La réunion débute à 17 heures 35.
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, présidente.
La Commission auditionne M. Gérald Darmanin, ministre de l'Intérieur, et Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée chargée de la citoyenneté.
Nous accueillons cet après-midi M. Gérald Darmanin, ministre de l'Intérieur, et Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l'Intérieur, chargée de la citoyenneté.
Vous avez été nommés le 6 juillet 2020. Avec le Garde des Sceaux, qui était assis à votre place la semaine dernière, vous serez désormais nos principaux interlocuteurs, en charge d'une politique publique qui est centrale dans nos attributions : la sécurité. Depuis le début de la législature, notre commission a auditionné à quatorze reprises le ministre de l'Intérieur.
Cette audition est importante. Elle intervient à la fin de la session parlementaire et doit nous permettre de prendre connaissance des principaux chantiers que vous souhaitez engager ou poursuivre. Vous nous préciserez à cet égard quelles sont vos attributions respectives.
Notre commission a beaucoup travaillé sur les questions de sécurité – je vous renvoie à la proposition de loi de Jean‑Michel Fauvergue et d'Alice Thourot sur le continuum de sécurité ou à celle de Fabien Matras sur les services d'incendie et de secours, aux travaux que j'ai menés avec Raphaël Gauvain et Éric Ciotti sur la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, dite SILT, au rapport d'information sur la loi « Renseignement », ou encore aux travaux d'Éric Pouillat et de Robin Reda sur la forfaitisation de l'amende en matière de stupéfiants, autant de sujets sur lesquels nous serons bien évidemment heureux de vous entendre.
C'est un honneur d'être devant votre prestigieuse commission des Lois. Nous répondrons bien évidemment toujours avec plaisir à vos interpellations et convocations.
Depuis de trop nombreuses années, qui dépassent bien largement le quinquennat en cours, la France est malade de son insécurité. Certes, l'insécurité sociale a de graves conséquences, mais les Français pensent – à raison, selon moi – que l'on ne peut pas toujours trouver des excuses à tout. Des faits insupportables d'une extrême violence se multiplient et choquent, bien légitimement, nos concitoyens. Voyez plutôt l'inventaire, un peu macabre, de ceux qui se sont produits depuis notre arrivée, avec Marlène Schiappa, au ministère de l'Intérieur.
Près d'Angers, une gendarme de vingt-cinq ans a été fauchée par un automobiliste refusant d'obtempérer à un contrôle ; la jambe arrachée, elle en est morte. Dans les territoires ruraux, censés être plus tranquilles, les gendarmes font face à un refus d'obtempérer par heure.
À Étampes, alors qu'il essayait d'éteindre un incendie, un sapeur-pompier s'est fait tirer dessus à balles réelles pour la troisième fois en dix mois. L'année dernière, 2 045 pompiers ont été agressés, ce qui équivaut à six agressions par jour – d'ici à la fin de cette audition, ce sera probablement le cas encore pour un pompier de plus, et pour trois policiers et gendarmes : pour eux, le chiffre s'élève à 11 000, soit trente agressions par jour, au cours desquelles sept d'entre eux ont trouvé la mort.
À Lyon, une aide‑soignante a été traînée sur plusieurs centaines de mètres. À Avignon, une petite fille de onze ans a été retrouvée ligotée, noyée dans le Rhône.
À Bayonne, un chauffeur de bus, à quelques mois de la retraite, a été lynché à mort pour avoir demandé à des usagers de porter un masque et de payer leur ticket.
À Lille, dans le quartier de Moulins, une femme a été sauvagement agressée, pour avoir dérangé un dealeur alors qu'elle cherchait à rentrer chez elle. En 2019, 146 femmes sont décédées sous les coups de leur conjoint, et 339 000 différends familiaux ont nécessité l'intervention des forces de l'ordre.
À Toulouse, pour avoir demandé à un groupe de faire moins de bruits, un homme de quarante-quatre ans a été tabassé à coups de pied de biche. Dans l'Isère, un maire a été agressé, après 360 autres – j'ai une pensée pour le maire de Signes, décédé il y a bientôt un an. En 2019, 35 000 dépositaires de l'autorité publique ont été agressés ; d'ici à la fin de la journée, ce sera donc le cas pour 94 personnes qui défendent les valeurs de la République…
Quant aux querelles sémantiques, la réalité est la même pour tous. Nous, responsables politiques, devons avoir conscience du monde dans lequel vit une grande partie de nos concitoyens, notamment ceux des classes populaires et moyennes, bien éloignées de l'univers ouaté des belles discussions et des beaux quartiers, un monde qui n'est pas celui d'Alice au pays des merveilles. Si nous ne disons pas les choses telles qu'elles sont, les citoyens feront de moins en moins confiance à leurs responsables politiques, à l'État et choisiront de se protéger par communauté, en dehors des lois de la République, ou de s'auto-défendre, ce qu'aucun républicain ne souhaite. Nous devons répondre fermement à cette violence brutale comme aux incivilités du quotidien, qui gâchent la vie des gens et sont parfois la source de violences plus importantes. Nous ne devons tolérer aucune entorse à l'ordre républicain et soutenir ceux qui, par la loi que vous votez, ont légitimement l'autorité. Les fondements de notre République – la liberté, qui ne peut exister sans la sécurité, l'égalité, garantie par la loi républicaine, et la fraternité, qui permet de faire nation ensemble – doivent être sauvegardés et confortés.
Lutter contre la délinquance suppose d'abord des moyens. Sur les 10 000 créations de postes de policiers et de gendarmes annoncées par le Président de la République sur l'ensemble du quinquennat, 6 500 ont déjà été déployés ; le reste le sera en 2021. Le budget du ministère de l'Intérieur a augmenté de 1 milliard d'euros, progression jamais connue depuis le début de la Ve République. La généralisation dans toutes les patrouilles de policiers et de gendarmes de caméras‑piétons sera effective dès le premier semestre de 2021. Un budget de 75 millions d'euros a d'ores et déjà été attribué au renforcement du matériel et des équipements : ainsi, 2 300 véhicules ont été achetés et arriveront dès le mois de décembre. Nous allons développer les primes de fidélisation des policiers nationaux dans les secteurs les plus difficiles ainsi que les primes de nuit.
Le plan de relance concerne également l'immobilier. Les casernes de gendarmerie, les petites comme les grosses, souvent vétustes – celle de Satory est dans un état déplorable – seront modernisées, ainsi que les commissariats, qu'ils soient centraux ou de quartier. Nous ne serons pas les ministres des grands éléphants blancs, mais ceux du quotidien de la sécurité et de la réflexion territoriale. Nous devons supprimer les désagréments matériels qui minent le travail des équipes au quotidien, de l'ordinateur en panne aux toilettes bouchées.
Il faut également adapter la réponse pénale – sur ce point, je veux m'inscrire dans la suite des propos tenus devant vous par le Garde des Sceaux –, dans une dynamique de simplification et d'efficacité, au service des professionnels comme des victimes. Plutôt qu'un « grand soir », souvent promis, jamais arrivé, il faut offrir aux acteurs de la procédure pénale des moyens et des outils de répression adaptés, simplifier la vie des magistrats et des policiers qui agissent sous leur autorité et répondre aux besoins des victimes, qui restent notre souci constant. La généralisation annoncée de la forfaitisation des délits de stupéfiants est une mesure importante ; le chantier de la plainte en ligne mérite d'être accéléré, tout comme celui de la procédure pénale numérique, qui a pris du retard.
La lutte contre la délinquance passe aussi par le renforcement du lien de proximité entre la police et la population – lien d'autant plus évident que la police fait partie de la population. Les forces de l'ordre doivent être plus présentes, au contact des habitants et des commerçants. Chaque semaine désormais, je réunis les préfets, les directeurs départementaux de la sécurité publique et les responsables de commandement de la gendarmerie et je demande la communication de ces patrouilles à pied ou à vélo, qui rendent le « bleu » plus visible et rassurent nos concitoyens, partout sur le territoire national – et je vous en rendrai compte à chaque fois que vous le demanderez.
Nous devons également nous appuyer davantage sur les élus locaux, les agents de la police municipale dont les pouvoirs pourront, le cas échéant, être amenés à évoluer, ainsi que les services de sécurité privée, à l'occasion sans doute du livre blanc. Mais d'ores et déjà, nous sommes favorables à la proposition de loi d'Alice Thourot et de Jean‑Michel Fauvergue, laquelle nous permettra de concrétiser plusieurs annonces du Premier ministre. La police nationale doit garder 100 % de ses compétences : il n'est pas question de la transformer en un FBI qui ferait des enquêtes tandis qu'une police municipale aurait des pouvoirs absolus. Il s'agit de confier des compétences très pratiques à la police municipale, de sorte qu'elle puisse agir plus rapidement, par exemple en relevant les infractions pour ivresse publique et manifeste (IPM) ou en accédant aux fichiers des véhicules et des amendes. Il ne s'agit pas de généraliser ni l'armement des polices municipales, ni l'octroi de nouvelles compétences : les expérimentations annoncées par le Premier ministre ne se feront pas qu'à Nice.
La sécurité doit être l'affaire de tous. Le directeur général de la police nationale me rendra vendredi ses propositions pour améliorer la sécurité dans les transports en commun, qu'il s'agisse des transports utilisés en régie par les collectivités locales, des grandes liaisons nationales ou des délégations de service public ; je pourrai y revenir devant vous à la rentrée. Le livre blanc de la sécurité intérieure, préparé par mes prédécesseurs, sera présenté au début de l'année 2021, après concertation avec les parlementaires, et pourra être traduit dans un projet de loi d'orientation lorsque le Premier ministre souhaitera l'inscrire à l'ordre du jour du Parlement.
La lutte contre la délinquance, qui risque de s'aggraver avec la crise économique et sociale, doit appeler des réponses fermes et courageuses pour s'attaquer à son terreau. Nous travaillerons en collaboration avec la ministre du travail, le ministre de l'éducation nationale, le ministre des solidarités et de la santé et la ministre de la culture. C'est sur les crédits du ministère de l'Intérieur que sont menées certaines actions de prévention dans les quartiers, en lien avec les centres sociaux et les collectivités locales. Ce continuum est essentiel pour offrir une réponse globale à l'insécurité et prévenir la délinquance. Nous le ferons dans les villes comme dans les campagnes : la République ne doit céder aucun mètre carré à l'insécurité, même si nous savons bien qu'il y a des endroits plus difficiles que d'autres. Nous organiserons le déploiement des soixante quartiers de reconquête républicaine, dont quarante‑sept ont déjà été créés.
Protéger les Français, c'est aussi poursuivre, avec la plus grande détermination, la mobilisation contre le terrorisme. La menace est extrêmement élevée : depuis 2017, trente-deux attentats ont été déjoués, dont un au début de cette année. Les attaques à la préfecture de police, à Villejuif, à Romans‑sur‑Isère et à Colombes nous ont tristement rappelé que la menace restait prégnante. Nous aurons l'occasion, à la rentrée, de discuter de la loi SILT.
Nous entendons continuer à renforcer les moyens des services de renseignement. L'engagement du Président de la République est sans précédent : depuis le début du quinquennat, 1 900 postes ont été créés à la DGSI. Nous poursuivrons cet effort pour aider, sans naïveté, les services de renseignement à travailler pour nous protéger. Les instruments juridiques prévus dans la loi SILT et dans la loi relative au renseignement doivent continuer à exister. Les outils sur le terrain doivent être renforcés, par un resserrement continu des mailles du filet, notamment grâce à l'action des préfets, que j'ai appelés à s'impliquer dans les groupes d'évaluation départementaux et à suivre la mise à jour du fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT).
Nous protégeons chacun dans la liberté de sa foi et de sa religion : le ministre de l'Intérieur est le ministre des cultes. La laïcité doit être affirmée. Nous défendrons avec intransigeance la liberté totale de croyance et de culte, ceux qui veulent croire, ceux qui veulent ne pas croire, ceux qui veulent se convertir, ceux qui veulent caricaturer, ceux qui veulent exprimer leur opinion ; mais jamais la foi ne doit être au-dessus de la loi. Aucun courant de pensée, aucune croyance ne peut s'en prendre à la République. C'est pourquoi il nous faudra lutter davantage contre l'islamisme politique et le séparatisme. Un projet de loi vous sera proposé, dès la fin du mois d'août. Il ne faut toucher à ces sujets que d'une main tremblante ; je ne souhaite pas modifier la loi de 1905, mais la renforcer, afin de garantir la sécurité de nos concitoyens.
