu'être esquissée. Il reviendra au futur président de la commission des finances de le faire.

Dans le cas des questions posées par la LOLFSS, quelques points demeurent en suspens, car le Conseil constitutionnel n'a pas encore rendu sa décision. Comme celle-ci devrait normalement intervenir dans les jours à venir, je vous propose, afin que le rapport soit le plus utile possible dans les années à venir, d'y apporter avant de le publier les quelques compléments qui s'imposeront en fonction de cette décision.

Pardonnez-moi l'aridité du propos, mais le sujet lui-même est aride – en attestent les nombreuses remarques plus ou moins aimables qui m'ont été adressées à l'occasion de l'exercice de mon office de juge de la recevabilité. Ce n'est cependant pas un sujet purement théorique ; il occupe d'ailleurs, en pratique, une part très importante du temps des administrateurs de la commission des finances que je remercie – non pour respecter la coutume ou par une sorte de réflexe mais très sincèrement – pour leur travail extrêmement précis et sérieux, et leurs raisonnements juridiques soigneusement construits. Chacun des 97 000 amendements qui m'ont été renvoyés a ainsi été regardé de manière précise, dans des délais serrés, parfois la nuit ou le week-end.

(Applaudissements.)

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Merci, monsieur le président, pour la présentation de ces deux rapports et cet exposé précis et exhaustif de tous les ressorts et les statistiques liées à la procédure de la recevabilité au titre de l'article 40. Il est important de faire cet exercice de pédagogie et de transparence. Je crois que vous avez démontré pendant ce mandat que vous aviez la droiture nécessaire pour prendre ces décisions, parfois ingrates car mal comprises, mais pourtant nécessaires et respectueuses de notre droit constitutionnel. Vous l'avez fait avec une certaine ouverture d'esprit, qui a été saluée par beaucoup de nos collègues sur tous les bancs. Hors quelques épisodes un peu politiciens, tout s'est ainsi passé dans un climat de compréhension mutuelle et de respect de notre droit d'amendement.

Il faudra à nouveau réfléchir ensemble à la pertinence de l'article 40 en tant que tel. C'est un débat qui peut-être s'ouvrira un jour lors de la prochaine révision constitutionnelle. En attendant, le droit est ce qu'il est, la Constitution en particulier, et il nous faut donc l'appliquer avec rigueur.

S'agissant de notre bilan, force est de constater que nous avons beaucoup travaillé, en premier lieu parce que le programme sur lequel la majorité a été élue en 2017 était ambitieux en matière budgétaire et fiscale. Nous avons donc commencé cette législature par l'examen de textes visant à transformer notre pays, qui nécessitaient beaucoup de débats. Il n'est donc pas étonnant que les premiers projets de loi de finances et de loi de finances rectificative ainsi que le projet de loi de programmation aient suscité des débats nourris et, déjà, de nombreux amendements. D'année en année, de texte en texte, le nombre d'amendements déposés n'a pas cessé de croître, et évidemment, cela ne s'est pas arrêté avec la crise, bien au contraire. Nous avons en effet battu le record du nombre de collectifs budgétaires qu'une commission des finances pouvait examiner en aussi peu de temps. En 2020, nous avons ainsi examiné quatre projets de loi de finances rectificative, avec des enjeux massifs : la mise en œuvre du plan d'urgence, du plan de relance, des aides aux collectivités territoriales, et, la gestion de la crise, qui fait d'ailleurs l'essentiel du travail des commissaires aux finances depuis deux ans. Nous pouvons être fiers, collectivement, du travail effectué. Aucun commissaire aux finances, d'aucun groupe, n'a échappé à ses responsabilités pendant cette période. Nous avons toujours été assidus, présents et nombreux, avec nos convictions respectives. Je voudrais remercier tous les rapporteurs spéciaux, qui ont toujours travaillé avec beaucoup de sérieux et d'abnégation, que ce soit au moment de l'autorisation budgétaire ou dans le cadre du Printemps de l'évaluation. C'est un pari que nous avons pris en début de législature, qui s'est révélé gagnant, et qui a permis aux rapporteurs spéciaux de mieux s'approprier non seulement le contenu des missions et des bleus budgétaires mais aussi cette capacité de contrôle et d'évaluation que nous avons voulu mettre en place. J'ai pris beaucoup de plaisir à travailler avec l'ensemble des rapporteurs spéciaux, qu'ils soient de la majorité ou d'opposition : nous l'avons fait avec beaucoup de sérieux, sans jamais renier nos convictions politiques.

Mon regret serait peut-être que nous n'avons pas suffisamment réussi à intégrer les rapporteurs pour avis à nos travaux, que ce soit dans le cadre du Printemps de l'évaluation ou à l'automne. Il reste difficile de trouver des passerelles entre les rapports spéciaux et les rapports pour avis. Nous aurions davantage intérêt à travailler de concert avec les autres commissions.

Les innovations que nous avons mises en place sont un motif de satisfaction supplémentaire. C'est une législature réussie à la commission des finances de ce point de vue. Pendant la crise, nous avons su agir très vite. Deux nouvelles missions se sont imposées à nous : la mission Plan d'urgence face à la crise sanitaire et la mission Plan de relance. Le président Woerth et moi nous sommes immédiatement proposés de les « co-rapporter », vu leur caractère exceptionnel, devant la commission des finances et à l'extérieur, par exemple devant les différents partenaires comme le comité de suivi et d'évaluation des mesures de soutien aux entreprises présidé par M. Benoît Cœuré. Je crois que cela s'est fait en bonne intelligence, et que cela peut servir de modèle d'un travail transpartisan. Lorsque la situation l'exige, le président et le rapporteur général peuvent travailler main dans la main sur les sujets.

L'autre avancée majeure, c'est le Printemps de l'évaluation, succès qu'il faut maintenant inscrire durablement dans la culture du Parlement. Il faut accélérer ce processus et faire infuser cette culture du Printemps de l'évaluation.

Finalement, ce pourrait être un pari pour la prochaine législature : que les commissaires aux finances se disent d'abord acteurs du Printemps de l'évaluation avant d'être acteurs du projet de loi de finances. C'est culturellement un changement majeur, et c'est dans l'évaluation que nous sommes les plus pertinents, les plus performants. C'est en nous plaçant sur ce plan que nous arriverons à créer de bons réflexes, tels que les contrôles sur pièces et sur place, et à collecter des informations qui nous permettent de mieux légiférer.

Notre dernière innovation, qui n'est pas anecdotique, c'est la modernisation de la loi organique sur les finances publiques. Cela faisait de nombreuses années qu'elle n'avait pas ainsi été retouchée en profondeur – depuis sa création. Ce ne sont pas que des avancées sur le texte mais aussi des avancées pour le Parlement. Au-delà de la nature de l'évaluation, l'instauration d'un débat sur la dette publique, la transformation d'un regard sur la dépense avec notamment la consécration d'une distinction entre la dépense d'investissement et la dépense de fonctionnement, tout cela transformera le travail de la commission des finances dont le regard sur ces questions de bonne et de mauvaise dette gagnera en acuité.

