Intervention de Éric Diard

Réunion du mercredi 17 juin 2020 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Diard :

Au 30 mars 2020, 534 personnes étaient condamnées et détenues pour actes terroristes en lien avec la mouvance islamiste, dont 42 doivent être libérées en 2020, 64 en 2021 et 47 en 2022, soit 153 libérations au cours des trois prochaines années. Nous savions tous qu'elles allaient, tôt ou tard, être libérées, mais tout le monde a fait comme si elles n'allaient jamais sortir, comme si la menace qu'elles représentent allait disparaître.

Pourtant, loin d'apaiser la violence et la radicalité des détenus, la prison les enferme souvent dans leur extrémisme. La radicalisation en prison est un fait documenté – le Conseil d'État le souligne à la page 5 de son avis. À titre d'exemple, Michaël Chiolo à la prison de Condé-sur-Sarthe, Mohamed Merah, Amedy Coulibaly, Chérif Chekatt, Mehdi Nemmouche – auteur de l'attentat au Musée juif de Bruxelles –, tous ces individus se sont radicalisés en prison. Dans une interview, François Molins confirmait que le milieu carcéral est un incubateur des radicalisations et du terrorisme.

Les magistrats prennent en compte la menace particulière que représente la sortie des détenus pour faits de terrorisme. Ainsi, Marc Trévidic, ancien juge antiterroriste et président de la cour d'appel de Versailles, estime qu'après leur libération, le risque de récidive de ces détenus terroristes est très élevé, d'autant que l'idéologie en question est toujours vivace. Il les compare à des criminels ou des violeurs en série.

Adel Kermiche, auteur de l'attentat du 26 juillet 2016 à Saint-Étienne-du-Rouvray, avait aidé des mineurs à partir en Syrie. Il avait été placé sous contrôle judiciaire et puis fiché « S » avant d'être arrêté, incarcéré puis relâché. De même, l'auteur du récent attentat au couteau à Londres, qui a fait deux morts, avait été condamné en 2012 à seize ans de prison pour préparation d'actes terroristes, libéré en 2018 et placé sous contrôle judiciaire. Ces deux exemples illustrent à quel point les mesures de contrôle judiciaire peuvent être insuffisantes face à la dangerosité de détenus radicalisés ou terroristes.

La proposition de loi, comme tous les dispositifs permettant d'accentuer la lutte contre le terrorisme qui menace notre société, va dans le bon sens. Mais nous regrettons qu'elle n'aille pas assez loin. Nous serons donc attentifs à son évolution lors de l'examen en commission et en séance. Nous ne devons pas perdre de temps en adoptant une proposition de loi inefficace. Ainsi, certaines dispositions semblent incongrues, comme celle prévue à l'alinéa 14 de l'article unique, qui consiste à placer les détenus pour terrorisme sous bracelet électronique lors de leur libération « sous réserve de leur accord », pour faire suite à la recommandation du Conseil d'État.

En outre, vous occultez le cas des détenus de droit commun radicalisés. Ils seraient environ mille selon l'administration pénitentiaire, mille sept cents selon les syndicats. Le milieu carcéral est un incubateur de radicalisation et de développement du terrorisme. La menace est grave. Notre groupe souhaite que les dispositifs proposés soient étendus aux détenus de droit commun dont la radicalisation entraîne des risques importants de récidive ou de passage à l'acte lors de leur sortie de prison. Il souhaite également instaurer une mesure de rétention de sûreté pour les auteurs d'infractions terroristes visés par la présente proposition de loi, afin de prendre la pleine mesure de leur dangerosité.

Certes, la mesure ne pourra être rétroactive et ne sera donc applicable qu'aux personnes ayant commis des actes en lien avec le terrorisme après la promulgation de la loi. Mais ce n'est pas une raison pour se priver, à l'avenir, d'un dispositif efficace et respectueux du droit.

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