Assurer la sécurité des Français, c'est aussi assurer celle de nos frontières. Nous veillerons à faire respecter les règles en matière d'asile et d'immigration – Mme la ministre est particulièrement attentive à ce sujet. Le ministère de l'Intérieur étant également celui des crises, je remercie tous les agents des préfectures, ainsi que les forces de l'ordre et les pompiers, pour la mise en œuvre des règles sanitaires à nos frontières.
Notre priorité est également de protéger ceux qui nous protègent : les policiers, les gendarmes, les sapeurs‑pompiers et les agents des ministères. Lors des épisodes des gilets jaunes, du coronavirus et du déconfinement, les agents du ministère de l'Intérieur ont été à la hauteur des engagements de la République : le retour de l'État dans les territoires, et sans doute aussi le besoin de l'État, a été particulièrement sensible à l'occasion du confinement comme du déconfinement, et j'en remercie très sincèrement le corps préfectoral et l'ensemble des agents.
L'uniforme, qui protège les Français, est aussi parfois une cible. Les policiers et les gendarmes exercent bien souvent leur tâche dans des conditions extrêmement délicates, parfois au péril de leur intégrité physique ou, plus scandaleux encore, de leur famille. Depuis notre arrivée, nous ne cessons d'être à leurs côtés : je veux les assurer de notre soutien total. Mais après les promesses d'amour, il faut des actes. Nous allons leur donner les moyens nécessaires à leur mission. Nous allons redonner du sens à leur métier et leur permettre de se recentrer sur leurs tâches principales, en supprimant les tâches indues et chronophages, en déstockant les procédures en lien avec le parquet, en répartissant les effectifs de façon plus cohérente sur le territoire. Parce qu'il est important de renouer le dialogue social, ce ne sont pas moins de vingt et une rencontres avec les instances représentatives du ministère de l'intérieur que nous avons organisées.
Nous ne sommes pas que des ministres de la sécurité – je récuse le terme de « premier flic de France » – mais de toute l'action territoriale de l'État. Il est essentiel de s'appuyer d'abord sur le département plutôt que sur la région. Nous allons renforcer les effectifs des préfectures des quarante départements les plus ruraux, en contrepartie d'une diminution de ceux de l'administration centrale, parallèlement à la création d'une Maison France Services par canton, en lien avec la ministre des collectivités territoriales Jacqueline Gourault : en voyant comment, dans le département de la Lozère, on est passé en dix ans de 130 à 90 agents, on se dit que l'État territorial et départemental a besoin d'être renforcé. C'est ce que j'ai fait à Bercy lorsque j'étais ministre des comptes publics ; je compte bien faire la même chose au ministère de l'Intérieur.
Madame la présidente, veuillez m'excuser d'avoir été si long. J'avais l'habitude de présenter des textes budgétaires ; or il est forcément plus complexe de traiter de l'humain, et des sentiments de ceux qui nous protègent.
Lorsque j'étais secrétaire d'État chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, nous avons fait progresser ensemble la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, promues grandes cause du quinquennat, notamment grâce à deux lois votées à l'unanimité. J'ai aujourd'hui l'honneur d'être ministre déléguée auprès du ministre de l'Intérieur, chargée de la citoyenneté. Mon décret d'attribution est prêt et sera publié en même temps que ceux de tous les ministres délégués.
Je salue la mobilisation de toutes et de tous pendant cette période de solidarité nationale post‑crise sanitaire. Si l'état d'urgence a pris fin le 10 juillet dernier, nous continuons à vivre dans une prudence sanitaire qui nous engage collectivement. Cet engagement de tous au bénéfice de chacun résume l'état d'esprit de mon ministère délégué. Ma feuille de route est claire : le ministère de la citoyenneté vise à défendre et à promouvoir les valeurs de la République – cohésion nationale, intégration des étrangers, respect du droit d'asile, défense de la laïcité, prévention de la délinquance et de la radicalisation, protection des femmes et des plus fragiles. Le ministre de l'Intérieur et moi-même partageons les mêmes valeurs et les mêmes objectifs. Nous souhaitons incarner, avec nos sensibilités respectives et, je crois, complémentaires, l'ensemble des champs d'intervention du ministère.
Je souhaite pour ma part défendre l'unité et l'indivisibilité de la République, dans les mots mais aussi dans les actes : la concorde nationale autour de la fraternité, qui ne se décrète pas, mais se construit. C'est appeler les pompiers quand la maison du voisin brûle, c'est prévenir la police quand on est témoin de violences conjugales – ne rien laisser passer ; c'est affirmer qu'aucune coutume ni aucune tradition ne peuvent être supérieures aux lois de la République. La laïcité est un bouclier : elle permet de croire ou de ne pas croire sans en être inquiété, de protéger les enfants du prosélytisme, de changer de religion ; mais surtout, elle nous permet d'être considérés comme des citoyens et des citoyennes indifféremment de toute appartenance. La laïcité à la française garantit tout à la fois l'égalité de traitement et la cohésion nationale : aucune religion, aucun courant de pensée, aucun groupe ne peut s'approprier l'espace public ou s'en prendre aux lois républicaines. La laïcité est le ciment de notre République, et je la défendrai avec intransigeance. Le Premier ministre a d'ailleurs annoncé un projet de loi sur la lutte contre les séparatismes, dont le ministre de l'intérieur vient d'esquisser les contours.
Ma conception est simple : la laïcité, point. Nul besoin d'y ajouter un adjectif – bienveillante, fermée, ouverte ou autre : la laïcité se suffit à elle-même. C'est un combat culturel qu'il nous faut mener pour promouvoir une vision des valeurs de la République qui fait sens, en opposition aux discours communautaristes qui trop souvent progressent partout où la République recule, notamment chez les plus jeunes. Le ministre de l'Intérieur et moi-même y travaillons, en lien étroit avec le ministre de l'éducation nationale. Promouvoir la citoyenneté, c'est aussi poursuivre notre travail auprès de la jeunesse, pour qu'elle ait la liberté de s'émanciper. À Chambord, dans le cadre de l'opération « Quartiers d'été », financée par le ministère de l'Intérieur, le Président de la République a rappelé que la crise a été un sacrifice colossal pour notre jeunesse et que, plus que jamais, nous devons faire preuve de solidarité intergénérationnelle.
Nous aurons à cœur de développer la réserve, dans la police et la gendarmerie, les écoles et chez les sapeurs-pompiers, car elle constitue un engagement auprès des nouvelles générations, une forme courageuse et admirable de parrainage citoyen, au service de l'autre dans cette période de repli sur soi. Ces valeurs universelles ont attiré, en 2019, près de 90 000 femmes et hommes de tous pays, aspirant à poursuivre leurs études dans le pays de Montaigne et Simone de Beauvoir, et près de 35 000 voulant exercer leurs talents dans le pays de Léopold Sedar Senghor et Agnès Varda. C'est notre fierté de pouvoir les accueillir et de leur garantir un parcours d'intégration : c'est le sens du contrat d'intégration républicaine, pivot de l'accueil des étrangers qui souhaitent s'établir en France.
J'ai la charge de renforcer l'efficacité et la lisibilité de nos politiques d'asile et d'accès à la citoyenneté. Les réfugiés et les demandeurs d'asile doivent recevoir l'aide que tout être humain est en droit d'attendre et voir leur dignité reconnue. Le ministre de l'Intérieur et moi-même veillerons à ce que soit tenu l'engagement du Président de la République et de la majorité présidentielle de réduire les délais de réponse aux demandes d'asile : nous souhaitons qu'ils soient ramenés à six mois au plus.
De nombreux dispositifs innovants ont pour objet de renforcer l'intégration des étrangers, et je salue à cet égard le travail de la direction des étrangers en France : ainsi le programme « Ouvrir l'école aux parents pour la réussite des enfants », qui s'adresse aux élèves étrangers primo-arrivants résidant en France.
Partout où le lien s'est distendu, nous réaffirmerons au quotidien les valeurs de la République : il faut défendre nos libertés, notamment contre le séparatisme, qui vise à établir ses propres règles en opposition à la République. Avec le secrétariat général du comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (SG-CIPDR), nous lutterons contre la délinquance, la radicalisation, là où trop souvent l'uniforme est associé à l'ennemi. Par le rattachement de la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES) au CIPDR, nous combattrons mieux les dérives sectaires. Nous appliquerons la nouvelle stratégie de prévention de la délinquance, validée en mars dernier.
Le ministère de l'Intérieur, ce sont 290 000 personnes dévouées à la protection des autres, au péril de leur propre vie. Je salue l'engagement des policiers et des gendarmes qui, chaque jour, sauvent des vies de femmes. Je ne cesserai pas, dans mes nouvelles fonctions, d'être féministe ni de m'engager en faveur des femmes, bien au contraire. Avec Gérald Darmanin, nous souhaitons amplifier le travail engagé par Christophe Castaner lors du Grenelle des violences conjugales. Le ministère de l'Intérieur est le principal acteur de la sécurité des femmes, en termes d'engagement humain comme en termes financiers. Les forces de l'ordre réalisent un travail extraordinaire au quotidien pour protéger femmes et enfants. Nous n'aurons de cesse de les en remercier et de les y encourager, mais surtout, je m'assurerai qu'elles aient les outils pour agir. Nous veillerons à l'application et au suivi des mesures du Grenelle des violences conjugales grâce à l'engagement des directions et des préfets dans les régions et les départements. Nous agirons de même s'agissant des dispositions légales réprimant le harcèlement de rue : d'ores et déjà, pas moins de 1 610 amendes pour outrage sexiste auront été dressées en 2020. Enfin, la place des femmes à « Beauvau » et la féminisation des effectifs seront un axe important de mon action : je remercie Gérald Darmanin de m'avoir confié ce beau chantier afin d'atteindre la parité dans les postes à responsabilité.
Que l'on soit une personne LGBT+, une femme, un enfant victime de violence, on se tourne vers la police ou la gendarmerie. En tant que militante féministe, laïque et humaniste, comme en ma qualité de membre du Gouvernement, je crois en cette République qui protège et en notre capacité à rejeter et combattre les haines, en discours comme en actes.
Monsieur le ministre, la mission « volontariat », à laquelle j'ai participé, a formulé en mai 2018 quarante-trois propositions. Nous avons élaboré, sur cette base, une proposition de loi destinée à consolider notre modèle de sécurité civile et à valoriser le volontariat chez les sapeurs-pompiers, qui a été signée par près de 400 députés de tous bords : c'est un véritable succès collectif que je me plais à souligner. Quel regard portez-vous sur ce texte ? Pourrons-nous compter sur le soutien du Gouvernement pour son examen rapide dans notre assemblée ?
Monsieur le ministre, en dehors des véhicules, quels matériels bénéficieront des dotations annoncées par le chef de l'État ? S'agissant des primes aux « nuiteux », combien de personnels seront concernés ? Que toucheront-ils réellement chacun, sachant que le montant global prévu est de 10 millions d'euros ?
S'agissant des sapeurs-pompiers, outre les incivilités et violences dont ils sont victimes, le problème est posé de l'avenir du service d'incendie et de secours à la française. Quand les décisions seront-elles prises concernant le volontariat et les moyens mis à disposition dans les territoires ?
Pouvez-vous expliciter votre vision du maintien de l'ordre, en période de crise comme en temps ordinaire ?
Enfin, comment entendez-vous entretenir une relation étroite avec le ministère de la justice au sujet de la politique pénale ?
Quels transferts de compétence souhaitez-vous généraliser en matière de sécurité, à la suite de l'expérience niçoise ? L'État participera-t-il à la formation des policiers municipaux ? Plutôt que de promettre le grand soir, vous entendez à raison vous attacher aux problèmes du quotidien. Un officier de police judiciaire a fait état de propos inacceptables tenus dans le dépôt du palais de justice de Paris. Serez-vous attentifs aux difficultés qui surviennent dans les dépôts placés sous la responsabilité de la police au sein des tribunaux et dans les locaux de garde à vue ?
Je félicite le ministre et la ministre déléguée pour leur nomination. Nous partageons votre approche : nous devons protéger les forces de l'ordre comme elles nous protègent, de même que le principe de laïcité, qui construit notre société.
