Intervention de Cécile Dangles

Réunion du jeudi 16 avril 2020 à 14h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Cécile Dangles, première vice-présidente chargée de l'application des peines au tribunal judiciaire de Lille :

S'agissant des réductions de peine supplémentaires, nous appliquons la loi sans poser de question. Il y a toutefois une part d'individualisation. Certaines personnes n'ont pas voulu bénéficier de ces mesures parce qu'elles étaient dépourvues de domicile. C'est inquiétant, d'autant que ce n'est pas exceptionnel. C'est faute de pouvoir assurer leur suivi que nous n'avons pas libéré certains détenus. Nos décisions engagent notre responsabilité : nous vivons dans le même monde que vous, nous croisons les mêmes personnes. Ces réductions de peine produiront probablement leurs effets quand nous aurons fini de les traiter.

Ma disponibilité traduit ma conception du service public. Je suis d'accord, surtout en tant que femme, avec le fait que certains délits comme les violences conjugales puissent être exclus des réductions de peine exceptionnelles. En tant que juge de l'application des peines, je vois bien que l'on n'apporte pas suffisamment de nuances. L'être humain est plus compliqué que « violent un jour, violent toujours ». On aurait pu nous laisser faire notre travail d'évaluation des situations, par exemple pour éviter des retours au domicile où les violences étaient commises.

L'idée d'une clause de revoyure m'a été soufflée par votre collègue députée du Nord, Mme Florence Morlighem, au cours de la visite d'un établissement de mon ressort dont elle est sortie choquée. L'Association nationale des juges de l'application des peines a signé une tribune avec elle pour faire cette proposition. C'est la preuve que nos rôles se complètent !

Nous commençons à concevoir l'après-crise ; je crains que nous n'en soyons qu'au début des contaminations en milieu carcéral. La loi du 23 mars 2019 fournit des outils très intéressants. La nouvelle échelle des peines place la détention au dernier échelon et propose des adaptations ; nous y sommes attachés, bien que son application ait un peu déçu.

Pour utiliser ces outils, il faut restaurer la situation et prendre ensuite de bonnes habitudes. Restaurer la situation, c'est l'amnistie ; c'est votre responsabilité car ce choix ne peut relever des juges et il doit être fait à l'échelle nationale. Les bonnes habitudes, ce sont des mécanismes de régulation carcérale et de travail avec les procureurs de la République. M. le procureur général et moi-même avons finalement des points de vue proches, avec quelques désaccords qui n'empêchent pas de travailler ensemble.

Aujourd'hui paraît Libre cours : face au confinement, quelle éthique pour un procureur. M. Éric Maurel, procureur de la République de Nîmes, y estime qu'il faudrait être inconscient pour croire à l'efficacité sociale et individuelle des courtes peines d'emprisonnement. Il préconise une réflexion entre magistrats du siège et du parquet pour appliquer tout le spectre des mesures dont nous disposons.

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