Pour toutes ces raisons, nous pouvons être fiers du travail accompli. Les prochains commissaires aux finances pourront, je l'espère, aborder la seizième législature avec ces nouveautés dans leurs bagages, être toujours plus efficaces dans le contrôle et l'évaluation, et redonner au Parlement le rôle qui doit être le sien.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

J'aimerais partager trois réflexions sur les travaux que nous avons conduits ici depuis cinq ans.

Il faut se féliciter collectivement de l'immense travail accompli au cours des dernières années qui ont été particulièrement éprouvantes. Si l'économie française aujourd'hui se porte bien, c'est en partie grâce au travail qui a été fait par cette commission, à la vigilance des rapporteurs spéciaux et aux commissaires aux finances. Au delà des moments les plus visibles de nos travaux, à savoir les budgets, elle est le lieu d'un vrai travail transpartisan, constructif, notamment dans le cadre des missions d'information et des groupes de travail. Ce travail transpartisan est essentiel à l'évaluation, que vous avez promue, monsieur le président. Beaucoup de progrès ont été faits en la matière mais de substantielles marges de progression demeurent en matière d'évaluation pour nous permettre de faire un travail équivalent à celui d'autres parlements. La question de la répartition du temps entre le budgétaire et l'évaluation se pose.

L'inflation du nombre d'amendements pose effectivement de véritables questions. Qu'en est-il de notre capacité collective à les examiner avec le soin qu'ils méritent ? D'autres parlements disposent de ressources d'expertise plus importantes ; il est essentiel que nous suivions cette voie.

Pour terminer, je remercierai nos collaborateurs de groupe et les administrateurs de la commission des finances, qui accomplissent dans l'ombre, aux côtés des députés, un travail titanesque ; sans eux, un député ne pourrait remplir ses fonctions. Je les remercie à mon tour au nom du groupe La République en marche.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'examen de la recevabilité financière joue un rôle crucial dans la préservation de l'équilibre des finances publiques. Votre rapport souligne que le contrôle de ce principe est assuré dans chacune des deux assemblées du Parlement selon des règles largement communes et qui tendent à s'harmoniser. Concrètement, la recevabilité des propositions de loi est examinée par le Bureau de l'Assemblée nationale, ou par certains de ses membres délégués à cet effet. La recevabilité financière des amendements est, elle, appréciée par le président de chaque commission, pour ceux examinés en commission, et par le Président de l'Assemblée pour ceux déposés en séance publique. Il apparaît donc que l'application de l'article 40 dépend d'autorités variées, même si nous savons que dans les faits, les présidents de commissions et le Président de l'Assemblée peuvent demander conseil au président de la commission des finances. Néanmoins, l'intervention de cette variété d'acteurs peut soulever des interrogations quant à l'hétérogénéité des critères de recevabilité ou d'irrecevabilité d'amendements ou de propositions. Ces critères doivent être les plus objectifs possible, mais comment s'en assurer ?

Par ailleurs, votre rapport met en avant un taux d'irrecevabilité élevé, en constante hausse. Les chiffres, que vous avez rappelés, sont impressionnants. Comment doit-on interpréter cette évolution quantitative ?

Enfin, je vous remercie, monsieur le président, au nom du groupe La République en marche, de la qualité de nos débats au sein de cette commission. Je remercie également l'ensemble des administrateurs, qui ont fait un travail absolument remarquable.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Merci, monsieur le président, pour la présentation de ces deux rapports.

J'aimerais vous remercier, monsieur le président, au nom du groupe Mouvement démocrate et apparentés, ainsi que monsieur le rapporteur général. Notre commission peut s'enorgueillir de la grande qualité de nos travaux durant cette législature, il suffit de lire le rapport d'activité que vous nous proposez d'adopter, monsieur le président, pour s'en convaincre. Je salue également l'ensemble des collègues membres de cette commission, avec qui j'ai eu plaisir à échanger et à débattre. Enfin, je remercie tout le personnel de l'Assemblée, agents et administrateurs, ainsi que les collaborateurs directs et de groupe pour leur accompagnement, leur travail rigoureux et leur disponibilité tout au long de cette législature.

Nous avons beaucoup parlé au cours des derniers mois de la recevabilité encadrée par l'article 45 de la Constitution, reléguant presque au second plan la recevabilité financière, consacrée par l'article 40 de la Constitution. Je me permettrais une petite comparaison en citant un fiscaliste, le regretté Christian Louit, ancien doyen de la faculté d'Aix-en-Provence, qui, disait du code général des impôts : « J'ai mis des mois à le lire, des années à le comprendre et toute une vie pour m'en remettre. » Peut-être faudra-t-il encore quelques mandats au député que je suis pour maîtriser les règles en la matière.

Chers collègues, nous avons la satisfaction d'avoir fait œuvre utile et au mieux pendant ce quinquennat, qui n'a pas été de tout repos.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Au nom du groupe Agir ensemble, je veux, monsieur le président, vous remercier pour ce rapport, extrêmement instructif sur le travail effectué par cette commission depuis le début de la législature. Plus généralement, j'aimerais vous remercier d'avoir présidé avec pragmatisme cette belle commission pendant cinq ans. Vous avez rappelé les innovations importantes apportées au cours de ce mandat aux travaux de la commission, avec le Printemps de l'évaluation, le cycle d'auditions « Au cœur de l'économie », la reprise des travaux de la MILOLF. Cela nous a permis de renforcer le contrôle de l'action gouvernementale, qui est extrêmement important, de renforcer notre connaissance sur des sujets complexes, grâce à des intervenants de très grande qualité, ou encore de permettre un rafraîchissement de la LOLF, qui en avait bien besoin. Je ne doute pas que ces améliorations seront préservées et enrichies lors de la prochaine législature.

Quant à votre rapport sur la recevabilité financière des initiatives parlementaires, il traite d'une question évidemment omniprésente dans notre activité de parlementaire, a fortiori celle des commissaires aux finances. L'appréciation de la recevabilité financière donne parfois lieu à des interrogations, de l'incompréhension, voire de la frustration. Vous avez également rappelé que la révision de la LOLF entraînera des modifications substantielles en matière de recevabilité, notamment s'agissant des articles rattachés, auxquels nous avons fait nos adieux lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2022. Les prochains commissaires aux finances devront apprivoiser ces évolutions.

Je terminerai en remerciant tous les personnels de la commission des finances pour leur professionnalisme et leur disponibilité. Ils nous permettent de travailler dans les meilleures conditions au sein d'une commission qui a encore de beaux jours devant elle.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La discussion portant sur le bilan d'activité de la commission, je souhaiterais évoquer par la même occasion mon propre bilan. Nous avons produit avec M. Mattei des travaux sur l'impôt universel qui auraient mérité selon moi d'être poursuivis. Je suis également rapporteur spécial d'une partie des crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables et d'un nombre important d'opérateurs placés sous la tutelle du ministère de la transition écologique. Je ne peux que regretter qu'aucun amendement que j'ai déposé pour remédier à la curée dont ces opérateurs ont été les victimes n'ait été adopté – quand bien même certains députés de la majorité les considéraient pertinents.