Députée d'une circonscription rurale, mais qui compte également deux villes suffisamment importantes pour connaître les difficultés qui se posent en zone urbaine, je me heurte souvent à des problèmes de moyens, à commencer par celui du délai de construction des gendarmeries : il faut dix ans pour qu'elles sortent de terre, ce qui crée des difficultés intolérables en termes d'accueil et de logement. Pouvez-vous faire en sorte qu'on revienne à un délai raisonnable ? Loin d'être un luxe, il y va du respect que nous devons à nos gendarmes.
Par ailleurs, face au sentiment, parfois éprouvé, que les auteurs d'incivilités bénéficient de l'impunité, va-t-on demander à la justice de rendre compte des actions qu'elle mène à la suite du dépôt d'une plainte ?
Monsieur le ministre, vous avez parlé d'une loi d'orientation. Va-t-on s'orienter vers une loi de programmation de la sécurité intérieure, sur le modèle de la loi de programmation militaire (LPM), comme le demandent nos policiers et nos gendarmes ? C'était une des recommandations du rapport de la commission d'enquête sur les forces de sécurité. Quel est l'état d'avancement des travaux à ce sujet ? Quand le Parlement sera-t-il consulté ? Quel budget sera alloué à la dotation de la police et de la gendarmerie en véhicules, et de quels véhicules s'agira-t-il ? Outre les Irisbus, dont tout le parc doit être changé, se pose le problème des véhicules blindés à roues de la gendarmerie (VBRG). Va-t-on racheter de nouveaux engins ou privilégier un rétrofitage ?
Monsieur le ministre, madame la ministre déléguée, je vous souhaite bonne chance dans votre mission. Les nouvelles technologies, en permettant par exemple le dépôt d'une plainte en ligne ou à domicile, feront-elles gagner du temps d'intervention aux forces de l'ordre ? Allez-vous relancer le plan d'accompagnement des communes en matière de vidéosurveillance ? Êtes-vous prêts à aller plus loin concernant l'accès des polices municipales à certains fichiers, tels le fichier S ?
Madame la ministre, comment entendez-vous agir dans les territoires pour faire comprendre que la République implique des droits et des devoirs ?
Enfin, monsieur le ministre, madame la ministre déléguée, acceptez-vous de porter régulièrement à la connaissance du Parlement un tableau de bord des effets de votre politique ?
Je vous félicite, monsieur le ministre, madame la ministre déléguée, pour votre prise de fonctions. Les policiers ont besoin de preuves d'amour, de meilleurs salaires, d'effectifs renforcés. Mais dans les familles, les drames les plus terribles sont souvent les plus silencieux, et s'il y a un malaise, encore faut-il pouvoir l'exprimer : c'est ce qu'a fait le brigadier-chef Amar Benmohamed en signalant à l'inspection générale de la police nationale (IGPN), depuis 2018, les comportements à l'œuvre au dépôt du tribunal de grande instance de Paris : insultes racistes, homophobes, humiliations répétées, maltraitance, etc. Non seulement ses démarches furent vaines, mais il a subi pressions et harcèlement. De son côté, le Défenseur des droits a révélé la pratique du contrôle au faciès dans d'autres affaires. Que comptez-vous faire pour mettre fin à ces dysfonctionnements ? Comptez-vous mieux encadrer contrôles d'identité et techniques d'interpellation, ou réformer l'IGPN – peut-être la rendre totalement indépendante ? Vous savez utiliser des mots forts – même si je les conteste parfois – pour mettre au grand jour les situations de violence que vous sentez monter dans la société ; faites-en de même pour les dysfonctionnements internes à la police, posez les mots qu'il faut et prenez les actes qu'il faut prendre.
Au nom du groupe Agir ensemble, je vous félicite, monsieur le ministre, madame la ministre déléguée, pour votre nomination. La Cour des comptes a relevé en 2018 une mauvaise anticipation des besoins en matériel et en équipement des forces de l'ordre, du fait d'une connaissance imparfaite des stocks et de l'état d'usure du matériel. La Cour déplore une « préoccupation pacificatrice qui peine à prendre en compte certaines spécificités ». Le matériel fourni n'est pas toujours adapté à leur usage ni à leurs missions du quotidien. Comptez-vous suivre les préconisations de la Cour, qui propose de renforcer la communication interne sur les raisons des choix effectués, d'établir, au sein de chaque direction centrale, un tableau récapitulatif des matériels et de poursuivre l'harmonisation des doctrines d'emploi de la police et de la gendarmerie ?
Je souhaite en effet, monsieur Matras, que votre proposition de loi, qui fait suite au rapport que vous avait commandé Gérard Collomb, et à laquelle je suis favorable, soit inscrite le plus rapidement possible à l'ordre du jour. Les sapeurs-pompiers doivent être rassurés sur leur avenir. Nous devons sauvegarder notre système de volontariat et sécuriser la vie des sapeurs-pompiers.
Monsieur Viala, la prime aux « nuiteux » concernera 21 300 agents et devra se traduire, en moyenne, par une augmentation de 108 euros – cela pourra varier en fonction du cycle horaire, qui n'est pas le même à la préfecture de police de Paris et dans le reste du territoire national. Nous aurons des discussions avec les syndicats de police, qui réclamaient de longue date cette mesure. Les crédits de 10 millions sont déjà inscrits dans le projet de loi de finances pour 2021.
J'ai signé le décret revalorisant la prime de feu, qui est la conséquence du travail accompli par mon prédécesseur après sept mois de conflit social avec les pompiers. L'Assemblée des départements de France et les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) souhaitent bénéficier d'une compensation intégrale du financement de la revalorisation de la prime de feu, ce à quoi je ne peux être favorable – je crois que les syndicats de pompiers le comprennent. Les SDIS sont librement administrés par les collectivités locales, conformément à l'article 72 de la Constitution. De plus, tous les départements ne connaissent pas les mêmes difficultés financières. Ils seront sans doute soumis à une forte pression, à quelques semaines des élections départementales, mais la liberté d'administration ne consiste pas à socialiser les risques et à individualiser les gains. J'ai proposé qu'en contrepartie de la suppression des parts salariales et patronale de la surcotisation versée à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) par les sapeurs-pompiers et les SDIS, les collectivités locales décident, par délibération, de financer la revalorisation de la prime de feu. Nous devrons avoir cette discussion collectivement, avec la CNRACL, qui accuse un déficit de 9 milliards. Cette mesure, que j'ai soumise à l'arbitrage du Premier ministre, se défend, car les autres bénéficiaires des prestations de la CNRACL ne sont évidemment pas soumis à la surcotisation. Je crois que le président de l'Association des départements de France Dominique Bussereau serait favorable à cet accord, qui apporterait aux sapeurs pompiers un pouvoir d'achat supplémentaire et aiderait les SDIS à payer la prime de feu.
Je reviendrai en septembre sur la doctrine du maintien de l'ordre, à l'occasion de la présentation du nouveau schéma, qui était en préparation lorsque j'ai pris mes fonctions. J'ai lu avec intérêt la décision-cadre du Défenseur des droits, à qui j'ai parlé dès le lendemain de ma prise de fonctions. Les violences commises dans certaines manifestations, même s'il n'est pas question de caricaturer, sont très choquantes pour les Français, les forces de l'ordre et les manifestants, lesquels sont parfois les premiers à les subir. Il faut sans doute mettre à jour un certain nombre de techniques, comme me l'ont proposé les responsables du ministère et le Défenseur des droits.
Mme Laurence Vichnievsky m'a interrogé sur les polices municipales. Comme vous le savez, le maire possède des pouvoirs de police générale lui permettant de mener des missions de sécurité, de tranquillité et de salubrité publiques. Il n'intervient pas dans le maintien de l'ordre public ou dans la conduite des enquêtes, mais il peut contribuer à améliorer le continuum de sécurité via la police municipale. Il est des complexités administratives que l'on peut s'employer à simplifier : ainsi, je trouve proprement absurde qu'un lieutenant de gendarmerie, appelé à prendre la tête d'une police municipale – en l'occurrence celle de Tourcoing –, doive attendre sept mois après son départ de l'active pour obtenir une nouvelle autorisation de port d'arme !
C'est une bonne chose que la formation des policiers municipaux soit assurée par le CNFPT. Tous n'ont pas à porter une arme – c'est à la collectivité locale d'en décider. Je constate qu'ils sont parfois empêchés dans leur intervention : le policier municipal peut ainsi être contraint, pour une simple vérification sur la voie publique, de passer un coup de fil à un policier national afin que celui-ci consulte le fichier des véhicules volés, et d'attendre qu'il le rappelle… Cela prolonge de façon absurde le contrôle et cela embête tout le monde, les policiers nationaux et municipaux comme l'automobiliste.
Monsieur Vigier, si la question de leur accès à certains fichiers administratifs peut se poser – une expérimentation est d'ailleurs en cours –, les maires ne peuvent s'immiscer dans la fonction régalienne. Je ne suis pas favorable à ce qu'ils puissent consulter, dans le fichier des personnes recherchées, les fiches S : d'abord parce qu'elles sont un outil de renseignement auquel peu de personnes ont accès, ensuite parce que les personnes fichées S ne le savent parfois pas, et heureusement, enfin parce que cela ne signifie pas qu'elles sont coupables – ce n'est pas Minority Report !
Sans entrer dans une décentralisation des compétences de la police, on pourrait améliorer le fonctionnement de la police municipale et de l'administration locale en imaginant, par exemple, que le directeur de la police municipale soit aussi officier de police judiciaire. Il m'est arrivé, en tant que maire, d'être réveillé en pleine nuit pour devoir constater un décès, faute d'un OPJ de garde dans toute la circonscription de police de Tourcoing-Roubaix ! Nous aurons l'occasion d'évoquer à nouveau ce sujet.
En matière budgétaire, le problème ne tient pas aux moyens, mais à leur répartition. Il faut savoir que le titre II, les dépenses de personnel, a mangé les équipements et l'immobilier. Les moyens humains ont crû sans discontinuer – je suis d'ailleurs reconnaissant à mes deux prédécesseurs d'avoir consenti un énorme effort de sincérisation budgétaire, avec très peu de dépassements – au détriment de l'investissement. Et ce, au point qu'on a parfois recruté des effectifs supplémentaires sans que les équipements correspondants aient été prévus ! Contrairement à la gendarmerie, les équipements ne sont pas individuels dans la police nationale. Il est d'ailleurs étonnant qu'il n'y ait pas davantage de rapprochements. Sans parler d'une fusion entre la police et la gendarmerie, qui n'est pas du tout dans les projets du ministère, les achats pourraient être communs, qu'il s'agisse des caméras ou même des voitures – qui seraient ensuite sérigraphiées « gendarmerie » ou « police » – tout en tenant compte des conditions d'utilisation spécifiques aux zones de police et aux zones de gendarmerie, plus étendues. Reste qu'il faut du temps pour arrêter le paquebot du « T II » pour mettre des moyens hors « T II »…
La lenteur administrative freine la construction des casernes de gendarmerie : il faut cinq ans en moyenne après l'agrément du ministère de l'Intérieur pour les voir émerger de terre. Par ailleurs, les collectivités locales, qui sont propriétaires, ne font pas payer de loyer de peur de voir partir leur brigade de gendarmerie ; mais du coup, elles n'ont pas les moyens de financer les réparations… Alors cela part « en vrille », si vous me passez l'expression : la mérule, les moisissures apparaissent et les familles de gendarmes se retrouvent à vivre dans des conditions affreuses. Nous allons changer ce modèle.
Faut-il une loi de programmation, à l'instar de la LPM ? Le fétichisme des chiffres est parfois contre-productif et peut nuire à la cause que l'on souhaite défendre : consacrer un pourcentage du PIB à une politique peut s'avérer dangereux lorsque la croissance chute aussi sévèrement que cette année… Qu'il y ait finalement une loi de programmation parce que le Président de la République l'aura décidée, pourquoi pas, mais je ne tiens pas à en faire l'alpha et l'oméga de mon ministère. Mon objectif premier est de finaliser le Livre blanc, qui permettra l'unicité des actions de la police et de la gendarmerie, organisera le continuum de sécurité et préparera le travail pour une loi de programmation.
