Le ressort de la cour d'appel de Versailles couvre les départements de l'Eure-et-Loir, des Hauts-de-Seine, du Val-d'Oise et des Yvelines. Les tribunaux judiciaires de Nanterre, Versailles et Pontoise font partie des douze plus importants que compte notre pays ; celui de Chartres est au cinquante-deuxième rang.
Il y a sept établissements pénitentiaires dans le ressort. Lorsque j'ai pris mon poste, j'ai été frappé par l'ampleur de la surpopulation carcérale, qui peut atteindre ponctuellement 190 %. Ce taux était compris entre 117 % et 123 % à Lyon-Corbas lorsque j'exerçais mes précédentes fonctions.
À partir du 15 mars, il a fallu articuler par visioconférence les plans de continuation d'activité avec le premier président de la cour d'appel – j'insiste sur l'importance de la dyarchie des chefs de cour –, les chefs de juridiction et les directeurs de greffe. Ma réflexion a ensuite porté sur l'encadrement propre à prévenir des incohérences et à faciliter le plus possible l'action des procureurs de la République, alors que les plans de continuité d'activité mobilisent physiquement un sixième des magistrats du parquet seulement. J'ai posé le principe d'un entretien téléphonique très régulier avec chacun des procureurs ; la synthèse et de brèves notes, écrites en lien avec le premier président de la cour d'appel, sont immédiatement diffusées.
Dans la crise sanitaire, notre principale préoccupation a été la surpopulation carcérale. En janvier et en février, nous avons été très mobilisés par la préparation de l'entrée en vigueur des dispositions réformant le droit des peines de la loi de programmation pour la justice du 23 mars 2019 ; mi-mars, nous avons craint une explosion dans les établissements. Cela m'a conduit, dès le lendemain du discours du Président de la République, à appeler formellement les procureurs de la République du ressort à juguler la surpopulation carcérale en différant les placements sous écrou non urgents, en anticipant la mise en œuvre de la réforme du droit des peines et en différant les enquêtes préliminaires qui pouvaient l'être. Je les invitais aussi à procéder au cas par cas, en restant vigilants face aux faits de criminalité organisée et aux atteintes aux personnes, notamment en cas de proximité entre l'auteur et sa victime.
L'autre champ d'action a concerné la détention provisoire et la flambée des demandes de mise en liberté. Le 19 mars, j'ai demandé aux procureurs de la République de réexaminer les situations et de réserver la détention provisoire aux cas les plus graves. Le premier président de la cour d'appel a relayé ces propos aux présidents de tribunal. Le 24 mars, date de l'entrée en vigueur de la réforme du droit des peines, j'ai appelé à en appliquer scrupuleusement les principes.
Mes échanges suivis avec les parquets me permettent de donner de la cohérence à l'action pénale, d'évoquer les problématiques juridiques nées de l'état d'urgence sanitaire, et de vérifier la politique d'exécution et d'application des peines. Pour la réduction de peine exceptionnelle prévue dans l'ordonnance n° 2020‑303 du 25 mars 2020, mon approche a été plus souple que celle que préconise la circulaire du 26 mars : j'ai invité les procureurs à répondre favorablement aux demandes des juges de l'application des peines (JAP), et je les ai incités au dialogue.
Les indicateurs de la délinquance font actuellement défaut, c'est regrettable. La diminution du nombre de gardes à vue et de défèrements atteindrait 50 à 60 % depuis le début du confinement, malgré une reprise ces dernières semaines. Les contentieux significatifs sont les violences familiales, avec plus d'interventions et moins de plaintes. On note un certain nombre de violations du confinement ainsi qu'un frémissement dans les chiffres du trafic de stupéfiants et des vols avec violence.
Dans les établissements pénitentiaires, la pression a diminué. Les refus de réintégration des cellules, les 17 et 18 mars, avaient alertés sur l'urgence d'appliquer une politique différenciée. Dans le ressort de Versailles, le taux d'occupation est passé de 157 % à 123 % entre le 16 mars et le 14 avril. La tendance est bonne, la situation globalement maîtrisée.
Les demandes de mise en liberté directe et les appels sur les décisions relatives à la détention provisoire ont doublé au début de l'état d'urgence ; ils ont triplé désormais. La tension est forte et l'allongement des délais de jugement est bienvenu. Nous devons créer des outils de pilotage avec les directions de greffe pour adapter le fonctionnement des chambres de l'instruction.
Nous n'avons pas été parfaits. Mais j'ai une opinion plutôt favorable de ce qui a été fait, de la responsabilité des parquets, de l'ensemble des tribunaux judiciaires et des agents du greffe. Surtout, j'ai constaté de véritables politiques de juridiction entre services d'exécution et d'application des peines, permettant une prévisibilité de l'action judiciaire. Elle ne dépend pas du parquet, qui n'est rien s'il n'est pas suivi par les magistrats du siège.
Enfin, je tiens à souligner la qualité des échanges avec nos interlocuteurs institutionnels, notamment la direction interrégionale des services pénitentiaires.