Il est difficile de faire un bilan de notre activité sans aborder la question de la politique néolibérale menée au cours de la présente législature. La majorité et le Gouvernement ont mis l'État au service d'une politique de libre-échange, une politique de l'offre et une politique d'austérité. Je regrette que nous ayons eu peu de matière, y compris dans le cadre des travaux de contrôle et d'évaluation menés dans cette assemblée, pour proposer une contre-expertise des chiffres présentés par le Gouvernement. Pour vous en donner un exemple, nous entendons actuellement que le nombre de créations d'emploi serait élevé : en réalité, les chiffres publiés par l'Institut national des statistiques et des études économiques (INSEE) montrent que sur les 107 000 créations d'emploi constatées durant le quatrième trimestre de l'année 2021, les deux tiers relèvent de l'emploi intérimaire. Nous comptabilisons donc l'intégralité des emplois créés – même ceux pour lesquels le contrat prévoit un temps de travail d'une heure par semaine.

Nous avons pourtant été nombreux à nous rendre chaque année aux rencontres organisées par l'Institut des politiques publiques (IPP), dont les rapports présentent par ailleurs des éléments intéressants concernant la politique de l'emploi et les investissements publics. Si nous acceptons d'y débattre, y compris le président Éric Woerth, les travaux de l'IPP ne font néanmoins pas l'objet de réunions au sein de la commission, ce qui conduit les groupes d'opposition à aborder en quelques minutes leurs conclusions au détour d'une prise de parole.

Nous pouvons tirer des conclusions tout à fait différentes des mêmes chiffres. Elles peuvent alternativement relever de la propagande ou de la vérité, notamment lors d'une campagne présidentielle. En définitive, je regrette que nous n'ayons pas, dans le cadre des auditions organisées par la commission, invité des personnes adoptant un point de vue davantage critique sur les politiques publiques mises en œuvre et les données présentées par le Gouvernement.

L'article 40 de la Constitution corsète le travail parlementaire et j'estime qu'il conviendrait de l'abroger. Je ne prétends pas que le travail sur chaque amendement n'est pas objectif, mais nous ne pouvons ignorer que l'appréciation de la recevabilité financière est liée à la politique menée. De nombreux amendements déposés ont par ailleurs été considérés comme relevant de la catégorie des « cavaliers » et ont donc été déclarés irrecevables, quand bien même cette interprétation pouvait être débattue.

Enfin, j'en viens à la question de la présidence de la commission. Dès 2017, le groupe La France Insoumise avait souligné les difficultés qui résultaient du fait que la présidence revenait à un député membre du groupe Les Républicains, car il n'existe pas de différence idéologique au point de vue économique entre ce dernier et le groupe majoritaire. Cette analyse a été confirmée par les faits et l'évolution de la position du président Éric Woerth au cours de ces derniers mois, qui n'a généralement pas, lors des réunions de commission, tenu un discours fondamentalement différent de celui tenu par le groupe La République en marche – la succession des interventions du président, du rapporteur général, des groupes de la majorité, qui toutes approuvaient la politique menée, avait quelque chose de l'étouffe-chrétien… Si le président Éric Woerth a été un bon animateur des débats, j'estime que sa décision de soutenir le Président de la République aurait dû intervenir plus tôt, ou à l'inverse, pour éviter la situation actuelle, peut-être aurait-il été préférable que cette annonce intervienne après le terme de nos travaux. Il est vrai que si vous aviez démissionné plutôt, monsieur le président, vous n'auriez pu apporter un soutien de président de la commission des finances à la campagne d'Emmanuel Macron. En tout cas, au moins pour une question de principe, vous auriez dû démissionner.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Comme mes collègues, je remercie les administrateurs de la commission des finances, ainsi que l'ensemble des personnels de l'Assemblée nationale, avec qui nous avons toujours d'excellentes relations.

Cette commission aura été l'antichambre d'une politique menée en faveur des riches : celle des baisses d'impôt massives pour les plus fortunés et les grandes entreprises – citons la suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune, l'institution du prélèvement forfaitaire unique, la baisse des impôts de production ou de l'impôt sur les sociétés. N'oublions pas qu'ici s'est forgé le titre donné, à raison, au Président de la République de « Président des riches » mais aussi, en ce qui concerne la majorité, celui de « majorité des riches ». Cette dernière a appliqué de manière zélée la ligne politique fixée par le Président de la République sous la houlette d'un rapporteur général garant de la bonne conduite de la majorité, pour ne pas dire de ses troupes. Aucune alternative n'aura jamais trouvé grâce à vos yeux dans les propositions que nous avons pu formuler, pas même les propositions de consensus. Nous avons trop souvent ressenti de la frustration. J'invite donc à méditer sur la place qui doit être accordée aux oppositions au sein d'une assemblée dont le fonctionnement est démocratique. Vous ne nous avez jamais rien cédé !

Concernant la forme, nous regrettons que les travaux de cette commission aient été tournés vers des sujets plus techniques que réellement politiques. Les auditions permettant de faire vivre les débats économiques ont été trop rares ; je le regrette. Par ailleurs, je souhaiterais dénoncer les conditions d'examen particulièrement dégradées de certains textes. Les délais ont été particulièrement courts pour prendre connaissance de leurs dispositions et déposer des amendements. De la même manière, le temps accordé à leur examen s'est avéré trop réduit pour permettre un véritable débat.

Enfin, je souhaiterais dénoncer l'application de l'article 40 de la Constitution, particulièrement restrictive pour l'initiative parlementaire. Bien souvent, celle-ci a concouru à créer des tensions inutiles et limiter encore un peu plus le rôle politique de notre assemblée. Loin d'attribuer des intentions malveillantes au président de la commission – je rejoins les propos tenus à l'instant par M. Coquerel concernant la manière dont la commission a été présidée –, nous ne souhaitons pas que les modalités d'application de l'article 40 de la Constitution retenues durant cette législature fassent jurisprudence pour l'avenir. Nous proposons à l'inverse une révision de cet article, qui corsète l'ensemble des marges de manœuvre des parlementaires.

Dans ces conditions, nous ne voterons pas favorablement à la publication des deux rapports et nous demandons de nouveau la démission du président de la commission des finances : le groupe Gauche démocrate et républicaine ne participera pas à une autre réunion de la commission tant que cette démission ne sera pas effective. Vous avez choisi, monsieur le président, de changer de famille, et c'est votre droit, mais il faut, pour garantir le bon fonctionnement de notre commission et éviter tout soupçon de connivence, en tirer les conséquences.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Concernant l'application de l'article 40 de la Constitution, seuls certains amendements me sont renvoyés pour avis ; je ne les contrôle pas tous. Le taux d'irrecevabilité des amendements déposés en séance publique s'établit à 8 %. Nous constatons une évolution par rapport à la précédente législature, qui n'est néanmoins pas flagrante. Au stade de l'examen en commission, l'évolution du taux d'irrecevabilité s'explique par le fait que les autres présidents de commission ont renvoyé un nombre bien plus important d'amendements par rapport aux législatures antérieures. L'objectif sous-jacent de ces procédures de renvoi est de garantir une égalité de traitement entre les parlementaires en harmonisant la jurisprudence au sein de l'Assemblée nationale.