Plutôt que d'entrer dans de grandes discussions philosophiques, il est préférable de s'occuper du quotidien, de mettre en œuvre des dispositions très concrètes, telles celles contenues dans la proposition de loi de vos collègues Alice Thourot et Jean Michel Fauvergues et dans celle de Fabien Matras, ou de renouveler les véhicules – ils durent dix ans dans la police, jusqu'à quarante-six ans pour certains cars de gardes mobiles ou de CRS !
Je suis très favorable à la vidéoprotection, qui relève, vous le savez, de la compétence du maire. Il existe des enveloppes pour accompagner les investissements, et j'ai demandé aux préfets de continuer ce travail, notamment autour des lieux de culte. Lorsque leurs responsables en sont d'accord, la vidéosurveillance permet de sécuriser les lieux et d'éviter les problèmes que nous avons connus, encore très récemment.
M. Aurélien Taché m'invite à mettre des mots sur toutes les choses, et il a bien raison. Le brigadier-chef Amar Benmohamed a effectivement dénoncé, avec retard – cela lui est reproché –, des policiers qui auraient prononcé des insultes à caractère sexiste, homophobe et raciste et se seraient rendus coupables de faits de maltraitance – privation d'eau, de toilettes, refus d'appeler un médecin. Ses propos ont été corroborés par de nombreux témoignages. Amar Benmohamed a établi un rapport le 12 mars 2019 et l'IGPN a saisi le préfet de police le 6 juin 2019, après avoir relevé des comportements inappropriés de la part de six fonctionnaires de police – injures, agressivité, mensonge, désobéissance. L'IGPN a proposé un renvoi devant le conseil de discipline avec quatre sanctions directes, dont l'une vise Amar Benmohamed, et, fait rare, formulé treize préconisations pour mettre fin aux dysfonctionnements constatés.
Le parquet de Paris s'étant saisi d'une enquête préliminaire, il ne m'appartient pas de commenter les faits, mais de savoir pourquoi ces préconisations n'ont pas été suivies d'effets et pourquoi, une année plus tard, les sanctions n'ont pas été appliquées. Je recevrai la directrice de l'IGPN demain ou après-demain pour en parler.
Les forces de l'ordre, dans leur quasi-intégralité, accomplissent leur mission avec les difficultés que l'on sait, elles méritent notre soutien. Si des agents ont sali l'uniforme, ils n'ont plus rien à faire dans la police de la République.
Enfin, je lis religieusement les rapports de la Cour des comptes, qui a souvent raison, mais je porte aussi une grande attention aux conclusions des rapporteurs spéciaux de la commission des Finances. Le ministère de l'Intérieur connaît des difficultés d'organisation, notamment en ce qui concerne les réparations dans les parcs immobilier et automobile, et cela est en partie dû à la lenteur administrative : les secrétariats généraux pour l'administration du ministère de l'Intérieur (SGAMI) méritent sans doute une évolution. Nous devons travailler de façon plus intelligente et efficace.
Madame Untermeier, je vous remercie pour vos propos sur la laïcité ; je connais votre engagement de longue date sur ces questions. Le ministère de l'Intérieur s'est engagé à consacrer, en 2021, 230 millions à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, aux mesures de protection des femmes et aux mesures décidées dans le cadre du Grenelle des violences conjugales. Ce sont des moyens considérables.
J'ai esquissé dans mon propos liminaire les contours de ma mission. Les enjeux sont la défense et la promotion du principe de laïcité, l'accès à la citoyenneté et le parcours de naturalisation, la promotion de la réserve citoyenne.
S'agissant de la vidéoprotection, je souhaite rappeler que le fonds interministériel de prévention de la délinquance a engagé, en 2019, 8,3 millions d'euros ; les 10 millions prévus pour 2020 constituent un engagement budgétaire substantiel.
Enfin, s'agissant des faits survenus au tribunal judiciaire, je veux souligner le travail de l'association Flag !, que j'ai eu l'occasion de parrainer, et qui a lancé des applications permettant de dénoncer de tels comportements. Ses responsables seront prochainement reçus au ministère.
Il n'y a pas de sauvages en France, monsieur le ministre, il n'y a que des citoyens. Certains peuvent commettre des infractions pénales, parfois d'une extrême gravité ; ils sont alors des prévenus, puis des coupables, et même des récidivistes. Mais ce ne sont pas des sauvages. Cette sémantique nous écarte de la promesse de réconciliation faite aux Français ; prémunissons-nous des outrances, qui deviennent des outrages. Nous attendons de nos concitoyens, comme des forces de l'ordre et des plus hauts représentants du ministère de l'Intérieur, la mesure, le respect et le discernement.
Nous sommes vos soutiens actifs. Grâce aux budgets que nous avons votés, les effectifs de la police et de la gendarmerie ont augmenté – les coupes claires, entre 2007 et 2012, avaient obéré la protection des Français –, comme les moyens matériels et immobiliers ; les caméras piétonnes, de nature à apaiser les relations entre la police et les citoyens, ont été largement déployées ; avec les amendes forfaitaires, la réponse pénale sera plus efficace. Ne gâchons pas ces bonnes décisions par de mauvais mots !
Nous espérons que le projet de loi sur le séparatisme se limitera à l'organisation du culte musulman en France – financement, formation des prêcheurs, représentation. Compte tenu de notre arsenal juridique, de nouvelles mesures de police administrative et judiciaire ne seraient ni souhaitables ni nécessaires : les mesures de police administrative ont d'ores et déjà été reconduites jusqu'au 31 juillet 2021 et une loi comprenant des mesures judiciaires sera, et c'est heureux, bientôt contrôlée par le juge constitutionnel.
Vingt et un an après Jean-Pierre Chevènement, qui parlait des « sauvageons », vous avez eu raison de dénoncer le fait que des individus, dans certaines tranches de la population et en certaines parties du territoire, s'affranchissent purement et simplement des règles républicaines. Quelles actions comptez-vous mener contre le séparatisme et la remise en cause des valeurs républicaines ?
Madame la ministre, comment comptez-vous replacer la laïcité au cœur de la République ?
La loi de réforme de la justice du 23 mars 2019 a élargi les possibilités de déposer des plaintes en ligne, ce qui est un progrès car nombre de nos concitoyens hésitent à faire valoir leurs droits en raison des contraintes liées au dépôt de plainte dans un commissariat. Elle est un point d'accroche pour la création d'un parquet numérique, destiné à lutter contre le cyber-harcèlement et les contenus haineux. Pouvez-vous préciser le calendrier de mise en œuvre de cette disposition ?
Madame la ministre, comment comptez-vous articuler le projet de loi contre le séparatisme et la lutte contre les manquements à l'égalité entre les femmes et les hommes ?
Monsieur le ministre, vous avez décrit une France malade de son insécurité : tous les records ont été battus en matière d'immigration avec 275 000 titres de séjour et plus de 132 000 demandes d'asile ; on recense plus de 700 agressions quotidiennes, dont 100 sont commises à l'encontre de dépositaires de l'autorité publique ; sans oublier le malaise de nos policiers, dont bon nombre n'ont plus confiance en ceux qui les dirigent. Face à cette situation, vous avez eu des mots justes, ceux-là mêmes que vous teniez lorsque j'étais venu vous soutenir lors de votre campagne électorale à Tourcoing… Ils heurtent aujourd'hui votre majorité et votre ministre déléguée, tous ceux qui vivent dans le monde ouaté d'Alice au pays des merveilles et des beaux quartiers, sans prise avec la réalité quotidienne.
Après les mots, les actes ! Nous attendons la grande loi de programmation sur la sécurité intérieure, la mise en place d'un plafond annuel d'immigration, des peines planchers contre ceux qui s'en prennent aux forces de l'ordre, l'arrêt des régularisations pour les personnes entrées illégalement sur le territoire.
Enfin, vous avez eu raison de porter plainte contre le maire de Colombes ; sa révocation serait un signal fort en direction des forces de l'ordre, insultées de façon honteuse et scandaleuse.
Les violences urbaines, qui avaient éclaté durant le confinement dans les Hauts-de-Seine, se sont répétées et aggravées les 13 et 14 juillet avec l'incendie de plusieurs voitures, d'un bus et d'un gymnase. Les forces de l'ordre font leur maximum, en coordination avec les polices municipales, mais sont parfois débordées par cette délinquance urbaine organisée. Certains maires ont du mal à recruter des policiers municipaux, appelés à intervenir dans les quartiers en tension de la première couronne parisienne. Enfin, nous craignons la fermeture de commissariats – les OPJ y travaillent en nombre insuffisant –, alors que la proximité et la réponse pénale rapide sont plus que jamais nécessaires.
Je tiens à rappeler que la proposition de loi présentée par M. Matras est le fruit d'un travail collectif, mené par le groupe d'étude sur les sapeurs-pompiers volontaires, et à saluer l'engagement, ancien, de M. Pierre Morel-À-L'Huissier. Il méritait pour le moins d'y être associé, ainsi que tous les collègues membres du groupe d'étude.
Dans son rapport sur la situation, les missions et les moyens des forces de sécurité, Christophe Naegelen avait rappelé l'importance des caméras piéton, qui apportent des garanties tant aux citoyens qu'aux policiers. Notre groupe a déposé une proposition de loi visant à généraliser leur emploi. Qu'en pensez-vous ?
Enfin, une enveloppe de 10 millions d'euros sera dédiée aux « nuiteux », ce qui correspond peu ou prou à une augmentation de 55 euros par mois – ce qui laisse une marge de progrès… Cette prime a-t-elle été négociée avec les organisations syndicales ?
Je répondrai en même temps à Sacha Houlié et Éric Ciotti, car je crois qu'ils se rejoignent (Sourires), en tant que citoyens, s'entend !
Monsieur Ciotti, vous avez rappelé que nous avons été camarades, même s'il me souvient d'avoir eu avec vous des échanges assez rudes, quoique toujours honnêtes : il serait bien de rappeler toute la vérité, sans oublier la moitié de l'histoire…
Je peux souscrire à une partie de vos propos, mais je ne vous suis pas lorsque vous faites un lien entre immigration et insécurité. Du reste, ceux qui critiquent mon usage du mot « ensauvagement » font souvent le même – et c'est pourquoi je fais ce parallèle entre M. Houlié et vous. J'ai lu dans la presse que ce terme renvoyait au mot « sauvage », donc à l'immigration, donc à l'ethnicisation. Je suis à cent mille lieues de cela, et c'est bien vous qui ethnicisez ce débat. Je le dis d'autant plus tranquillement qu'un de mes grands-pères est né dans un département qui est devenu français bien avant le comté de Nice et que deux de mes grands-parents sont nés de l'autre côté de la Méditerranée…
Tout le monde comprend très bien ce que j'entends par « ensauvagement » – ma mère, mon boulanger, tout le monde. Ligoter une gamine et la jeter dans le Rhône, frapper à mort un type à terre, père de trois petites filles, cela ne me paraît pas relever du degré de civilisation le plus avancé. Cela ne veut pas dire qu'il faille confondre le comportement avec l'homme – on pourrait en débattre à l'infini ; je dis simplement que certains actes sont en dehors des règles de la civilisation. Rappelez-vous, monsieur Houlié, vous qui aimez les dates, les mots de Guy Béart en 1968 : « Le premier qui dit la vérité, il doit être exécuté. » Les gens pensent, et ils ont raison, qu'il y a des actes en dehors des rapports que les humains peuvent avoir ensemble.
Il convient évidemment de traiter tous les individus en citoyens, de suivre les procédures judiciaires, de les condamner lorsqu'ils doivent l'être et de leur faire exécuter leur peine. Je ne suis pas un partisan du tout répressif en prison : je crois aux peines rapides et sûres. Or les peines prévues par le code pénal sont lourdes et mettent trop de temps à s'appliquer, ce qui ne satisfait personne, ni les policiers, ni la victime, ni les magistrats, ni même l'accusé : nous connaissons tous, en tant qu'élus locaux, des gens qui ont fait une bêtise à 18 ou 20 ans et qui apprennent une décision de justice quelques années plus tard, alors qu'ils ont une vie rangée. Ne faites pas dire aux mots ce qu'ils n'ont pas dit.
