Intervention de Christian Saint-Palais

Réunion du jeudi 16 avril 2020 à 14h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Christian Saint-Palais, avocat au barreau de Paris, président de l'association des avocats pénalistes :

Les magistrats et les avocats communiquent de manière régulière, notamment au sujet de l'organisation des audiences – certaines sont d'ailleurs maintenues, à la fin du mois d'avril par exemple. Les grandes salles des tribunaux devraient permettre d'organiser les procès dans le respect des gestes barrière ; l'usage de masques et de gants de protection garantirait également des conditions sanitaires adéquates. Nous avons en tête les contraintes de fonctionnement de la justice dans des conditions de qualité et de respect des droits de la défense. Chacun des acteurs de la chaîne pénale se préoccupe de permettre la reprise des audiences le plus vite possible. En tant qu'avocats, nous sommes à l'écoute des attentes de nos clients, qui souhaitent légitimement que leur procès se déroule au plus vite.

La prise en compte à l'avenir des risques révélés par cette crise est également l'une de nos préoccupations. Nous donnons l'alerte depuis des années sur la surpopulation carcérale. La crise nous montre à quel point doit évoluer la réalité à laquelle nous étions habitués.

Le secret professionnel, qui n'a pas toujours été protégé par la loi comme il aurait dû l'être, est essentiel à notre travail. Nous ne nous rendons en garde à vue ou en prison que s'il est garanti. C'est normalement le cas des entretiens et des conversations téléphoniques que nous avons avec nos clients incarcérés. Or, la loi actuelle permet d'écouter les conversations entre une personne mise en examen et son avocat. Le respect du secret professionnel implique, selon moi, que l'on garantisse la parfaite confidentialité de toute conversation entre un justiciable, détenu ou libre, et son avocat. La crise actuelle pourrait être un levier pour y parvenir.

On a voulu instaurer la communication téléphonique entre le gardé à vue et son avocat. Certains officiers de police judiciaire s'y sont opposés en indiquant, certainement avec l'accord du parquet, qu'ils ne pouvaient pas savoir qui était au bout du fil. Cette objection n'est d'ailleurs pas inexacte. Aussi, la crise actuelle, qui nous montre que le téléphone peut être un pis-aller nécessaire, pourrait-elle permettre de recenser une liste de lignes d'avocats, lignes qui ne pourraient jamais être placées sur écoute sans avis au bâtonnier. C'est ce qui existe dans certains pays étrangers où, dès lors qu'une personne appelle un numéro affecté à un avocat, l'écoute dont il fait l'objet s'interrompt.

Comme vous le voyez, le respect du secret professionnel est un vaste chantier, qui dépend de la configuration des lieux et de l'état d'esprit des magistrats. À Paris, alors qu'il y a eu beaucoup de discussions entre le bâtonnier, les représentants ordinaux, le président du tribunal judiciaire et le procureur de la République pour assurer la qualité des comparutions immédiates, nous avons eu l'impression que certains magistrats n'étaient pas préoccupés par la question et nous offraient des lieux inadaptés. Si on préserve le secret professionnel partout, alors chacun saura qu'il faut en garantir les conditions.

Quant à l'attestation sur laquelle j'ai été interrogé, je vous renvoie à la note du 6 avril 2020 du directeur de l'administration pénitentiaire adressée à tous les directeurs interrégionaux de services pénitentiaires où il est indiqué que, pour permettre l'accès des avocats aux établissements dans le respect le plus strict des mesures de sécurité, ils devront attester sur l'honneur ne présenter aucun des signes cliniques du Covid-19 et ne pas être, ni avoir été, en contact étroit avec une personne malade ou présentant de tels symptômes. Certes, tous les centres ne demandent pas cette attestation, mais beaucoup néanmoins le font.

S'agissant enfin du sort des mineurs, ce qui nous inquiète est que la législation ait, là aussi, minoré la spécificité attachée à leur traitement pénal. Vous avez vu que l'allongement des délais prévu dans l'ordonnance du 25 mars dernier aligne le sort des mineurs sur celui des majeurs. Nous sommes également préoccupés du soutien qui sera apporté à ces mineurs.

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