Je rejoins M. Coquerel sur la question des données : je pense que le débat nourri par les conclusions formulées par l'Institut des politiques publiques pourrait être importé au sein de la commission des finances. Nous avons essayé de réfléchir à ces sujets à travers l'organisation du cycle d'auditions intitulé « Au cœur de l'économie », nos interlocuteurs nous présentant à ces occasions un commentaire sur la conjoncture économique et des éléments sur un thème défini à l'avance – bien souvent en lien, ces derniers mois, avec la crise sanitaire, plus récemment avec l'inflation et l'énergie. Ces formats sont sans doute encore trop restrictifs et peut-être faudrait-il inviter systématiquement l'IPP lors de la publication de son rapport ou se réunir chaque trimestre pour étudier les différents indicateurs macroéconomiques et les soumettre aux commentaires des commissaires aux finances.

Des réflexions ont été menées, au cours de cette législature, relatives à la constitution au sein de l'Assemblée nationale d'une base de données permettant de mieux rédiger les amendements fiscaux : le bilan est mitigé. L'outil Leximpact a été peu utilisé par les parlementaires. Nous sommes également loin d'avoir constitué une équipe d'évaluation à la disposition des députés, sur le modèle du National Audit Office britannique, comme cela avait pu être évoqué par le passé.

M. Coquerel a également abordé la question des cavaliers législatifs. Je rappelle que ceux-ci relèvent de l'article 45 de la Constitution et non pas de son article 40.

Enfin, concernant la présidence de la commission, je ne pouvais pas annoncer ma décision plusieurs mois avant de l'avoir prise ; on ne se lève pas tout à coup un matin en se disant qu'on va « changer de famille ». Par ailleurs, je n'ai pas fondamentalement changé de famille politique. Faire de la politique nécessite de ne pas s'enfermer dans des cadres intégralement prédéfinis et je pense qu'il faut du courage pour suivre ce principe. Je n'ai jamais été caricatural et j'ai, à l'inverse, toujours été critique vis-à-vis du Gouvernement lorsqu'il fallait l'être.

Monsieur Dufrègne, je n'ai pas retenu une interprétation trop stricte de l'article 40 de la Constitution, bien au contraire. En cas de doute, j'ai toujours retenu une solution favorable à l'auteur de l'amendement. À titre d'exemple, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2022, seuls 9 % des amendements déposés par les membres du groupe La France insoumise ont été déclarés irrecevables au stade de la séance publique, ce qui représente le taux le plus faible par rapport aux autres groupes. Ce résultat s'explique par le travail réalisé par le groupe La France insoumise avec les services de la commission pour comprendre le fonctionnement de l'article 40. Concernant les amendements déposés par les membres du groupe Gauche démocrate et républicaine, ce taux s'élève à 28 %. D'autres groupes enregistrent néanmoins un taux plus important, pouvant s'élever dans certains cas jusqu'à 33 %. J'ajouterai qu'il ne me revient pas de déposer les amendements et que la méconnaissance de l'article 40 de la Constitution ne peut m'être imputée. Ignorer les règles définies par l'article 40 de la Constitution peut également constituer une stratégie politique, tout comme défendre leur remise en cause – je considère pour ma part, comme je l'ai déjà indiqué, que les parlementaires doivent bénéficier d'une plus grande liberté concernant le dépôt de leurs amendements. L'article 40, qui existait déjà sous d'autres formes sous les Républiques précédentes, traduit une forme de méfiance à l'égard des parlementaires, à laquelle nous pouvons opposer le fait que le Gouvernement n'est pas plus crédible que ces derniers pour légiférer. Nous aurions, si l'article 40 de la Constitution ne s'appliquait pas, examiné un encore plus grand nombre d'amendements ; je ne suis en revanche pas certain que la qualité de la loi s'en serait trouvée renforcée. En tout état de cause, nous devons organiser nos travaux en fonction du droit constitutionnel applicable.

En application de l'article 145 du Règlement, la commission autorise la publication du rapport d'activité de la commission des finances ainsi que du rapport sur la recevabilité financière des initiatives parlementaires et la recevabilité organique des amendements à l'Assemblée nationale.

La commission examine ensuite le rapport de la mission flash sur les mécanismes de détaxe en matière de taxe sur la valeur ajoutée (M. Mohamed Laqhila, rapporteur)

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Chers collègues, la mission flash sur la détaxe en matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) dont notre collègue Mohamed Laqhila nous présente les conclusions avait été créée à l'automne 2021.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Notre tourisme et nos commerçants ont été très durement touchés par la crise sanitaire. À l'heure où l'espoir renaît d'un retour à la normale, nous devons étudier tous les moyens de faciliter une prospérité retrouvée pour notre économie en général et pour le tourisme en particulier. À cet égard, la détaxe de TVA est un levier méconnu de rebond et de croissance pour le secteur touristique et les commerçants français. C'est pourquoi, chers collègues, vous m'avez confié une mission flash sur le sujet.

Ce dispositif d'exonération prévu par le droit européen permet aux personnes résidant en dehors de l'Union européenne et y effectuant de courts séjours de bénéficier du remboursement de la TVA sur leurs achats personnels lorsqu'ils en quittent le territoire. Au terme de la dizaine d'auditions que j'ai menée, je suis plus que jamais convaincu de l'utilité de ce mécanisme pour faire de la France un territoire attractif pour les touristes internationaux.

Si des efforts ont été accomplis ces dernières années, je crois cependant qu'il faut aller plus loin. Ce mécanisme est sous-utilisé par les commerçants et les touristes internationaux. Seuls certains secteurs économiques et géographiques en tirent profit. Les petits commerçants sont souvent dissuadés d'en proposer le bénéfice à leurs clients en raison de la complexité des procédures. Par ailleurs, le Brexit constitue une belle opportunité de recourir à la détaxe, puisque les résidents britanniques y sont devenus éligibles. Nos commerçants doivent pouvoir pleinement s'en saisir.

La détaxe de TVA est appliquée dans tous les États membres de l'Union européenne. Toutefois, seules son existence et ses modalités générales de fonctionnement sont définies par le droit européen. Les touristes extra-européens peuvent bénéficier de la détaxe sur leurs seuls achats effectués à des fins strictement personnelles lors d'un séjour touristique de moins de six mois dans l'Union européenne. Dans les faits, les marchandises les plus concernées sont les produits de mode, mais aussi, par ordre décroissant, l'horlogerie, la bijouterie, les matériels informatiques et la parfumerie.

Le touriste doit suivre un certain nombre d'étapes visant à vérifier son éligibilité et à garantir que les marchandises concernées sont bien transportées en dehors de l'Union européenne.

En premier lieu, le client réalise ses achats au sein d'un magasin. Pour qu'il puisse bénéficier de la détaxe, le montant total de ses achats réalisés au sein d'une même enseigne doit dépasser un seuil minimum de 100 euros. Au moment du règlement en caisse, le touriste indique qu'il souhaite bénéficier de la détaxe et demande l'édition d'une facture à son nom. Le commerçant doit alors vérifier l'éligibilité du client, en particulier son statut de non-résident européen, en contrôlant l'original de sa pièce d'identité. Si le client est éligible, le commerçant édite un bordereau de vente à l'exportation par le biais d'un téléservice fourni par les douanes et dénommé « PABLO ». Il renseigne, de manière informatique, diverses informations relatives à l'identité de l'acheteur, au magasin détaillant et aux marchandises achetées. Il précise également le taux et le montant de la TVA applicable à chaque marchandise. Il faut noter que le bordereau ne peut être émis que dans un délai d'un à trois jours suivant la date de l'achat. Le bordereau de détaxe est ensuite signé par le vendeur et l'acheteur, puis remis à ce dernier.