Monsieur Ciotti, je récuse le lien que vous faites entre immigration et insécurité. Il faut évidemment lutter contre l'immigration illégale, même si l'on peut comprendre des gens qui essaient de sauver leur famille en fuyant la faim ou la terreur. Mais il faut penser aussi à ceux qui, sur le territoire national, jouent le jeu, respectent les règles de la République et qui ne peuvent pas non plus vivre des situations inacceptables comme celle que j'ai vue à Calais. Je ne ferai jamais de lien entre la nationalité de la personne qui vient sur le sol national, le fait qu'elle ait ou non respecté les lois de la République pour demander des papiers et sa religion, sa couleur de peau ou son ascendant.
Cela étant, il faut se garder de tout angélisme, mais c'est une honte pour la République que de faire attendre des gens pendant des années avant de leur dire s'ils ont, ou non, le droit de rester sur le territoire français. Entre-temps, certains ont trouvé un travail et mis au monde des enfants qui vont à l'école de la République. Il faut respecter la promesse du Président de la République et réduire à six mois l'examen des demandes d'asile. Ceux qui y ont droit doivent rester en France, quel que soit leur nombre ; ceux qui détournent le droit d'asile doivent retourner dans leur pays. Nous devons faire plus de reconduites à la frontière, être plus rapides, plus efficaces, plus humains et en même temps plus accueillants – et les quotas, je le pense profondément, sont une bêtise. Il n'y a pas de lien entre immigration et insécurité, mais il doit y en avoir un entre les personnes qui créent de l'insécurité et la réponse policière et pénale. Car les gens qui arrivent en France, qui jouent le jeu de la République et qui respectent ses règles sont les premiers à subir les actes de ceux qui ne les respectent pas, et c'est sur eux qu'on jette l'opprobre.
Monsieur Houlié, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit : je n'ai pas prononcé le mot « sauvage ». L'ensauvagement, c'est ce que l'on constate sur les réseaux sociaux, c'est le tribunal populaire, ce sont les gens qui se rendent à la permanence de l'une de vos collègues avec des banderoles fascisantes. Nous en avons des exemples tous les jours, les Français savent très bien de quoi je parle, et ils attendent de leurs responsables politiques qu'ils mettent des mots sur ce qui arrive et qu'ils agissent. Ce n'est pas toujours facile : certains ont essayé, en toute bonne foi, sans forcément y arriver. J'espère avoir mis MM. Houlié et Ciotti d'accord sur leurs désaccords.
La loi contre le séparatisme a vocation à aller plus loin que ce qu'avait prévu mon prédécesseur. Les gens qui ont envie de pratiquer une religion en ont mille fois le droit. Reste que depuis trop longtemps, la gestion des lieux de culte bénéficie d'une liberté absolue – mes propos peuvent prêter à interrogation sur le plan constitutionnel, mais on verra bien ce qui se passera. Il n'est certes pas normal que les religions subissent la violence de l'État – les protestants sous l'Ancien Régime, les juifs sous Bonaparte puis Napoléon, les catholiques sous la République – et je préfère nettement Alice au pays des merveilles à La guerre des mondes. Mais il faut que tous les lieux de culte soient régis par les lois de 1905 ou de 1907. Il faut arrêter de penser qu'ils peuvent relever de la loi de 1901, voire être dépourvus de toute constitution juridique, sans financement transparent, sans dirigeants déclarés, sans possibilité de mettre en place un système de denier du culte – ce qui pour les représentants religieux eux-mêmes est inéquitable. Pour avoir été élu dans une commune qui connaît ce genre de problématique, je crois que c'est un sujet qui mérite de faire l'objet d'une discussion au Parlement et d'une disposition spécifique dans le projet de loi : j'en parlerai avec le Président de la République et le Premier ministre.
Aucun commissariat de police ne fermera, ni aucune gendarmerie, sauf si les gendarmes et les élus en font la demande, comme c'est arrivé récemment dans le Pas-de-Calais. Madame Florennes, je suis de près ce qui se passe dans votre circonscription et je m'y rendrai très prochainement, si vous le souhaitez.
Enfin, nous avons prévu 15 millions d'euros pour 30 000 caméras piéton et toutes les patrouilles en seront équipées au plus tard en juin 2021.
Je regrette qu'Éric Ciotti soit parti car j'aurais aimé répondre à ses piques. Puisqu'il semble douter de l'engagement du ministère de l'Intérieur et particulièrement du mien dans la défense des valeurs de la République, je l'invite humblement à lire mon livre Une et indivisible, dans lequel j'évoque les viols de Cologne, le relativisme dont ils ont fait l'objet, la laïcité et la République. Enfin, je comprends mal son allusion aux beaux quartiers, dans la mesure où j'ai grandi dans des cités HLM le long du périphérique parisien.
S'agissant des plaintes en ligne, une expérimentation doit avoir lieu, pour une généralisation en 2022. D'ici là, d'autres dispositifs entreront en vigueur, comme la brigade numérique et la plateforme de signalement des violences sexistes et sexuelles. Sur la plateforme arretonslesviolences.gouv.fr, lancée par Christophe Castaner, plus de 16 000 tchats ont déjà eu lieu avec deux unités de policiers et de gendarmes, de Rennes et de Guyancourt, mobilisés sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre pour répondre et préparer les plaintes. Nous allons, avec le ministre de l'intérieur, nous employer à accélérer sa mise en œuvre.
Depuis la loi contre le harcèlement de rue, les auteurs d'outrages sexistes peuvent être verbalisés sans dépôt de plainte. On a enregistré 1 610 infractions sur le territoire national et on note une augmentation des peines de stage de prévention de la récidive pour toutes les personnes condamnées.
Sur la laïcité et la lutte contre le séparatisme, beaucoup a été fait depuis 2017. En novembre 2019, 100 % des départements sont engagés dans la stratégie de lutte contre le séparatisme et une première cellule de lutte contre l'islamisme et le repli communautaire (CLIR) a été créée au début de l'année 2020. Cela a abouti à la fermeture de 300 établissements, parmi lesquels 158 débits de boisson, une quinzaine de lieux de culte, douze établissements culturels et associatifs, huit lieux d'accueil de mineurs et quatre écoles : c'est dire la détermination dont fait preuve le ministère de l'intérieur sur ces sujets depuis 2017. Le projet de loi contre le séparatisme nous aidera à renforcer notre arsenal législatif, notamment en matière d'inégalités entre les femmes et les hommes. Si quelqu'un qui se présente comme un imam appelle, dans une salle de réunion ou sur les réseaux sociaux, à lapider les femmes qui se parfument, il faut porter plainte et user de toutes les voies de recours. Surtout, il faut renforcer la législation pour qu'au-delà de la personne elle-même, la responsabilité des organisateurs, des salles ou des diffuseurs puisse être engagée.
Monsieur le ministre, je tenais à saluer les propos que vous avez tenus la semaine dernière à la suite du meurtre de la jeune Axelle Dorier et votre détermination à traquer les auteurs de ces faits pour qu'ils soient traduits devant la justice.
On constate, depuis plusieurs années, un détournement inquiétant de l'usage d'engins pyrotechniques : les artifices dits de divertissement deviennent des armes par destination, visant ostensiblement la puissance régalienne et l'ordre républicain. Les policiers, les gendarmes et même nos pompiers sont pris à partie dans un engrenage compétitif mortifère entre certains quartiers : c'est à celui qui fera le plus de bruit et qui causera le plus de dommages avec ces mortiers artisanaux. Certains soirs, un climat délétère règne dans certains quartiers, loin de ce que l'on peut attendre d'une République apaisée. Dans la métropole de Lyon, les nuits des 13 et 14 juillet ont été absolument insupportables.
Il est difficile de contrôler l'arrivée sur le sol français de ce type de matériel : les commandes de mortiers se font sur des plateformes et sont ensuite diffusées par le bouche-à-oreille ou par des applications de type Snapchat. Des maires et des policiers de l'agglomération lyonnaise suggèrent d'interdire complètement la vente aux particuliers de mortiers et des feux d'artifice les plus puissants, et ce, tout au long de l'année. Cette proposition pourrait-elle être étudiée par vos services ?
Monsieur le ministre, je vous remercie d'avoir participé, à Mérignac, à l'hommage national qui a été rendu à Mélanie Lemée, la jeune gendarme décédée dans l'exercice de ses fonctions. Les gendarmes de la zone sud-ouest de défense en ont été particulièrement touchés.
La généralisation, à la rentrée prochaine, de l'amende forfaitaire visant les usagers de stupéfiants me tient à cœur, puisque c'est une mesure que nous avions préconisée, avec mon collègue Robin Reda. Elle a le mérite de rappeler que l'usage illicite de stupéfiants est un interdit social et de garantir une égalité de traitement à l'échelle nationale. Je crois aussi que l'amende a une vertu éducative, mais la sanction ne suffit pas. Prévoyez-vous, avec le ministère de la santé ou celui de l'éducation nationale, des campagnes de prévention autour de l'usage de stupéfiants, qui seraient par exemple financées par le produit de l'amende ?
Madame la ministre, la Cour des comptes a remis un rapport sur les moyens de la lutte contre le terrorisme, dans lequel elle appelle à approfondir les enquêtes menées par le service national des enquêtes administratives de sécurité (SNEAS) et à renforcer ses effectifs. Elle recommande également de mieux mesurer l'efficacité et l'efficience des dispositifs en prison – quartiers d'évaluation de la radicalisation (QER) et de prise en charge de la radicalisation (QPR) – ou encore de créer des QER spécifiques pour les femmes, ce qui rejoint les préconisations que j'avais déjà faites avec mon collègue Éric Diard. Quelle suite comptez-vous leur donner ? Vous avez raison de donner plus de forces à l'État territorial, ou à l'État dans les territoires, car c'est la clé de voûte de la reconquête républicaine.
En janvier 2018, votre prédécesseur, M. Gérard Collomb, a signé avec Mme Nicole Belloubet et M. Mounir Mahjoubi, qui étaient alors Garde des Sceaux et secrétaire d'État chargé du numérique, une lettre de mission qu'ils ont adressée à Mme Valérie Péneau, inspectrice générale de l'administration, relative à l'introduction du parcours d'identification numérique sécurisé. Dans le cadre de la mission d'information sur l'identité numérique que j'ai menée avec Christine Hennion sous la présidence de Marietta Karamanli, nous avons travaillé sur la dimension pratique du programme France Identité Numérique qui doit déployer, d'ici 2021, une identité numérique régalienne. À partir de l'été 2021, la France devra doter ses ressortissants d'une carte d'identité électronique afin de se conformer au droit européen et au règlement EIDAS .
(Electronic Identification, Authentification and trust Services)
Envisagez-vous un encadrement légal pour le déploiement de l'identité numérique ? Comment comptez-vous imposer la primauté du régalien ? Avez-vous un calendrier à nous communiquer ?
En juin 2019, mon collègue Éric Poulliat et moi-même avons remis un rapport sur les services publics face à la radicalisation, qui comportait trente-cinq mesures. Un an plus tard, la commission d'enquête sur l'attaque de la préfecture de Paris a rendu un rapport qui contient des préconisations assez semblables : c'est la preuve que les choses ont peu évolué dans l'intervalle. Le rapport d'enquête propose notamment une évolution de la procédure contradictoire afin d'éviter la réintégration par les juges de policiers révoqués pour radicalisation. Il demande également que le SNEAS, dont vous avez la charge, puisse faire des contrôles parmi les personnes qui ont une activité de maintenance et les prestataires extérieurs, notamment dans le secteur des transports publics et du transport aérien.
En février, j'ai déposé une proposition de loi constitutionnelle instituant une prestation de serment des agents publics afin de s'assurer de l'adhésion des fonctionnaires aux valeurs de la République. La commission d'enquête a formulé la même proposition. Monsieur le ministre, pouvez-vous commencer à nous dévoiler votre feuille de route en matière de lutte contre le séparatisme et la radicalisation ?
Monsieur le ministre, vous m'avez rajeuni… Un ministre de l'intérieur qui fait savoir qu'il a été nommé à ce poste de premier plan par sa propre force de conviction, cela m'a ramené quinze ans en arrière : c'était avant le temps des tempêtes ! (Sourires.) Mais, de grâce, ne tombez pas dans les travers d'un de vos prédécesseurs, qui tenait des propos à l'emporte-pièce, notamment dans les quartiers : aux mots qui attisent, qui enflamment, qui stigmatisent ou qui fracturent, nous sommes nombreux à préférer l'action du quotidien que vous êtes en train de mener efficacement sur nos territoires. En matière de sécurité, le travail de fond s'accompagne souvent de discrétion, et la reconquête républicaine doit se faire pied à pied dans les quartiers et dans nos cités. Que préconisez-vous pour lutter contre les rodéos urbains ? Que pensez-vous de l'action des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) et, plus généralement, de pousser les feux sur tout ce qui relève de la prévention ?
