Merci, monsieur le président, pour la présentation de ces deux rapports et cet exposé précis et exhaustif de tous les ressorts et les statistiques liées à la procédure de la recevabilité au titre de l'article 40. Il est important de faire cet exercice de pédagogie et de transparence. Je crois que vous avez démontré pendant ce mandat que vous aviez la droiture nécessaire pour prendre ces décisions, parfois ingrates car mal comprises, mais pourtant nécessaires et respectueuses de notre droit constitutionnel. Vous l'avez fait avec une certaine ouverture d'esprit, qui a été saluée par beaucoup de nos collègues sur tous les bancs. Hors quelques épisodes un peu politiciens, tout s'est ainsi passé dans un climat de compréhension mutuelle et de respect de notre droit d'amendement.
Il faudra à nouveau réfléchir ensemble à la pertinence de l'article 40 en tant que tel. C'est un débat qui peut-être s'ouvrira un jour lors de la prochaine révision constitutionnelle. En attendant, le droit est ce qu'il est, la Constitution en particulier, et il nous faut donc l'appliquer avec rigueur.
S'agissant de notre bilan, force est de constater que nous avons beaucoup travaillé, en premier lieu parce que le programme sur lequel la majorité a été élue en 2017 était ambitieux en matière budgétaire et fiscale. Nous avons donc commencé cette législature par l'examen de textes visant à transformer notre pays, qui nécessitaient beaucoup de débats. Il n'est donc pas étonnant que les premiers projets de loi de finances et de loi de finances rectificative ainsi que le projet de loi de programmation aient suscité des débats nourris et, déjà, de nombreux amendements. D'année en année, de texte en texte, le nombre d'amendements déposés n'a pas cessé de croître, et évidemment, cela ne s'est pas arrêté avec la crise, bien au contraire. Nous avons en effet battu le record du nombre de collectifs budgétaires qu'une commission des finances pouvait examiner en aussi peu de temps. En 2020, nous avons ainsi examiné quatre projets de loi de finances rectificative, avec des enjeux massifs : la mise en œuvre du plan d'urgence, du plan de relance, des aides aux collectivités territoriales, et, la gestion de la crise, qui fait d'ailleurs l'essentiel du travail des commissaires aux finances depuis deux ans. Nous pouvons être fiers, collectivement, du travail effectué. Aucun commissaire aux finances, d'aucun groupe, n'a échappé à ses responsabilités pendant cette période. Nous avons toujours été assidus, présents et nombreux, avec nos convictions respectives. Je voudrais remercier tous les rapporteurs spéciaux, qui ont toujours travaillé avec beaucoup de sérieux et d'abnégation, que ce soit au moment de l'autorisation budgétaire ou dans le cadre du Printemps de l'évaluation. C'est un pari que nous avons pris en début de législature, qui s'est révélé gagnant, et qui a permis aux rapporteurs spéciaux de mieux s'approprier non seulement le contenu des missions et des bleus budgétaires mais aussi cette capacité de contrôle et d'évaluation que nous avons voulu mettre en place. J'ai pris beaucoup de plaisir à travailler avec l'ensemble des rapporteurs spéciaux, qu'ils soient de la majorité ou d'opposition : nous l'avons fait avec beaucoup de sérieux, sans jamais renier nos convictions politiques.
Mon regret serait peut-être que nous n'avons pas suffisamment réussi à intégrer les rapporteurs pour avis à nos travaux, que ce soit dans le cadre du Printemps de l'évaluation ou à l'automne. Il reste difficile de trouver des passerelles entre les rapports spéciaux et les rapports pour avis. Nous aurions davantage intérêt à travailler de concert avec les autres commissions.
Les innovations que nous avons mises en place sont un motif de satisfaction supplémentaire. C'est une législature réussie à la commission des finances de ce point de vue. Pendant la crise, nous avons su agir très vite. Deux nouvelles missions se sont imposées à nous : la mission Plan d'urgence face à la crise sanitaire et la mission Plan de relance. Le président Woerth et moi nous sommes immédiatement proposés de les « co-rapporter », vu leur caractère exceptionnel, devant la commission des finances et à l'extérieur, par exemple devant les différents partenaires comme le comité de suivi et d'évaluation des mesures de soutien aux entreprises présidé par M. Benoît Cœuré. Je crois que cela s'est fait en bonne intelligence, et que cela peut servir de modèle d'un travail transpartisan. Lorsque la situation l'exige, le président et le rapporteur général peuvent travailler main dans la main sur les sujets.
L'autre avancée majeure, c'est le Printemps de l'évaluation, succès qu'il faut maintenant inscrire durablement dans la culture du Parlement. Il faut accélérer ce processus et faire infuser cette culture du Printemps de l'évaluation.
Finalement, ce pourrait être un pari pour la prochaine législature : que les commissaires aux finances se disent d'abord acteurs du Printemps de l'évaluation avant d'être acteurs du projet de loi de finances. C'est culturellement un changement majeur, et c'est dans l'évaluation que nous sommes les plus pertinents, les plus performants. C'est en nous plaçant sur ce plan que nous arriverons à créer de bons réflexes, tels que les contrôles sur pièces et sur place, et à collecter des informations qui nous permettent de mieux légiférer.
Notre dernière innovation, qui n'est pas anecdotique, c'est la modernisation de la loi organique sur les finances publiques. Cela faisait de nombreuses années qu'elle n'avait pas ainsi été retouchée en profondeur – depuis sa création. Ce ne sont pas que des avancées sur le texte mais aussi des avancées pour le Parlement. Au-delà de la nature de l'évaluation, l'instauration d'un débat sur la dette publique, la transformation d'un regard sur la dépense avec notamment la consécration d'une distinction entre la dépense d'investissement et la dépense de fonctionnement, tout cela transformera le travail de la commission des finances dont le regard sur ces questions de bonne et de mauvaise dette gagnera en acuité.
Pour toutes ces raisons, nous pouvons être fiers du travail accompli. Les prochains commissaires aux finances pourront, je l'espère, aborder la seizième législature avec ces nouveautés dans leurs bagages, être toujours plus efficaces dans le contrôle et l'évaluation, et redonner au Parlement le rôle qui doit être le sien.