Au moment de sa sortie du territoire français, le touriste doit valider son bordereau sur une borne PABLO, mise à disposition par les services douaniers. La vente n'est définitivement exonérée de TVA que lorsque le vendeur reçoit la confirmation que le bordereau a obtenu le visa douanier électronique. En l'absence de borne ou en cas de problème technique, le touriste doit se présenter au guichet douanier pour un contrôle physique par les agents des douanes. Par ailleurs, les touristes peuvent également faire valider leur bordereau de détaxe dans un autre pays de l'Union européenne.

Le commerçant procède généralement au remboursement de l'acheteur après avoir reçu la confirmation de validation du bordereau via PABLO. Néanmoins, il peut également accorder une détaxe anticipée à l'acheteur ; dans ce cas, une garantie bancaire est généralement prise. Le remboursement du touriste peut être effectué sous différentes formes : par carte, virement bancaire, espèces, chèque ou encore paiement électronique.

Les modèles de détaxe sont au nombre de trois.

Dans un premier modèle, le commerçant pratique lui-même la détaxe. Il doit pour cela utiliser une interface gratuite, fournie par la douane, intitulée « PABLO-I ». Néanmoins, l'utilisation de ce service est relativement faible, puisqu'il représente seulement 7 à 8 % des bordereaux de détaxe émis en 2019. En effet, la détaxe de TVA peut rapidement constituer une charge administrative et logistique très importante pour les commerçants, qui préfèrent en pratique recourir aux services d'un opérateur de détaxe.

C'est le deuxième modèle : le commerçant recourt aux services d'un opérateur, auquel il est lié par contrat. L'opérateur prend alors en charge la quasi-totalité des opérations de détaxe – en dehors du contrôle de l'identité et de l'éligibilité du touriste, qui reste à la charge du commerçant. L'opérateur joue le rôle d'un prestataire de services pour le commerçant, ce qui comporte, pour ce dernier, de nombreux avantages : l'opérateur prend en charge les formalités administratives, ainsi que les mises à niveau informatiques, et assure un suivi des évolutions réglementaires. Ces services sont rémunérés par une commission prélevée par l'opérateur sur le montant de la TVA remboursée à l'acheteur. Ce modèle représente aujourd'hui 80 % du marché de la détaxe en France.

Un troisième modèle est apparu plus récemment. De nouveaux opérateurs de détaxe sont en effet entrés sur le marché et proposent une procédure de détaxe beaucoup plus dématérialisée. Dans ce cadre, l'opérateur joue un rôle d'acheteur-revendeur entre le touriste et le commerçant. Deux ventes se succèdent : un premier achat est réalisé auprès du commerçant, par le touriste mais au nom de l'opérateur de détaxe. Ensuite, par le biais d'une application, le touriste transmet la facture de cet achat à l'opérateur de détaxe, qui émet alors une deuxième facture, par laquelle il revend au touriste la marchandise acquise auprès du commerçant. L'opérateur de détaxe émet également le bordereau de vente à l'exportation qui permettra de justifier la sortie de la marchandise du territoire de l'Union européenne. Cette procédure de double vente présente l'avantage de réduire les formalités administratives pour le commerçant, qui n'a qu'à éditer une facture au nom de l'opérateur de détaxe. Ensuite, l'opérateur agit comme un prestataire de services, cette fois-ci uniquement auprès du touriste étranger. Le recours à une application est également un facteur de simplicité ; néanmoins, il présente aussi des risques de fraude non négligeables, sur lesquels je reviendrai.

Avant d'en venir aux évolutions positives et aux insuffisances du dispositif que j'ai pu constater au cours de cette mission d'information, je souhaiterais insister sur le potentiel de développement de la détaxe, qui pourrait offrir des possibilités intéressantes pour notre tourisme et nos commerçants.

Le recours à la détaxe avait bien progressé avant la crise sanitaire. En 2019, plus de 9 000 commerçants avaient émis un bordereau de détaxe et un total de 5,2 millions de bordereaux avaient été émis, pour un montant de près de 7 milliards d'euros d'achats détaxés. Avec la crise sanitaire, ce chiffre s'est élevé à 1,5 milliard d'euros en 2020, puis 2 milliards en 2021. Malgré les mauvais chiffres enregistrés au cours des deux dernières années en raison de la crise sanitaire, les montants en jeu sont donc élevés.

De plus, pour l'heure, le recours à la détaxe est essentiellement concentré à Paris, à la frontière suisse, sur la Côte d'Azur et dans le Calaisis. De surcroît, même dans ces zones fortement fréquentées par la clientèle touristique internationale, tous les commerçants ne proposent pas la détaxe de TVA, alors même que ce dispositif pourrait leur permettre d'augmenter sensiblement leur chiffre d'affaires. Encore une fois, la détaxe représente donc un gisement de croissance tout à fait intéressant.

En effet, elle constitue un levier d'accroissement de la dépense touristique. Le touriste qui en bénéficie voit automatiquement son pouvoir d'achat augmenter et est ainsi tenté de dépenser immédiatement l'économie réalisée en achetant plus ou plus cher. Cette forme d'effet multiplicateur s'accentue lorsque le touriste obtient le remboursement de la TVA en espèces, en raison des frais de change.

Je rappelle que les touristes venant en France dépensent relativement peu sur notre territoire par rapport à ce qu'on observe dans d'autres pays. Ainsi, si la France est la première destination touristique en nombre de visiteurs, elle n'est que la troisième, derrière les États-Unis et l'Espagne, pour les recettes liées au tourisme. Les choix faits en matière de promotion de la « destination France », presque exclusivement fondés sur la valorisation patrimoniale de notre pays, sont sans doute en partie en cause, mais la complexité du parcours de détaxe est probablement, elle aussi, un facteur important de moindre dépense touristique sur notre territoire.

En outre, le Brexit constitue une chance pour notre commerce, d'autant plus que les touristes britanniques sont présents sur une grande partie du pays et que le Royaume-Uni a décidé de supprimer la détaxe sur son territoire.

Il me paraît donc urgent d'améliorer notre procédure de détaxe afin d'en exploiter le plein potentiel. De réelles avancées ont d'ailleurs été accomplies dans les années récentes.

Tout d'abord, une procédure d'agrément à destination des opérateurs de détaxe est en vigueur depuis le 1er janvier 2018. Les opérateurs de détaxe qui souhaitent exercer leur activité en France doivent désormais être agréés par l'administration des douanes. Cette procédure permet de vérifier la sécurité de leur système informatique, leur solvabilité financière, ainsi que leurs procédures de contrôle interne et d'analyse des risques. L'agrément est valable trois ans. Pendant sa durée de validité, des audits de contrôle peuvent être effectués par l'administration des douanes. Des amendes sont encourues en cas de manquement, ainsi que la suspension, voire le retrait de l'agrément. Selon les informations qui m'ont été communiquées par l'administration, l'institution de cette procédure a conduit plusieurs opérateurs à abandonner leur démarche ou à réorganiser leurs procédures. Je ne peux donc que me réjouir de ce meilleur encadrement des opérateurs.