Vous avez raison, monsieur Rebeyrotte, il ne faut pas stigmatiser. On ne dit pas assez combien la loi sur la déchéance de nationalité a été stigmatisante : cela a contribué à établir ce lien que je déplore entre immigration et insécurité. J'ai bien entendu votre attaque à l'endroit de Manuel Valls sur les mots durs qu'il aurait tenus dans les quartiers, à moins que vous ne visiez Bernard Cazeneuve ?
(Sourires.)
Les rodéos urbains sont des incivilités, ensuite des délits routiers, mais surtout des drames car on ne compte plus ces motos, ces quads et même ces voitures qui traversent à toute vitesse en mettant en danger passants et enfants. Si nous n'intervenons pas, c'est d'abord pour protéger nos concitoyens : engager une course-poursuite pour rattraper des malfaisants dans des zones très fréquentées ne serait pas prudent. Dès lors que l'on n'est pas dans des conditions de mise en danger manifeste de la vie d'autrui, la consigne est de ne pas intervenir. Ce qu'il faut, c'est repérer, appréhender et condamner les coupables.
La vidéoprotection, de ce point de vue, est très efficace. La police nationale, et parfois municipale, peut repérer les auteurs des rodéos et retrouver les quads et les motos qu'il faut impérativement saisir. Les procureurs de la République font un travail essentiel en délivrant les réquisitions qui permettent aux policiers nationaux d'aller confisquer les objets des délits. Le principal problème, c'est l'accès aux garages et aux caves, notamment des bailleurs sociaux. Les pompiers ont un passe universel, mais ce n'est pas toujours le cas des policiers ou des gendarmes. J'ai donc demandé aux préfets de réunir tous les bailleurs pour trouver une solution pratique, qui pourrait même bénéficier du soutien financier de l'État : il faut que les policiers et les gendarmes de la République puissent pénétrer dans ces immeubles, mettre fin aux rassemblements intempestifs dans les caves d'escalier, poursuivre des gens qui s'y réfugient et saisir les véhicules dans les caves.
Il est une chose que ne savent pas bien faire la gendarmerie et la police nationale : la communication. Lorsqu'ils récupèrent une semaine après les trois quads qui « emmerdaient le monde », ils ne s'en vantent pas dans la presse quotidienne régionale. Je les encourage à apprendre à communiquer et informer les Français du travail très courageux qu'ils font. Ces rodéos donnent le sentiment que l'ordre républicain n'est pas respecté, que tout le monde peut faire n'importe quoi ; c'est un très mauvais signal pour tout le monde et qui plus est extrêmement dangereux.
Monsieur Diard, vous avez fait des propositions concrètes sur le suivi des fonctionnaires soupçonnés de radicalisation, notamment des fonctionnaires de police. L'attentat de la préfecture de police a sonné l'alerte et tous les ministères, dont celui dont je m'occupais à l'époque, ont dû prendre des dispositions – car la faute était collective. Ce matin encore, mon cabinet a organisé une réunion de suivi et je suis moi-même allé hier à la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) pour m'assurer que les agents qui délivrent des agréments sont en nombre suffisant. Au 1er janvier 2021, les 45 équivalents temps plein seront au rendez-vous. Il faut encore en recruter une partie, et ce ne sont pas toujours les boulots les plus attractifs... Je rappelle que 1 900 ETP ont été recrutés depuis trois ans à la DGSI. Il ne m'appartient pas de donner un avis sur les propositions de loi constitutionnelles, mais je pense comme vous qu'il faut un suivi très attentif, et j'ai demandé aux préfets d'y travailler. Il ne faut pas faire preuve d'angélisme : certaines personnes n'ont rien à faire au service de la République et il faut les identifier.
L'amende forfaitaire pour usage de stupéfiants s'élèvera à 200 euros, minorée à 150 euros si elle est réglée dans les quinze jours et portée à 400 euros au-delà de quarante-cinq jours.
Je ne suis pas favorable à l'idée d'affecter la recette. Les recettes affectées, cela ne fonctionne pas très bien – prenez l'exemple du CAS radars, autrement dit compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers »… En revanche, il faut avancer sur la prévention et l'accompagnement. Ceux qui ont des addictions doivent être aidés et traités, ceux qui dealent du cannabis ou de la cocaïne doivent être poursuivis comme trafiquants, et condamnés : outre le fait que ce n'est pas une manière honnête de gagner de l'argent, il y a derrière ces réseaux de vente de cannabis d'autres organisations, beaucoup plus dangereuses.
Mais, au-delà des addictions, il y a des consommateurs, et souvent, justement, dans les beaux quartiers. Il ne faudrait pas se laisser aller, pardonnez-moi l'expression, à une schizophrénie générale : certains se plaisent à dénoncer des quartiers décrits comme des zones de non-droit propices aux larcins, alors qu'il s'y passe des choses magnifiques, que nombre de leurs habitants veulent s'en sortir et ne pas montrer à leurs enfants qu'on peut gagner 300 ou 400 euros par jour sans travailler – c'est le drame de la République –, et ce sont les mêmes qui n'hésitent pas à faire venir le dealer du même quartier pour lui acheter en toute tranquillité un peu de coke ou de cannabis pour leur consommation quotidienne ou pour animer une soirée ! Il faut aussi pénaliser les consommateurs, et singulièrement ceux de certaines classes sociales, qui savent exactement ce qu'ils font, et qui encouragent les trafics qu'ils dénoncent à la télévision, voire par leur bulletin de vote. Il faut arrêter l'hypocrisie : non, la drogue n'est pas qu'un problème de quartiers difficiles. Ce n'est pas leur problème, c'est leur drame !
L'amende forfaitaire infligée au consommateur, et singulièrement au consommateur en col blanc, est peut-être symbolique, mais c'est une très bonne chose pour la République. Encore faudra-t-il la recouvrer, et je sais de mes fonctions précédentes que ce n'est pas évident. Mais nous allons nous en donner les moyens.
Pour ce qui est des mortiers, les feux d'artifice, vous avez raison, monsieur Rudigoz, ils pullulent : on s'en sert pour attaquer les forces de l'ordre, cela fout « le bordel » dans les quartiers, cela empêche les gens de dormir, cela blesse parfois. Faut-il les interdire complètement ? Cela paraît séduisant. Dans votre département, monsieur le député, le préfet a interdit leur vente, mais cela n'a pas suffi car c'était uniquement autour du 14 juillet. En outre, il ne faudrait pas interdire la vente de feux d'artifice par d'honnêtes artificiers, qui vivent du commerce des farces et attrapes qui réjouissent tant M. Rebeyrotte ! Il faudrait probablement cibler les ventes en ligne par le biais de sites étrangers – on va rarement chez son artificier pour acheter des mortiers afin d'attaquer la police. Réfléchissons ensemble à une solution : s'il faut en interdire la vente, il faut le faire partout, y compris en ligne, ce qui n'est pas si évident. Mais je partage votre souhait et je suis prêt à y travailler.
Monsieur Rebeyrotte, la nouvelle stratégie de prévention de la délinquance du ministère de l'intérieur, arrêtée en mars 2020, se décline en quatre priorités : travailler auprès des jeunes, pour les jeunes, afin de prévenir leur délinquance ; travailler pour les personnes vulnérables ; mobiliser les acteurs locaux ; organiser la gouvernance autour du préfet.
Il faut relancer les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD), pour travailler dans la proximité et le concret, au plus près de ceux qui connaissent le terrain et les dossiers. Nous devons travailler en confiance avec les élus. Les remontées des députés, circonscription par circonscription, seront vraiment bienvenues pour accompagner et amplifier cette stratégie de prévention de la délinquance.
Certains nous ont interrogés sur les cartes d'identité électroniques, imposées par le règlement européen de 2019. La délivrance des premiers titres est prévue à la fin du premier trimestre 2021 et la généralisation à l'été 2021, conformément au calendrier européen. Le ministre de l'intérieur et moi-même souhaitons y associer les élus et nous avons déjà pris l'attache de l'association des maires de France.
Monsieur Poulliat, vous m'avez interrogé sur l'éducation et la prévention de la consommation de stupéfiants. L'action de la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA) est fondamentale. Nous travaillons ardemment sur ce dossier. Cette nuit, lors de notre visite auprès d'une brigade anti-criminalité avec le Président de la République, le sujet a été longuement abordé et le Président, comme le ministre de l'intérieur, ont fait part de leur volonté farouche de lutter concrètement, au quotidien, contre les stupéfiants – je partage totalement ce que vient de dire le ministre de l'intérieur à propos de la consommation et des quartiers : nous avons pu constater hier, dans le 18e, le 19e et une partie du 20e arrondissement, le remarquable travail réalisé par les forces de l'ordre.
N'oublions pas, non plus, les actions pédagogiques extrêmement importantes de la police et de la gendarmerie nationales dans les écoles, qui œuvrent à la prévention de la délinquance grâce au dialogue et à la confiance qu'elles tissent avec les jeunes, comme dans les établissements de Seine-Saint-Denis, sous l'impulsion de Iannis Roder et d'autres enseignants. À croire ce que disent certains médias, tout devrait pourtant les opposer…
Il faut éduquer les acheteurs de stupéfiants. Gérald Darmanin l'a rappelé à l'instant : il n'y a pas de vendeurs s'il n'y a pas d'acheteurs. Au-delà du combat concret mené par les forces de l'ordre, c'est un combat culturel et éducatif que nous devons mener.
Madame la ministre déléguée, la France est le premier pays à verbaliser le harcèlement de rue depuis la loi du 3 août 2018. Vous m'aviez confié une mission d'évaluation et je mesure le chemin parcouru dans la lutte contre ce fléau. Les premiers résultats sont plutôt encourageants et déjouent les pronostics pessimistes de certains. Cela étant, il reste du chemin à parcourir, chaque témoignage nous le rappelle. La lutte contre ce fléau est d'abord un enjeu d'égalité, de liberté, mais c'est également un enjeu en termes de dignité.
Beaucoup de nos concitoyennes sont obligées de repenser leur façon de se vêtir et éprouvent un sentiment de peur en empruntant les transports. C'est révoltant et inacceptable. Madame la ministre, vous avez annoncé le lancement d'un plan national de lutte contre le harcèlement de rue, dit Angela : systématisation des arrêts à la demande, déploiement d'un réseau de lieux sûrs, etc. Pouvez-vous nous en indiquer les axes et les principales mesures ?
Je suis élue de Marseille, ville magnifique et fascinante, mais qui souffre d'un mal endémique : le trafic de stupéfiants. Au-delà des règlements de comptes qui font régulièrement la une des journaux, des milliers de personnes vivent, malgré elles, au rythme des trafics et des trafiquants. Beaucoup témoignent de leur résignation et de leur fatalisme ; c'est toujours difficile à accepter quand on est élue de la République. Avec les moyens limités dont ils disposent, les policiers œuvrent au quotidien pour lutter contre ce fléau. Je salue leur investissement, d'autant que leurs conditions de travail sont loin d'être faciles. En septembre 2019, le plan national de lutte contre les stupéfiants a été lancé depuis Marseille. Monsieur le ministre, vous étiez présent au titre de vos précédentes fonctions. Quels axes de ce plan allez-vous mettre en œuvre pour intensifier la lutte contre le trafic de stupéfiants ? Allez-vous actionner le levier de la saisie des avoirs criminels ? Tant que le crime continuera à payer, notre démarche demeurera vaine.
« J'ai encore appelé les pompiers : des pétards et feux d'artifice à n'en plus finir, de la fumée. Je suis resté sur le balcon. Je ne pensais même pas à fermer ma fenêtre, mais à rassurer une voisine, en dessous, très choquée. J'en tremble encore ce matin. J'espère qu'ils ne vont pas recommencer ce soir. C'est à craindre. Que la justice soit faite, mais les habitants n'y sont pour rien ».
Monsieur le ministre, c'est un des nombreux témoignages que j'ai reçus des habitants de ma circonscription. Des nuits durant, des tirs de mortiers d'artifice dirigés contre les forces de l'ordre ont terrorisé les habitants, les familles. Mais surtout, régulièrement, des policiers sont blessés. Comme mon collègue Thomas Rudigoz, je vous interroge : comment mettre fin à ce fléau ?
