Concernant l'application de l'article 40 de la Constitution, seuls certains amendements me sont renvoyés pour avis ; je ne les contrôle pas tous. Le taux d'irrecevabilité des amendements déposés en séance publique s'établit à 8 %. Nous constatons une évolution par rapport à la précédente législature, qui n'est néanmoins pas flagrante. Au stade de l'examen en commission, l'évolution du taux d'irrecevabilité s'explique par le fait que les autres présidents de commission ont renvoyé un nombre bien plus important d'amendements par rapport aux législatures antérieures. L'objectif sous-jacent de ces procédures de renvoi est de garantir une égalité de traitement entre les parlementaires en harmonisant la jurisprudence au sein de l'Assemblée nationale.
Je rejoins M. Coquerel sur la question des données : je pense que le débat nourri par les conclusions formulées par l'Institut des politiques publiques pourrait être importé au sein de la commission des finances. Nous avons essayé de réfléchir à ces sujets à travers l'organisation du cycle d'auditions intitulé « Au cœur de l'économie », nos interlocuteurs nous présentant à ces occasions un commentaire sur la conjoncture économique et des éléments sur un thème défini à l'avance – bien souvent en lien, ces derniers mois, avec la crise sanitaire, plus récemment avec l'inflation et l'énergie. Ces formats sont sans doute encore trop restrictifs et peut-être faudrait-il inviter systématiquement l'IPP lors de la publication de son rapport ou se réunir chaque trimestre pour étudier les différents indicateurs macroéconomiques et les soumettre aux commentaires des commissaires aux finances.
Des réflexions ont été menées, au cours de cette législature, relatives à la constitution au sein de l'Assemblée nationale d'une base de données permettant de mieux rédiger les amendements fiscaux : le bilan est mitigé. L'outil Leximpact a été peu utilisé par les parlementaires. Nous sommes également loin d'avoir constitué une équipe d'évaluation à la disposition des députés, sur le modèle du National Audit Office britannique, comme cela avait pu être évoqué par le passé.
M. Coquerel a également abordé la question des cavaliers législatifs. Je rappelle que ceux-ci relèvent de l'article 45 de la Constitution et non pas de son article 40.
Enfin, concernant la présidence de la commission, je ne pouvais pas annoncer ma décision plusieurs mois avant de l'avoir prise ; on ne se lève pas tout à coup un matin en se disant qu'on va « changer de famille ». Par ailleurs, je n'ai pas fondamentalement changé de famille politique. Faire de la politique nécessite de ne pas s'enfermer dans des cadres intégralement prédéfinis et je pense qu'il faut du courage pour suivre ce principe. Je n'ai jamais été caricatural et j'ai, à l'inverse, toujours été critique vis-à-vis du Gouvernement lorsqu'il fallait l'être.
Monsieur Dufrègne, je n'ai pas retenu une interprétation trop stricte de l'article 40 de la Constitution, bien au contraire. En cas de doute, j'ai toujours retenu une solution favorable à l'auteur de l'amendement. À titre d'exemple, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2022, seuls 9 % des amendements déposés par les membres du groupe La France insoumise ont été déclarés irrecevables au stade de la séance publique, ce qui représente le taux le plus faible par rapport aux autres groupes. Ce résultat s'explique par le travail réalisé par le groupe La France insoumise avec les services de la commission pour comprendre le fonctionnement de l'article 40. Concernant les amendements déposés par les membres du groupe Gauche démocrate et républicaine, ce taux s'élève à 28 %. D'autres groupes enregistrent néanmoins un taux plus important, pouvant s'élever dans certains cas jusqu'à 33 %. J'ajouterai qu'il ne me revient pas de déposer les amendements et que la méconnaissance de l'article 40 de la Constitution ne peut m'être imputée. Ignorer les règles définies par l'article 40 de la Constitution peut également constituer une stratégie politique, tout comme défendre leur remise en cause – je considère pour ma part, comme je l'ai déjà indiqué, que les parlementaires doivent bénéficier d'une plus grande liberté concernant le dépôt de leurs amendements. L'article 40, qui existait déjà sous d'autres formes sous les Républiques précédentes, traduit une forme de méfiance à l'égard des parlementaires, à laquelle nous pouvons opposer le fait que le Gouvernement n'est pas plus crédible que ces derniers pour légiférer. Nous aurions, si l'article 40 de la Constitution ne s'appliquait pas, examiné un encore plus grand nombre d'amendements ; je ne suis en revanche pas certain que la qualité de la loi s'en serait trouvée renforcée. En tout état de cause, nous devons organiser nos travaux en fonction du droit constitutionnel applicable.