Ensuite, la procédure de détaxe de TVA a connu plusieurs assouplissements, dans le cadre d'un « plan détaxe » adopté en 2019, qui comprenait trois mesures. Tout d'abord, le délai pendant lequel des achats effectués en France au sein d'un même magasin peuvent bénéficier de la détaxe, qui était d'un jour, a été porté à trois jours. Cette mesure, entrée en vigueur le 1er janvier 2020, offre plus de confort aux touristes internationaux. Ensuite, le seuil minimum d'achat a été abaissé, passant de 175 à 100 euros le 1er janvier 2021. Avant cette date, la France avait le seuil le plus élevé de la zone euro. Cet abaissement améliore notre compétitivité vis-à-vis de nos voisins européens, même si je pense que nous pouvons aller encore plus loin. En Espagne, le seuil minimum d'achat a en effet été supprimé ; en Allemagne, il n'est que de 25 euros. La diminution du seuil profite d'ailleurs aux petits commerçants, chez qui le panier moyen des touristes est moins élevé que dans les grands magasins. Enfin, il était prévu de relever le plafond de remboursement en espèces, qui passerait de 1 000 à 3 000 euros, mais cette mesure n'a pas encore été mise en œuvre. Elle implique, en effet, une modification législative, pour laquelle aucun véhicule n'a jusqu'à présent été trouvé.

En parallèle de ces assouplissements réglementaires, les efforts de l'administration des douanes ont également porté sur l'amélioration des supports informatiques et techniques de la détaxe. En effet, dans le contexte de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, le nombre de bornes PABLO présentes aux différents points de sortie du territoire a été doublé. J'ai néanmoins constaté la persistance de quelques zones blanches, notamment à la Gare de Lyon à Paris, qui constitue pourtant le point de départ de la liaison ferroviaire vers la Suisse.

L'administration des douanes a également apporté des améliorations techniques et ergonomiques au système PABLO. Surtout, la procédure de détaxe est entièrement « dématérialisable » depuis le 1er janvier 2022, puisqu'il est désormais possible de présenter le bordereau de détaxe à la borne PABLO non plus en format papier mais sur un téléphone.

Malgré ces avancées, la procédure de détaxe continue de présenter des difficultés, voire des failles. En premier lieu, les commerçants français ne proposent pas suffisamment le bénéfice de la détaxe de TVA à leurs clients, alors même que le dispositif constitue un levier d'accroissement de leur chiffre d'affaires.

La raison principale réside dans une méconnaissance du dispositif. J'ai été étonné de constater que les réseaux de commerçants, les organisations patronales et les chambres de commerce et d'industrie ne se saisissent pas suffisamment du sujet et ne font pas la promotion du dispositif auprès de leurs adhérents.

Il est vrai que la détaxe peut rapidement entraîner une charge administrative et financière, en particulier pour les petits commerçants. Ceux-ci sont parfois également mal informés et craignent de courir un risque fiscal. L'affiliation à un opérateur de détaxe, malgré son intérêt est, de surcroît, souvent perçue comme coûteuse.

En outre, les touristes internationaux ne recourent pas suffisamment à la détaxe. Selon certains opérateurs de détaxe, le montant des achats ayant donné lieu à détaxe, rapporté au montant total des achats réalisés par des touristes éligibles, se situerait autour de 60 %. Selon ces opérateurs, une progression de 10 à 15 points serait envisageable. Encore une fois, c'est surtout la méconnaissance du dispositif qu'il faut incriminer.

Par ailleurs, la relative complexité de la procédure de détaxe reste dissuasive pour les touristes extra-européens. Les formalités administratives sont nombreuses et parfois difficilement compréhensibles par des étrangers. La question de la fluidité du parcours de détaxe est également essentielle pour les touristes, et les files d'attente aux guichets de détaxe des grands magasins ou aux bornes PABLO peuvent rapidement les décourager d'y recourir.

Enfin, une difficulté importante pour les touristes a été portée à ma connaissance : l'absence de système européen interopérable de détaxe, alors même que 25 % des bordereaux de détaxe émis en France sont visés dans un autre État membre de l'Union européenne. Les formats de bordereaux ne sont pas harmonisés au niveau européen, pas plus que la procédure de visa douanier, ce qui peut engendrer des difficultés considérables pour les touristes. Face à ce constat, les autorités françaises s'étaient engagées, en 2015, dans un groupe de travail européen sur la question, dont les négociations n'ont pas abouti. Le sujet est aujourd'hui de nouveau en discussion au sein de la Commission européenne, et je pense que la présidence française de l'Union européenne constitue une belle occasion de faire avancer cette question.

En dernier lieu, des risques de fraude persistent en matière de détaxe de TVA. Il existe des failles dans la procédure, que l'administration doit mieux prendre en compte et contrôler. Ces failles portent essentiellement sur le modèle de détaxe proposé par les nouveaux opérateurs sur la base d'une double vente.

D'abord, ce mécanisme permet de contourner la réglementation douanière, en regroupant des achats réalisés dans des enseignes différentes, pour des montants parfois inférieurs à 100 euros, et sur une période supérieure au délai de trois jours attaché à l'émission du bordereau de détaxe. Je m'interroge donc sur la pertinence du maintien de cette réglementation douanière.

Ensuite, et c'est là que les risques de fraude sont les plus sensibles, le système de la double vente engendre des difficultés de contrôle pour les services douaniers. En effet, ces contrôles sont essentiellement informatiques, sur la base des données transmises par les commerçants et les opérateurs via le système PABLO. Or, lorsque l'opérateur agit comme acheteur-revendeur entre le commerçant et le touriste, l'administration des douanes n'a pas de visibilité sur la transaction réalisée auprès du premier vendeur, puisque seule la facture éditée par l'opérateur au nom de son client donne lieu à l'émission du bordereau de détaxe. L'identité du commerçant constitue pourtant l'un des éléments des profils de ciblage utilisés pour déclencher leurs contrôles physiques aux points de sortie du territoire.

Par ailleurs, l'absence d'identification de l'enseigne d'origine des achats dans le système PABLO permet potentiellement aux touristes de solliciter le bénéfice de la détaxe auprès de plusieurs opérateurs sur le fondement de la même preuve d'achat, sans que les contrôles douaniers puissent l'empêcher. Cette faille est accentuée par le fait que certains opérateurs, contrairement à la réglementation qui leur impose d'exiger une facture comme preuve d'achat, acceptent d'émettre des bordereaux de vente à l'exportation sur la foi de simples tickets de caisse présentés par leurs clients.

Je tiens à souligner que je suis favorable à toute évolution qui permet de faciliter le recours à la détaxe de TVA chez les touristes internationaux, afin que les commerçants français puissent pleinement tirer profit de l'attractivité touristique de notre territoire. Néanmoins, la volonté de simplifier le parcours de la détaxe ne doit pas conduire à rendre la fraude plus aisée. C'est pourquoi je me réjouis qu'un encadrement plus strict des contrôles d'identité pratiqués par les opérateurs de détaxe soit en voie d'être mis en place par l'administration des douanes.

J'en viens désormais à mes recommandations.

Tout d'abord, il faut améliorer l'information des commerçants et des touristes sur le dispositif de détaxe de la TVA, par le biais de campagnes d'information, en particulier dans les zones fortement fréquentées par les touristes internationaux. Il conviendrait également de mettre en avant, dans la promotion de la « destination France », les possibilités d'achats réalisables lors d'un séjour en France.

