Je souhaite en effet, monsieur Matras, que votre proposition de loi, qui fait suite au rapport que vous avait commandé Gérard Collomb, et à laquelle je suis favorable, soit inscrite le plus rapidement possible à l'ordre du jour. Les sapeurs-pompiers doivent être rassurés sur leur avenir. Nous devons sauvegarder notre système de volontariat et sécuriser la vie des sapeurs-pompiers.
Monsieur Viala, la prime aux « nuiteux » concernera 21 300 agents et devra se traduire, en moyenne, par une augmentation de 108 euros – cela pourra varier en fonction du cycle horaire, qui n'est pas le même à la préfecture de police de Paris et dans le reste du territoire national. Nous aurons des discussions avec les syndicats de police, qui réclamaient de longue date cette mesure. Les crédits de 10 millions sont déjà inscrits dans le projet de loi de finances pour 2021.
J'ai signé le décret revalorisant la prime de feu, qui est la conséquence du travail accompli par mon prédécesseur après sept mois de conflit social avec les pompiers. L'Assemblée des départements de France et les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) souhaitent bénéficier d'une compensation intégrale du financement de la revalorisation de la prime de feu, ce à quoi je ne peux être favorable – je crois que les syndicats de pompiers le comprennent. Les SDIS sont librement administrés par les collectivités locales, conformément à l'article 72 de la Constitution. De plus, tous les départements ne connaissent pas les mêmes difficultés financières. Ils seront sans doute soumis à une forte pression, à quelques semaines des élections départementales, mais la liberté d'administration ne consiste pas à socialiser les risques et à individualiser les gains. J'ai proposé qu'en contrepartie de la suppression des parts salariales et patronale de la surcotisation versée à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) par les sapeurs-pompiers et les SDIS, les collectivités locales décident, par délibération, de financer la revalorisation de la prime de feu. Nous devrons avoir cette discussion collectivement, avec la CNRACL, qui accuse un déficit de 9 milliards. Cette mesure, que j'ai soumise à l'arbitrage du Premier ministre, se défend, car les autres bénéficiaires des prestations de la CNRACL ne sont évidemment pas soumis à la surcotisation. Je crois que le président de l'Association des départements de France Dominique Bussereau serait favorable à cet accord, qui apporterait aux sapeurs pompiers un pouvoir d'achat supplémentaire et aiderait les SDIS à payer la prime de feu.
Je reviendrai en septembre sur la doctrine du maintien de l'ordre, à l'occasion de la présentation du nouveau schéma, qui était en préparation lorsque j'ai pris mes fonctions. J'ai lu avec intérêt la décision-cadre du Défenseur des droits, à qui j'ai parlé dès le lendemain de ma prise de fonctions. Les violences commises dans certaines manifestations, même s'il n'est pas question de caricaturer, sont très choquantes pour les Français, les forces de l'ordre et les manifestants, lesquels sont parfois les premiers à les subir. Il faut sans doute mettre à jour un certain nombre de techniques, comme me l'ont proposé les responsables du ministère et le Défenseur des droits.
Mme Laurence Vichnievsky m'a interrogé sur les polices municipales. Comme vous le savez, le maire possède des pouvoirs de police générale lui permettant de mener des missions de sécurité, de tranquillité et de salubrité publiques. Il n'intervient pas dans le maintien de l'ordre public ou dans la conduite des enquêtes, mais il peut contribuer à améliorer le continuum de sécurité via la police municipale. Il est des complexités administratives que l'on peut s'employer à simplifier : ainsi, je trouve proprement absurde qu'un lieutenant de gendarmerie, appelé à prendre la tête d'une police municipale – en l'occurrence celle de Tourcoing –, doive attendre sept mois après son départ de l'active pour obtenir une nouvelle autorisation de port d'arme !
C'est une bonne chose que la formation des policiers municipaux soit assurée par le CNFPT. Tous n'ont pas à porter une arme – c'est à la collectivité locale d'en décider. Je constate qu'ils sont parfois empêchés dans leur intervention : le policier municipal peut ainsi être contraint, pour une simple vérification sur la voie publique, de passer un coup de fil à un policier national afin que celui-ci consulte le fichier des véhicules volés, et d'attendre qu'il le rappelle… Cela prolonge de façon absurde le contrôle et cela embête tout le monde, les policiers nationaux et municipaux comme l'automobiliste.
Monsieur Vigier, si la question de leur accès à certains fichiers administratifs peut se poser – une expérimentation est d'ailleurs en cours –, les maires ne peuvent s'immiscer dans la fonction régalienne. Je ne suis pas favorable à ce qu'ils puissent consulter, dans le fichier des personnes recherchées, les fiches S : d'abord parce qu'elles sont un outil de renseignement auquel peu de personnes ont accès, ensuite parce que les personnes fichées S ne le savent parfois pas, et heureusement, enfin parce que cela ne signifie pas qu'elles sont coupables – ce n'est pas Minority Report !
Sans entrer dans une décentralisation des compétences de la police, on pourrait améliorer le fonctionnement de la police municipale et de l'administration locale en imaginant, par exemple, que le directeur de la police municipale soit aussi officier de police judiciaire. Il m'est arrivé, en tant que maire, d'être réveillé en pleine nuit pour devoir constater un décès, faute d'un OPJ de garde dans toute la circonscription de police de Tourcoing-Roubaix ! Nous aurons l'occasion d'évoquer à nouveau ce sujet.