Ma deuxième question concerne un épisode de violence urbaine qui a duré plusieurs semaines dans ma circonscription et a abouti à l'incendie du poste de police de la dalle d'Argenteuil. Pouvez-vous garantir que ce poste sera rouvert dans les meilleurs délais afin de montrer que l'État et les services publics ne reculent nulle part ?
Vous avez égrené les violences subies par les représentants de l'autorité. Elles font froid dans le dos et ne font malheureusement pas l'objet de la même attention que d'autres faits : aucune tribune, aucune édition spéciale, aucune manifestation publique pour dénoncer les violences contre la police…
Vous soulignez que le refus d'obtempérer est statistiquement devenu monnaie courante, en totale contradiction avec le besoin sécuritaire exprimé par nos concitoyens. Incontestablement, le lien entre les citoyens et les forces de l'ordre est complexe, voire distendu par endroits. Nul ne sait vraiment comment retisser la relation.
La mission d'information sur l'émergence et l'évolution des différentes formes de racisme a auditionné des chercheurs qui se sont penchés sur cette délicate question. Loin des caricatures, ils nous ont transmis beaucoup d'éléments intéressants. Leurs études démontrent que la police française n'est pas raciste ; nous le savions, mais il est important que des études le confirment. Bien sûr, la police déplore quelques personnels racistes, comme la société française. En revanche, certaines pratiques, tout à fait justifiées par les besoins de service et parfaitement légitimes, semblent dégrader la confiance que certains ont dans la police : ils se sentiraient – au conditionnel – discriminés.
Comment lutter contre ces refus d'obtempérer ? Sont-ils uniformes sur tout le territoire ? Comment retisser le lien police-citoyens ? Certes, il faut être ferme, mais ne faudrait-il pas également évaluer l'efficacité de certaines pratiques ?
Dans votre propos introductif, vous avez évoqué les expérimentations visant à donner plus de compétences aux polices municipales. La demande n'est pas nouvelle et a fait l'objet de travaux de notre commission. Je souhaite vous interroger sur la réactivité de l'administration pour doter les forces de police nationale et de gendarmerie des moyens nécessaires à l'exercice local de leurs missions. Ainsi, dans ma circonscription, la fédération des chasseurs a fourni des dispositifs de captation d'images qui ont pu être utilisés pour lutter contre certaines formes de délinquance ; une collectivité territoriale a acheté un dispositif bien utile à la gendarmerie, afin de filmer un endroit précis, ainsi que l'ordinateur permettant d'exploiter les images. Pour faire face aux incivilités routières, comme le bruit de certains usagers sur la route des Crêtes par beau temps, les forces de l'ordre devraient disposer d'un sonomètre, mais il leur est difficile de l'acquérir car il répond davantage à une priorité locale qu'à une stratégie nationale et le processus administratif pour acheter ce type d'équipement est parfois compliqué.
Madame la ministre, j'ai apprécié que vous rappeliez que la laïcité n'a pas besoin d'adjectif. C'est une liberté garantie par la République : celle de croire ou de ne pas croire. Mais sa mise en œuvre peut différer sur le territoire de la République car différentes façons de pratiquer la laïcité coexistent : dans nos outre-mer, en Alsace Moselle où la loi de 1801 est toujours en vigueur, dans nos aumôneries militaires, voire dans nos prisons. Comment l'abordez-vous ?
Tous les territoires ne sont pas égaux face aux problèmes sécuritaires. Outre-mer, l'insécurité peut avoir des causes exogènes – ainsi en Guyane et à Mayotte – mais elle est aussi liée à leur fragilité sociale et à leur configuration. Elle y est plus forte qu'ailleurs. Quelle politique entendez-vous mener en la matière ?
Il y a quelques jours, à l'occasion de la commémoration de la rafle du Vél'd'Hiv', le nouveau maire Europe Écologie-Les Verts de Colombes comparait les forces de l'ordre à la police de Vichy. J'ai entendu votre réponse lors de la séance de questions au Gouvernement. Vous avez porté plainte et je vous en remercie. À Grenoble, un conseiller municipal s'adonne régulièrement à des rapprochements honteux, comparant des élus de la majorité et le Président de la République lui-même au régime de Vichy : « Macron, c'est le régime de Vichy avec le sourire Colgate ». Il vient d'être nommé conseiller délégué à l'histoire de Grenoble…
Ces deux élus insultent la mémoire des victimes du régime de Vichy et les institutions de la République, ainsi que ses policiers et ses élus. Comment faire pour lutter contre ces excès inacceptables ?
À Grenoble, depuis un mois, on a compté un mort par balle, deux tentatives de meurtre et des échanges de coups de feu, tous liés au trafic de stupéfiants. Des enquêtes sont en cours ; il faut donc rester prudent. Vos prédécesseurs, Gérard Collomb et Christophe Castaner, ont doté la police nationale de Grenoble de moyens techniques, organisationnels et humains supplémentaires. De son côté, le maire de Grenoble n'a de cesse de renvoyer la responsabilité de la sécurité vers l'État. Au-delà de ces postures politiciennes, comment répondre à ce fléau qui gangrène Grenoble ?
Pour conclure, je tenais à vous faire part de ma fierté d'être députée de la troisième circonscription de l'Isère dans laquelle deux enfants ont été sauvés des flammes la semaine dernière en sautant par la fenêtre ; récupérés par de jeunes habitants après treize mètres de chute – certains s'en sont cassé les bras. Vous avez certainement vu ces images. Le quartier de La Villeneuve à Grenoble, ce n'est pas seulement le discours de Sarkozy en 2010, c'est aussi la solidarité et l'héroïsme. J'ai rencontré ces jeunes vendredi dernier : les échanges étaient simples, sincères, humbles. J'ai été très impressionnée et je tenais à en témoigner.
Lors d'un récent déplacement au sein d'une compagnie de gendarmerie de ma circonscription, j'ai été interpellée sur le cadre juridique régissant les caméras de vidéoprotection embarquées. Dans un rapport d'information de 2008 sur la vidéosurveillance, le Sénat évoquait le développement de la vidéosurveillance mobile afin de sécuriser les policiers et les gendarmes et de fournir à l'autorité judiciaire des précisions sur les conditions d'une interpellation. De plus en plus de véhicules des forces de l'ordre sont équipés de caméras embarquées.
Si les dispositifs de vidéoprotection fixe bénéficient d'un encadrement juridique bien défini, ce n'est pas le cas des systèmes mobiles dont l'utilisation, qui peut être soumise à des autorisations préfectorales, ne fait pas l'objet de normes spécifiques, comme le précisait la réponse apportée par l'un de vos prédécesseurs à la question de ma collègue Michèle de Vaucouleurs en 2017. Ainsi, en Isère, les caméras piétonnes et les drones pourraient être autorisés, mais pas les caméras embarquées dans les véhicules des forces de gendarmerie. Peut-on envisager le développement de ces équipements, et sécuriser juridiquement leur utilisation ?
Votre prédécesseur avait évoqué la possibilité de mettre en place un groupe de travail sur les modalités de vote, notamment le vote électronique, afin de prendre en compte les progrès dans le domaine de l'identité numérique – l'Assemblée nationale a récemment remis un rapport sur le sujet. Reprenez-vous à votre compte cet engagement de travailler sur cette question ? Il faut développer les modes de consultation afin que les citoyens retrouvent le chemin des urnes.
Lors des débats sur le projet de loi relatif à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique, nous avions évoqué la parité aux élections municipales et proposé d'en abaisser le seuil. La disposition généralisant la parité a été supprimée lors de la commission mixte paritaire, mais nous avions collectivement pris l'engagement d'étudier les voies et moyens d'un meilleur accès des femmes aux fonctions électives et exécutives. Quel est votre point de vue ? Êtes-vous prêt à travailler avec la commission des Lois de l'Assemblée nationale pour que nous avancions rapidement, en vue des prochaines échéances électorales ?
La drogue est partout sur le territoire national, pas simplement dans les grandes villes, mais aussi dans les zones rurales. Son trafic fait vivre beaucoup de gens, rapporte beaucoup d'argent et pourrit le pacte républicain. Ce n'est pas propre à la France.
Nous la combattons quotidiennement, avec des résultats très significatifs, mais qui méritent d'être amplifiés. Mon prédécesseur a mis en place l'office anti-stupéfiants (OFAST). S'agissant du financement et des saisies, le ministère des comptes publics joue un rôle très important : fisc, douanes, accès à l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC) pour les saisies, en partenariat avec le ministère de la justice.
Les membres de l'OFAST ont été nommés. Il s'agit désormais d'entrer dans la phase active – à la fois répression des trafics de drogue et déstabilisation administrative. L'État et la République doivent se défendre ; ils en ont tous les moyens, notamment des moyens de contrôle financier. C'est le travail de TRACFIN, parfois celui du fisc. C'est également la mission des douanes, en lien avec la police nationale et la gendarmerie.
Vous avez mille fois raison sur les saisies : il faut avant tout que le législateur et le Gouvernement simplifient les procédures de saisie pour récupérer les éléments financiers nécessaires aux saisies sur le territoire national – à l'extérieur, elles sont encore plus difficiles… Nous devons être très pragmatiques afin de faciliter l'intervention des forces de police et des contrôleurs financiers et, ainsi, protéger la République.
Nous savons très bien qu'il est plus facile de toucher les trafiquants par le portefeuille. Quelques années de prison ne les gênent pas vraiment : elles font même partie de leur cursus honorum … Mais la saisie des biens financiers et immobiliers mal acquis, c'est autrement plus efficace.
Pour ce qui est des mortiers, madame Lazaar, il faut agir très vite. Les désagréments – c'est un euphémisme – subis par les habitants de votre circonscription sont inacceptables. En outre, ils affectent souvent la vie quotidienne des familles les plus populaires, qui n'est déjà pas simple.
Vous m'avez saisi et j'ai bien reçu votre lettre concernant le commissariat de la « dalle » d'Argenteuil : je me rendrai à votre invitation. Il n'y a pas de raison que des commissariats restent fermés dans les quartiers de la République. C'est très bien d'ouvrir des Maisons France services pour faciliter l'accès aux services publics. La police en fait partie : elle n'a pas qu'une fonction de répression, mais prodigue également conseils et protection. Fermer un commissariat, c'est reculer. C'est pourquoi nous le rouvrirons dans votre ville d'Argenteuil. Je salue votre engagement puisque vous m'avez saisi du dossier dès ma nomination.
Madame Abadie, vous m'interrogez sur le lien « distendu » entre la population et la police. Les commentateurs devraient être moins caricaturaux car les policiers et les gendarmes sont issus de la population. Ce sont des soldats pour la guerre, comme les militaires. On ne compte plus les gens dont la fille est gendarme ou le fils CRS et qui suivent, sur les boucles WhatsApp, ce que vivent leurs enfants en action sur le terrain : ils sont les premiers à s'inquiéter des troubles à l'ordre public ou de leurs difficultés. La population souffre à l'unisson de la police.
Nous sommes tous un peu latins et aimons parfois contester l'autorité de l'État, mais cela n'empêche pas de considérer que la police fait son travail – et elle n'a pas toujours le beau rôle en rappelant la loi. Le refus d'obtempérer et la crise de l'autorité sont beaucoup plus inquiétants : désormais, on refuse jusqu'à l'idée que quelqu'un qui dispose de l'autorité soit légitime pour l'exercer ! En zone rurale, là où opère la gendarmerie, on constate un refus d'obtempérer par heure et c'est loin d'être uniquement le fait de personnes qui viendraient des quartiers ou de multirécidivistes. Parfois, c'est une maman avec ses deux enfants à l'arrière du véhicule qui refuse de s'arrêter quand le gendarme le lui demande, et il arrive même qu'elle l'écrase ou le renverse ; c'est un salarié, au retour de sa journée de travail, qui s'énerve et insulte, voire menace. Ce n'est plus seulement le fait de spécialistes de la contestation.
La France est malade de son insécurité, mais cela va de pair avec la contestation de l'autorité, qui ne serait plus légitime selon certains. Quand j'entends le mot « violences policière », je m'étouffe… Certes, la police exerce une violence, mais c'est une violence légitime – relisez Max Weber. Bien sûr, elle doit le faire de manière proportionnée et encadrée ; si quelques-uns ne respectent pas les règles déontologiques ou dérivent, la sanction doit être immédiate. Si ce n'est pas le cas, il est légitime que la presse, les syndicats, les parlementaires alertent la hiérarchie policière et le ministre de l'intérieur.
