La proposition de loi que je présente vise les auteurs d'infractions terroristes. Depuis plusieurs années, notre pays est durement touché par des attentats, qui nous ont profondément endeuillés : à Paris, Trèbes ou Nice, mais également en prison, notamment à Condé-sur-Sarthe. Pour faire face à cette menace, la législation s'est considérablement renforcée. En 2017, notre majorité a adopté la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, dite loi SILT, qui a créé les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (MICAS). La loi prévoit un contrôle parlementaire renforcé, que j'exerce avec Raphaël Gauvain, rapporteur de ladite loi, pour le groupe La République en Marche, et Éric Ciotti, représentant le principal groupe d'opposition. Nous avons mené des auditions, nous sommes destinataires de tous les actes pris en vertu de la loi – notamment les MICAS anonymisées, dont nous pouvons contrôler la motivation – et nous avons réalisé des déplacements. Ainsi, nous avons pu observer les dispositifs de prise en charge des détenus radicalisés à Fleury-Mérogis.
En outre, en tant que présidente de la commission des Lois, je suis membre de droit de la délégation parlementaire au renseignement, qui auditionne les acteurs de la lutte contre le terrorisme, notamment le coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme (CNRLT) et le directeur général de la sécurité intérieure (DGSI). Dans le cadre de ces fonctions, j'ai effectué des travaux sur la radicalisation, l'antiterrorisme et le renseignement pénitentiaire.
Enfin, vous le savez, je porte une attention particulière aux sujets liés à la détention. J'ai effectué de nombreuses visites en prison depuis trois ans – tout comme vous. Notre attention est attirée par tous les acteurs sur le risque important que nous font courir les sortants de prison condamnés pour terrorisme. En février 2020, lors d'une audition, M. Jean-François Ricard, procureur de la République antiterroriste, a déclaré : « C'est plus qu'une inquiétude pour nous, c'est une vraie peur. Vont être remis en liberté des individus extrêmement dangereux, aux convictions intactes ». Lors d'une audition liée à l'examen de la présente proposition de loi, il indiquait : « Nous affirmons que ce suivi des détenus, et le suivi des sortants, est devenu la première de nos priorités ». M. François Molins, procureur général auprès de la Cour de cassation, estimait que nous courrions un risque majeur à laisser sortir des gens non repentis, voire encore plus endurcis compte tenu de leur séjour en prison.
Face à ce risque, qu'avons-nous fait ? Nous avons renforcé les moyens des services de renseignement et avons instauré un chef de filât à la DGSI dans la lutte antiterroriste. Mais nous manquons d'instruments judiciaires. Certes, il en existe, mais leur accumulation crée un trompe-l'œil car les dispositions durcissant la législation antiterroriste ont rendu inapplicables certaines mesures de suivi judiciaire. Nous avons donc besoin d'un dispositif ad hoc de sûreté, objet de la proposition de loi.
Tous les parlementaires chargés de ces contrôles ont abouti à la même conclusion que Raphaël Gauvain et moi-même : Éric Ciotti a également déposé une proposition de loi, différente de la nôtre, mais qui poursuit le même objectif – renforcer le suivi judiciaire des personnes concernées. Au Sénat, mon homologue, Philippe Bas, et les sénateurs chargés du contrôle de la loi SILT, ont également déposé une proposition de loi proche de celle que je vous présente.
Les dispositions dont nous allons débattre émanent donc du Parlement, sont assez largement partagées par les deux assemblées et dépassent les clivages politiques. Avec Raphaël Gauvain, nous avons construit un dispositif qui remet le juge et le contradictoire au centre de la procédure. Nous avons sollicité l'avis du Conseil d'État car nous savons que la frontière entre les mesures de sûreté et les peines est ténue. L'enjeu est important puisqu'il conditionne l'applicabilité immédiate du dispositif.
Le Conseil d'État a confirmé que l'architecture de la proposition de loi autorise une application dès sa promulgation. C'est essentiel afin de protéger nos concitoyens du risque que certains de ces détenus feront courir à notre société lorsqu'ils seront libérés. Les amendements que je vous présenterai reprennent la quasi-totalité des préconisations du Conseil d'État, afin d'assurer la sécurité juridique du dispositif.