En matière budgétaire, le problème ne tient pas aux moyens, mais à leur répartition. Il faut savoir que le titre II, les dépenses de personnel, a mangé les équipements et l'immobilier. Les moyens humains ont crû sans discontinuer – je suis d'ailleurs reconnaissant à mes deux prédécesseurs d'avoir consenti un énorme effort de sincérisation budgétaire, avec très peu de dépassements – au détriment de l'investissement. Et ce, au point qu'on a parfois recruté des effectifs supplémentaires sans que les équipements correspondants aient été prévus ! Contrairement à la gendarmerie, les équipements ne sont pas individuels dans la police nationale. Il est d'ailleurs étonnant qu'il n'y ait pas davantage de rapprochements. Sans parler d'une fusion entre la police et la gendarmerie, qui n'est pas du tout dans les projets du ministère, les achats pourraient être communs, qu'il s'agisse des caméras ou même des voitures – qui seraient ensuite sérigraphiées « gendarmerie » ou « police » – tout en tenant compte des conditions d'utilisation spécifiques aux zones de police et aux zones de gendarmerie, plus étendues. Reste qu'il faut du temps pour arrêter le paquebot du « T II » pour mettre des moyens hors « T II »…
La lenteur administrative freine la construction des casernes de gendarmerie : il faut cinq ans en moyenne après l'agrément du ministère de l'Intérieur pour les voir émerger de terre. Par ailleurs, les collectivités locales, qui sont propriétaires, ne font pas payer de loyer de peur de voir partir leur brigade de gendarmerie ; mais du coup, elles n'ont pas les moyens de financer les réparations… Alors cela part « en vrille », si vous me passez l'expression : la mérule, les moisissures apparaissent et les familles de gendarmes se retrouvent à vivre dans des conditions affreuses. Nous allons changer ce modèle.
Faut-il une loi de programmation, à l'instar de la LPM ? Le fétichisme des chiffres est parfois contre-productif et peut nuire à la cause que l'on souhaite défendre : consacrer un pourcentage du PIB à une politique peut s'avérer dangereux lorsque la croissance chute aussi sévèrement que cette année… Qu'il y ait finalement une loi de programmation parce que le Président de la République l'aura décidée, pourquoi pas, mais je ne tiens pas à en faire l'alpha et l'oméga de mon ministère. Mon objectif premier est de finaliser le Livre blanc, qui permettra l'unicité des actions de la police et de la gendarmerie, organisera le continuum de sécurité et préparera le travail pour une loi de programmation.
Plutôt que d'entrer dans de grandes discussions philosophiques, il est préférable de s'occuper du quotidien, de mettre en œuvre des dispositions très concrètes, telles celles contenues dans la proposition de loi de vos collègues Alice Thourot et Jean Michel Fauvergues et dans celle de Fabien Matras, ou de renouveler les véhicules – ils durent dix ans dans la police, jusqu'à quarante-six ans pour certains cars de gardes mobiles ou de CRS !
Je suis très favorable à la vidéoprotection, qui relève, vous le savez, de la compétence du maire. Il existe des enveloppes pour accompagner les investissements, et j'ai demandé aux préfets de continuer ce travail, notamment autour des lieux de culte. Lorsque leurs responsables en sont d'accord, la vidéosurveillance permet de sécuriser les lieux et d'éviter les problèmes que nous avons connus, encore très récemment.
M. Aurélien Taché m'invite à mettre des mots sur toutes les choses, et il a bien raison. Le brigadier-chef Amar Benmohamed a effectivement dénoncé, avec retard – cela lui est reproché –, des policiers qui auraient prononcé des insultes à caractère sexiste, homophobe et raciste et se seraient rendus coupables de faits de maltraitance – privation d'eau, de toilettes, refus d'appeler un médecin. Ses propos ont été corroborés par de nombreux témoignages. Amar Benmohamed a établi un rapport le 12 mars 2019 et l'IGPN a saisi le préfet de police le 6 juin 2019, après avoir relevé des comportements inappropriés de la part de six fonctionnaires de police – injures, agressivité, mensonge, désobéissance. L'IGPN a proposé un renvoi devant le conseil de discipline avec quatre sanctions directes, dont l'une vise Amar Benmohamed, et, fait rare, formulé treize préconisations pour mettre fin aux dysfonctionnements constatés.
Le parquet de Paris s'étant saisi d'une enquête préliminaire, il ne m'appartient pas de commenter les faits, mais de savoir pourquoi ces préconisations n'ont pas été suivies d'effets et pourquoi, une année plus tard, les sanctions n'ont pas été appliquées. Je recevrai la directrice de l'IGPN demain ou après-demain pour en parler.
Les forces de l'ordre, dans leur quasi-intégralité, accomplissent leur mission avec les difficultés que l'on sait, elles méritent notre soutien. Si des agents ont sali l'uniforme, ils n'ont plus rien à faire dans la police de la République.
Enfin, je lis religieusement les rapports de la Cour des comptes, qui a souvent raison, mais je porte aussi une grande attention aux conclusions des rapporteurs spéciaux de la commission des Finances. Le ministère de l'Intérieur connaît des difficultés d'organisation, notamment en ce qui concerne les réparations dans les parcs immobilier et automobile, et cela est en partie dû à la lenteur administrative : les secrétariats généraux pour l'administration du ministère de l'Intérieur (SGAMI) méritent sans doute une évolution. Nous devons travailler de façon plus intelligente et efficace.