Intervention de Stéphane Peu

Réunion du mercredi 6 mai 2020 à 12h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Peu :

Lorsque nous avons discuté et voté le projet de loi instituant l'état d'urgence, le 23 mars, le pays était dans un état de sidération. Deux mois plus tard, nous avons un peu plus de recul et nous pensons qu'il aurait été important de faire un bilan de l'état d'urgence avant de le proroger.

Les membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine ont la conviction que l'état d'urgence, qui a consisté à concentrer les pouvoirs dans les mains de l'exécutif et à mettre la démocratie sous cloche, a été contre-productif. Il n'est pas surprenant que la France soit le pays d'Europe où le peuple a le moins confiance dans ses dirigeants pour mener la lutte contre le Covid-19. Le professeur Jean-François Delfraissy et la communauté médicale ont bien montré que la lutte contre le Covid-19, pour être efficace, nécessite l'adhésion et la confiance de la population. On peut se demander si l'état d'urgence, et toutes les décisions autoritaires et antidémocratiques qui l'accompagnent, n'est pas pour une part responsable de cette défiance.

Au moment où l'on nous demande de prolonger l'état d'urgence de deux mois, nous entrons dans une période de déconfinement qui se traduit par une déresponsabilisation du pouvoir exécutif, qui se décharge sur les chefs d'entreprise, les maires et les directeurs d'école. C'est paradoxal ! On demande la concentration des pouvoirs dans les mains du Gouvernement au moment même où celui-ci reporte ses responsabilités vers une multitude d'autorités économiques et politiques à travers le pays.

Madame la rapporteure, il n'y a pas d'équivalence entre confinement et état d'urgence. Le confinement a été instauré le 15 mars : cela prouve bien que nous n'avions pas besoin de l'état d'urgence pour en décider. Je remarque que dans son discours annonçant le confinement, le Président de la République a fait référence à la solidarité nationale, au civisme et à la responsabilité de tous les Français. Après le 23 mars, il a prononcé un discours martial et il a parlé d'une guerre : cela a changé la philosophie de la lutte contre le Covid-19 ! Le président allemand, M. Frank-Walter Steinmeier, a répondu à Emmanuel Macron que la lutte contre le Covid-19 n'était pas une guerre, mais un test d'humanité. Ces différences expliquent peut-être les résultats différents obtenus par nos deux pays dans la lutte contre la pandémie, et l'état de confiance de leurs populations !

La Représentation nationale aurait été en droit de demander un bilan de ces deux mois. Pour retrouver la confiance des Français, pour lutter contre la pandémie, ce n'est pas de l'état d'urgence dont nous avons besoin, mais de plus de démocratie. Il faut restaurer le débat et la décision partagée, qui sont le propre de la démocratie.

Pour conclure, je citerai le général de Gaulle, ce qui fera plaisir à certains d'entre vous (« Ah ! » parmi les députés du groupe Les Républicains). Dans ses Mémoires de guerre, il se félicitait que l'Assemblée nationale ait pu, tout au long de la guerre de 1914-18, contrôler et évaluer l'action du Gouvernement. Il concluait que cela n'avait pas pesé pour rien dans la victoire de la France. La démocratie n'est pas l'ennemie de l'efficacité. Confiner la démocratie, c'est perdre la confiance des Français. Et sans leur confiance, nous ne gagnerons pas contre le Covid-19.

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