Ensuite, je crois fondamental d'alléger et de fluidifier le parcours de détaxe. À ce titre, il faut achever la mise en œuvre du « plan détaxe » en relevant le plafond de remboursement en espèces. Je pense également que nous devrions supprimer, à l'instar de l'Espagne, le seuil minimum d'achat.

La fluidification du parcours de la détaxe implique de meilleures infrastructures. Des bornes PABLO supplémentaires doivent être implantées dans les zones où elles manquent. Surtout, ces bornes PABLO pourraient être modernisées, à l'image de ce qui existe en Espagne ou au Portugal, où le scan du passeport sur la borne permet le rapatriement de l'ensemble des bordereaux de détaxe associés au touriste. Cela permet un gain de temps à l'aéroport, et donc une réduction des files d'attente.

En parallèle, il convient de durcir les contrôles sur les opérateurs et sur les voyageurs. Concernant les opérateurs, les vérifications réalisées pendant la procédure d'agrément doivent être renforcées, notamment sur la fiabilité de leurs procédures et le contrôle des risques de fraude. Une fois l'agrément délivré, les contrôles sur les opérateurs de détaxe doivent être poursuivis.

De plus, afin de garantir l'efficacité des contrôles douaniers informatiques, il serait souhaitable d'intégrer, dans les mentions obligatoires du bordereau de détaxe, l'identité du vendeur initial de la marchandise, ainsi qu'une référence de vente afin d'empêcher l'usage répété d'une même preuve d'achat.

Enfin, une réflexion doit être menée sur l'instauration d'un contrôle des bagages personnels du voyageur au moment de la délivrance du visa douanier, afin de s'assurer que la marchandise détaxée est bien exportée. Un système de puces électroniques ou de scan du code-barres du produit serait peut-être envisageable.

En outre, dans le cadre de cette mission d'information, j'ai été surpris par l'absence d'analyse économique sur l'impact des dispositifs de détaxe et de leurs différentes modalités. Je pense donc que la réalisation d'une telle étude serait souhaitable.

Je crois également urgent d'encourager la création d'un système européen interopérable de détaxe. Les discussions actuelles au sein de la Commission européenne sont une occasion à saisir.

Enfin, je pense souhaitable de réfléchir à une simplification de notre dispositif de détaxe, en proposant aux touristes internationaux la possibilité de bénéficier d'un remboursement direct de la TVA. Ce remboursement serait obtenu après transmission d'une preuve d'achat sur une application créée à cette fin par l'administration des douanes. Une telle évolution du dispositif aurait pour effet de simplifier à la fois les démarches des touristes, de réduire les formalités administratives pour les commerçants et de faciliter les contrôles des douanes sur les transactions détaxées.

Pour conclure, je souhaite remercier toutes les personnes que j'ai entendues dans le cadre de cette mission d'information flash. Elles m'ont apporté de précieux éclairages sur le fonctionnement de la détaxe de TVA en France et ont évoqué de nombreuses pistes d'amélioration possibles afin de faire de la détaxe un levier de la relance du secteur touristique et de la reprise économique pour l'ensemble des commerçants français.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Merci, monsieur le rapporteur, pour votre rapport extrêmement clair et vos propositions sur un sujet assez peu connu, que vous avez défriché. Il s'agit également d'un sujet évolutif, compte tenu des technologies en jeu, avec des enjeux financiers et des enjeux de contrôle importants.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Merci, cher collègue, pour votre rapport. Si la détaxe de TVA est prévue par le droit de l'Union européenne et s'applique dans tous les États membres de l'Union selon des modalités générales communes, sa mise en œuvre diffère dans chacun de ces pays. En effet, chaque État membre peut décider des modalités d'application spécifiques, notamment en ce qui concerne le seuil d'activation du dispositif.

Le mécanisme de détaxe incite les visiteurs étrangers à acheter en France durant leur séjour. Il constitue donc vraiment un facteur de dynamisme économique pour notre tourisme et notre commerce. En 2019, il représentait un montant important de 7 milliards d'euros.

D'après la direction générale des entreprises, si la France est l'une des premières destinations touristiques, elle n'est qu'en troisième position en ce qui concerne les recettes tirées du tourisme, derrière les États-Unis et l'Espagne. Nous avons donc un certain mal à inciter les touristes à effectuer des achats en France. Cela tient peut-être au seuil minimal d'achat requis pour bénéficier d'une détaxe de TVA. Vous indiquez dans votre rapport que le seuil français est l'un des plus élevés de l'Union européenne. Il a été abaissé de 175 euros à 100 euros en 2021, mais il est de 25 euros en Allemagne et nul en Espagne.

S'y ajoute la complexité du parcours de détaxe en France, constitué de plusieurs étapes, ce qui peut facilement décourager les touristes à profiter du dispositif.

Pensez-vous que la mise en place d'un seuil de déclenchement de la détaxe de TVA commun à tous les États membres de l'Union européenne participerait à une augmentation des achats réalisés par les touristes étrangers en France ? Cela pourrait-il être un moteur d'attractivité ?

Enfin, je m'interroge sur la pertinence de créer un système européen de détaxe. Vous l'avez indiqué, la France avait été désignée, en 2015, pour piloter un groupe de travail, dans le cadre du programme de coopération fiscale Fiscalis, afin de développer un système interopérable de détaxe. Toutefois, ces travaux ont été arrêtés. Quelles sont les perspectives ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La détaxe de TVA, sur laquelle notre collègue Mohamed Laqhila a travaillé en un temps record, est un facteur d'attractivité déterminant pour ce qu'il a appelé la « destination France ». Elle représente des achats à hauteur de 6,9 milliards d'euros, principalement concentrés sur les secteurs de la mode, de l'horlogerie, de la bijouterie, de l'informatique, des cosmétiques et des parfums.

J'abonde dans le sens du rapporteur : la détaxe sera un des arguments de la « destination France » dans les prochains mois, lorsque les voyages internationaux seront de nouveaux pleinement possibles et que la situation nous permettra de préparer avec vigueur le retour des touristes internationaux.

Notre collègue rapporteur décrit très bien l'évolution de la détaxe, avec l'apparition de nouveaux opérateurs, qui s'appuient fortement sur les outils numériques et le mécanisme de double vente. Son rapport souligne que la détaxe en France a fait l'objet de plusieurs évolutions réglementaires et techniques depuis quelques années, notamment avec la création d'une obligation d'agrément pour les intermédiaires. Cette certification est suivie d'un audit portant notamment sur la santé financière, les procédures de contrôle interne et la maîtrise des risques de l'opérateur. La procédure de détaxe est également contrôlée, notamment par les méthodes de sécurisation des transactions, à travers la vérification de l'identité du client, ainsi que par les modes de paiement et de remboursement.

Toutefois, le développement du mécanisme de double vente est en lui-même porteur de nombreux risques de fraude. Il permet de contourner assez largement la réglementation douanière, en particulier ce seuil minimum d'achat fixé à 100 euros et le délai de trois jours durant lequel les achats réalisés au sein d'une même enseigne peuvent faire l'objet d'une détaxe de TVA. Est-il possible d'évaluer la proportion de ces fraudes ? Quelles mesures de contrôle peut-on envisager pour mettre fin aux dérives existantes ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La question de la détaxe de TVA est un sujet peu connu. Je le découvre ce matin, alors que le territoire de ma circonscription accueille un lieu particulièrement concerné, Disneyland Paris.