Mais il est normal que les policiers et gendarmes soient armés et interviennent par la force pour que force reste à la loi de la République, et pas à celle des bandes ou des communautés. On ne peut pas comparer les violences. L'exercice de la force par la police est légitime ; l'usage de la force par les autres ne l'est pas.
La crise de l'autorité vient de loin. Les clés de la réponse à votre question sont dans le trousseau du ministre de l'éducation nationale. Le ministère de l'intérieur arrive en bout de chaîne… Nous devons travailler pour les générations actuelles et notre réforme la plus importante depuis trois ans est celle du dédoublement des classes. Quand on s'occupe des enfants de maternelle, je suis sûr qu'à la fin, la police aura un peu moins de travail… Je n'ai pas un discours angélique : il y aura toujours des gens qui, malgré une bonne éducation, seront violents ou trafiquants et qu'il faudra sanctionner. Mais quand on a peu de vocabulaire, qu'on n'a jamais connu l'autorité quand on était enfant, qu'on a été excusé sur tout et à tout moment, la crise de l'autorité arrive entre quinze et vingt-cinq ans. Les crédits très importants octroyés au ministre de l'éducation nationale et la politique que nous menons permettront peut-être au ministre de l'intérieur d'avoir un peu moins de travail dans quinze ou vingt ans, et d'être un peu moins réveillé la nuit – je découvre la beauté de la fonction !
Vous avez raison, il faut évaluer toutes les pratiques : le ministère comme les parlementaires doivent le faire. De manière générale, il faut savoir évaluer les politiques publiques.
Vous m'interrogez sur les outre-mer. Votre question est très intéressante car la politique est dans ce cas copartagée avec des territoires très différents : entre le Pacifique, Saint-Pierre-et-Miquelon, Mayotte, les Antilles et la Guyane, ce n'est pas si simple. Dans les territoires ultramarins, les policiers et les gendarmes exercent dans des conditions extrêmement difficiles. Avec le ministre des outre-mer, nous organisons une unique chaîne de commandement, sous l'autorité des préfets. Cela doit se faire en lien avec la population. Beaucoup d'entre vous nous sollicitent d'ailleurs pour que les policiers ultramarins puissent être affectés dans leur territoire de naissance ou familial. Nous devons également veiller au respect efficace de l'autorité de la République dans certains petits territoires.
En Guyane, et plus récemment à la Martinique, des policiers et des gendarmes ont connu les difficultés que vous évoquez et ils méritent notre soutien et notre visite – nous aurons l'occasion d'en reparler.
Concernant Colombes, j'en profite pour répondre à M. Ciotti et à Mme Chalas. Faut-il révoquer le maire ? Les opinions doivent se combattre et je les combats lorsqu'elles sont hideuses, ignobles, à vomir. Je n'entends pas me substituer à l'action de la justice, mais je compte bien que la plainte que j'ai déposée prospère. C'est la justice qui le dira. Je ne pense pas qu'il faille révoquer un maire pour ces propos, qui le décrédibilisent politiquement et pour lesquels il est déjà politiquement condamné – ce n'est pas très agréable d'entendre parler de soi en ces termes en commission des Lois. Il vaut mieux réserver cet acte, extrêmement fort, à des agissements totalement contraires aux lois de la République. En l'espèce, ce maire a été élu par la population et sa légitimité est incontestable.
À l'inverse, s'il arrivait que des maires prennent des actes impliquant la non-égalité entre les femmes et les hommes dans les services publics municipaux, totalement contraires aux valeurs fondamentales de la République, ou prônent une forme de communautarisme contraire à nos principes, et si ces actes sont documentés, j'ai demandé aux préfets de me le faire savoir afin que nous puissions proposer la révocation de ces édiles en conseil des ministres.
Je condamne également les propos du conseiller municipal de Grenoble qui dispose désormais d'une délégation. J'ai pu les lire sur les réseaux sociaux. Si ses propos sont avérés, ils sont tout aussi hideux et ignobles que ceux du maire de Colombes et il appartiendra aux autorités du territoire grenoblois – à commencer par le maire – et de l'Isère de prendre des dispositions. Mais je ne voudrais pas me substituer à leur action.
Vous avez parlé d'insécurité. Lorsque des maires refusent d'installer des caméras de vidéoprotection, lorsqu'ils trouvent des excuses à tout, lorsqu'ils acceptent la politique des grands frères, ils ne peuvent se tourner vers l'État cinq ou dix ans plus tard et réclamer son intervention ou plus de moyens. On ne peut reprocher aux autres ce qu'on ne fait pas soi-même… J'ai eu l'occasion de vous écouter au conseil municipal de Grenoble – non pas par passion pour la vie politique locale, mais par hasard : vous avez eu raison de rappeler ces évidences à M. le maire.
Qu'elles soient installées sur des drones, piétons ou dans des voitures, les caméras mobiles posent de sérieux problèmes juridiques. La CNIL vient d'effectuer un contrôle concernant les drones à la préfecture de police de Paris. Actuellement, ils sont assimilés à des hélicoptères… Il faut simplifier cela. Ces images aident grandement au maintien de l'ordre, permettent de retrouver des enfants disparus et les polices municipales devraient pouvoir les utiliser à partir du moment où tout le monde a accès aux images.
Je ne suis pas défavorable à des caméras embarquées dans les voitures, mais quelle serait la finalité ? Actuellement, les images des caméras piétonnes que portent les policiers nationaux ne peuvent pas directement servir. Ainsi, si je fais une intervention avec la patrouille de Tourcoing et qu'un acte délictueux est commis, je ne peux pas me servir de ces images pour écrire mon rapport ; je peux juste les donner à l'autorité judiciaire. Je ne peux pas non plus les utiliser pour faire la contre-communication dont la police aurait parfois bien besoin : sur Twitter ou Facebook, on trouve toujours les quinze secondes qui gênent le policier ou le gendarme – où il fait parfois usage de la violence – mais jamais les quinze secondes d'avant ou d'après ! Il ne s'agit pas d'excuser, mais de comprendre. S'agissant de dispositions législatives, vous pourriez améliorer le dispositif, tout en continuant à l'encadrer – en floutant par exemple les personnes.
Quand les policiers ou les gendarmes interviennent, ils se retrouvent parfois avec un téléphone portable à cinq centimètres de leur visage, on les filme à tout moment, ils sont sous une pression permanente. De nombreuses personnes interviennent alors qu'elles n'ont parfois rien vu et, au lieu de les soutenir ou au moins de rester neutres, s'agglutinent et filment comme dans un mauvais épisode de Black Mirror. Cela peut amener à commettre des gestes déplacés, bien légitimement reprochés, mais on oublie cette pression qui n'est pas légitime dans une République. Ces vidéos et ces caméras permettraient donc de protéger les policiers et les gendarmes, et de mieux expliquer les faits.
Cela pourra peut-être faire l'objet de dispositions législatives suite au Livre blanc, madame la présidente. Nous pourrons peut-être également l'évoquer lors des débats sur la proposition de loi de Mme Alice Thourot et M. Jean-Michel Fauvergue.
Madame Louis, vous avez raison de rappeler que la France est le premier pays au monde à verbaliser le harcèlement de rue, et bon nombre de pays nous observent avec intérêt. D'autant que, les commissaires aux lois s'en souviennent et particulièrement les membres du groupe de travail qui avait préparé ce texte, bien des gens assuraient que les forces de l'ordre ne s'intéresseraient pas à ce genre de délit et qu'aucun policier ou gendarme au monde ne se risquerait à le verbaliser… Or pas moins de 1 610 contraventions ont été dressées, partout sur le territoire, pour protéger les femmes du harcèlement de rue. La sécurité, c'est la première des libertés, et cela vaut particulièrement pour les femmes et pour les personnes fragiles : quand on ne peut pas circuler librement dans l'espace public, il n'y a plus de liberté. Les forces de l'ordre protègent les femmes dans leur liberté d'aller et venir comme bon leur semble, dans le quartier qu'elles souhaitent, dans la tenue de leur choix et à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit. J'aurai plaisir à me rendre prochainement à Marseille afin que vous me présentiez vos travaux d'évaluation de cette loi ; nous verrons, avec le ministre de l'intérieur et le Garde des Sceaux, comment nous pouvons ajuster sa mise en œuvre afin d'en faire davantage encore une réalité et de mieux combattre le harcèlement de rue.
Vous avez fait mention du plan Angela que j'ai lancé dans mes précédentes fonctions, mais qui concerne également d'autres ministères, à commencer par celui des transports : un décret sera prochainement pris par Jean-Baptiste Djebbari pour autoriser l'arrêt à la demande dans les transports en commun et concrétiser ainsi un engagement du Président de la République. Pour ce qui concerne le ministère de l'intérieur, vous pouvez être assurée de notre engagement, notamment sur le développement du réseau de lieux sûrs.
Enfin, madame la présidente, nous sommes évidemment ouverts à un travail commun avec tous les députés sur la question de l'accès des femmes aux fonctions électives et plus généralement du réengagement de chacun dans le processus démocratique et électoral. Vous connaissez mon attachement constant à la parité, qui n'est somme toute qu'un compromis dans la mesure où les femmes représentent déjà 52 % de la population… Vous pouvez compter sur mon soutien, comme sur celui du ministre de l'Intérieur, qui a lui-même engagé un travail sur la parité au sein du ministère.
Monsieur le ministre, qu'en est-il des projets de loi organique et ordinaire relatifs à la réduction du nombre de parlementaires et à l'instauration de la proportionnelle ?
Je comprends que dans une enceinte parlementaire le sujet puisse intéresser… Pour l'instant, le Président de la République et le Premier ministre ne nous ont pas demandé de travailler sur un changement du mode de scrutin dans quelque élection que ce soit.
En guise de conclusion, je voudrais citer des grands auteurs, en l'occurrence le président de l'Assemblée nationale, Richard Ferrand, qui rappelait, le 15 février dernier, cette phrase de l'historienne Mona Ozouf : « L'ensauvagement du langage annonce, prépare et fabrique l'ensauvagement des actes. » Je ne saurais mieux terminer cette audition.
Je vous remercie, monsieur le ministre, madame la ministre déléguée, pour cet échange qui aura duré près de trois heures.
La réunion se termine à 20 heures 20.
Information relative à la Commission
La Commission a désigné M. Erwan Balanant, rapporteur, et M. Stéphane Peu, rapporteur d'application, sur le projet de loi organique relatif au Conseil économique, social et environnemental (n° 3184).
Membres présents ou excusés
Présents. - Mme Caroline Abadie, M. Pieyre-Alexandre Anglade, Mme Laetitia Avia, M. Erwan Balanant, Mme Yaël Braun-Pivet, M. Xavier Breton, Mme Émilie Chalas, M. Éric Ciotti, M. Éric Diard, Mme Nicole Dubré-Chirat, Mme Isabelle Florennes, M. Raphaël Gauvain, M. Guillaume Gouffier-Cha, Mme Émilie Guerel, M. Dimitri Houbron, M. Sacha Houlié, Mme Élodie Jacquier-Laforge, Mme Marie-France Lorho, Mme Alexandra Louis, M. Fabien Matras, M. Stéphane Mazars, M. Ludovic Mendes, M. Jean-Michel Mis, Mme Naïma Moutchou, Mme Valérie Oppelt, M. Stéphane Peu, M. Jean-Pierre Pont, M. Éric Poulliat, M. Aurélien Pradié, M. Bruno Questel, M. Rémy Rebeyrotte, M. Thomas Rudigoz, M. Antoine Savignat, M. Raphaël Schellenberger, M. Jean Terlier, Mme Cécile Untermaier, M. Arnaud Viala, Mme Laurence Vichnievsky, M. Guillaume Vuilletet
Excusés. - M. Philippe Dunoyer, M. Mansour Kamardine, Mme Maina Sage
Assistaient également à la réunion. - M. Pierre Cordier, M. Pierre-Henri Dumont, Mme Paula Forteza, Mme Fiona Lazaar, M. Christophe Naegelen, M. Aurélien Taché, M. Philippe Vigier, M. Michel Zumkeller