Vous avez indiqué que la détaxe constitue un gisement de croissance intéressant mais insuffisamment exploré ou exploité, et que la procédure de détaxe telle qu'elle existe aujourd'hui est encore trop complexe pour encourager les commerçants à y recourir.

Le seuil minimum d'achat en France a certes été abaissé, mais il demeure supérieur à celui d'autres pays européens où la détaxe est possible dès le premier euro. Il s'agit d'un sujet qui mérite d'être de nouveau mis sur la table. L'harmonisation des procédures à l'échelle européenne permettrait peut-être en outre d'améliorer la visibilité du dispositif.

Existe-t-il un panorama des touristes qui utilisent le plus la détaxe ? Si c'est le cas, peut-être pourrait-on mieux cibler les campagnes d'information à destination de ceux qui l'utilisent le moins.

En ce qui concerne les risques de fraude, avons-nous une idée des montants en jeu ?

Vous nous avez fait part de la présence insuffisante des bornes PABLO sur le territoire français. Quel est le coût d'une borne PABLO ? Est-ce que ce coût explique en partie la présence insuffisante des bornes ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je salue l'excellent rapport de Mohamed Laqhila. J'ai moi-même eu l'occasion de travailler sur la détaxe de TVA, dans le cadre d'une mission que m'avait confié en 2018 le Premier ministre de l'époque, M. Édouard Philippe, visant à développer l'attractivité touristique de la France lors des grands événements sportifs à venir.

À l'époque, le seuil minimal d'achat pour bénéficier de la détaxe était encore de 175 euros. Nous avions envisagé de le supprimer complètement d'ici 2022. Il a finalement été abaissé à 100 euros, c'est une avancée.

Pour répondre à une des questions posées précédemment, je crois me souvenir que les Chinois utilisent beaucoup la détaxe de TVA.

Les travaux parlementaires sur ce sujet se poursuivent. Toutefois, au moment d'établir un bilan de l'activité de notre commission, je constate que nous manquons encore de « lien » entre les différents travaux parlementaires et que des avancées en la matière seraient souhaitables.

En tant que rapporteur spécial des crédits de la mission Sport, jeunesse et vie associative, je me dois d'insister sur l'importance de la Coupe du monde de rugby prévue en France en 2023. Le budget moyen des supporters en déplacement se situe entre 2 200 et 2 700 euros, et atteint même 5 000 euros pour les Japonais. Les Jeux Olympiques auront également lieu en France en 2024. Il faut donc que nous avancions sur les questions liées à la détaxe de TVA.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Cher collègue Labaronne, faut-il un seuil minimum à l'échelle de l'Europe ? Je crois beaucoup plus à la concurrence. Les étrangers qui viennent en France et à Paris, qu'ils soient Américains, Chinois ou Japonais, viennent pour nos monuments. Alors qu'ils visitent l'ensemble des capitales européennes, c'est à Milan, Barcelone ou ailleurs qu'ils font leurs achats. Nous sommes très concurrencés par le Portugal ou l'Espagne. Il faut donc tout mettre en œuvre pour informer les étrangers que la détaxe en France existe, qu'il y a des systèmes qui permettent de détaxer facilement avec de nouveaux opérateurs. Il faut aussi et surtout faire connaître le dispositif à l'ensemble des commerçants.

Les étrangers qui viennent à Paris vont principalement aux galeries Lafayette, ces dernières étant aussi opérateurs. Les petits commerçants, eux, ne savent pas qu'ils peuvent bénéficier de la détaxe, y compris à Aix-en-Provence d'où je viens, où les étrangers achètent des calissons pour des montants qui dépassent largement le seuil de 100 euros. Or toute marchandise qui est exportée peut et doit bénéficier de la détaxe. Encore faut-il qu'il soit facile d'en bénéficier. Aujourd'hui, c'est le cas : avec les nouveaux opérateurs, le commerçant ne prend plus aucun risque. Il suffit que les touristes téléchargent une application et s'adressent aux commerçants pour que la facture soit émise au nom de l'opérateur. Cela leur permet d'acheter sans TVA déduction faite de la commission versée à l'opérateur.

C'est donc sur le terrain de la concurrence avec les autres pays de l'Union européenne que nous devons progresser même s'il faut aussi travailler sur les aspects informatiques du système d'interopérabilité où le bât blesse – par exemple, lorsqu'un étranger achète un produit en France et quitte l'Union européenne à partir de l'Italie ou de l'Espagne.

M. Hammouche a soulevé le sujet de la fraude sur la double vente. Elle existe effectivement : nous avons eu connaissance d'un scandale en Allemagne, d'où l'intérêt d'un meilleur contrôle des douanes. Dès la procédure d'agrément, nécessaire pour agir en France, certains opérateurs ont été écartés. Au-delà de cette procédure d'agrément, le contrôle des douanes doit être continu pour éviter une fraude massive. Il faut pour cela s'assurer que la marchandise a bien quitté le territoire. Je fais une proposition dans mon rapport : on pourrait réfléchir à une puce attachée à la marchandise achetée. De toute évidence, on ne peut pas mobiliser en permanence un douanier pour le vérifier.

Je ne connais pas le coût d'installation des bornes PABLO mais les douanes ont doublé leur nombre. Il existe encore quelques zones blanches, qui sont signalées. Les douanes le savent et devraient y remédier. Quant aux touristes qui utilisent le plus PABLO, les Américains sont nombreux mais les Chinois semblent assez spécialisés en la matière.

En application de l'article 145 du Règlement, la commission autorise la publication du rapport sur les mécanismes de détaxe en matière de taxe sur la valeur ajoutée.

Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 23 février 2022 à 9 heures

Présents. - M. Saïd Ahamada, M. Éric Alauzet, M. Julien Aubert, M. Jean-Noël Barrot, Mme Aude Bono-Vandorme, M. Fabrice Brun, M. Alain Bruneel, Mme Émilie Cariou, M. Francis Chouat, M. Éric Coquerel, M. Olivier Damaisin, M. Benjamin Dirx, M. Jean-Paul Dufrègne, Mme Stella Dupont, M. Romain Grau, M. Brahim Hammouche, M. Alexandre Holroyd, M. Christophe Jerretie, M. François Jolivet, M. Daniel Labaronne, M. Mohamed Laqhila, Mme Patricia Lemoine, M. Patrick Loiseau, Mme Marie-Ange Magne, M. Jean-Paul Mattei, Mme Cendra Motin, Mme Catherine Osson, M. Xavier Paluszkiewicz, Mme Zivka Park, M. Hervé Pellois, Mme Bénédicte Peyrol, M. François Pupponi, Mme Muriel Roques-Etienne, M. Xavier Roseren, M. Laurent Saint-Martin, Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, M. Éric Woerth

Excusés. - M. Damien Abad, Mme Anne-Laure Cattelot, Mme Valéria Faure-Muntian, M. Michel Lauzzana, M. Marc Le Fur, Mme Véronique Louwagie, Mme Christine Pires Beaune, M. Olivier Serva